Bien absolu - bien suprême

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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Miam
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Messagepar Miam » 15 oct. 2010, 19:54

A mon avis le "Bien suprême" est commun à tous et s'identifie à la connaissance de Dieu qui, lui-même, est le "Bien commun".
Le "bien" tout court n'est pas nécessairement commun à tous puisqu'il s'identifie à l'affect de joie et que celui-ci peut différer selon les individus et les moments.
Le bien tout court est "relatif" en ce sens qu'il n'est pas toujours commun mais relatif à ce qui s'accorde avec la nature de celui qui juge une chose bonne. On peut se tromper sur ce bien parce que c'est ce qu'on désire que l'on considère comme un bien. Or ce qui nous apporte une joie immédiate peut avoir des conséquences néfastes. Désirer la tristesse d'un concurrent nous livre un affect de joie. Par conséquent le désirant la considérera comme un bien quoique, à terme, cela lui apportera de la tristesse. C'est pourquoi Spinoza allègue une "connaissance vraie du bien (ou du bon)" comme en IV 15d. Cela veut dire qu'il peut y avoir une connaissance fausse du bien. Car on lit aussi "par où nous connaissons facilement que, dans l'état naturel, il n'y a rien qui soit bon ou mauvais du consentement de tous, puisque chacun, dans cet état naturel, avise seulement à sa propre utilité et, suivant sa complexion, décrète quelle chose est bonne, quelle mauvaise, n'ayant de règle que son intérêt, qu'enfin il n'est tenu par aucune loi d'obéir à personne, sinon à lui-même." (IV 37s2) Ce sera du ressort de la Cité de poser un "bien commun" (toujours IV 37s2). Toutefois cela n'est pas encore la connaissance vraie du bien car ce "bien commun" peut être une image commune nécessaire au seul maintien du souverain. Et en ce sens le bien peut être relatif et même imaginaire, fondé sur la crainte et l'espoir ou la comparaison des choses entre elles (IV 65d). Car on lit aussi "Un bien qui empêche que nous ne jouissions d'un bien plus grand, est en réalité un mal".

Par suite, je serais plutôt d'accord avec Louisa en ce qu'il existe un bien relatif.

Mais bon : excusez-moi je n'ai plus le temps. J'y reviendrai.

Pourquoipas
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Messagepar Pourquoipas » 16 oct. 2010, 11:57

Louisa a écrit :(...)
Quant à la question de savoir s'il y a des modes finis chez Spinoza ou non: si je ne m'abuse, Pourquoipas aussi mettait l'idée de modes finis en question. (...)


Re-bonjour Louisa,

Ça m'étonnerait beaucoup que j'aie jamais dit qqch de tel : bien au contraire, je pense que les modes finis sont des choses singulières, finies, terminées, déterminées par autre(s) chose(s) qu'elles-mêmes – et elles-mêmes déterminant d'autres choses singulières, car "être" = "être cause", que ce soit pour l'infini, positif donc, ou le fini, en partie (mais seulement en partie) négatif. Et cela est dit, comme pas mal de vous l'ont relevé, dès la déf. 2 de Ethique I. Cela me semble crever les yeux.

Mais peut-être fais-tu allusion à une question que je me posais : y a-t-il une vérité absolue (au moins pour nous humains, même entièrement raisonnables) ?

En écrivant cela, l'idée me vient brusquement du statut des attributs : infinis soit, mais de chacun d'eux nous pouvons nier tous les autres attributs, donc ils sont dits "infinis en leur genre" et non "absolument", mais pas "en partie" (ex parte), car, à mon opinion, chacun d'eux exprime toute l'essence de la substance, ce qui n'est pas le cas des choses finies, singulières.

Portez-vous bien

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Henrique
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Messagepar Henrique » 18 oct. 2010, 01:24

Je réponds sur cette question verbale puisque nous sommes ici entre lecteurs aguerris de l'Ethique et qu'un débat sur les mots les mieux choisis possibles ont leur importance pour diffuser le savoir que ce livre contient à nos yeux.

Tout d'abord, "bien suprême" signifie bien le plus grand, au dessus duquel il n'y a pas d'autre bien. L'intérêt d'un tel bien, qui chez Spinoza est la connaissance de Dieu (E4P28), est de fournir un critère permettant de reconnaître les biens subordonnés à ce bien suprême des valorisations qui relèvent d'une méconnaissance de la nature humaine. Un tel bien est total au sens où il n'y a pas de cas ou d'exceptions où adéquatement compris et mis en œuvre, il pourrait se révéler nuisible aux hommes. Il n'y a là aucune équivoque au regard de l'usage philosophique comme populaire du mot absolu : si d'une idée, que ce soit d'un fait ou d'une valeur pour le désir, on peut dire "ça dépend des fois", ce n'est pas absolu, c'est relatif. Si au contraire, il n'y a pas d'exception (et ne me dis pas Louisa que c'est encore une autre définition, use de ton entendement pour saisir l'unité à travers la diversité), alors c'est toujours le cas, c'est absolu. Il suffira à qui se pose sérieusement la question de demander à n'importe quel "homme de la rue" s'il trouve choquant l'usage du mot absolu pour qualifier un bien qui n'aurait aucune exception, et qui ne serait donc pas seulement relatif aux non-exceptions, et on verra quel usage du mot absolu est le plus propre à se faire comprendre du plus grand nombre. Comme la réponse concernant cet usage du mot me semble évidente, c'est donc un usage scolastique du mot "absolu" que tu défends, Louisa, qui serait propre à introduire, non pas la confusion, mais plus grave encore l'obscurité. Mais obscurité qui mènera sûrement à la confusion "Ah, Spinoza ne croit pas au bien absolu, ah bon, donc pour lui ce sujet n'est qu'une question de point de vue : pour la victime le vol de ce qui est nécessaire à sa survie est un mal, pour le voleur, c'est un bien"... Et alors, ce sera comme Spinoza n'avait pas écrit entre autres E4P37 : "Le bien que désire pour lui-même tout homme qui pratique la vertu, il le désirera également pour les autres hommes, et avec d'autant plus de force qu'il aura une plus grande connaissance de Dieu."

Encore une fois, une chose est de faire du Bien un inconditionné anhypothétique comme chez Platon, autre chose est de parler de vertu absolument bonne comme chez Spinoza (manifestement tu n'as pas relevé Louisa les références que j'avais apporté sur ce plan, mais répétons : E4P24 pour l'idée d'une vertu absolue et ajoutons, au cas ce ne serait pas encore assez évident E4P28 pour l'identité de la vertu et du bien). Mais encore, même pour Platon la vérité ou encore la justice ne sont certainement pas ce qu'on pourrait appeler dans notre vocabulaire d'origine latine relatifs mais absolus, alors qu'ils sont pourtant ontologiquement subordonnés au Bien en soi. Tout simplement parce qu'absolu ici ne concerne pas l'essence même de tels biens 'en autre chose', ce serait bien sûr contradictoire, mais leur application. Ce n'est pas relativement à certaines situations politiques particulières qu'il est bon d'être juste, mais en toutes circonstances, autrement dit absolument.

Et chez Spinoza, comme à mon avis dans la réalité humaine, c'est le même ordre de signification. Chez Platon, le Bien anhypothétique est le bien suprême et la justice lui est donc subordonnée, mais cette dernière n'en est pas moins absolue au sens où elle n'est pas valable seulement dans certains cas. Chez Spinoza, la connaissance de Dieu est le bien suprême mais la concorde qui en découle (E4P40d), et n'est donc pas bien suprême, n'en est pas moins un bien absolu. Et la gaieté qui est toujours bonne (E4P42), et donc non pas relativement à certaines circonstances, est donc aussi un bien absolu. En revanche, l'amour ordinaire est sujet à l'excès (P44), il n'est donc certainement utile à l'épanouissement de notre nature que dans certaines circonstances, celles notamment où nous ne connaissons pas trop mal ce que nous pensons aimer, et dans d'autres circonstances, il est certainement nuisible, celles où l'imagination débridée conduit au délire. L'amour en général n'est donc pas un bien absolu. En revanche, la haine est toujours mauvaise (P45) puisque cela va directement contre la concorde qui est un bien absolu : elle est donc absolument mauvaise.

Miam, il me semble que de ton côté, tu introduis une confusion qu'il n'y a pas chez Spinoza entre ce que tue appelles le "bien tout court" et le bien selon la raison. Une chose est de croire que quelque chose nous est certainement utile, autre chose est de savoir que quelque chose l'est effectivement (E4D1). Ainsi il se peut très bien qu'un "bien qui nous empêche de jouir d'un plus grand" soit en réalité un mal : c'est seulement qu'il s'agissait d'un bien pour l'imagination en tant qu'elle agit sur le désir et non pour la raison. Il est évident que ce l'opinion appelle bien n'est pas toujours effectivement bien du point de vue de la raison, sinon on pourrait très bien se contenter du premier genre de connaissance en matière d'éthique. Ce que tu appelles "bien tout court", dans la mesure où il y a possibilité de renversement, n'est pas le bien proprement dit, mais son idée mutilée par l'imagination.

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Messagepar Miam » 18 oct. 2010, 14:59

Je ne confonds pas, Henrique. Je remarque simplement que dans les deux cas Spinoza use de la notion de "bien" (bonus). S'il y a un bien selon la raison, c'est qu'il y a un bien selon l'imagination. Cela reste pourtant un "bien" poursuivi comme tel par l'effort qui vise toujours le bien, quand bien même il se fourvoierait.

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Messagepar Henrique » 18 oct. 2010, 19:22

OK Miam. Certes il ne saurait y avoir de désir de ce que nous pensons être mauvais, que ce soit par image ou par notion commune. Le bien imaginaire est effectivement pris par l'imaginatif pour ce qui seconde certainement sa puissance d'exister. C'est ainsi la richesse que recherche celui qui pense ainsi pouvoir assurer certainement sa conservation et l'augmentation de sa puissance. De tels "biens" selon l'opinion ou premier genre de connaissance sont évidemment relatifs aux circonstances et à l'époque. Sur une île déserte, un million d'euros ne servent à rien. Et pour devenir plus intelligent, ça peut servir à acheter des livres mais ne permet pas de se dispenser de les lire et de les comprendre. Mais ce n'est pas le bien de la raison dont Spinoza nous parle en E4P47 entre autres. Ce bien là est absolu dans la mesure où il reste ce qui nous est utile indépendamment des circonstances.

Une essence, comme celle de Dieu, est absolue si elle ne se rapporte qu'à soi pour pouvoir être conçue. La seule essence absolue est donc celle de Dieu. Mais rien n'oblige à limiter l'usage de l'adjectif aux seules essences formelles. Chez Spinoza, comme on l'a vu, une idée peut être absolue si elle contient sa raison suffisante, autrement dit si elle est adéquate et peut ainsi être affirmée indépendamment de toutes circonstances. Le bien dont nous parle sa philosophie quand il s'agit de répondre à la question éthique et qui se veut rationnel est une idée adéquate et peut ainsi parfaitement se voir attribué le qualificatif d'absolu. Le tout est de voir qu'il ne saurait y avoir de substantivation de l'adjectif : un bien qui est absolu n'est pas l'absolu au sens métaphysique.

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Messagepar Miam » 18 oct. 2010, 20:41

D'accord.

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Messagepar Louisa » 19 oct. 2010, 16:07

Henrique a écrit :Je réponds sur cette question verbale puisque nous sommes ici entre lecteurs aguerris de l'Ethique et qu'un débat sur les mots les mieux choisis possibles ont leur importance pour diffuser le savoir que ce livre contient à nos yeux.


Bonjour à tous,

je viens de lire les messages de ce weekend, je commence par le sujet qui me touche/préoccupe le plus pour le moment.

Je pense qu'Henrique a ici parfaitement résumé la raison pour laquelle ce débat concernant une "question verbale" est si important: c'est un débat qui est avant tout politique, au sens où il pose la question de l'usage de la philosophie dans la "polis".

La question à mes yeux devient alors: faut-il utiliser des termes philosophiques techniques lorsqu'on veut diffuser la philosophie, ou faut-il les éviter maximalement?

Il se peut qu'Henrique (et Miam?) et moi donnions une réponse tout à fait opposée à cette question. Si c'est le cas, c'est peut-être là-dessus que le débat devrait porter, et alors la question de savoir dans quelle mesure ou plutôt quel sens on peut parler d'un bien "absolu" chez Spinoza n'est qu'une question plus particulière de cette question générale, qui en englobe beaucoup d'autres.

Dans ce qui suit je vais donc essayer de développer la réponse à la question globale que j'adopte moi-même pour l'instant (c'est-à-dire depuis quelque temps). Si Henrique, Miam, Sescho etc. se retrouvent dans l'inverse de ce que j'écris ci-dessous, je pense qu'il faudrait qu'on discute de cette question globale d'abord, avant de reprendre celle de l'usage du terme "absolu" chez Spinoza. Sinon le mieux est à mon sens de retourner à la question initiale.


Le problème commence déjà ici: la philosophie est-elle un "savoir"? Si par "savoir" on comprend "idée vraie concernant le monde", je ne vois pas comment répondre "oui" à cette question. Car on n'a que deux possibilités: ou bien la vérité d'une idée est démontrable, ou bien elle est indémontrable.

Si elle est démontrable, la réponse à la question globale (comment diffuser le savoir philosophique?) devient: en démontrant la vérité de ses conclusions. Si elle est indémontrable, "croire" en ce savoir n'est possible qu'à condition d'avoir des méthodes de conversion, susceptibles de produire la "foi". Or on sait que la philosophie ne veut pas être identifiée à une activité comparable à la "foi". Cela signifie qu'il faut ou bien dire que la philosophie est un savoir démontrable, ou n'est pas un savoir du tout (= dire qu'une doctrine philosophique n'est pas susceptible d'être dite vraie ou fausse).

Résumons:

SCHEMA DE LA QUESTION:

Question globale: quel est le "bon usage" de la philosophie dans la "cité"?

Même question reformulée par Henrique: comment diffuser le savoir que contient un livre de philosophie?

Sous-questions:

1. La philosophie est-elle un savoir?

1.1. Oui, la philosophie est un savoir.
Dans ce cas la question devient: s'agit-il d'un savoir dont la vérité est démontrable ou indémontrable?

1.1.1. Oui, sa vérité est démontrable.
1.1.2. Non, sa vérité n'est pas démontrable.

1.2. Non, la philosophie n'est pas un savoir.
Dans ce cas la question devient: si elle n'est pas un savoir, qu'est-elle?

2. Comment diffuser la philosophie dans la "cité"?
2.1. Si elle est un savoir.
2.2 Si elle n'est pas un savoir.

3. Faut-il éviter ou non les termes techniques lorsqu'on essaie de diffuser la philosophie?
3.1. Si elle est un savoir.
3.2. Si elle n'est pas un savoir.


ANALYSE DE LA QUESTION 1.

Si 1.1.2. est vrai, donc si la vérité de la philosophie est indémontrable, on ne peut produire une adhésion à telle ou telle philosophie qu'en utilisant des méthodes de conversion. Croire en une philosophie est de l'ordre de la foi.

Deux objections à 1.1.2.:
- il n'y a pas de page dans l'Ethique où l'on ne trouve pas le mot demonstratio
- Platon, père de la philosophie, a voulu instaurer une activité telle que la philosophie précisément pour pouvoir avoir une autre "pratique de la vérité" que celle qu'il a appelée "opinion", une qui nous permettrait de produire des vérités avec plus de certitude, des vérités plus stables, moins susceptibles d'être ébranlé par une mise en question. Or croire signifie précisément supposer qu'une idée est vraie sans en avoir la certitude d'une démonstration.

Conclusion: 1.1.2. est faux, ou du moins peu probable.

Cela nous laisse deux possibilités: ou bien la vérité de la philosophie est démontrable (1.1.1.), ou bien la philosophie n'est pas un savoir, c'est-à-dire n'est pas susceptible du vrai/faux (1.2.).

La philosophie est-elle démontrable?

Personnellement, je pense que non. La partie "démontrable" de la philosophie telle que la concevait Platon était ce qu'après on a longtemps appelé "philosophie naturelle", et qu'aujourd'hui on appelle science. De nos jours, seule la science dispose de moyens fiables pour démontrer la vérité d'une hypothèse ou théorie. La philosophie sait produire des preuves "logiques", mais celles-ci ne valent que ce que valent les prémisses. Or on est obligé de s'en tenir à des hypothèses en philosophie, quant aux prémisses mêmes des raisonnements.

On pourrait objecter que certaines philosophies essaient de se baser sur le "sens commun".

Sed contra a) on sait qu'historiquement, ce sens commun a fort évolué, donc il n'est pas stable (même s'il est toujours possible de sélectionner sur la "longue durée" certaines doctrines qui semblent utiliser les mêmes prémisses; toujours est-il qu'il faut faire une sélection puis décider d'appeler cet ensemble de prémisses "vraies" et les autres "fausses"; il s'agit d'une décision, pas d'une démonstration capable de convaincre ceux qui de prime abord ne croient pas en ces prémisses-là).
b) la philosophie est née précisément pour interroger ce sens commun, et le cas échéant s'en écarter, lorsqu'après un "examen rationnel" il s'avère être faux ou à la fois indémontrable et nuisible.

Conclusion: je pense que ce qu'on appelle depuis l'avènement de la science moderne "philosophie", se distingue de la science précisément par le fait qu'il s'agit de théories indémontrables. Spinoza semble en être parfaitement conscient, lorsqu'il annonce dans le TIE que changer la nature humaine est impossible, mais qu'il va néanmoins développer un modèle d'une nature humaine plus parfaite simplement parce que nous, êtres humains, on ne peut pas s'empêcher de vouloir une vie meilleure, et pour avoir l'impression d'évoluer concrètement vers cette nouvelle nature humaine, il nous faut un "plan de travail" et un "modèle", un exemplar de cette nouvelle nature. C'est cela l'Ethique.

Donc pour moi il faut rejeter non seulement 1.1.2. mais aussi 1.1.1. Cela nous laisse l'option 1.2. : la philosophie n'est pas un savoir.

Mais si elle n'est pas un savoir, qu'est-elle? Je pense que la réponse se trouve déjà chez Platon et se confirme chez Spinoza: elle est essentiellement une activité, et non pas un ensemble d'idées fixées une fois pour toutes (= une doctrine, susceptible du vrai/faux). C'est même une activité très particulière, qu'on peut en premier lieu appeler l'activité du "dialogue intérieure de l'âme avec elle-même". Activité mue par un "terrible amour de la vérité", comme le dit Platon. C'est ce qui lui permet de découvrir la fausseté lorsqu'il s'agit de science, ou le caractère indémontrable et donc non nécessaire de certaines idées appartenant au sens commun ou à ce qu'on tient soi-même pour vrai. Le but d'une activité philosophique (qui n'est plus scientifique) est de fabriquer de nouvelles idées lorsqu'on constate (même si ce constat est nécessairement voué à rester hypothétique) que telle ou telle idée qu'on tenait pour vraie en réalité n'a jamais été démontrée et semble être à la fois indémontrable et nuisible. Fabriquer une nouvelle idée de telle sorte qu'elle puisse remplacer l'idée qu'on veut combattre est tout sauf évident. C'est un métier à part entière, métier appelé "philosophe" (et qui n'a rien à voir avec une activité académique ou un diplôme, au sens où en théorie on peut très bien être un grand philosophe sans tout cela, mais aussi le cas échéant en travaillant au sein d'une université).


ANALYSE DE LA QUESTION 2.

Ceci étant dit, on peut revenir à la question globale: quel usage pour la philosophie dans la cité? Quelle est l'utilité politique de la philosophie?

Si ce n'est pas un savoir, cela ne sert à rien de vouloir diffuser le contenu d'un livre de philosophie. Bien sûr, on peut toujours considérer que les livres de philosophie sont des grandes oeuvres culturelles et à ce tître méritent d'être diffusés le plus largement possible. Il s'agit alors d'une "démocratisation" de la culture au sens le plus noble du terme, et je pense qu'à notre époque actuelle on a plus que jamais besoin de cela.

Mais je pense qu'on a tout autant besoin de philosophie dans la cité, autrement dit qu'une "démocratisation" de la philosophie est tout aussi urgent qu'une démocratisation de la culture. C'est là même l'un des deux points dans cette discussion où je pense pouvoir dire qu'Henrique et moi sommes parfaitement d'accord (la raison pour laquelle je pense qu'on lui doit une reconnaissance "absolue" (au sens ordinaire, c'est-à-dire "sans réserve") d'avoir créé et d'être toujours engagé dans un site comme celui-ci, et tout à fait unique dans son genre).

Or si la philosophie n'est pas un savoir, c'est quoi "vulgariser" la philosophie? C'est initier "l'homme de la rue" à la partie du métier du philosophe qui a toujours de jure été accessible aux non philosophes: le terrible amour de vérité, qui fait interroger tout et n'importe quelle idée, qui apprend à n'accepter aucune idée simplement parce qu'une "autorité" (quelqu'un qu'on apprécie, mort ou vivant) y croit, qui apprend à comprendre de nouvelles idées de l'intérieur, et à les "expérimenter" dans sa vie quotidienne afin d'en tester la valeur pratique. La partie non immédiatement accessible (c'est-à-dire dont l'accès demande plus de temps et de pratique), c'est la partie "créative" du métier: fabriquer de nouvelles idées qui tiennent la route. Ca, c'est plus dûr à faire. Seule une poignée d'homme y réussit, par siècle.


ANALYSE DE LA QUESTION 3.

Il est clair que l'usage de termes techniques pour diffuser la philosophie serait plus ou moins utile selon la conception de la philosophie qu'on adopte.

3.1. La philosophie est un savoir.

Dans ce cas, "diffuser" signifie essentiellement essayer de faire comprendre un contenu créé et communiqué par et pour des "spécialistes" à un public "non spécialiste", c'est-à-dire qui ne maîtrise aucunement le langage technique des spécialistes.

Diffuser ici est donc essentiellement un exercice de "traduction": traduire des idées formulées en un langage inaccessible à "l'homme de la rue" en un français ordinaire, sachant que pour lui les termes techniques ont bien évidemment un sens trop "obscure" pour pouvoir communiquer des idées "claires et distinctes".

3.1. La philosophie est une activité (interroger la vérité d'idées existantes, apprendre à penser de nouvelles idées (comparées à celles que l'on utilisait spontanément), et fabriquer de nouvelles idées (comparées à toutes les idées existantes).

Dans ce cas, seule la troisième partie (fabriquer de nouvelles idées) est inaccessible à "l'homme de la rue", simplement parce qu'il faut s'entraîner beaucoup avant de pouvoir y arriver, alors que lui, il a meilleure chose à faire, il a un autre "métier".

Mais les deux premières parties sont parfaitement accessibles à "l'homme de la rue". Ici, "diffuser" la philosophie n'a donc rien à voir avec une quelconque "vulgarisation". Et c'est pourquoi je pense qu'ici l'usage de termes techniques est vraiment d'une très grande utilité, à ce point que cela est tout à fait indispensable, que sans cela une véritable diffusion de la philosophie est inconcevable.

Pourquoi?

Parce que comme le montre Spinoza, les mots ne sont que des mouvements corporels. Ils acquierent un "sens" et sont associés à des idées selon une logique tout à fait a-rationnelle, celle des "rencontres fortuites avec la nature". Cela signifie qu'on "pense" tous plus ou moins différemment lorsqu'on utilise tel ou tel mot. Cela signifie aussi que la majorité des idées associées aux mots est tout sauf "claire et distincte". En d'autres termes: les mots du langage courant ne nous aident en rien à penser au sens de philosopher.

La première tâche de "l'homme de la rue philosophant", c'est de commencer à y mettre un peu d'ordre, afin d'au moins commencer à comprendre plus clairement ce qu'il dit quand il dit quelque chose, ce qui revient souvent à comprendre comment les idées exprimées par les mots du langage ordinaire sont tout à fait "confuses et mutilées".

La deuxième tâche c'est d'apprendre à penser de nouvelles idées justement en commençant à apprendre de nouveaux mots, inventés par des philosophes précisément pour pouvoir avoir des moyens de communication adaptées aux idées claires et distinctes.

Bien sûr, apprendre le sens d'un mot technique demande un petit effort. Mais faire ce petit effort c'estdéjà être en train de philosopher. Donc c'est parfait, surtout si en plus ce genre d'exercice nous mène à penser de nouvelles idées. C'est donc non seulement penser mieux, mais aussi élargir son horizon conceptuel, se détacher d'une adhérence inconsciente à des idées reçues et non analysées.

Puis chaque locuteur d'une langue doit apprendre de temps en temps de nouveaux mots, donc cet exercice n'a rien d'étrange en tant que tel, il ne faut pas être un "spécialiste" quelconque pour pouvoir le faire. Quelqu'un qui apprend pour la première fois à utiliser skype ou facebook doit acquérir des nouveaux termes techniques aussi, doit lire une définition puis commencer à intégrer l'idée à laquelle elle correspond dans sa vie réelle. Je ne vois vraiment pas pourquoi cette activité devrait être réservé au philosophe "professionnel".

CONCLUSION.

En fonction de la conception de la philosophie qu'on adopte, la diffuser signifiera tout autre chose. La personne à qui on s'adress lorsqu'on veut diffuser la philosophie devra être abordée d'une manière très différente.

Lorsqu'on pense que la philosophie est un savoir, "l'élève" c'est "l'homme de la rue s'informant" (l'HDRI). Lorsqu'on pense qu'elle est une activité telle que je viens de le décrire, l'élève en question est "l'homme de la rue philosophant" (l'HDRPh).

Dans un cas, les termes techniques c'est ce qui est absolument à éviter. Les introduire dans le débat c'est "pinailler", c'est se concentrer sur des détails qui n'intéressent que les spécialistes et qui risquent d'entraver l'exercice de simplifier pour pouvoir donner l'HDRI accès à l'idée essentielle qu'on veut diffuser (et sur laquelle les spécialistes sont censés être d'accord). Bref, leur usage risque de rendre toute véritable diffusion du savoir philosophique impossible. Par souci de perfection jusque dans les détails les plus compliqués, on risque d'obtenir l'inverse: que l'HDRI n'y comprend plus rien, et donc décide d'en rester à ses idées à lui, et par conséquent de sombrer le cas échéant dans la fausseté, alors que le philosophe est censé combattre les idées fausses.

Dans l'autre cas, les termes techniques c'est un outil absolument indispensable si l'on veut que l'HDR puisse philosopher. C'est l'outil par excellence pour distinguer ce qui est confus (même si faire ces distinctions demande un effort de pensée, donc semblent être obscures aussi longtemps qu'on ne l'a pas encore fait, qu'on ne les a pas encore compris).

Les sauter parce qu'on craint que l'HDR ne serait pas capable d'apprendre des nouveaux mots ou donner un sens nouveau à des mots existants, c'est à mon sens non seulement le sous-estimer sérieusement, c'est aussi rendre toute activité autonome de l'HDRPh impossible. On lui demande alors de s'en tenir à l'"autorité" du philosophe spécialiste qu'il devra croire sur parole parce que c'est lui le spécialiste alors que l'HDR n'est qu'un "vulgaire". On va simplement lui expliquer qu'il se trompe quand il adopte des idées qui sont contraire à la doctrine philosophique qu'on adopte soi-même, en utilisant son langage à lui et quelques arguments logiques. On suppose également que changer d'idées est possible sans changer de langage (puisqu'on veut s'en tenir maximalement à son langage à lui).

Du point de vue de quelqu'un qui refuse de concevoir la philosophie comme un savoir (au sens expliqué ci-dessus), concevoir la diffusion de la philosophie dans la cité comme une "vulgarisation", c'est quasiment essayer de "convertir" l'HDR à telle ou telle doctrine, en se servant de ses images (= mots) et imagination (idées associées à ses mots) à lui. C'est très proche de ce que Spinoza à mon sens a défini comme le rôle propre de la religion. C'est donc aux antipodes d'une diffusion comprise comme enseignement de l'activité de philosopher même. Autrement dit, on risque de rendre toute véritable diffusion de la philosophie impossible.

A mon sens, c'est ce qui pourrait expliquer le ton "passionnel" (au sens ordinaire du mot) de certaines discussions sur ce forum dans le passé, ou la raison pour laquelle le débat pro ou contre la thèse "chez Spinoza le bien est absolu" nous intéresse tant pour l'instant. On partage les mêmes soucis et assomptions de base:

- le monde a besoin de philosophie, il faut que le philosophe sorte de sa tour d'ivoire et diffuse la philosophe dans la rue
- l'Ethique et le spinozisme tout court doit absolument être diffusé et ne pas rester un objet d'étude pour les "spécialistes"
- les idées proposées par Spinoza peuvent avoir un effet réellement bénéfique pour l'homme dans sa vie quotidienne, qu'il soit philosophe ou non.

Là où nos (la mienne et celle de par exemple Henrique ou Sescho) positions s'opposent assez radicalement, en revanche, c'est lorsqu'il s'agit de définir la philosophie en tant que telle. C'est ce qui fait qu'en fin de compte, on comprend quelque chose d'assez opposé par la notion de "diffusion" de la philosophie, voire des choses qui par moments sont incompatibles.

Enfin, tout ceci n'est qu'une hypothèse, bien sûr. La première question est de savoir dans quelle mesure Henrique etc. se reconnaissent dans la position que je viens de leur attribuer. Ensuite on pourrait éventuellement se demander comment rendre ces deux positions plus compatibles, vu qu'à la base on part quand même du même souci ou de la même idée.

(PS: je n'ai plus le temps de relire pour corriger les fautes etc.)

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Messagepar Louisa » 19 oct. 2010, 16:33

Rapido ...

Henrique a écrit :(manifestement tu n'as pas relevé Louisa les références que j'avais apporté sur ce plan, mais répétons : E4P24 pour l'idée d'une vertu absolue et ajoutons, au cas ce ne serait pas encore assez évident E4P28 pour l'identité de la vertu et du bien).


J'avais déjà mentionné et commenté ces références au début de cette discussion, mais cela se trouve dans le fil où elle a commencé (Spinoza et l'IVG). Pour cette raison, mais aussi parce qu'il me semble que cela ne touche pas à l'essentiel de notre divergence, je ne m'y suis pas attardée ici, jusqu'à présent.

Résumé de ce que j'en avais dit dans l'autre fil:

On est parfaitement d'accord pour dire que chez Spinoza il existe des vérités absolues. Là où on n'est pas d'accord c'est lorsqu'il s'agit d'appeler non pas des vérités mais des biens "absolus".

A mon sens ce n'est pas un hasard que Spinoza parle de vérités (idées) bsolues mais non pas de "vertu absolu". La vertu c'est l'essence singulière en tant qu'elle est puissance. Celle-ci n'est jamais absolue chez l'homme, seule l'essence divine est absolue. Puis (c'est là qu'on n'est pas d'accord, ne fût-ce dans un certain sens) il n'y a pas d'absolu au niveau éthique/moral chez Spinoza, il n'y a des absolus qu'au niveau épistémologique (celui de la vérité).

Qu'il y ait des choses dites absolues chez Spinoza ne suffit pas pour supposer un bien absolu (au sens technique (non seulement scolastique, mais philosophique tout court, d'Aristote (mais pas déjà Platon, pour autant que je sache ...) à nos jours (voir le Petit Robert)) du terme). Pas tout est absolu chez Spinoza. On ne peut pas conclure l'existence d'un absolu dans un domaine (éthique ou moral, domaine du bien/bon et du mal/mauvais) de l'existence d'un absolu dans un autre domaine (épistémologique (vrai/faux) ou ontologique (puissance d'agir et de penser).

Que toute idée ait un objet au sens où elle réfère a quelque chose, est idée de quelque chose n'y change rien. On a des idées de tout, chez Spinoza, mais pas tout ce dont on a des idées est absolue, même si l'idée est vraie ou absolue en tant qu'idée. La preuve en est que l'idée vraie qu'est telle ou telle chose singulière est une idée absolue, or la puissance de la même chose n'est toujours qu'un degré de puissance, elle est limitée (enfin ... nous touchons ici peut-être au sujet des modes finis). De même, on peut avoir une idée vraie de tel ou tel bien, ou même une idée vraie lorsqu'on pense que tel ou tel bien est le bien suprême pour l'homme, ce qui est absolu dans ce cas ce n'est toujours que l'idée. La bonté de la chose bonne continue à être définie comme "ce qui a un effet bénéfique sur tel ou tel homme, voire tout homme), donc la bonté reste un terme relatif et non pas absolu, au sens technique du terme. Qu'elle soit vraiment bonne n'y change rien, le "vrai" réfère à l'idée qu'on en a, et non pas à l'essence de la chose dite bonne elle-même.

D'autre part, tu sembles dire que pour toi le terme "absolu" au sens technique est assez obscur, et tu sembles le sauter carrément dans ta lecture de Barbaras lorsqu'il s'agit des modes finis ... est-ce que tu as déjà essayé la définition du Petit Robert (lorsqu'il explique le sens dit "philosophique" du terme)? C'est que j'ai l'impression qu'il est très facile à comprendre, si l'on y pense un instant, c'est-à-dire qu'il introduit une distinction conceptuelle très claire. Donc peut-être que ton "refus" de travailler avec le sens technique, ne fût-ce qu'entre "lecteurs aguerris", vient simplement de là ... ? Ou peut-être que tu as en revanche de bonnes raisons pour trouver le sens mentionné par le Petit Robert pas clair du tout ... ?

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Miam
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Messagepar Miam » 19 oct. 2010, 18:30

Bonjour Louisa,

Je ne comprends pas l'enjeu de cette discussion sur le terme d'"absolu". Pour moi "absolu" veut dire total et "absolument" totalement, comme en témoigne l'Ethique V 4s : "sinon absoument du moins en partie". Et cela ne pose aucun problème de lecture.

Quant à examiner si la philosophie est un "savoir", une "science" ou quoi que ce soit d'autre, si elle est démontrable ou non, si une démonstration est toujours scientifique et si le poids des mots n'empêche pas toute démonstration philosophique, c'est là, je crois, un tout autre sujet et fort vaste. Mais je n'en vois pas le rapport avec l'usage spinozien du terme d'"absolu" dans l'Ethique.

On peut en faire un nouveau sujet. Mais alors il faudra nous dire ce que vous entendez par "savoir" et ce qu'est, selon vous, une démonstration scientifique. Sans quoi nous bavarderons sur des mots.

A+

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Messagepar Louisa » 19 oct. 2010, 19:02

Bonjour Miam,

en fait, la discussion était partie d'un simple souci de clarification.

Dans le fil "Spinoza et l'IVG", on pouvait lire qu'il y a un Bien et un Mal absolus chez Spinoza (majuscule y compris).

Mon intervention dans ce fil avait seulement pour but d'essayer de clarifier pourquoi on dit d'habitude (= les commentateurs) qu'il n'y a pas de Bien absolu chez Spinoza.

C'est pour comprendre ce qu'on veut dire par là que j'ai voulu préciser le sens "technique" du mot "absolu".

La réponse de ceux qui veulent continuer à parler d'un Bien absolu chez Spinoza semble être que l'on peut facilement concevoir un sens non technique du mot "absolu" qui permet de penser plus ou moins ce que Spinoza dit de ce qui est suprêmement bon pour nous, êtres humains.

Mon objection à cela est double:

1. ce sens non technique est peu précis, alors que le sens technique pour une fois n'est pas propre aux philosophes seuls, puisqu'on le trouve même dans le Petit Robert, donc il est parfaitement accessible au non philosophes aussi.

2. il est important de comprendre en quoi le spinozisme rejette tout Bien absolu au sens technique du terme, car cela permet de le distinguer d'autres doctrine (le christianisme par exemple, raison pour laquelle l'éthique/morale spinoziste est très originale) et de mieux en saisir les conséquences. Sans prendre en compte ces conséquences, on n'a pas une idée "complète" ou exacte du bien spinoziste.

Henrique semble répondre à cela que de toute façon, introduire un terme technique rend la vulgarisation du spinozisme plus difficile, voire impossible puisque "le vulgaire" va comprendre tout autre chose par "il n'y a pas de Bien absolu chez Spinoza" que ce qui est le cas (il imaginerait qu'alors le spinozisme est un scepticisme ou postmodernisme (anything goes, ce que bien évidemment il n'es pas). Je pense qu'il faut partir d'une conception de la philosophie bien différente de la mienne pour pouvoir croire cela. Et comme ce n'est pas la première fois qu'un désaccord entre Henrique (et Sescho, et d'autres) et moi revient au fond à une "question verbale", comme il l'appelle, je pense que s'attarder aux raisons plus profondes de ce désaccord peut être intéressant (voire nécessaire, si l'on ne veut pas toujours répéter le même type de débat). Mais en effet, il vaut peut-être mieux créer un nouveau fil pour ce sujet (au risque de devoir expliquer encore une fois par après pourquoi on est en train de discuter de ce sujet .. :) ).

Après avoir lu votre message je viens de chercher quelques commentateurs qui affirment explicitement que le bon et mauvais sont relatifs dans le spinozisme. Il y en a trop pour pouvoir les citer tous, mais voici que Sévérac et Suhamy en donnent une explication qui va peut-être mieux illuster pourquoi il est important de comprendre en quoi le bon et mauvais sont des relatifs et non pas des absolus chez Spinoza.

Comme il s'agit d'un texte de deux pages, je le cite dans le message suivant.

Je commence d'abord par Deleuze car ce qu'il en dit résume bien la problématique et ses enjeux.


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