Y a-t-il des modes finis chez Spinoza?

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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Messagepar Miam » 25 oct. 2010, 14:01

8-)

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Messagepar Louisa » 25 oct. 2010, 15:03

Hokousai a écrit :Le corollaire dit que ce n'est que quand les choses existent ( sont dites exister ) qu'il y a à proprement parler manière ( ou mode )
Alors elles sont dites durer.


Bonjour Hokousai,

pourriez-vous citer la phrase où Spinoza indique qu'il y a mode "à proprement parler" et ... euh, et quoi, en fait?

Ce que le corollaire dit explicitement, c'est que "aussi longtemps que les choses singulières n'existent pas, SINON en tant qu'elles sont comprises dans les attributs de Dieu" etc.

Si on analyse la phrase, purement grammaticalement, on voit bien qu'une chose peut exister de deux manières: ou bien en tant qu'elle comprise dans les attributs de Dieu, ou bien d'une autre manière, que Spinoza ne précise pas encore ici. Il le fait immédiatement après:

"et quand les choses singulières sont dites exister, NON SEULEMENT en tant qu'elles sont comprises dans les attributs de Dieu, MAIS EN TANT EGALEMENT qu'elles sont dites durer (...)"

Spinoza ne pourrait pas être plus explicite: les choses sont dites exister de deuxmanières:

1. en tant qu'elles sont comprises dans les attributs de Dieu (plus tard il dira que c'est en cela qu'elles sont éternelles)

2. en tant qu'elles sont dites durer.

Le but même de cette proposition est d'introduire les deux types d'existence. Si vous en enlevez une et retournez au sens ordinaire que le mot "exister" a ajourd'hui pour nous (durer dans le temps), la proposition perd toute sa pertinence.

Spinoza rappellera trois fois qu'il travaille avec une double notion d'existence (durer, ou exister dans un temps et un lieu précis, comme il le précise, et exister éternellement en Dieu):

- E2P8
- E2P45 scolie
- 25P29 scolie.

Si vous voulez ne travailler qu'avec un concept de l'existence qui se réduit à "durer", ce sont ces trois propositions qu'il faut enlever de l'Ethique. Or, elles sont cruciales pour comprendre le concept spinoziste de la liberté.

Bref, pour le dire avec Deleuze, réduire les deux sens de l'existence chez Spinoza à un seul, c'est proposer un "spinozisme tronqué".

Cordialement.

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Messagepar hokousai » 25 oct. 2010, 20:00

à Louisa

la proposition perd toute sa pertinence
.

Non car elle introduit une distinction entre les idées des choses singulières qui sont des manières qui n'existent pas et les choses réellement existantes et qui sont des manières .

je vous accorde que le sinon en tant qu'elles sont comprise dans les attributs de Dieu a son importance .
Mais comme Spinoza l'explique à partir de l'exemple du cercle être compris dans l'idée de cercle ce n'est pas exister .

Concevons maintenant que de cette infinité de rectangle il en existe seulement 2...
voila le problème
Dans l'idée de l' homme supposons (comme c'est le fait) qu'il n'en existe seulement que quelques uns ( seraient - ils des milliards leur nombre est limité ) .Ceux là existent ou ont existé ou existeront mais seulement ceux là .

Si vous n'existez pas en tant que manière qui dure alors vous n'existez pas du tout .

On ne peut admettre que [b] le sinon compris dans les attributs infini de Dieu signifie qu' une infinité d 'homme y existe au sens d' existence tel qu'en parle Spinoza , c'est à dire dans la nature naturée .

Sinon on file vers une pluralité des mondes possibles ce que Spinoza n'admet pas .

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Messagepar Louisa » 25 oct. 2010, 20:09

Hokousai a écrit :Si vous n'existez pas en tant que manière qui dure alors vous n'existez pas du tout .


Dire cela, pour Spinoza, c'est s'imaginer que seules les abstractions sont réelles. Pour lui, c'est exactement l'inverse qui est le cas:

Spinoza a écrit :Ici, par existence je n'entends pas la durée, c'est-à-dire l'l'existence conçue abstraitement, et comme une certaine espèce de quantité. Car je parle de la nature même de l'existence, laquelle s'attribue aux choses singulières pour la raison que, de l'éternelle nécessité de la nature de Dieu, suivent une infinité de choses d'une infinité de manières. Je parle, dis-je, de l'existence même des choses singulières en tant qu'elles sont en Dieu.


E2P45.

Comment être plus explicite ... ?

Si vous voulez réduire l'existence à la durée seule, vous ne pensez qu'en termes abstraits, du point de vue du spinozisme. Vous ne touchez pas à la nature même de l'existence.

Je dirais qu'il faut en conclure qu'exister à proprement parler, chez Spinoza, c'est exister non pas en tant que durer dans le temps, c'est exister de toute éternité en Dieu.

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Messagepar hokousai » 25 oct. 2010, 23:56

chère Louisa

Je ne vois pas que le texte que vous citez contredit ce que j' écris .
Mon idée la dessus est simple : qu 'il y ait dans l' idée de cercle une infinité de cercles ne suit pas l'existence en tant que modes d'une infinité de cercles .
Ce serait alors imaginer réelle l' infinie pluralité des mondes possibles .
..............................................
Les modes ne sont pas des abstractions pour Spinoza ( ni pour moi d'ailleurs )
La durée ce n'est pas une abstraction . Spinoza dit simplement qu'il y a une façon abstraite de la penser ( c 'est de la diviser )
..............................................

Si vous voulez penser que toute occasion ( événement ayant une durée finie ) existe telle quel de toute éternité , c'est comme vous voulez . Mais je vous dirais que relativement à ma mort ce savoir m' est indifférent .
Il m'est indifférent de savoir que je suis mort de toute éternité .
Car voyez -vous si un jour je suis vivant , de toute éternité , un jour je suis mort et ce dans la même éternité .Tout y est égal .

Ce qui est fort différent du discours ( sensé )de Spinoza sur la part de l' esprit qui est éternelle . La part de l'esprit qui est éternelle me semble désubjectivisé chez Spinoza .

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Messagepar Louisa » 26 oct. 2010, 04:23

Hokousai a écrit :Je ne vois pas que le texte que vous citez contredit ce que j' écris .
Mon idée la dessus est simple : qu 'il y ait dans l' idée de cercle une infinité de cercles ne suit pas l'existence en tant que modes d'une infinité de cercles .
Ce serait alors imaginer réelle l' infinie pluralité des mondes possibles .


Cher Hokousai,

non je ne pense pas. Le type de raisonnement que vous faites ici me semble être propre à la méthode de lecture que vous pratiquez, et qui consiste à mesurer la vérité ou absurdité d'une thèse à ce que vous pensez être vrai vous, alors que, comme on le sait, je ne vois pas l'intérêt d'une telle méthode. Elle vous oblige d'attribuer sans cesse d'autres sens aux mots que celui que Spinoza leur donne explicitement. Or le sens des mots n'est pas neutre, il implique des thèses philosophiques. C'est ainsi qu'à mon sens vous injectez inévitablement des thèses non spinozistes dans votre interprétation du texte.

Si l'on ne s'en tient qu'aux définitions que Spinoza donne de l'existence d'une chose singulière, il faut dire qu'il ne parle pas d'une existence seulement "possible". Le possible n'est mentionné dans aucune des trois propositions où Spinoza précise que (comme pas mal de philosophes médiévaux, d'ailleurs) il va travailler avec deux sens différents du mot "existence". Au contraire même, l'existence hors de la durée, existence dite "en Dieu" est une existence qui suit de la nécessité même de la nature de Dieu. Les modes ou choses singulières qui n'existent pas dans le temps, chez Spinoza, ne sont pas "en puissance", ce ne sont pas des "possibles", ils ont une existence nécessaire, éternelle, et "actuelle", comme le précise l'E5P29 scolie. C'est même seulement lorsqu'on les considère dans leur singularité "en Dieu" qu'on les conçoit comme étant réels et vrais, y dit Spinoza.

On quitte donc l'aristotélisme. Alors que vous dites que vous ne pouvez pas accepter l'idée de deux types d'existence chez Spinoza parce que ce serait insérer l'idée d'une infinité de mondes possibles. Votre objection serait vraie si à ce sujet Spinoza était aristotélicien. Or il le dit explicitement, il ne l'est pas, l'existence en Dieu est nécesssaire et actuelle, alors que le possible chez Spinoza n'est que le résultat de l'ignorance humaine, il n'a aucune consistance ontologique en soi.

Hokousai a écrit :
Les modes ne sont pas des abstractions pour Spinoza ( ni pour moi d'ailleurs )
La durée ce n'est pas une abstraction . Spinoza dit simplement qu'il y a une façon abstraite de la penser ( c 'est de la diviser )


Euh ... non, il dit littéralement "la durée, c'est-à-dire l'existence conçue abstraitement". Sur quel passage vous baseriez-vous pour travailler avec une durée qui ne serait pas abstraite?

Sinon en effet, les modes ne sont certainement pas des abstractions (contrairement à ce que semblent proposer Miam et Henrique). Ce sont des choses singulières, comme il le dit dans l'E2P8, choses qui ont une existence réelle en Dieu.

Hokousai a écrit :Si vous voulez penser que toute occasion ( événement ayant une durée finie ) existe telle quel de toute éternité , c'est comme vous voulez . Mais je vous dirais que relativement à ma mort ce savoir m' est indifférent .
Il m'est indifférent de savoir que je suis mort de toute éternité .
Car voyez -vous si un jour je suis vivant , de toute éternité , un jour je suis mort et ce dans la même éternité .Tout y est égal .


Spinoza définit l'éternité par la nécessité. Or dès qu'on considère les choses du point de vue du temps, on est dans l'imaginaire. Lorsqu'on les considère du point de vue de la durée, on est dans l'abstraction. Dire qu'on sera mort à tel moment et de toute éternité n'a donc aucun sens. Du point de vue de l'éternité, toute chose existe éternellement (en Dieu). Du point de vue du temps ou de la durée, son existence a un commencement et une fin. Dire que du point de vue de l'éternité les choses singulières ont un commencement et une fin dans le temps n'a aucun sens, puisque ce sont deux points de vue différents.

La liberté spinoziste consiste précisément à quitter - de temps en temps ... :wink: - le point de vue de la durée, pour essayer d'adopter le point de vue de l'éternité, ou de la nécessité. Votre essence singulière, telle que vous êtes ici et maintenant, a une existence éternelle en Dieu. Elle est "divine", puisque tous les modes sont divins, autant que l'essence qu'ils affectent (mais d'une autre façon: l'essence divine est éternelle par soi et en soi, l'essence singulière de tel ou tel mode est éternelle parce qu'il est nécessairement en Dieu). Votre puissance de penser et d'agir exprime d'une manière déterminée l'essence divine elle-même, et cela de toute éternité. C'est prendre conscience de cela qui donne accès à la béatitude. Et une fois qu'on a compris l'éternité/nécessité de sa propre existence en Dieu, donc de sa propre essence, on peut essayer de comprendre celle d'autres choses aussi, ce qui augmente encore notre amour pour elles, et notre béatitude.

Même la personne la plus insipide que vous pouvez rencontrer par hasard, en attendant le tram (ou le bus, pour prendre l'exemple de Bernard Pautrat), est en fait, realiter, divine. Expression déterminée d'une puissance infinie et éternelle. Rencontrer cette personne, c'est rencontrer "Dieu en personne". Et tout ce qu'elle fera, elle ne le fera que mue par une seule cause: essayer de mieux vivre, d'augmenter son degré de puissance, de penser et d'agir davantage, d'exister davantage, d'être plus heureux. Alors que du point de vue de la durée, elle ne peut qu'être une partie de la nature, et est donc nécessairement contrariée dans ses efforts de vivre mieux, a nécessairement des idées confuses, qui causeront d'autres idées confuses qui lui feront pâtir etc.

Personnellement, je suis assez persuadée qu'effectivement, lorsqu'on sait considérer tout et n'importe qui ainsi, on est envahi d'une espèce d'amour qui ne dépend pas de l'amour que les gens savent ressentir pour vous, c'est un amour de la divinité en eux (c'est-à-dire dans toute leur singularité). Et cet amour rend plus fort, et plus heureux, parce qu'il permet par exemple (avec un peu d'entraînement ... :) ) de rester calme lorsque quelqu'un devient agressif, puisqu'on sait immédiatement qu'une personne agressive est elle-même la première victime de l'une ou l'autre idée inadéquate, qu'elle n'est pas du tout en train de nous montrer qui elle est "vraiment".

Mais tout cela n'est concevable que si l'on admet une existence éternelle des modes ou choses singulières en Dieu, sur un "plan" qui n'a rien à voir avec le point de vue de la durée. Autrement dit: si l'on admet les deux niveaux d'existence introduits par Spinoza.

Enfin, du moins est-ce ce que je pense pour l'instant .. .

Cordialement.

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Messagepar hokousai » 26 oct. 2010, 11:21

Sur quel passage vous baseriez-vous pour travailler avec une durée qui ne serait pas abstraite?


sur " Dès qu'on aura conçu la durée abstraitement et que la confondant avec le temps , on aura commencé à la diviser ( lettre 12 sur l'infini )
..............................................

Elle vous oblige d'attribuer sans cesse d'autres sens aux mots que celui que Spinoza leur donne explicitement.

ah bon ! par exemple vous ,vous définissez l' éternité par la nécessité.
Citez moi un texte de Spinoza où l' éternité est définie en propre par la nécessité . Car si la nécessite s 'applique à du non éternel alors la nécessité ne suffit pas à définir l éternité .

L 'éternité ( à mon avis ), il n y a que la substance qui l'a . C'est à dire Dieu et ses attributs et les modes infinis , enfin bref, pas les choses singulières .
Il n'y aurait aucun sens sinon à distinguer nature naturante et nature naturée (distinction sur laquelle vous faite superbement l 'impasse )

Sur une compréhension erronée de l 'éternité vous dévidez un fil montrant l 'éternité de ce qui ne l'est justement pas .
.........................................................

Spinoza dit des choses singulières
( prop 9/2) qu'il y en a l'idée en Dieu non en tant qu 'il est infini .
et encore
la forme de l'homme ce n'est pas l être de la substance
et encore
les choses singulière ... et pourtant Dieu n' appartient pas à leur essence (prop10/2)

Si la substance ne constitue pas la forme de l' homme alors la forme de l' homme n' a pas les propriétés de la substance ( donc pas l' éternité )

............................................................

Mais sur une idée de ce que vous vous faites des causes , en vous, de l'amour du prochain , idée que vous voyez dériver de cette compréhension du Dieu en personne ( sic ) chez autrui alors vous gauchissez notablement la lecture Spinoza .

.............................................

Sur ma méthode
Je n'ai pas de thèses personnelles sur la substance et l'éternité auxquelles je pourrais comparer celles de Spinoza et ainsi produire des interférences.
Il est abusif de penser que la philosophie personnelle de quelqu'un interfère nécessairement avec la lecture, cela conduit à soupçonner tout un chacun de ne jamais pouvoir comprendre un autre que lui même .

Après tout Spinoza avait plutôt bien compris Descartes .

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Messagepar Louisa » 26 oct. 2010, 17:41

Hokousai a écrit :Citation:
Sur quel passage vous baseriez-vous pour travailler avec une durée qui ne serait pas abstraite?

sur " Dès qu'on aura conçu la durée abstraitement et que la confondant avec le temps , on aura commencé à la diviser ( lettre 12 sur l'infini )


Cher Hokousai,

oui en effet, cette lettre suggère clairement qu'il y a moyen de concevoir la durée de façon non abstraite. Mais ce serait quoi alors .. ?

Il me semble que dans l'Ethique il ne parle plus que d'une durée comme conception abstraite de l'existence d'une chose (à vérifier).

Hokousai a écrit :Citation:
Elle vous oblige d'attribuer sans cesse d'autres sens aux mots que celui que Spinoza leur donne explicitement.

ah bon ! par exemple vous ,vous définissez l' éternité par la nécessité.
Citez moi un texte de Spinoza où l' éternité est définie en propre par la nécessité .


La définition même de l'éternité?

E1 Déf. 8: "Par éternité, j'entends l'existence même, en tant qu'on la conçoit suivre nécessairement de la seule définition d'une chose éternelle."

Il y ajoute que une existence éternelle et l'essence d'une chose qui a une existence éternelle ne peuvent s'expliquer par la durée ou le temps, quand même on concevrait la durée sans commencement ni fin.

C'est aussi ce qui me fait penser qu'il n'y a pas moyen de concevoir la durée autrement qu'abstraite, chez Spinoza. Oui, on peut la concevoir sans début ni fin, mais alors on l'imagine comme un temps infini, ce qui, justement, n'existe pas, selon la lettre 12.

Hokousai a écrit :Car si la nécessite s 'applique à du non éternel alors la nécessité ne suffit pas à définir l éternité .


à mon avis la seule chose qui n'est pas éternel chez Spinoza, ce sont les idées inadéquates.

Hokousai a écrit :L 'éternité ( à mon avis ), il n y a que la substance qui l'a . C'est à dire Dieu et ses attributs et les modes infinis , enfin bref, pas les choses singulières .


"(...) en tant que l'Esprit est lui-même éternel." (E5P33) Voir aussi le scolie de l'E5P34.

C'est bien de tel ou tel Esprit qu'il s'agit ici, et non pas de l'Esprit de Dieu (expression qui n'a pas de sens).

C'est pourquoi tous les modes finis sont éternels. Or cela signifie, comme le dit la définition de l'éternité, que leur essence singulière est elle aussi éternelle.

C'est à mon sens l'un des arguments principaux pour l'idée qu'il y a bel et bien des modes finis et des essences de modes finis distinguées de l'essence divine ou l'essence de la substance, chez Spinoza.

Hokousai a écrit :Il n'y aurait aucun sens sinon à distinguer nature naturante et nature naturée (distinction sur laquelle vous faite superbement l 'impasse )


si, la distinction est parfaitement maintenu, il l'explique dans la démo de l'E5P30: la différence entre un mode fini éternel et la substance infinie éternelle, c'est que l'essence de la substance est cause de soi, et enveloppe son existence, alors que l'essence d'un mode reçoit son existence d'une autre essence. Or, lorsqu'on conçoit un mode fini sous l'aspect de l'éternité, on le conçoit comme suivant nécessairement de la définition même de l'essence de la substance. Ce qui correspond parfaitement à la définition de l'éternité, seulement, le mode reçoit son éternité, son essence enveloppe l'éternité que parce qu'elle la reçoit d'autre chose (Dieu), alors que l'essence divine elle n'a nullement besoin de recevoir l'éternité de quelque chose en dehors de soi, son essence enveloppe l'éternité lorsqu'on la considère en elle seule. Tandis que l'essence singulière d'un mode fini n'enveloppe l'éternité que lorsqu'on la considère comme suivant nécessairement de l'essence divine, si vous voyez la différence ... ?

Pour moi c'est donc plutôt ceux qui veulent qu'il n'y ait pas d'essences singulières, que l'essence du mode fini soit en fait l'essence divine elle-même (position de Miam et Henrique), qui abolissent le plan de la nature naturée, pour ne conserver que la nature naturante.

Hokousai a écrit :Spinoza dit des choses singulières
( prop 9/2) qu'il y en a l'idée en Dieu non en tant qu 'il est infini .
et encore
la forme de l'homme ce n'est pas l être de la substance
et encore
les choses singulière ... et pourtant Dieu n' appartient pas à leur essence (prop10/2)

Si la substance ne constitue pas la forme de l' homme alors la forme de l' homme n' a pas les propriétés de la substance ( donc pas l' éternité )


la substance existe. Vous allez aussi nier l'existence des choses singulières simplement parce que la substance existe aussi ... ?

Ce n'est pas parce qu'une propriété caractérise la substance qu'elle ne peut pas caractériser les modes, dans un système immanent il faut même une sorte de continuité, sinon on introduit une transcendance. Les choses sont bien des degrés de puissance, par exemple. Que l'essence divine se caractérise par une puissance absolue ne nie pas que les choses singulières aient une puissance elles aussi.

La différence, encore une fois, c'est que dans le cas de l'essence de la substance, l'éternite ou existence nécessaire suit de son essence même, alors que dans le cas de l'essence d'un mode, son éternité ne suit que du fait qu'il enveloppe l'essence divine et suit nécessairement de l'essence divine.

Hokousai a écrit :Mais sur une idée de ce que vous vous faites des causes , en vous, de l'amour du prochain , idée que vous voyez dériver de cette compréhension du Dieu en personne ( sic ) chez autrui alors vous gauchissez notablement la lecture Spinoza .


je n'ai pas compris ce que vous voulez dire par là.

Hokousai a écrit :Sur ma méthode
Je n'ai pas de thèses personnelles sur la substance et l'éternité auxquelles je pourrais comparer celles de Spinoza et ainsi produire des interférences.
Il est abusif de penser que la philosophie personnelle de quelqu'un interfère nécessairement avec la lecture, cela conduit à soupçonner tout un chacun de ne jamais pouvoir comprendre un autre que lui même .


ce que je voulais dire c'est que vous semblez refuser l'idée d'un double sens du mot "existence" chez Spinoza parce que vous voulez maintenir l'idée que siles choses qui n'existent pas dans le temps, doivent exister quand même en Dieu, alors elles ne peuvent y exister que comme "possibles" (vous refusez alors l'idée d'une existence des choses singulières en Dieu chez Spinoza parce qu'on sait qu'il n'y a pas de possible chez Spinoza). Or cela (= l'idée que si les choses n'existent pas dans le temps, elles existent déjà, mais "en puissance", comme possibles), c'est une idée aristotélicienne. Spinoza la réfute explicitement, lorsqu'il dit que les choses existent nécessairement en Dieu, indépendamment de toute existence dans le temps (= existence au sens ordinaire du mot).

Il faudrait montrer dans le texte de Spinoza qu'il ne dit pas que les choses singulières qui n'existent pas dans le temps existent pourtant nécessairement en Dieu pour pouvoir montrer que ce que je dis est faux, vous ne pouvez pas vous basez sur une idée aristotélicienne pour dire que Spinoza ne peut pas montrer ce que je prétend qu'il montre, si vous voyez ce que je veux dire ... ?
Cordialement.

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Messagepar hokousai » 26 oct. 2010, 20:07

à Louisa

je suis presque en désaccord sur tout ce que vous avancez .
....................................................................

E1 Déf. 8: "Par éternité, j'entends l'existence même, en tant qu'on la conçoit suivre nécessairement de la seule définition d'une chose éternelle."

Le nécessairement ne suffit pas
Si vous voulez aller par là , l 'éternité se définit autant par le concept par le "ce qui suit de"( la conséquence causale ) , par le nécessaire et par le définition .
L'éternité se comprend comme suivant nécessairement de la définition d'une chose éternelle , pas en propre par la nécessité .

La nécessité est une autre notion .
Ainsi vous soustrayez les idées inadéquates de la nécessité . Or les idées inadéquates sont de l'ordre et l'enchainement des idées tout comme les adéquates, l'ordre est nécessaire .
..................................................

alors que l'essence d'un mode reçoit son existence d'une autre essence.


Pas du tout ( voir prop 24/1 coroll)
Ce n'est pas l' essence d'un mode qui reçoit l' existence , sans l'existence le mode n 'a pas d 'essence , il y en a une idée en Dieu .
Le mode est existant par cause essendi .
Dieu est ce qui cause l'existence .

des choses leur essence ne peut être cause de leur existence ni de leur durée .
....................................................

Le mode ne reçoit pas l 'éternité , bien sur que non , sinon les hommes seraient éternels , or ils ne le sont pas .
les choses n' ont pu suivre d'une modification qui est éternelle et infinie (prop 28/1)
LA MODIFICATION EST FINIE ET A UNE EXISTENCE DÉTERMINEE
.....................................................

Il faudrait montrer dans le texte de Spinoza qu'il ne dit pas que les choses singulières qui n'existent pas dans le temps existent pourtant nécessairement en Dieu pour pouvoir montrer que ce que je dis est faux,


Je n'ai pas trouvé chez Spinoza de choses singulières qui n'existent pas dans la durée .Elles ont un conatus limité en puissance ainsi elles durent, mais la puissances des choses extérieures les fait cesser de durer .

......................................................

Je m'en tiens à ce que dit Spinoza sur le possible , c'est une insuffisance de la pensée humaine , c'est tout . Cessez un peu de me renvoyer à Aristote en permanence , je ne suis pas aristotélicien .Cela dit antérieurement à Spinoza il y a l'incontournable Aristote et la tradition aristotélicienne .Spinoza ne se construit pas ex nihilo .

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Messagepar Louisa » 27 oct. 2010, 14:10

Hokousai a écrit :Citation:
E1 Déf. 8: "Par éternité, j'entends l'existence même, en tant qu'on la conçoit suivre nécessairement de la seule définition d'une chose éternelle."

Le nécessairement ne suffit pas
Si vous voulez aller par là , l 'éternité se définit autant par le concept par le "ce qui suit de"( la conséquence causale ) , par le nécessaire et par le définition .
L'éternité se comprend comme suivant nécessairement de la définition d'une chose éternelle , pas en propre par la nécessité .


Cher Hokousai,

la définition dit que l'éternité, c'est l'existence conçue d'une certaine manière. Comment? L'existence en tant qu' elle suit nécessairement de la définition d'une chose éternelle.

Or on sait que tout ce qui existe, suit nécessairement de l'essence divine (E1P16). L'essence divine est éternelle. Donc tout ce qui existe a une existence éternelle. Que par ailleurs certaines choses (les choses singulières ou modes finis) existent aussi dans un autre sens, c'est-à-dire "durent", dans un temps et un lieu précis, n'y change rien, puisque l'éternité ne se définit ni par le temps, ni par la durée.

Hokousai a écrit :La nécessité est une autre notion .
Ainsi vous soustrayez les idées inadéquates de la nécessité . Or les idées inadéquates sont de l'ordre et l'enchainement des idées tout comme les adéquates, l'ordre est nécessaire .


Les idées inadéquates n'existent pas du point de vue de Dieu/éternité, puisque Dieu n'a que des idées adéquates ("(...) et par suite il n'y a pas d'idées inadéquates ou confuses; sinon en tant qu'elles se rapportent à l'Esprit singulier de quelqu'un", E2P36 démonstration). Seules les idées adéquates sont éternelles, en effet, sinon notre Esprit serait entièrement éternel, et non pas en partie.

Que les idées inadéquates suivent les unes des autres avec la même nécessité que les idées adéquates, c'est donc à mon avis parce que la nécessité ne se produit que d'un point de vue éternel, or de ce point de vue toute idée est adéquate.

Hokousai a écrit :Citation:
alors que l'essence d'un mode reçoit son existence d'une autre essence.


Pas du tout ( voir prop 24/1 coroll)
Ce n'est pas l' essence d'un mode qui reçoit l' existence , sans l'existence le mode n 'a pas d 'essence , il y en a une idée en Dieu .
Le mode est existant par cause essendi .
Dieu est ce qui cause l'existence .

des choses leur essence ne peut être cause de leur existence ni de leur durée .


oui, l'essence d'une chose x ne peut pas être la cause de l'existence de la chose x. Mais c'est bel et bien l'essence du mode y qui donne l'existence au mode x. Un mode infini ne peut causer des modes finis, seuls des modes finis causent des modes finis (E2P9).

E1P24 corollaire ne contredit pas du tout cela, il est simplement moins précis, en ne parlant que de "Dieu", en général. Or on sait que Dieu, ce n'est rien d'autre que d'une part les attributs, d'autre part les modes. E2P9 précise de quel aspect de Dieu il s'agit: des modes, pas des attributs.

Que sans existence dans le temps le mode n'a pas d'essence, c'est précisément ce sur quoi nous ne sommes pas d'accord. A mon sens il suffit de lire la proposition 8 de l'E2 pour se rendre compte du fait que le Dieu spinoziste n'a pas d'abord l'idée d'une chose, avant que son essence n'existe:

"Les idées des choses singulières, autrement dit des manières, qui n'existent pas, doivent être inclus dans l'idée infinie de Dieu de même que les essences formelles des choses, autrement dit des manières, sont contenus dans les attributs de Dieu."

Prenons x, chose singulière qui n'existe pas dans le temps (qui ne "dure" pas). L'idée de x est néanmoins incluse dans l'idée infinie de Dieu (là-dessus nous sommes tous les deux d'accord). Mais Spinoza y ajoute: "de même que les essences formelles des choses". C'est ce que vous semblez sauter. Les essences formelles des choses existent en Dieu aussi, lorsque les choses ne sont pas dites durer. C'est en cela qu'elles sont éternelles.

Hokousai a écrit :Le mode ne reçoit pas l 'éternité , bien sur que non , sinon les hommes seraient éternels , or ils ne le sont pas .
les choses n' ont pu suivre d'une modification qui est éternelle et infinie (prop 28/1)
LA MODIFICATION EST FINIE ET A UNE EXISTENCE DÉTERMINEE


"nous sentons et nous expérimentons que nous sommes éternels".

Il y a un tas de références à l'éternité de l'essence de tel ou tel homme dans la cinquième partie. Et nous savons que les essences sont singulières chez Spinoza (enfin, "nous" ... pas selon Miam et Henrique, mais je ne vois pas comment dès lors tenir compte de la définition même de ce qui constitue l'essence d'une chose singulière chez Spinoza).

Voir à ce sujet l'intéressant De l'éternité du mode fini dans l'Ethique de Spinoza. de Catherine Andrieu (L'Harmattan).

Hokousai a écrit :Citation:
Il faudrait montrer dans le texte de Spinoza qu'il ne dit pas que les choses singulières qui n'existent pas dans le temps existent pourtant nécessairement en Dieu pour pouvoir montrer que ce que je dis est faux,


Je n'ai pas trouvé chez Spinoza de choses singulières qui n'existent pas dans la durée .Elles ont un conatus limité en puissance ainsi elles durent, mais la puissances des choses extérieures les fait cesser de durer .


Ce qui irait dans votre sens c'est l'axiome de la quatrième partie:

"Il n'y a pas de chose singulière, dans la nature des choses, qu'il n'y en ait une autre plus puissante et plus forte. Mais, étant donnée une chose quelconque, il y en a une autre plus puissante, par qui la première peut être détruite."

Seulement, Spinoza ne s'arrête pas là, ensuite vient le cinquième livre: "De la liberté humaine" ... qui dit (E5P37 scolie):

"L'Axiome de la Quatrième Partie regarde les choses singulières en tant qu'on les considère en relation à un temps et un lieu précis, ce dont, je crois, personne ne doute."

En effet, visiblement vous n'en doutez pas non plus. Or le problème c'est que juste avant, Spinoza vient de nous dire que nous ne sommes pas du tout obligé de ne regarder les choses qu'en relation au temps, ou en tant qu'elles sont dites durer. E5P29 scolie: "Nous concevons les choses comme actuelles de deux manières, selon que nous les concevons soit en tant qu'elles existent en relation à un temps et à un lieu précis, soit en tant qu'elles sont contenues en Dieu."

Si l'axiome de l'E4 ne vaut que lorsqu'on conçoit les choses en relation au temps, alors qu'on peut les concevoir aussi autrement, cela signifie que lorsqu'on les conçoit en Dieu au lieu de les concevoir en tant qu'elles sont dites durer, l'axiome ne vaut plus, non ...?
Cordialement.


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