Le modèle taoiste de l'homme parfait

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 10 févr. 2012, 14:02

cher automate

Visionnez cette (très courte) video
http://www.youtube.com/watch?v=Q5o25W76woI&feature=related
....................................................................................

Aucune réflexion n'est légère a priori sur ce forum.( Disons qu' à la limite certaines reflexions peuvent être contraires à la charte mais vous n'êtes bien évidemment pas dans ce cas ).

Hume écrit ceci : "Toutes les sciences sont plus ou moins reliées à la nature humaine », et, par conséquent, la philosophie aussi. Toutes dépendent « de la science de l’homme ».
........................................................................................

Pour" toutes les sciences empiriques " Spinoza aurait peut- être été en partie d'accord avec Hume. Pour les mathématiques non.

Pour la philosophie il ne pouvait être d'accord. Encore que toutes ses considérations sur les passions relèvent d' une certaine science de l' homme, il ne relativise ni la raison ni la logique , ni les démonstrations ad hoc découlant dans l'ordre du de l'idée de Diue qu' il a .

...........................................................

Mais votre remarque m' a conduit à relire le texte admirable de P Macherey sur la controverse avec Boyle sur le salpêtre .
j' en extrais ceci pour montrer comment Spinoza pense quand il est confronté à la question du <b>vide</b> .

" Spinoza s’affirme en désaccord complet avec Boyle : “Quant à ce que j’ai dit d’autre part, à savoir que dans la plupart des pores les particules de salpêtre sont entourées d’une matière plus subtile, cela, je l’ai bien déduit de l’impossibilité du vide, ainsi que le note le grand homme ; mais j’ignore pour quelle raison il appelle l’impossibilité du vide <b>une hypothèse,</b> alors qu’elle suit clairement de ce que le néant n’a pas de propriétés.

En formulant ces objections à ses yeux dirimantes, Spinoza mêle manifestement deux ordres de questions qu’il ne voit aucune raison de distinguer : l’une concerne la possibilité qu’il y ait un vide quelque part, donc dans une portion finie de l’étendue infinie; l’autre concerne la possibilité du vide comme tel, dont la réalité n’est pensable que si elle est conçue comme infinie, et coïncidant ainsi avec la totalité de l’étendue occupée par le monde naturel ; dans le premier cas on a affaire à un vide physique, tel qu’il peut être appréhendé dans des conditions finies, et dans l’autre au vide métaphysique, qui est nécessairement infini. Or Spinoza ne veut ni de l’un de l’autre, et ceci en vertu d’un unique argument, qu’il reprend tel quel à Descartes (cf. à ce sujet les Principes de philosophie de Descartes, II, prop. 16 à 18), <b>qui est un argument logique</b> : l’impossibilité d’attribuer au néant ou à un néant, au vide ou à un vide, des propriétés, ce qui reviendrait à faire du rien qu’il est un être."(P Macherey)

http://stl.recherche.univ-lille3.fr/sitespersonnels/macherey/machereybiblio65.html

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sescho
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Messagepar sescho » 10 févr. 2012, 16:02

hokousai a écrit :La question de la causalité est en général une question très difficile. Mais passons sur Hume .

Chez Spinoza( dans De deo) c' est un noeud assez inextricable.
Suffisamment pour que je me donne le temps de répondre.
Non ce n'est pas facile de s'y retrouver entre:<b> causa sui , cause efficiente , cause immanente, transitive, essendi et de plus "cause ou raison"</b>.

Spinoza fait ponctuellement référence aux distinctions de la Scholastique – et donc d’Aristote – pour se faire comprendre de son temps, mais pour lui il n’y a sauf erreur de cause que l’efficiente s’agissant de Dieu (et transitive s’agissant des choses singulières : E1P28 ; mais encore une fois, celle-ci est au mieux un être de Raison. Voir CT1Ch2Dia1 et sa suite.)

E1P25 : Dieu n’est pas seulement la cause efficiente de l’existence des choses, mais aussi de leur essence.

Démonstration : Si vous niez cela, Dieu n’est donc pas la cause de l’essence des choses ; par conséquent (en vertu de l’Axiome 4) l’essence des choses peut être conçue sans Dieu, ce qui est absurde (par la Propos. 15). Dieu est donc la cause de l’essence des choses.

Scholie : Cela résulte plus clairement encore de la Propos. 16, par laquelle, la nature divine étant donnée, l’essence des choses, aussi bien que leur existence, doit s’en conclure nécessairement, et pour le dire d’un seul mot, au sens où Dieu est appelé cause de soi, il doit être appelé cause de tout le reste, ce qui d’ailleurs va ressortir avec la dernière clarté du corollaire suivant.

Corollaire : Les choses particulières ne sont rien de plus que les affections des attributs de Dieu, c’est-à-dire les modes par lesquels les attributs de Dieu s’expriment d’une façon déterminée. Cela est évident par la Propos. 15 et la Déf. 5.

Et il est bien clair dans la démonstration de E1P11 que vous citez que Spinoza appose par ailleurs raison et cause, et ceci est cohérent avec la proposition que toute idée claire et distincte est vraie (de mémoire il appose aussi définition et essence.) Maintenant une bonne question est : qu’est-ce qui est véritablement clair et distinct… ?

hokousai a écrit :Mais je pense qu'une <b>raison</b> ce n'est pas une cause efficiente.
Si la raison d' exister de la substance est dans son essence et qu' existence et essence sont la même chose, je ne vois pas dans la "causa sui "de cause efficiente du tout. Donc Dieu ne se produit pas lui même.

Je comprends. En plus, il traîne toujours plus ou moins l’ambiguïté – apparente tout au moins – entre Dieu substance (ce qui seul correspond à la définition première chez Spinoza) et Dieu modifié, entre Nature naturante et Nature naturée. A cette ambiguïté est associée la difficulté à comprendre ce qu’est une cause immanente : comment quelque chose peut-il être dit cause de ce qui est en lui-même ? C’est la problématique du Dieu à la fois transcendant et immanent, qui reste un défi pour la logique (cela se sent dans CT1Ch2Dia1 et 2 en particulier.)

La substance est fondée dans l’ordre de l’Entendement, et par ailleurs fonde la connaissance de Dieu comme étant en soi (puisque seul concevable clairement par soi.) Pour autant, il est bien clair que, par exemple, les « modes étendus » (en fait l’Étendue ne fait pas partie de leur essence ; E2P10) sont DANS l’Etendue et pas ailleurs. Le saut ontologique (non logique, en fait, donc) vers les modes infinis fait la liaison entre Nature naturante et Nature naturée ; et Dieu est les deux, immanent en tant que Nature naturée (le Mouvement transcendant en outre les choses singulières d’une certaine façon), mais transcendant en tant que Nature naturante.

Personnellement « cause de soi » ne me parle pas beaucoup en l’état, et n’est pour moi qu’une façon de mettre fin au principe de raison / cause suffisante, précisément, quand on a compris que la cause qu’on chercherait à Dieu n’existe pas ; qu’il est comme il est, point. Mais ce n’est pas non plus pour moi un point grave : c’est le cas limite où le principe de raison suffisante se ramasse sur lui-même. En fait, le principe de raison suffisante soit porte à l’infini temporel et spatial sur « la causalité transitive », soit n’a qu’un niveau qui est le Mouvement éternel : la cause sont les lois de la Nature et les substrats substantiels dans lesquels elles s’expriment.

hokousai a écrit :Mais non ce n'est pas MYSTIQUE et pour la raison simple que la relation à Dieu chez Spinoza passe par la compréhension intellectuelle de Dieu.

Spinoza emploie le terme « intellectuel » (en latin) dans un sens très particulier, et il parle d’ailleurs d’« Amour intellectuel », ce qui au sens courant moderne est pour le moins surprenant.

E5P32C : Cette connaissance du troisième genre produit nécessairement l’amour intellectuel de Dieu ; car elle produit (par la Propos. précéd.) une joie accompagnée de l’idée de Dieu comme cause, c’est-à-dire (par la Déf. 6 des passions) l’amour de Dieu, non pas en tant que nous imaginons Dieu comme présent, mais (par la Propos. 29 part. 5) en tant que nous le concevons comme éternel. Or cet amour est justement ce que j’appelle l’amour intellectuel de Dieu.

E5P33 : L’amour intellectuel de Dieu. qui naît de la connaissance du troisième genre, est éternel.

Scholie : Bien que cet amour intellectuel de Dieu n’ait pas eu de commencement (par la Propos. précéd.), il a cependant toutes les perfections de l’amour, absolument comme s’il avait une origine, ainsi que nous l’avons supposé dans le Coroll. de la Propos. précédente. Et il n’y a là d’autre différence, sinon que l’âme a possédé éternellement ces mêmes perfections que nous avons supposé qu’elle commençait d’acquérir, et cette possession éternelle a été accompagnée de l’idée de Dieu comme de sa cause éternelle ; et certes, si la joie consiste dans le passage à une perfection plus grande, la béatitude doit consister pour l’âme dans la possession de la perfection elle-même.

hokousai a écrit :Le phénoménisme se passe de l'ideé de Substance . Or chez Spinoza l'idée de Dieu est liée à celle de substance.

Je ne sais généralement pas ce que l’on place derrière ces « -ismes » et je n’en discute pas. Sur le fond, je vois mal comment on peut parler de phénomènes sans se rapporter quelque part à un absolu (et l’affirmation que « tout est phénomène » est absolue comme toute affirmation. Dire comme les tout-relativistes que même l’affirmation que « tout est relatif » (à quoi, et selon quel critère définissant la relativité, en passant ?) est elle-même relative est une pirouette sophistique qui n’est qu’un simulacre de cohérence, mais assurément une contradiction performative.)

En Physique, « les phénomènes changent » en permanence mais la matière, la quantité de mouvement et les lois se conservent…

Et encore une fois si l’on pose, en « extrapolant » matière = énergie : Etendue = Mouvement, on fait sauter le saut ontologique et il ne reste que : Dieu = énergie cosmique, éternelle, immuable, etc., et dans laquelle toute manifestation est déjà contenue, dont les choses singulières. Celles-ci ne sont pas des « entités stables » ni donc concevables en elles-mêmes, mais montrent néanmoins, sur certains traits fondamentaux, une certaine durée (contribution du Repos du Mouvement-Repos, dans le Mouvement régénératif même…), ce qui les rend identifiables et objets possibles de raisonnement (d’où les « essences de genre », Homme, etc.)

Mais il est vrai que l’Entendement intuitif place forcément l’Être étendu avant l’être étendu comme ceci ou cela, et aussi l’Être pensé avant l’être pensé comme ceci ou cela ; et c’est cela qui est l’idée de Dieu, éternel, infini, cause de tout, ... De plus si la réalité (étendue, donc) du premier est plus difficile à percevoir (Spinoza fait d’assez longs développement là-dessus : Étendue non divisible, etc.) il est une expérience indubitable à qui n’est pas trop submergé par le mental que la conscience sans pensées est, et est en permanence, elle, « derrière » toute manifestation pensée (et Spinoza ne prend d’ailleurs même pas la peine de le dire et défendre ; c’est aussi là où aboutissent Bouddhisme et Védanta – qui eux ne s’embarrassent pas avec les attributs : du corps grossier au corps causal, c’est la manifestation ; reste seulement la conscience pure, qui est le divin…, lequel ne se manifeste pas moins dans les précédents : il n’y a ultimement pas de différence entre nirvana et samsara.)

Note : on peut aussi rappeler à ce sujet qu’évidemment toute connaissance passe par la Pensée, et que donc celle-ci est nécessairement plus immédiate – au mieux simultanée – que la pensée de l’Étendue.

Même le Bouddhisme, « phénoméniste » s’il en est, admet le Non-né (Non-devenu, etc. ; parole du Bouddha historique même.) Sinon, d’ailleurs, pourquoi les grands connaisseurs / pratiquants de ces traditions diraient-ils que Bouddhisme et Advaïta Védanta sont la même chose, et comment le second aurait-il pu rapidement entièrement se substituer au premier vers le VIIIème s. en Inde, alors qu’apparemment l’un n’a pas de Dieu et l’autre oui, ce qui paraît en surface totalement rédhibitoire (brahman au neutre, qui n’est ni ceci, ni cela, mais se hiérarchise néanmoins en nirguna brahman – Divin transcendant non manifesté ou encore l'Absolu ; Nature naturante –, et saguna brahman – Divin immanent ou manifesté ; Nature naturée… Je n’ai pas encore eu le temps d’approfondir très sérieusement l’analogie avec Spinoza, mais au moins en première approche elle est énorme (et les explications « propres » au Védanta pourraient donc être des éclairages complémentaires ; même si l’idée d’un Dieu à la fois immanent et transcendant reste un défi pour la logique…)

Pour en revenir au sujet, la toute première question me semble être : admet-on que Rien ne vient de rien ? Spinoza donne cette proposition (axiome) comme l’exemple d’une vérité universelle dans une lettre, et de mémoire Voltaire dit qu’elle est la base de toute philosophie.

Parce que si la création ex nihilo est possible, la seule attitude sensée est de suspendre son jugement sur tout, et de se taire : je ne sais même pas si durant l’énoncé de quoi que ce soit, ce qui était valable au début l’est encore à la fin, ou si celui à qui je m’adresse ne s’est pas changé en… ? Ni moi-même, d’ailleurs… En fait, c’est tellement absurde qu’on ne peut strictement rien en dire. C’est la seule attitude en cohérence performative (si tant est qu’on ne viole pas en même temps une notion commune) ; pas de « -isme » à produire là-dessus, donc.

Ou alors il y a « derrière » (causalité immanente) le « changement » quelque chose qui ne change pas et dans lequel pourtant « tout ce qui change » doit être contenu… Car Rien ne vient de rien dit au fond que rien ne peut véritablement changer : ce qui est réellement reste éternellement le même : ce qui est, et ne peut se rendre différent de ce qu’il est…


Amicalement


Serge
Connais-toi toi-même.

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Messagepar hokousai » 11 févr. 2012, 00:47

cher Serge

Le saut ontologique (non logique, en fait, donc) vers les modes infinis fait la liaison entre Nature naturante et Nature naturée ;


C' est à à dire que la thèse de <b>modes infinis</b> et particulièrement celui de la pensée suivent d'une certaine obligation logique . Ce mode infini est le fondement logique du système.

S 'il n'y a pas de mode infini alors nous ne sommes que dans les modes finis de la pennée et notre pensée est dans la durée, temporelle et non plus éternelle .Tout le système s'écroule parce qu'il n'est plus fondé sur le stable dans l' éternité .
S 'il n'y a pas d'intellect infini de Dieu (intellects absolute infinitus) qui est le mode infini immédiat de la pensée alors il n'y a pas d'idée adéquates .
Pour que le système soit fondé ( donc vrai et indubitablement fondé ) il faut que nos idées dîtes <b> adéquates</b> soient des idées de Dieu . Que ce soit des idées d''un intellect infini et non celles d'intellect finis .
"Quand nous disons que nous avons une idée adéquate et parfaite nous disons que en Dieu il y a une idée adéquate et parfaite .(prop 34/2)
S'il n'y avait pas d'intellect infini alors nos idées ne seraient pas vraies .

Rappel: Les idées communes ( et il y a des ides communes à tous les hommes ) sont adéquates ( donc parfaites et vraies )
Belle profession de foi universaliste!

…………………………
Non non
<b>intellectuel</b> c'est intellectuel et amour intellectuel ce n'est pas amour passion ou affectif ou affectueux ou sentimental ou fusionnel..
L' amour intellectuel est accompagné de l'idée de soi comme cause (prop 32 à 35 /5). Une idée c'est une idée et chez Spinoza une idée dont j'ai conscience .
…………………….

sur le phénoménisme
Je ne vous dis pas que tout est "phénomènes ". Je vous dis que certaines idées sont confuses et m'embrouillent plus qu'elles ne m'éclairent entre autre celle de substance et celle d 'essence.
Nous sommes très différents sur ce thème là.

je veux bien débattre de Spinoza et d'autres philosophes occidentaux mais .....
Le <b>bouddhisme</b> est un sujet sur lequel je ne souhaite pas m'exprimer.
1)Ce forum n'est pas un forum bouddhiste.
2) Spinoza ignorait tout du bouddhisme, je ne fais donc que quelques remarques fugitives sur d'éventuelles analogies transculturelles .

Il y a dans le <b>bouddhisme</b> un scepticisme de fond sur la pertinence des idées sus nommées et c'est ce qui le distingue des philosophies substantialistes essentialistes ( occidentales comme orientales ).
je crains de devoir vous demander de me croire sur parole , il existe des bouddhistes qui ne pensent pas tel que vous pensez qu'ils pensent.

bien à vous
hokousai

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Messagepar Shub-Niggurath » 11 févr. 2012, 08:18

Si on supprimait l'idée de substance, alors toute la béatitude s'écroulerait, puisqu'il n'y aurait que des choses limitées et impermanentes auxquelles accrocher notre désir. La béatitude consiste bien à s'aimer soi-même mais seulement comme une partie de Dieu, c'est-à-dire de la substance immuable, et donc aussi à aimer Dieu qui seul a la puissance de faire exister ce moi.

Ce n'est pas pour rien que l'Ethique commence par Dieu et se termine par l'amour intellectuel de Dieu, concept complet qui ne se limite pas à l'amour intellectuel de soi.

L'essence chez Spinoza n'est pas autre chose que la puissance, ce que Sescho appelle l'énergie. Chaque mode est une partie de la puissance infinie de la Nature, et c'est en cela que consiste son essence.

"Si donc ce qui existe par nécessité n'est constitué que d'êtres finis, c'est que les êtres finis sont plus puissants que l'être absolument infini. Mais cela est absurde." L'existence de la substance est prouvée par Spinoza à partir de la puissance d'exister dans la troisième démonstration de la proposition 11 de la partie 1 de l'Ethique. Et dans la démonstration de la proposition 34 de la partie 1 on lit : "La puissance de Dieu, par laquelle lui-même et toute chose sont et agissent, est son essence même."

Et c'est bien cette puissance de notre intelligence qui nous permet de durer à travers le changement perpétuel, et même de conserver notre esprit au-delà de la durée de l'existence du corps, et de cela découle à mon sens la béatitude éternelle du sage qui sait que son intelligence a la puissance de durer éternellement en Dieu.

S'il n'en était pas ainsi alors le but même de l'Ethique, à savoir la béatitude, serait dépourvu de sens. C'est la connaissance de la substance qui nous donne cette béatitude, c'est à dire la connaissance d'une chose immuable, infinie et éternelle vers laquelle orienter constamment notre désir et notre intelligence, afin de ne pas être troublé par l'existence des choses limitées qui engendrent en nous les passions qui nous jettent dans la confusion et la tristesse. Car Spinoza dit bien que seul l'amour intellectuel est éternel, et en aimant des choses impermanentes on se condamne à la tristesse perpétuelle.

C'est pourquoi je me permet ici de rapprocher Spinoza et Zhuang-zi en citant à nouveau ce passage :

"Le chagrin et le plaisir écartent de la vertu. La joie et la colère écartent du Tao. L'amour et la haine sont des égarements de la vertu. Qui n'a ni chagrin ni plaisir atteint à la vertu suprême. Rester soi-même sans jamais se modifier conduit au calme suprême. Ne s'opposer à personne, c'est le vide suprême. N'avoir aucun commerce avec les choses, voilà le détachement suprême. Ne résister à rien, voilà la pureté suprême."

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Messagepar hokousai » 11 févr. 2012, 11:12

cher Shub-Niggurath

Je me suis trouvé déconcerté quand j' ai lu " qu'il n'y aurait que des choses limitées et impermanentes".
Si je suis déconcerté c' est que ça ne doit pas correspondre à ce que je pense d' emblée donc je cherche à comprendre un point de vue autre que le mien.
.............................
Les choses dont vous parlez seraient limitées dans l' étendue dans le temps, dans la pensée .

Moi je vois l' idée de <b>limite</b> comme marquant un rupture du continu ( dans l'étendue dans le temps dans la pensée ).
Il faut qu'une limite comme rupture ait une certaine stabilité, fut -elle fugace, fut elle mouvante . En fait nous avons bien l'idée de limite et aussi vive que celle que du continu. Les deux marchent ensemble.

Donc s'il n 'y avait pas l'idée du continu il n y aurait pas l'idée de choses limitées .

L'idée de limite dans le temps implique celle d' une certaine permanence .
D où mon étonnement quand je lis que les choses seraient limitées et impermanentes .
..........................

Mais vous ne parliez pas expressément du continu mais de<b> "substance".</b>
A <b>Continu et limites</b> on peut substituer le couple<b> substance accident</b> ce que fait Spinoza .

Quand je dis que le concept de substance est confus c'est que lisant la definition de substance (" ce dont le concept n' a pas besoin d'autres chose pour être conçu ") je vois que ce concept de substance a besoin de celui d 'accidents .
Je fais donc une critique logique .
....................................

"la connaissance d'une chose immuable, infinie et éternelle "
,
L' idée de<b> chose</b> est pour moi parfaitement contradictoire avec les qualificatifs employés pour la comprendre .
Une chose pour moi c'est d'abord UNE chose,et puis muable, fini et périssable dans la durée, ce à quoi s' oppose en couple le <b>non chose </b>.
Mais le non chose nest pas une chose qui aurait en creux la négation des qualificatif de la chose.
Par exemple si je vous dis que toute chose est colorée ça n implique pas que la non chose soit colorée immuablement infiniment et éternellement .

Dieu je ne peux pas le penser sinon comme justement ce qui ne peux pas se penser comme une chose ( pas comme UNE quoi que ce soit, pas comme UNE substance par exemple )-

C'est ce que dit Tchouang tseu ( et le bouddhisme ZEN qui est très proche du taoïsme ) et vous êtes en effet plus spinoziste que taoïste .

Si on lui demandait de définir le temps, Saint Augustin répondait : " Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l'expliquer, je ne le sais plus ". Il en est de même pour le Tao.
http://www.kichigai.com/dookyo.htm

amicalement
jlhokousai

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Messagepar Shub-Niggurath » 11 févr. 2012, 11:56

Je vous répondrais que pour que Dieu soit un objet d'amour, il faut bien qu'il soit quelque chose lui aussi, et non pas une non-chose.

C'est ce qui fait du Spinozisme un panthéisme au sens fort, c'est-à-dire que Dieu est un être et non pas un non-être, tandis que le taoïsme est un panthéisme au sens faible, pour lequel l'être surgit du non-être, conçu comme vous le faites et non comme un néant.

La différence entre les êtres qui sont dans la Nature et la Nature elle-même est une différence de degré, au sens où la Nature possède, contrairement aux êtres de la Nature, une puissance infinie d'exister, et donc existe absolument.

C'est cet objet que notre désir doit prendre en vue afin d'atteindre à cette joie suprême dont parlent les taoïstes, et que Spinoza nomme Béatitude, afin de distinguer cet affect des joies ordinaires tournées vers les êtres de la Nature, qui tous en effet sont impermanents et limités dans leur essence ou puissance, tandis que la Nature jouit elle d'une essence illimitée, c'est-à-dire infinie, et permanente, c'est-à-dire éternelle.

Ce n'est qu'en nous liant à cet être que nous pouvons atteindre le Salut. J'ajoute, pour être le plus clair possible, que cet être n'est pas autre chose que l'ensemble infini des êtres de la Nature, existants dans l'infinité des attributs divins, et que le Salut passe donc par l'amour que nous devons porter à tous les êtres de la Nature, sans lesquels il n'est pas de Béatitude possible.
Modifié en dernier par Shub-Niggurath le 11 févr. 2012, 14:36, modifié 1 fois.

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Messagepar hokousai » 11 févr. 2012, 12:38

cher Shub-Niggurath

J' ai avec Spinoza une relation d'altérité pas une relation d' identification. Spinoza m'est proche et éloigné à la fois , c'est la raison de mon intérêt pour lui. Je n'ai pas le même tempérament que Spinoza. Le tempérament en philosophie ça compte pour beaucoup.
Je ne cherche pas la béatitude. La recherche d'un certain bonheur de vivre me parait légitime.
« La sagesse a ses excès et n'a pas moins besoin de modération que la folie" Montaigne

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Messagepar Shub-Niggurath » 11 févr. 2012, 17:19

Vous semblez éluder un peu vite l'identification que fait Spinoza entre essence et puissance, et les conclusions qu'il en tire concernant l'existence de Dieu.

Si en effet il n'existe actuellement que des modes finis, et non une substance absolument infinie, c'est bien, dans votre esprit, à moins que vous ne pensiez pas suffisamment cette idée de puissance, que les êtres finis sont plus puissants que l'être absolument infini. Ce qui est évidemment absurde.

Je m'étonne qu'un esprit comme le vôtre, qui prétend s'appuyer sur la logique, ne prenne pas la peine d'examiner avec plus de soin cette démonstration si claire de l'existence de Dieu.

Car Dieu est bien l'être infini qui soutient tous les êtres, la vie infinie qui rend vivant tous ce qui existe, et donc la Substance qui communique sa puissance à toutes les choses qui sont dans la Nature.

Si vous persistez à croire que des choses finies et limitées sont plus puissantes qu'une chose infinie et illimitée, comment appeler cela sinon une erreur ? La simple logique en effet nous force a admettre qu'une chose infinie a par soi et en soi une puissance infinie d'exister, et donc existe absolument.

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Messagepar hokousai » 11 févr. 2012, 19:46

cher Shub-Niggurath

Spinoza fait l 'hypothèse : "s'il n existe que des étants finis ".
Si je ne pose pas l 'hypothèse je ne peux suivre la démonstration.

Pouvoir exister est puissance.On note le redoublement tautologique du pouvoir et de la puissance.( mêmes famille de mots en latin ) qui doit renvoyer à la logique du possible logique et de l'impossible logique .Car "posse non exitér" ça n' a pas de sens dans l'ontologie de Spinoza.
Le pouvoir de ne pas exister ne peut être un pouvoir en tout cas pas de ce qui n existe pas . On est dans les raisons logique pas ontologiques .
bref
on pourrait traduire Spinoza par:
Pouvoir ne pas exister c'est ne pas pouvoir.
Pouvoir exister c'est pouvoir.
La puissance est dans l’exister . "Exister est puissance" suffirait.
............................................................
Pour moi il n y a rien d'existant qui n'ait pas le pouvoir exister.(ut per se notum)

<b>Le problème</b> est de savoir si on doit accorder ou pas une graduation dans la puissance d'exister. Il est évident que Spinoza fait cette graduation ,il scalairise la puissance . D' où sa thèse de plus ou moins de réalité .
Une Pierre a moins de réalité qu'un homme et lequel a moins de réalité que Dieu.
Ainsi la somme des étants finis à moins de réalité que la substance infinie .

Cette idée de graduation de la réalité apparait au scolie de la prop 10/1 <b>"et que plus il y a de réalité ou d être ..."</b>
Pour moi la puissance d' exister ne se divise pas . Il n y a pas de petite et de grande puissance d'exister , ça existe ou pas.

Il n'y a pas moins de réalité dans l’infiniment petit que dans l’infiniment grand et pas moins dans une micro seconde que dans une seconde .

bien à vous
jluc hokousai

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Messagepar Shub-Niggurath » 11 févr. 2012, 20:23

Je constate en effet que vous niez l'existence des gradations dans la puissance d'exister des choses. Donc selon vous, une mouche ou une fourmi a la même puissance d'exister qu'un homme ou qu'un éléphant, et une mouche peut donc écraser un homme entre ses pattes, de même qu'une fourmi peut écraser un éléphant sous ses pattes...

Je ne peux que vous inciter à relire le paragraphe 3 du chapitre 2 du traité politique, dans lequel il est dit :

"Le droit dont jouit, selon la nature, toute réalité naturelle est mesuré par le degré de sa puissance, tant d'exister que d'exercer une action. Car la puissance, grâce à laquelle chacune d'elle existe et exerce une action, n'est autre que la puissance divine absolument libre, elle-même."


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