Spinoza et l'IVG

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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Libr617
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Messagepar Libr617 » 27 mars 2012, 15:20

A Bardamu,

Le droit s'occupe essentiellement des situations pathologiques et peu des situations où tout va bien.

Le droit de la guerre - droit des conflits armés et droit international humanitaire - ne fait pas exception de ce point de vue. Il trouve naturellement à s'appliquer là où il y a des conflits armés qui, généralement, ne sont pas le fait d'enfants de cœur.

L'exemple d'Hitler a ceci d'intéressant qu'il montre que même Hitler avait égard aux conventions de Genève. Si j'avais dit : même le plus sage d'entre les chefs d’État respecte le droit international humanitaire, cela n'aurait pas le même poids ni le même intérêt...

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Messagepar Libr617 » 27 mars 2012, 15:36

A Hokusai,

Peu importe, le ressort qui motive le respect du droit international pourvu qu'il soit effectivement respecté. Je crois que, d'une manière générale, ce sont toujours des considérations de politique étrangère qui motive le respect du droit international. L'intérêt est le moteur essentiel du respect du droit international.

Il ne fait aucun doute que les nazis n'ont pas respecté le droit international (cf. procès de Nuremberg). Ni les Japonais (cf. procès de Tokyo). Beaucoup, en s'exilant, sont passés à travers les mailles de la justice (internationale ou étatique).

Sans compter que les alliés ont également violé ce droit. En parlant du procès de Nuremberg, Churchill avait eu ce mot : "Si les nazis avaient remporté la victoire, ce serait nous qui serions à leur place".

Faire appliquer le droit international...Le droit international "fonctionne"dans pratiquement tous les domaines à l'exception du droit d'aller en guerre. Là, vraiment, il y a un problème (cf. Israël bientôt avec l'Iran ou encore les États-Unis envahissant l'Irak en 2003). Les règles sont claires mais constamment violées.

Mais tout cela est une autre histoire qui a peu à voir avec Spinoza et l'IVG, je crois.

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Messagepar cess » 27 mars 2012, 20:53

Vais-je répondre en spinoziste à cette question?

Il me semble que si le père biologique est absent, qu'une femme ait été violée, que l'embryon qu'elle porte soit viable ou non, ou atteste de malformations ou contaminations, c'est à elle et elle seule de choisir entre le bon et le mauvais pour elle...et pour l'enfant qu'elle porte...quelque soit l'âge de l'embryon dans le délai reconnu.

Toutefois, il serait capital de veiller à ce qu'elle ne cède pas aux affects négatifs en commettant l'irréparable dans un moment de désespoir!

Aussi, j'aimerais vraiment que si des lois viennent à statuer, elles envisagent un accompagnement "spinoziste" envers ces femmes!
Elles, si elles le souhaitent, devraient avoir le choix d'être accompagnées pour un temps dans des lieux neutres (soustraites à leur familles dans le cas de mariages forcés, à l'entourage)par un personnel formé, bienveillant.(Tout une formation et une posture à penser..)
Des lieux au sein desquels , elles puissent prendre leurs décisions sans le sentiment de commettre une faute intrinsèque, sans être jugées)

Si le père biologique est présent en revanche, il me semble que même si leur relation ait été significative ou non, les deux sont impliqués dans leur décision...Ce choix dans ce cas là ne peut se faire qu'à deux, même si l'homme est loin, la femme se doit de l'avertir, ce sera à lui de réagir ou non .

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Messagepar cess » 27 mars 2012, 21:09

Le problème éthique de l'ivg selon Spinoza est peut-être d'essayer de faire le plus possible ce que la Raison nous commande pour chacun d'entre nous nous , d'où l'importance de la favoriser en toutes circonstances.

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Messagepar Henrique » 01 avr. 2012, 18:58

D'abord, je dirais qu'il y a effectivement des biens et des maux absolus chez Spinoza. Car quand on parle de relativité de la morale, on sous-entend que les mêmes règles pourraient aussi bien être jugées bonnes ou mauvaises selon le point de vue où on se place. Or il y a bien chez Spinoza des choses qui conviennent absolument à la nature humaine comme le développement de la raison et des choses qui ne lui conviennent absolument pas, c'est-à-dire qui ne sont jamais bonnes comme la haine.

Le bien et le mal décrits à partir de la partie IV de l’Éthique sont relatifs, dans leur formation, à l'homme et l'un par rapport à l'autre évidemment. Mais ils sont absolus quant à leur contenu. Encore faut-il préciser qu'il s'agit de règles qui sont impératives du point de vue de la raison et ainsi de la liberté mais pas pour autant dans les relations humaines. Il faut distinguer l'éthique et la politique. Qui irait juger et appeler à une juste sanction celui qui pour sauver sa vie d'un péril en mentant au nom de ce que dit E4P72S ? L'éthique ne dit pas ce que les hommes doivent faire sans quoi ils ne pourraient plus être considérés comme des hommes dignes de notre respect, elle dit seulement ce qu'est un homme libre et comment il mène son existence. Et là qui pourrait dire sérieusement qu'a agi en toute liberté celui qui a caché un détail par crainte d'un désagrément qu'il imaginait ? La liberté, comme c'est connu de soi, va de pair avec la franchise.

Aussi si on demande ce qui est conforme à la nature d'une femme qui suite à un viol porte un enfant indésiré, c'est-à-dire si on demande ce qui est certainement utile pour elle (E4P31), je vois mal en quoi il y aurait ici deux maux plus ou moins grands. Il y a plutôt un bien ou un mal : conserver la vie de son enfant ou la détruire. Car si elle la conserve, c'est parce qu'elle se sent assez forte pour assumer l'ensemble de ce qui a pu lui arriver et aller de l'avant avec confiance en elle-même et dans la vie. Elle choisira donc nécessairement ce qu'elle sait être bon pour elle. Ce faisant, face à la tristesse d'un viol, elle s'affirme plus forte et surmonte les difficultés liées à sa nature d'être humain de sexe féminin. Elle pourra se reconnaître dans l'affirmation d'E4P37 qu'on pourrait redire dans un langage plus commun aujourd'hui : "Le bien que désire pour lui-même tout être humain qui est fort et libre, il le désirera également pour les autres êtres humains, et avec d'autant plus de force qu'il aura une plus grande connaissance de la vie."

En revanche, si elle détruit la vie de l'enfant qu'elle porte, cela ne peut être pour une autre raison que la peur de conséquences néfastes pour elle et donc par servitude et non par liberté. Elle agira non en raison de ce qu'elle pense être bien mais pour éviter des maux plus ou moins nécessaires en fonction de la force de caractère qu'elle aura pu développer au cours de son existence.

Mais encore une fois, cet aspect éthique des choses ne saurait en tant que tel et par lui-même déterminer une sanction sociale, ne serait-ce que notre réprobation. La seule sanction d'une faute éthique qui puisse exister, c'est le remords ou tout simplement la tristesse qui affecte celui qui a plus ou moins clairement conscience qu'il n'agit pas librement mais servilement face aux circonstances de l'existence. La question de savoir ce qui est bon et souhaitable dans la société, interdire l'IVG ou l'autoriser, ne peut être tranchée que par le débat collectif et ainsi par le "consentement universel" (E2P37). Si d'un point de vue éthique, par exemple, passer son temps à insulter les présentateurs devant sa télévision ne saurait être une bonne chose, cela n'en fait pas un mal pour la société. Inversement, il y a aussi des choses bonnes d'un point de vue éthique, comme cultiver sa raison et son intellect intuitif, qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation sociale.

Déterminer ce qui est bon pour la société et pour les hommes en tant que membres de la cité, devra tenir compte non pas absolument de ce que commande la raison aux individus mais de ce qui à un moment donné de l'existence d'une société est plutôt de nature à lui permettre de se renforcer en unissant davantage ses membres. Est-ce que permettre de vivre à des enfants non désirés, dans l'état actuel de notre société est une bonne chose ou non ? Il n'est pas possible d'empêcher quiconque d'agir sur son corps et l'enfant à naître fait partie du corps de la femme. Or il est contraire à l'intérêt bien compris d'une société de faire des lois qu'il est trop tentant de transgresser, d'autant plus qu'aujourd'hui une interdiction de l'IVG serait très facilement contournable. Il n'est donc pas bon pour une société occidentale contemporaine d'empêcher une femme de laisser libre cours à sa crainte, même si on peut souhaiter une société généreuse qui permettrait un véritable choix aux femmes, comme ce que suggérait Cess. Quand il y a pression sociale pour forcer les personnes à agir contre ce qu'elles peuvent comprendre et faire, c'est mauvais. Mais cela s'applique autant à la pression pour accepter un enfant indésiré qu'à la pression pour rejeter le même enfant, comme cela a tendance à exister aujourd'hui pour les enfants qui risquent d'être handicapés.

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Messagepar bardamu » 02 avr. 2012, 18:05

Henrique a écrit :(...) Elle pourra se reconnaître dans l'affirmation d'E4P37 qu'on pourrait redire dans un langage plus commun aujourd'hui : "Le bien que désire pour lui-même tout être humain qui est fort et libre, il le désirera également pour les autres êtres humains, et avec d'autant plus de force qu'il aura une plus grande connaissance de la vie."

En revanche, si elle détruit la vie de l'enfant qu'elle porte, cela ne peut être pour une autre raison que la peur de conséquences néfastes pour elle et donc par servitude et non par liberté.

J'aurais placé la question de l'IVG en amont de cette problématique.
C'est parce que l'embryon n'est pas encore considéré comme un "bien", pas encore considéré comme un enfant, que l'IVG est autorisé.
Contraception et IVG précoce me semblent fonctionner sur le même principe : on ne parle pas encore d'un humain constitué, ce n'est pas un infanticide (n'en déplaise aux anti-avortement)...
Il s'agit alors moins d'un bien contre un mal que l'imagination d'un bien contre l'imagination d'un mal. Celui ou celle qui imagine déjà un enfant constitué se crée un problème que n'a pas celui ou celle qui ne le fait pas, et qui n'a pas plus de souci à accepter l'avortement qu'il n'en a à accepter la contraception.


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