"L'Amour de Soi" est elle une notion spinoziste ?

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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QueSaitOn
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Messagepar QueSaitOn » 25 août 2010, 10:35

Oui, vous avez raison, et désolé pour mon manque de rigueur. De plus, je me suis écarté peut être du sujet initial.

Cela dit, j'aurais pu écrire que l'alignement des phrases (même dans une lettre, en particulier de celle d'un poète) ne consiste pas qu'en une simple traduction littérale. Si "Je est un autre" signifie littéralement "On me pense", l'histoire n'aurait pas retenue cette formule. Mais bien sur, l'histoire a ses caprices ... La progression dans un texte n'est pas équivalente à la simple traduction d'une même pensée (bon, Ok il est vrai qu'il y a par exemple des redondances chez Victor Hugo). Et même lorsqu'elle prétend l'être, le langage veut plus "dire" que ce que nous voulons, car la "chose" (le langage) se développe pour partie extérieurement à nous, en discontinuité avec notre propre expérience.

Et donc en quoi "on me pense" est il spinoziste ?

cordialement

Pourquoipas
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Messagepar Pourquoipas » 25 août 2010, 15:14

QueSaitOn a écrit :Oui, vous avez raison, et désolé pour mon manque de rigueur. De plus, je me suis écarté peut être du sujet initial.

Cela dit, j'aurais pu écrire que l'alignement des phrases (même dans une lettre, en particulier de celle d'un poète) ne consiste pas qu'en une simple traduction littérale. Si "Je est un autre" signifie littéralement "On me pense", l'histoire n'aurait pas retenue cette formule. Mais bien sur, l'histoire a ses caprices ... La progression dans un texte n'est pas équivalente à la simple traduction d'une même pensée (bon, Ok il est vrai qu'il y a par exemple des redondances chez Victor Hugo). Et même lorsqu'elle prétend l'être, le langage veut plus "dire" que ce que nous voulons, car la "chose" (le langage) se développe pour partie extérieurement à nous, en discontinuité avec notre propre expérience.

Et donc en quoi "on me pense" est il spinoziste ?

cordialement


Vite fait, car je dois y aller là.
Non, vous êtes en plein dans le sujet initial ; il s'agit bien du "soi", du "moi-même", du "je", non ? Qu'on l'aime ou le haïsse (sur ce dernier point, rude question, que Louisa et moi commençons à peine à effleurer... :) ).
Quand Rimbaud dit "On", j'y lis le Dieu de Spinoza, Dieu qu'il s'efforce de dé-personnaliser (ni sentiments, ni même volonté ou entendement, qui ne sont que des productions, les premières certes (ce qu'on appelle le "mode infini immédiat" de l'attribut Pensée traditionnellement), et infinies et éternelles.
Quand "on" pense, c'est l'entendement de Dieu qui pense, même quand on pense inadéquatement (dans "pense", j'inclus tous les sentiments, des plus basiques - rage de dents ou plaisir de voir un bon film - aux idées dites plus "élevées" - pénétrer le sens du mot "éternité" chez Spinoza ou Thomas d'Aquin, ou comprendre qqch à la pensée de Martin H., par exemple). La différence (qui n'est pas mince) est que Dieu-entendement sait que nos pensées sont inadéquates, et pourquoi, et comment (puisqu'il est LE SEUL à connaître tout l'enchaînement des causes et des effets), la principale caractéristique de l'idée inadéquate étant qu'elle est partielle, mutilée, puisque nous sommes fort ignorants, et ce nécessairement puisque nous sommes des productions finies, et ce nécessairement. Etc.

Aussi, pour revenir à votre question, il me semble que le pronom le plus juste pour désigner Dieu est "on", "ça", etc. (des pronoms neutres), qui ont l'avantage linguistique de nous éloigner d'une quelconque personnalisation de Dieu, qui est (comme nous tous d'ailleurs) une chose, pensante, étendue, etc. (cet "etc." est infini) - voir partie II, prop. 1 et 2.

On peut bien sûr voir ce "on me pense" d'une façon psychanalytique, sociologique, marxiste, etc. Pourquoi pas ? Mais bon, je vous donne un peu en vrac les réflexions qui me sont venues en vous lisant.
Quant à commenter le texte de la lettre, j'en suis bien incapable (et chapeau à un prof s'il y est parvenu ! si vous en connaissez, dites-le-moi...). N'oubliez pas non plus qu'il s'agit d'une lettre entre gens qui se connaissent bien, et d'un adolescent à un adulte, et qui donc se parlent sur un ton et se disent des choses compréhensibles pour eux deux seulement, et sans doute Izambard en a discuté avec lui ensuite. On ne peut donc traiter cette lettre comme un poème destiné à être lu par tout un chacun, ou comme les lettres de Descartes ou de Spinoza, qui circulaient dans le cercle de leurs amis intellectuels. De toute évidence, Rimbaud n'écrit pas là pour la postérité, comme Gide par exemple, ou des célébrités contemporaines, qui savent que leurs lettres seront lues et peut-être éditées après leur mort (sinon avant !)...

S'il y a critiques, n'en faites pas trop pleuvoir : il y en a eu assez en ce mois d'août !!! :D Ah là là, y'a pus d'saison (ni en enfer, ni au paradis) !

Portez-vous bien.

PS - Quand je pense que j'avais dit "Vite fait" pour commencer. Mais il m'arrive d'être un incorrigible bavard. Dommage, mais je ne crois pas que Ferré ait mis en musique et chanté ce poème : si je le trouve, je vous envoie le lien.
And now, shut up, JF !!!

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Messagepar QueSaitOn » 25 août 2010, 16:51

En fait, à y regarder de plus près, les deux formulations se complètent:

ON me pense
JE EST UN AUTRE

Le prédicat de la première formulation devient le sujet de la seconde. Et vice versa. La dépersonnification du Dieu-Nature est contenue - pour partie, car il s'agit aussi du mental clivé comme le rappelle AugustinJeCrois - dans "est un autre". La dynamique de la Pensée ("me pense") devient le sujet de la deuxième proposition.

Mais cette fois figée dans le "je" (passage du concept tel que défini dans l'Ethique au mot ou plutôt passage de l'idée de concept de mouvement au mot figé "je". Puisqu'il s'agit du signifié dans l'esprit du poète, et non pas du signifiant ).

Cette hypothèse du "On" divin au sens du Dieu Nature semble renforcée par la phrase qui précède:
"Il s'agit d'arriver à l'inconnu par le dérèglement de tous les sens. Les souffrances sont énormes, mais il faut être fort, être né poète, et je me suis reconnu poète. Ce n'est pas du tout ma faute. " C'est à dire "deviens ce que tu es" ou bien selon l'Ethique "être cause de soi", même si comme le précise Rimbaud cela passe par la souffrance (si je me souviens Spinoza le dit quelque part, un "mauvais" nécessaire pour arriver au "bon"). Car qu'est ce qu'être poète, sinon tenter de parvenir à l'adéquation entre les idées et le monde. Il y a donc bien du Dieu caché dans ce "on", dans cet "autre".

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Messagepar Shub-Niggurath » 31 août 2010, 19:23

Sur l'éternité, désolé de n'en rien dire, mais je ne sais pas ce que c'est.


L'éternité pour Spinoza c'est l'existence infinie. "Cette existence infinie je l'appelle Eternité" (Pensées métaphysiques, 2eme partie, chapitre premier).

C'est toujours la notion d'infini que nous retrouvons, que l'on s'encrapule ou se sanctifie, l'infini est à portée de main. Pauvre Rimbaud qui croyait avoir perdu l'éternité !

Quant à moi, je m'aime autant que Dieu s'aime lui même, mais un peu moins absolument quand même, il ne faut pas exagérer...


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