"L'Amour de Soi" est elle une notion spinoziste ?

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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QueSaitOn
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"L'Amour de Soi" est elle une notion spinoziste ?

Messagepar QueSaitOn » 14 août 2010, 19:57

Bonjour amis internautes,

Cela fait maintenant 2 ans que j'ai fait la connaissance de Spinoza à travers son maître livre.

Depuis je en cesse de mesurer mes expériences à l'aune de ce grand livre, ou du moins d'y puiser des éléments de réflexion en rapport avec la vie quotidienne.

Ma question porte sur ceci: dans une optique spinoziste, la notion d'"amour de soi" a t-elle un sens ?

Spinoza dit quelque part qu'on peut être cause de sa propre joie, mais il appelle cela la "satisfaction de soi" . Spinoza semble toujours définir l'amour comme un affect lié à une séparation.

Autrement dit, dire que "l'on s'aime" (et je ne fais pas partie de ceux qui le disent , ni le sens, une telle formulation semble par trop égocentrique), est ce réaliste ?

Et que ditre d'un artiste qui éprouve la joie d'une epxérience intérieure ?

Au passage: une bonne claque aux sites de rencontres où certaines personnes revendiquent souvent cet "amour de soi"... narcissisiem quand tu nous tiens.

Merci,
cordialement

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(j'oubliais)

Messagepar QueSaitOn » 14 août 2010, 20:10

Essai


A l'inverse, en prenant l'exact contrepoint de cette proposition, ne peut on dire que l'on puisse aimer, par exemple, une pierre ou un arbre (si l'on éprouve une joie qu'accompagne l'idée de cette pierre ou de cet arbre comme cause).

N'est ce pas un peu ridicule de concevoir l'amour selon cette définition finalement (que je trouvais belle pourtant) ?

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Louisa
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Messagepar Louisa » 14 août 2010, 23:33

Bonjour QueSaitOn,

à mon sens, si "l'amour de soi" perd sa connotation morale péjorative d'égoïsme chez Spinoza, c'est parce que sa définition de l'amour n'a plus rien de "morale".

L'Amour pour quelque chose, dans le spinozisme, c'est ce qu'on ressent au moment où notre puissance augmente (= "Joie") ET qu'on a l'idée que c'est cette chose qui a causé l'augmentation.

Or, chaque fois qu'on a une nouvelle idée vraie, notre puissance augmente, mais pour être vraie, il faut que ce soit "ma nature" qui a produit cette idée, qui en est la cause. Par conséquent, chaque fois qu'on a compris quelque chose, on ne peut que s'aimer.

Inversement, la connotation (en général plutôt positive) "d'altruïsme" que certains attachent à l'idée d'aimer quelqu'un disparaît également. On n'aime que ce dont on pense que cela a été la cause d'une de nos Joies. Il n'y a donc plus d'amour "désintéressé".

Spinoza distingue de cela un certain type d'amour plus étrange (et dont il dit qu'on peut à peine l'appeler "amour"), qui est celui qui accompagne la connaissance du troisième genre. Dans ce cas, on comprend quelque chose de plus particulier d'une chose (chose qui peut être nous-même ou nous-même et une chose extérieure à nous): on comprend que c'est Dieu qui l'a causée, qui l'a voulue exactement telle qu'elle est, que son essence était de toute éternité nécessaire. On comprend qu'ainsi, en tant que partie nécessaire de la Nature (ou de Dieu), elle est "du Dieu" elle aussi, comme le dit Bernard Pautrat.

La différence avec le premier type d'amour c'est que l'amour "ordinaire" est passager: lorsque la chose a produit son effet sur nous puis disparaît, l'effet disparaît aussi. L'augmentation de puissance que l'on a senti n'était donc pas vraiment "durable". Dans le cas du deuxième type d'amour en revanche ("l'Amour intellectuel de Dieu"), on lie systématiquement l'augmentation de notre puissance à l'idée d'une cause qui elle est éternelle: Dieu. Cette cause par définition ne peut pas disparaître, donc l'augmentation de notre puissance dans ce cas-ci est "durable".

C'est pourquoi il est plus dans notre intérêt d'aller à la recherche du deuxième type d'amour, plutôt que de se concentrer maximalement sur le premier.

Or, s'aimer soi-même peut faire parfaitement partie du deuxième type d'amour: il suffit de penser à soi-même en tant qu'on est causé par Dieu et donc "du Dieu" nous aussi, pour ressentir un amour de soi beaucoup plus stable que si l'on s'aime juste parce qu'on vient de causer une idée vraie quelconque. Plus même: toute idée ou amour de ce genre se base nécessairement sur l'idée de nous-même comme causé par Dieu ou étant "du Dieu", donc chaque fois qu'on aime une chose hors de nous de ce deuxième type d'amour, on s'aime nécessairement soi-même de ce deuxième type d'amour aussi. Dans ce cas-ci, aimer une chose c'est nécessairement aussi s'aimer soi-même.

Bref, on en profite deux fois ... :D

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Messagepar QueSaitOn » 15 août 2010, 01:24

Merci de votre réponse,

Mais il me semble que la manière dont Spinoza définit l'amour exclut le "soi" justement ("cause extérieure").

A aucun moment dans l'Ethique, il n'est question d'amour de soi. Il mentionne la "satisfaction de soi". Est ce pour parer à l'avance toute accusation d'athéisme (car s'aimer soi même, à cette époque, enfin dit de cette manière, valait peut être reniement de Dieu).

Ou alors effectivement, si je comprends bien, dans le cas du "soi", la "cause extérieure" est le Dieu enveloppant, cause aussi du soi. D'où l'équivalence ente l'amour de soi et celui de Dieu.

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Messagepar QueSaitOn » 15 août 2010, 01:33

Ok je me reprends, je crois que je comprends mieux: cet amour de "soi" n'est pas une tautologie. Il correspond à la distinction pour le "soi" entre nature naturante et nature naturée. L'amour de soi serait l'amour de soi en tant que partie du monde (causé par Dieu), c'est à dire l'amour de Dieu.

En quelque sorte, je m'avance peut être un peu là, le "Je est un autre " de Rimbaud ..

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Messagepar Louisa » 15 août 2010, 06:54

QueSaitOn a écrit :A aucun moment dans l'Ethique, il n'est question d'amour de soi. Il mentionne la "satisfaction de soi".


si, dans le scolie de la proposition 55 de la troisième partie (E3P55):

Spinoza a écrit :(...) et la Joie qui naît de la contemplation de nous-même, Amour-Propre ou bien Satisfaction de soi-même.


Il est vrai que Spinoza définit l'amour comme Joie accompagnée de l'idée d'une cause extérieure, alors que dans le cas de la satisfaction de soi, il s'agit d'une Joie accompagnée d'une cause dite "interne" (E3P30 scolie). C'est la raison pour laquelle il dit qu'il préfère ne pas parler d'amour au sens proprement spinoziste lorsqu'il s'agit de la satisfaction de soi.

Mais le terme latin utilisé, Philautia, et qui vient du grec, signifie littéralement "amour de soi".

C'est pourquoi il me semble que l'on peut tout à fait dire que dans le spinozisme l'amour de soi (au sens courant) perd sa connotation traditionelle (du moins en ce qui concerne le monothéisme) négative, pour devenir pleinement affirmative.

Sinon en ce qui concerne la distinction nature naturante/naturée: le "soi" (= notre essence en tant que Dieu s'explique par nous seule et par aucune autre chose singulière) est nécessairement un mode, donc appartient nécessairement à la nature naturée, et non pas à la nature naturante. Or, c'est en tant que nature naturée que nous sommes bel et bien une partie de la Nature et donc de Dieu, ce qui permet de dire que l'idée vraie de soi est nécessairement accompagnée de l'idée de Dieu comme cause. C'est là qu'à mon sens se noue le lien entre la Satisfaction de soi et l'Amour au sens proprement spinoziste. Mais cela mériterait d'être élaboré davantage ... .

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Messagepar QueSaitOn » 15 août 2010, 13:24

De toute manière, cette notion doit bien trouver son fondement philosophique (ou plutôt géométrique) dans l'Ethique, faute de quoi, il serait contradictoire de parler de "l'amour de Dieu" pour "lui" même (lorsque que certains auteurs, tels que R. Misrahi évoque cet amour de Dieu pour lui même, c'est à dire l'amour de la Nature pour elle même, ou encore le mouvement de la vie/matière vers une plus grande puissance accompagné de son idée - idée se rapportant à la somme des entendements humains). L'amour de "soi" de Dieu sous le mode de l'attribut "Pensée" ne peut être que l'idée d'une cause interne, non ?

Après, reste que cette notion de "soi" reste d'un grand flou, car, par exemple, appliquée au couple en tant que "soi" (à supposer que cette hypothèse soit fondée), l'amour de soi (l'amour de l'amour ou l'amour du couple pour lui même en tant que "soi") serait l'amour du couple pour lui même, en tant que conscience d'une partie du monde (et encore d'une certaine manière de vivre le couple, il s'agirait plutôt là d'une approche fusionnelle du couple). Il s'agit peut être là de ce que la littérature classique entendait par "destin".

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Amour de soi

Messagepar AUgustindercrois » 17 août 2010, 17:08

L'amour de soi se confond avec l'amour du monde pris singulièrement - ce qui comprend notamment les humains.

C'est ce qu'Etty Hillesum a écrit à la fin de son livre.

http://www.larevuedesressources.org/spi ... rticle1160

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Re: Amour de soi

Messagepar Pourquoipas » 17 août 2010, 20:19

Bonjour à tous,

Spinoza dans l'Ethique emploie l'expression « amour de soi » (amor sui) au moins deux fois : dans l'appendice ("Définitions des affects") de la partie III, dans l'explication du n° 28. Voici le texte :

28. Superbia est de se prae amore sui plùs justo sentire.
Explicatio : Differt igitur Superbia ab Existimatione, quòd haec ad objectum externum, Superbia autem ad ipsum hominem, de se plùs justo sentientem, referatur. Caeterùm, ut Existimatio Amoris, sic Superbia Philautiae effectus, vel proprietas est, quae propterea etiam definiri potest, quòd sit Amor sui, sive Acquiescentia in se ipso, quatenus hominem ità afficit, ut de se plùs justo sentiat (vide Schol. Prop. 26 hujus). Huic affectui non datur contrarius. Nam nemo de se, prae odio sui, minùs justo sentit ; imò nemo de se minùs justo sentit, quatenus imaginatur, se hoc, vel illud non posse. (etc.)


28. L'orgueil est de se sentir, par amour de soi, plus que de juste.
Explication : Donc l'orgueil diffère de la surestime, puisque cette dernière se rapporte à un objet extérieur, mais l'orgueil à cet homme qui se sent plus que de juste. Du reste, comme la surestime de l'amour, ainsi l'orgueil est un effet, ou une propriété, de la philautia ["amour de soi" en grec, comme l'a noté Louisa – Pautrat traduit par "amour-propre"], et il peut donc être défini : « l'amour de soi, autrement dit la satisfaction de soi-même, en tant qu'il affecte l'homme de sorte qu'il se sent plus que de juste » (voir cette partie III, prop. 26, scolie). A cet affect, pas de contraire. Car personne, par haine de soi, ne se sent moins que de juste ; bien au contraire, personne ne se sent moins que de juste en tant qu'il s'imagine ne pas pouvoir ci ou ça. (etc.)


Autrement dit, si je sais lire, "amour de soi" = "satisfaction de soi-même". Cet affect en fait donne lieu à la meilleure et à la pire des choses : la béatitude (voir partie V) ou l'orgueil, la pire des passions (comme le souligne très souvent, et à juste titre, Sescho).
J'ai essayé de traduire au plus près du latin (au risque d'écrire en un français à la limite du boiteux) : car il me semble indispensable de rendre le sentire, terme surabondamment employé dans l'Ethique et dont l'objet appartient à l'attribut Pensée. Voir par exemple le très succinct et pas si évident corollaire de partie II, prop. 13 : « Hinc sequitur hominem mente, et corpore constare, et corpus humanum, prout ipsum sentimus, existere – D'où suit que l'homme consiste en âme et corps, et que le corps humain, tel que [puisque ? en tant que ? autre chose ?] nous le sentons, existe. »

Et maintenant, j'ai deux questions qui me hantent depuis longtemps :
— Pourquoi Spinoza refuse-t-il la haine de soi ? (Je crois que Freud rencontrera le même type de problème.)
— Quel est le sens exact de ce justo ? Qui (là, je veux dire quel humain) peut savoir en toute certitude si quelqu'un se perçoit plus ou moins adéquatement ? Seul l'entendement divin peut le savoir, puisqu'il connaît toutes (sans exception aucune) les causes des choses et leur enchaînement.

Bon, je crois que ça suffira pour aujourd'hui.

Portez-vous bien

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Messagepar Louisa » 17 août 2010, 22:18

Merci de ces précisions, Pourquoipas.

En fait, maintenant que tu as attiré notre attention sur le latin, je constate que Pautrat a décidé de traduire amor sui par "amour" tout court ... décision étrange (sur laquelle il est peut-être revenu dans l'édition révisée qu'il a publiée récemment (et que je n'ai pas ici) .. ?).

Pourquoipas a écrit :Pourquoi Spinoza refuse-t-il la haine de soi ?


Ne serait-ce pas pour la même raison qu'il refuse la possibilité de la Haine de Dieu (contrairement à Leibniz par exemple; mais concentrons-nous d'abord sur la Haine de soi)?

Si oui, il faudrait commencer par rappeler l'E3P53:

"Quand l'Esprit se contemple lui-même, ainsi que sa puissance d'agir, il est joyeux, et d'autant plus joyeux qu'il s'imagine plus distinctement, ainsi que sa puissance d'agir."

Or la Haine est une Tristesse. Donc en vertu de l'E3P53 on ne peut pas se contempler soi-même dans son essence/puissance et être Triste à la fois. On ne le peut que si l'on contemple son impuissance au lieu de contempler son essence. Mais l'impuissance n'est qu'un "négatif", il ne correspond à rien de réel. Autrement dit, "l'essence de l'Esprit (comme il va de soi) affirme seulement ce qu'est et peut l'Esprit; et non pas ce qu'il n'est ou ne peut pas" (E3P54 démo).

D'où le chapitre III de l'E4: "Nos actions, c'est-à-dire, les Désirs qui se définissent par la puissance de l'homme, autrement dit par la raison, sont toujours bons, alors que les autres Désirs peuvent être bons aussi bien que mauvais."

Conclusion: on ne peut pas avoir une idée adéquate de soi-même et se Haïr à la fois.

Mais cela n'explique peut-être pas encore entièrement pourquoi on ne peut qu'être joyeux lorsqu'on se contemple soi-même, cela explique plutôt ce que Spinoza veut dire par là.

Pour mieux comprendre pourquoi la Haine de soi est inconcevable, il faudrait également tenir compte de l'E4 chapitre VI:

"Mais, parce que tout ce dont l'homme est la cause efficiente est nécessairement bon, il ne peut donc rien arriver de mauvais à l'homme, sinon par des causes extérieures; à savoir, en tant qu'il est une partie de la nature toute entière, aux lois de qui la nature humaine est forcée d'obéir, et à qui elle est forcée de s'adapter d'une infinité ou presque de manières."

Si tout ce qui nous arrive de mauvais n'est causé que par des causes extérieures, on comprend qu'on ne peut pas avoir des Tristesses (= ce qui nous arrive de mauvais) accompagnées de l'idée d'une cause intérieure, contrairement à ce qui vaut pour l'amour.

Or, pourrait-on objecter, ne peut-on pas avoir une idée inadéquate de soi-même, et s'imaginer qu'on est soi-même la cause d'une de nos diminutions de puissance ou Tristesses? Car après tout, la Haine est toujours une idée inadéquate?

On le pourrait, mais je pense que Spinoza classifie ces Passions sous la notion abstraite d'"Orgueil", et non pas "Haine de soi", car pour s'imaginer qu'on est soi-même la cause d'une de nos Tristesses (cause interne), il faut s'imaginer qu'on a la puissance de faire quelque chose qui nuit à soi-même, autrement dit, d'avoir un libre arbitre, ce qui signifie qu'on imagine pouvoir faire plus de choses que l'on ne sait faire en réalité. Donc imaginer qu'on est soi-même la cause d'une Tristesse, c'est encore faire plus d'état de soi-même qu'il n'est juste.

C'est pourquoi "Un très grand Orgueil, ou une très grande Bassesse, indique une très grande impuissance de l'âme" (E4P56). Or comprendre quelque chose c'est comprendre la puissance et non pas l'impuissance de cette chose. Par conséquent, dire de quelqu'un qu'il est "orgueilleux" c'est ... ne rien avoir compris de la puissance/essence de cette personne. Ce n'est qu'indiquer un "manque", ce n'est que nier quelque chose de cette personne, au lieu d'affirmer (le spinozisme étant effectivement une "philosophie de l'affirmation", comme le dit le nom même de ce site).

D'où la "règle de vie correcte" (dont "naît la plus haute satisfaction de l'âme) qui dit que:

"nous devons toujours prêter attention à ce qu'il y a de bon dans chaque chose, afin qu'ainsi ce soit toujours un affect de Joie qui nous détermine à agir. Par ex., si quelqu'un voit qu'il recherche trop la Gloire, qu'il pense à son usage correct, et à quelle fin il faut la rechercher, et par quels moyens il peut l'acquérir; mais non à son abus; ou à sa vanité, ou à l'inconstance des hommes, ni aux autres choses de ce genre, auxquelles nul ne pense sans chagrin; car c'est par de telles pensées que les plus ambitieux se désolent le plus, quand ils désespèrent d'accéder à l'honneur qu'ils ambitionnent; et, alors qu'ils vomissent la Colère, ils veulent avoir l'air sages. Et il est donc certain que les plus désireux de gloire sont ceux qui crient le plus fort contre son abus et contre la vanité du monde. Et cela n'est pas propre aux ambitieux, mais commun à tous ceux à qui la fortune est adverse et qui ont l'âme impuissante. (...)
Qui donc s'emploie, et par le seul amour de la Liberté, à maîtriser ses affects et ses appétits, s'efforcera, autant qu'il peut, de connaître les vertus et leurs causes, et de s'emplir l'âme du contentement qui naît de leur vraie connaissance; et de contempler le moins possible les vices des hommes, ainsi que de dénigrer les hommes et de tirer contenement d'une fausse espèce de liberté.
" (E5P10 scolie).

Si pour Spinoza la Haine de soi est impossible, c'est parce qu'elle se baserait sur une "fausse espèce de liberté", qui imagine que l'on peut être soi-même "coupable" de ses "vices", ce qui est précisément faire de soi-même plus d'état qu'il n'est juste (compris ici comme "vrai"), autrement dit encore de l'Orgueil ou une forme d'amour de soi qui a tourné mal?


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