Une interview de Bonnefoy sur France Culture

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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Bergeret
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Une interview de Bonnefoy sur France Culture

Messagepar Bergeret » 04 janv. 2011, 00:57

Bonjour à tous,

Yves Bonnefoy s'exprimait ce soir sur France Culture, et, alors qu'il parlait de toute autre chose que du spinozisme, ses paroles n'ont pu m'empêcher de penser fortement à l'Ethique, un livre que j'ai toujours chéri.

Voici, de façon retranscrites, ses mots. Pardonnez la forme très "orale" de ces propos :

Extrait d'un interview d'Yves Bonnefoy (france culture, lundi 4 janvier 2011, un peu après minuit)

"Il y a dans la pensée conceptuelle une inertie intérieure qui fait qu'elle tend à se refermer sur des systèmes... et les systèmes qui se sont plus ou moins refermés, ainsi, sur eux-même, ont un avantage que l'on perçoit. Ils vous délivrent de la crainte de la mort dans ce sens que vous n'êtes plus qu'un sujet dans la généralité, dans l'intemporel ; d'où le grand désir d'adhérer à ces systèmes, ces idéologies."

Et, un peu plus loin :
"La poésie est tout simplement ce qui tend à défaire ces projets idéologiques"

Je le répète, Bonnefoy ne parlait aucunement de Spinoza... mais que pensez-vous de ces propos vus comme une critique de tout système philosophique complet, définitif et autonome (les adjectifs ne sont pas des mieux choisis, excusez-moi...), et donc aussi, entre autres, du spinozisme ?

En vous remerciant, et en franchissant enfin le pas en venant ici...

Alexandre

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Messagepar QueSaitOn » 04 janv. 2011, 15:50

La poésie de Y. Bonnefoy que j'ai eu un peu l'occasion de lire, est tout entière fondée en effet sur le recherche de la "présence" au monde, tentative de s'affranchir de la médiation des mots qui nous piègent dans le "concept". Dans une conférence donnée en 2000 il a défini ainsi la poésie.

Est ce contradictoire avec le système de Spinoza ? Oui et non, car la philosophie de Spinoza n'est elle pas tentative de retrouver le "corps" par les affects, le Dieu par la présence au monde ? Cela passe par la médiation du langage etd 'un système, certes, mais pour s'en affranchir par l'intuition que constitue l'amour intellectuel de Dieu. Qu'est ce qe la poésie finalement si ce n'est d'exprimer cette intuition, cet amour intellectuel de Dieu ?

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Messagepar Bergeret » 04 janv. 2011, 21:07

Bonjour QueSaitOn,

Il est vrai qu'un parallèle entre Spinoza et la poésie de Bonnefoy pourrait s'établir autour de l'amour intellectuel de la Nature :

"L'âme se fait d'aimer
L'écume sans réponse
La joie sauve la joie
L'amour le non-amour"

(Yves Bonnefoy, in Pierre écrite, 1965)

Néanmoins, plus de choses les différencient que les rapprochent. En ceci, le passage radiophonique que j'ai cité hier me frappait sur deux points.

Un système conceptuel clos et autonome peut s'avérer dangereux, confortable comme il est ! Car
1) Il ne produit pas d'auto-critique tout comme il n'admet pas les critiques extérieures. Bref, on reste entre soi. Le système veut se suffire à lui-même.. et apporter toutes les réponses. Il "se referme sur lui-même".

2) Il nous inscrit dans un mouvement plus vaste (ici le spinozisme, qui doit être, heureusement, un des plus bénins qui soit au niveau politique) et nous ne sommes "plus qu'un sujet dans la généralité", bref un sujet qui a compris les tenants et les aboutissants du monde, un sujet qui possède une solide planche de salut, un sujet qui s'inscrit dans une histoire profonde, une idéologie solide (combien de penseurs thuriféraires de Spinoza depuis le XVIIe ? combien de livres ?), un sujet, qui, à côté de son univers "séculier" possède son monde "régulier" et donc, d'une certaine façon, flirte lointainement avec l'éternité... et cela d'une façon bien différente que celle proposée par notre bon vieux Baruch !

Je te remercie de ta réponse, QueSaitOn, je ne sais pas si ce post amènera de nombreuses réactions... Et puis, d'une certaine façon, le mieux est peut-être d'être profondément spinoziste, mais par intermittence, tout comme nous pouvons être profondément amateur de poésie, de matérialisme ou des plaisirs de la table !

Souvent notre assiette varie, bien fol qui si fie !

En te remerciant, et en saluant tous les amateurs de Spinoza qui liront ce message,

Alexandre

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Messagepar AUgustindercrois » 05 janv. 2011, 00:32

Il y a une poésie/ poétique de l'Ethique.

Il y a un système chez Bonnefoy.

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Messagepar Bergeret » 05 janv. 2011, 23:20

Bonjour,

Je vois mon erreur : en parlant de Bonnefoy, j'ai provoqué davantage de remarques centrées sur le poète que sur ce qui m'intéressait, à savoir la critique du spinozisme comme système clos, critique que l'on pouvait formuler à partir de la citation de mon premier message. Je n'aurais peut-être pas dû citer l'homme, et intituler mon message "le dangereux charme des systèmes refermés sur eux-même", cependant, à la réflexion, cette charge anti-systèmes n'est de pas forcément de la plus haute importance.

Je verrai. Peut-être reviendrai-je un jour là dessus avec un nouveau sujet, en formulant de façon plus claires et plus étayées mes idées.

Je "clos" (comme les systèmes :) ) donc mes interventions par un poème que j'aime beaucoup, finissant ainsi comme j'avais commencé avec cette bien agréable faute originelle.

"Je déplace du pied
Entre d'autres pierres
Cette large, qui couvre
Des vies, peut-être.

Et c'est vrai : de nombreuses
Sont là, qui courent
De toutes parts, aveugles
Par soudain trop de jour.

Mais vite les voici
Rédimées par l'herbe.
Je n'ai troublé qu'un peu
La vie sans mémoire.

Comme il fait beau, ce soir !
A peine si
Je sais, sur ce chemin,
Que j'existe encore."

Yves Bonnefoy, les planches courbes. Un excellent recueil.
Son dernier livre, "Raturer outre", plus sombre, est paru il y a quelques mois, mais j'arrête la pub !

Merci à vous,
Cordialement,
Alexandre

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Messagepar QueSaitOn » 06 janv. 2011, 02:06

Tous les grands poètes se nourrissent de la philosophie donc d'un "système" si l'on veut, et Yves Bonnefoy ne fait certainement pas exception. D'autres ont d'ailleurs croisé Spinoza sur leur route comme St John Perse dont on ne peut s'empècher de penser que son pathéisme s'inspire de celui de Spnoza (voir par exemple sa longue ode à la mer dans "Amers").

La poésie est en dialogue perpétuel avec les systèmes philosophiques, comme elle l'est avec la prose et je crois difficilement à l'existence d'une poétique indépendante de la prose philosophique.

On pourrait très bien voir d'ailleurs dans le poème que vous citez, un exemple de cette intuition du "Dieu" dans la pierre qu'il déplace. Un exemple de l'immanence dans cette "vie sans mémoire".

cordialement

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Messagepar AUgustindercrois » 06 janv. 2011, 21:21

@Alexandre

L'Ethique est - il un système clos? C'est plutôt un filet, qui laisse les obscurités et les clartés filtrer.

Tout est dans les mailles du filet.

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Messagepar Bergeret » 08 janv. 2011, 01:55

Bonsoir à tous,

Je suis désolé Augustin, je ne comprends pas votre remarque. Laissons les métaphores et préférons le parti de la ligne claire. Je suis certain que votre propos est intéressant, mais je ne l'ai pas compris, désolé.

Je reviens à l'instant d'une soirée avec des amis. J'ai un peu bu et n'ai que des idées inadéquates. Je voulais seulement dire que j'ai visité de nombreuses fois ce forum, et cela depuis des années et suis très heureux de son existence. Si je ne pense pas être un convaincu (le mot, là aussi, est mal choisi, excusez cette approximation) comme le sont Louisa ou Henrique, j'apprécie l'existence de cet endroit. Sa présence participe à la beauté du monde.

Notre assiette, ou tout du moins, la mienne, varie. La figer dans un système ne me paraît pas adéquat. Je n'y arrive pas. Tant de choses fluctuent. Il doit s'agir plus d'une conséquence de personnalité que de vérité. Certains sont poètes et changent d'avis comme de chemise, d'autres sont philosophes et construisent aussi solidement que l'airain, j'ai pour ma part la malchance de n'appartenir à aucune de ces catégories et ne peux de même, en dehors de l'amour de mon corps, de mon esprit, de mon entourage et de la Nature, proposer des vérités tangibles, solides et perpétuelles. Tout varie tant.

Je suis désolé de l'incohérence de mes propos. Je suis quelque peu fatigué et surtout très saoul.

Merci Henrique, ou tout autre modérateur, de faire disparaitre ce message quand vous le lirez.

Merci à vous tous,

Et mementote : Amor est laetitia...

Alexandre, alias Bergeret.

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Messagepar hokousai » 08 janv. 2011, 10:57

Je n'aurais peut-être pas dû citer l'homme,

ah mais justement si, c'est en citant l' homme( Bonnefoy ) que vous avez 315 ouvertures du fil ( bien plus que pour Nietzsche )

signe que le lectorat de ce site n'est pas insensible à la poésie .

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Messagepar AUgustindercrois » 08 janv. 2011, 23:22

@Bergeret

Je ne sais pas si tu as lu Héraclite, ami. Chez Garnier Flammarion, il y a une bonne édition.

Tu as peut-être vu que c'est un très bon philosophe du flux, de la variation universelle.

Il dit en un sens ce que Spinoza dit en un autre.

Je pense aussi, à te lire légèrement bourré, au Poème de Parménide, malheureusement trop cher.

Il me semble que Bonnefoy se réfère plus ou moins implicitement à cette tradition.

Il y a aussi la critique de Heidegger à l'endroit de Rilke, qui est intéressante, et qui peut éclairer les propos de Bonnefoy.


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