L'absurdité du nécessitarisme. ??

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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Cajou
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L'absurdité du nécessitarisme. ??

Messagepar Cajou » 19 avr. 2012, 15:45

Oui le nécessitarisme est une ineptie, il est le postulat indémontrable irréfutable le plus absurde qui puisse être imaginé. Rien ne loupe le réel autant que cette thèse, rien ne serait plus vrai que de dire qu’elle est fausse ; elle est l’invention la plus grossière de l’homme face à l’angoisse, elle n’est qu’un immense déni ; elle ne vaut absolument rien.
Veuillez excuser ma nécessité. Elle a parfois tendance à s’amuser avec elle-même, à se contredire, à se charrier et même à faire semblant de laisser d’autres nécessités (qui ne font finalement qu’une avec elle) la possibilité ou non de l’excuser.
Tout comme certaines de celles-ci ont souvent l’amusante habitude de saisir leur propre chevelure, de la tirer vers le haut puis d’espérer que le reste du corps s’élève dans les airs avec elle.


Je vous prie, sérieusement cette fois ci, d’excuser toutes ces exagérations. Je suis désolé enfin, d’aborder un sujet déjà plusieurs fois évoqué ici : je ne suis parvenu à comprendre les remarques et réponses qui ont pu y être apportées et j’imagine qu’il est plus pertinent de tout synthétiser ici.
Je veux parler du problème de la conciliation du nécessitarisme (et plus spécialement, de celui de Spinoza) et de la liberté.
En fait, les objections à celui-ci me paraissent si manifestes qu’il m’est encore plus manifeste que je fais là une grossière erreur. Particulièrement borné, je dois dire que tout cela m’empêche de saisir le moindre propos d’auteurs nécessitaristes. En ce qui concerne Spinoza, et compte tenu de la trivialité bien connue de son œuvre, je puis dire que je suis à quelques années lumières de comprendre sa pensée. Je sollicite donc votre aide et vos réflexions, dont j’ai déjà pu constater la profondeur et la qualité.




Tout d’abord, je souhaiterais préciser ma difficulté face au nécessitarisme. Celle-ci est liée à une incompréhension d’un certain déterminisme que je pense partager avec le sens commun : ce qui est difficile à admettre dans le déterminisme extrême n’est pas le fait qu’il prétend englober une grande partie des évènements, mais le fait qu’il entend s’appliquer strictement à tous les évènements ( il impliquerait alors le nécessitarisme, dans le cas où il n’y a pas de contingence ante rem).
S’il y a bien un « quelque chose en notre pouvoir », on entend qu’il puisse être des plus restreint, qu’il ne consiste qu’en la façon dont nous décidons de recevoir ce qui nous parvient, etc. Mais comment comprendre qu’il soit lui-même totalement recouvert par ce qui semblait justement former ses frontières : le déterminisme ?




A ce propos, j’ai une question concernant le pouvoir dont nous parle Spinoza en Ethique V, proposition IV : Chacun a le pouvoir de se comprendre lui-même et de comprendre ses affects de façon claire et distincte, et il a par conséquent le pouvoir de faire en sorte d’avoir moins à les subir.


Le nécessitarisme posé, n’est-il pas correct d’affirmer que les actualisations de ce pouvoir constituent des évènements nécessaires, au même titre que tous ceux qui sont amenés à se produire ?
Si oui, les termes de Spinoza semblent impliquer que tout individu se comprend, s’est compris, ou se comprendra lui-même, c’est-à-dire fait, a fait ou fera ce que nous appelons une actualisation de son pouvoir. Car s’il en existe un qui ne le fait pas, quel sens y-aurait-il à dire qu’il possède malgré tout ce pouvoir ? Est-ce dire qu’il aurait pu l’actualiser ? Mais ce serait admettre la contingence, ce que le nécessitarisme nie en principe.


Mais justement, la notion de pouvoir ne comprend-t-elle pas celle de contingence ? En effet, dans la mesure où j’ai tel pouvoir, ne dit-on pas que je peux faire ceci ou cela, c’est-à-dire qu’il y a devant moi un possible de réalisation que je suspens lorsque je ne fais pas ceci ou cela et que j’actualise lorsque je fais ceci ou cela ? Sinon, en quoi dire que « x possède un pouvoir p » diffère de la simple description de fait : l’univers quadridimensionnel comprend en tels et tels points les évènements que nous décidons arbitrairement d’appeler actualisation de p par x ?





Etendant ce raisonnement à d’autres termes que celui de pouvoir (en espérant ainsi vous rendre mon erreur flagrante), j’aboutis à cette proposition : le nécessitarisme (causal) dénude de sens une multitude de notions et d’actions humaines ; ses défenseurs pallient bien souvent à cette objection en s’arrêtant à un maillon de la chaîne causale et en isolant ce qui en découle du reste de la nécessité, niant ainsi ce qu’ils posent en principe.



Cela me semble être le cas dans la réponse spinoziste au problème de la responsabilité morale.
Avec le nécessitarisme, la seule responsabilité du criminel est celle, purement descriptive, qui consiste à attribuer l’action à un agent : il est responsable car c’est lui qui a agit, mais il n’aurait vraiment pu faire autrement. A partir de là, on légitime le devoir de la condamnation : on ne doit pas laisser les criminels en liberté, ils constituent un danger, il faut les isoler du reste de la société, etc.


Mais j’ai ici l’impression qu’on applique l’hypothèse du nécessitarisme à l’acte du criminel et qu’on ne le fait pas à l’appareil judiciaire et même plus simplement à notre décision concernant la condamnation du criminel. Car si celle-ci est nécessaire, il n’y a pas lieu de la légitimer par autre chose que la nécessité, à moins d’envisager des possibles puis d’en privilégier un. Encore une fois, ou on admet la contingence, ou on n’adopte un point de vue strictement descriptif : l’univers quadridimensionnel comprend en tels et tels points les évènements que nous décidons arbitrairement d’appeler condamnation de x pour p…
Invoquer un droit ou un devoir face au criminel, c’est croire que nous sortons de la nécessité dans laquelle il se trouve, c’est postuler implicitement que nous constituons le point de départ d’une nouvelle chaîne causale qui a à se déterminer ici et maintenant, c’est rejeter la causalité univoque découlant du nécessitarisme (causal).



J’ai volontairement usé plusieurs fois, sous l’hypothèse du nécessitarisme et pour finir mes remarques, de termes normatifs ou évoquant une détermination contingente: « nous décidons arbitrairement », « il n’y a pas lieu de » (j’aurais tout aussi bien pu écrire « en droit ») ; alors que j’ai justement cherché à montrer l’absurdité de l’utilisation de ces termes dans ce cadre.
Aussi, il semble y avoir une réfutation aisée de tous ces arguments.




Cependant, je trouve qu’une telle réfutation conclura contre le nécessitarisme plutôt que pour lui. Elle consisterait en effet à soumettre mes propres remarques à la nécessité et ainsi, en quelque sorte, à en épuiser le sens. Mais cela même peut ensuite aisément être retourné contre le propos de la réfutation. Finalement, la seule chose à laquelle on aboutirait serait la dissolution globale du « sens » par le nécessitarisme.
Une des réponses à l’Argos logos, l’argument paresseux, se situe précisément dans ce cadre. (Il s’agit de celle adressée par des défenseurs du nécessitarisme à celui qui, croyant voir dans le nécessitarisme un fatalisme, s’insurge « je n’ai rien à faire, puisque tout est nécessaire, tout est déjà fixé ». On rétorque que cette plainte est elle-même comprise dans la nécessité et que celui qui la clame risque fort bien de ne faire que montrer qu’il s’achemine vers le futur qu’il craignait.)



A vrai dire dans le cas de Spinoza, ce qui m’embête le plus est qu’il me semble développer une philosophie du dynamisme (conatus, etc…), ce que je concilie aisément avec un indéterminisme fondamental, mais absolument pas avec le nécessitarisme.
Tel que je le comprends, celui-ci mène à une homogénéisation totale de la vie, à un véritable épuisement du réel qui permettrait certes le bonheur, mais un bonheur des plus triviaux pour lequel je ne vois pas bien la pertinence de la connaissance, ni même de quoi que ce soit.




Merci de m’avoir lu jusqu’ici,
j’espère n’avoir pas été trop long et vous lire bientôt.

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Messagepar hokousai » 19 avr. 2012, 17:53

Tout ce qui arrive a une infinité de cause. Une infinité de causes cause une infinité d'effets ou si vous voulez une infinité d' états du monde et manifestement jamais le même.

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Messagepar Cajou » 20 avr. 2012, 12:52

à Hokousai

Merci d'avoir répondu si rapidement.

Cependant, je ne crois pas avoir compris votre réponse.

Voulez-vous dire que le nécessitarisme spinoziste permet et même implique une nouveauté de tous les instants?

Mais je ne vois pas en quoi ceci permet d'éviter l'épuisement du futur (dans tout ce qu'on pourra en dire par des propositions de connaissance).

Si le nécessitarisme dont on parle résulte d'un déterminisme causal, alors le futur est tout entier compris dans le passé (et même dans n'importe quel connexe temporel comprenant l'hypothétique origine; et même, pour le mécanisme, dans n'importe qu'elle tranche non vide du passé, mais je ne sais pas si c'est un tel déterminisme dont parle Spinoza) bien que son déploiement révélera (ne serait-ce que parce qu'il prend un temps que le passé n'a pas vécu et qu'il y a des êtres mnésiques) de la nouveauté.


En quoi se joue-t-il autre chose dans le présent que la coloration et le déploiement dans le temps d'une causalité qui ne souffre, dans le temps, d'aucune modification par rapport à ce qu'elle recelait au départ?

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Messagepar hokousai » 20 avr. 2012, 23:22

à Cajou
( je m'explique )Soit une infinités de causes . Toutes les causes sont égales du point de vue de l'efficience. Si elles sont toutes égales, aucune ne l'emporte sur une autre et il n'y a pas de déterminisme par les causes.
Si vous jetez une infinité de dés vous avez une configuration infinie mais précise et pourtant aucun des dés n'est cause , précisément , de la configuration précise.
Ce ne sont pas les causes individuelles qui causent la nature, c'est le contraire .
C est Dieu qui cause la nature ( il se cause, en tant que Dieu c'est la nature, il est causa sui ) et Dieu est une cause libre .

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Messagepar Cajou » 21 avr. 2012, 22:37

à Hokousai,

L’infinité des causes peut certes impliquer la non prévisibilité, mais je ne comprends pas comment elle pourrait donner une équi-efficience des causes (mais peut-être celle-ci est-elle une hypothèse supplémentaire?), puis par suite, détruire le déterminisme.

hokousai a écrit :Si vous jetez une infinité de dés vous avez une configuration infinie mais précise et pourtant aucun des dés n'est cause , précisément , de la configuration précise.


Pour ma part, chaque dé est bien cause de l’état final, entendu qu’une cause n’est pas, à elle seule, condition suffisante de son effet (et d’ailleurs, n’évite-t-on pas de symboliser la causalité particulière par une implication logique A=>B ; mais plutôt d’user de celle-ci pour des ensembles finis ou dénombrables, conditions A1, …, AN, …,=>B et même mieux, monde(instant t)=>B ?).


hokousai a écrit : Ce ne sont pas les causes individuelles qui causent la nature, c'est le contraire .


Ainsi, même l’ensemble de toutes les causes individuelles ne forment malgré tout pas la nature ?

Est-ce qu'on pourrait dire que la nature causant les causes, elle redéveloppe et renouvelle incessamment à l'infini des situations causales non épuisées par la causalité originelle?


J’ai toujours l’impression que, de quelque façon qu’on retourne le problème, il subsiste si on le pose en termes de possibilités.
Mais peut-être ne faut-il même pas parler de possibilité, au présent, en ce qui concerne le futur ? (car l’état futur possible, étant envisagé depuis maintenant, ne prend et ne peut prendre en compte la durée que le véritable état futur aura vécu, il le loupera toujours)

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Messagepar hokousai » 22 avr. 2012, 00:32

à Cajou

Localement les mêmes causes produisent les mêmes effets. Et localement la causalité est utilisée quotidiennement et dans les sciences. On peut être déterministe dans la durée et localement.Si on divise l' étendue de ce point de vue pragmatique on peut être déterministe . Mais Spinoza in fine ne souhaite pas qu'on divise l'étendue ni la durée d'ailleurs.
on est beaucoup plus à l'aise dans la temporalité et la division que dans le continu , on pense les choses dans la durée, il est très difficile de les penser autrement
..................................

Au niveau de la nature toute entière, infinie.

Manifestement aucun état du monde n'est identique à un autre, ceci en supposant qu'un état du monde soit au moins identique à lui même ( ce qui est contestable, mais bref, restons dans la logique aristotélicienne où A est identique à A ).Il semble donc qu' une infinité de causes produisent une infinité d' états du monde.

A ce niveau toutes les causes sont égales en efficience au sens où elles sont toutes causes . La plus infime (comme la plus énorme) est cause, au même titre que l' énorme ou la plus proche . Elles ont le même statut.
L' absence d'une de ces cause changerait l' état du monde , sa présence le confirme.
Toutes les causes sont nécéssaires ( obligatoires ). Elles ont le même statut.

Toutes elles déterminent mais aucune ne détermine singulièrement sans que toutes déterminent. L' efficience d'une cause singulière, cette cause la tient de l' efficience de la nature toute entière, laquelle est causa sui (cause de soi ) et<b> libre</b> ( dit Spinoza ).

On n'explique pas l' existence de tel état du monde par telle ou telle cause locale . Les cause efficientes ne causent pas l' existence de tel état de la nature.
Or c'est l'état de la nature qui est intéressant dans l affaire de la<b> prédestination</b> des choses ( le futur du monde! )
Spinoza dit que Dieu n' a ni volonté ni intellect ( au sens où il prévoirait les choses )
je suis ouvert à toutes les critiques

bien à vous
hokousai

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Re: L'absurdité du nécessitarisme. ??

Messagepar bardamu » 22 avr. 2012, 13:52

Cajou a écrit :(...)
A vrai dire dans le cas de Spinoza, ce qui m’embête le plus est qu’il me semble développer une philosophie du dynamisme (conatus, etc…), ce que je concilie aisément avec un indéterminisme fondamental, mais absolument pas avec le nécessitarisme.
Tel que je le comprends, celui-ci mène à une homogénéisation totale de la vie, à un véritable épuisement du réel qui permettrait certes le bonheur, mais un bonheur des plus triviaux pour lequel je ne vois pas bien la pertinence de la connaissance, ni même de quoi que ce soit.
(...)

Bonjour,
je me concentrerai sur ce qui me semble le point essentiel : le nécessitarisme de Spinoza prend en compte la condition nécessaire d'un être fini tel que l'homme.
Si il y a un dynamisme, tout un jeu sur la mémoire et l'attente, le passé et le futur, l'essence des êtres comme "tendance" ("conatus"), c'est comme résultat nécessaire de leur condition finie. Spinoza ne demande pas qu'on se prenne pour la nature toute entière et qu'on prétende vivre comme si on en avait la maîtrise, il demande qu'on vive au mieux dans la condition qui est la nôtre.
La contingence, l'accident, l'imprévisible etc. gardent un sens correspondant réellement à notre condition, ce sont des éléments importants de notre vie, et, selon moi, le nécessitarisme absolu a surtout pour fonction d'évacuer les ordres surnaturels ou la justification du chaos dans l'approche du monde.
Pour certains, le fait de ne pas connaître l'ordre de la nature tout entier justifie qu'on renvoie l'ordre à un pouvoir surnaturel, et pour d'autres il justifie qu'on nie qu'il y ait foncièrement un ordre de la nature. Ca donne d'un côté l'obéissance à des "révélations", oracles etc., et de l'autre la justification de n'importe quel comportement aussi aberrant soit-il.
Le nécessitarisme de Spinoza dirait que où qu'on regarde, où qu'on aille, il y aura de l'ordre naturel, et que nous avons un instrument pour bien y vivre qui s'appelle la raison. Entre les robots de l'ordre révélé et les fous de l'absurde, il y a le sage qui fait sa vie sur ce qu'il sait plutôt qu'en se référant aux "asiles de l'ignorance", qu'on les appelle "volonté de Dieu" ou "absurdité du monde".

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Messagepar hokousai » 22 avr. 2012, 23:52

je relève cette remarque de Charles Ramond ( dans un texte sur Derrida ) """Et cette perception selon moi très profonde, chez Spinoza, de la nature chaotique et informe du fond de la réalité (puisqu’il est allé jusqu’à déclarer « imaginaire » l’ordre même de la nature )""" http://hyperspinoza.caute.lautre.net/article.php3?id_article=1287

appendice partie 1
"""""S'il arrive, en effet, que les objets extérieurs soient ainsi disposés que quand les sens nous les représentent nous les imaginions aisément, et par suite nous les puissions rappeler avec facilité, nous disons que ces objets sont bien<b> ordonnés</b> ; mais si le contraire arrive, nous les jugeons mal ordonnés et en état de confusion. Or, les objets que nous pouvons imaginer avec aisance nous étant les plus agréables,<b> les hommes préfèrent l'ordre à la confusion, comme si l'ordre, considéré indépendamment de notre imagination, était quelque chose dans la nature</b>. Ils prétendent que Dieu a tout crée avec ordre, ne voyant pas qu'ils lui supposent de l'imagination ;""""

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Messagepar Cajou » 25 avr. 2012, 23:24

à Hokousai

Merci pour ces précisions,

Bien qu’effectuant vraisemblablement une erreur dans l’appréciation de la temporalité (je fixe un état de la Nature, je ne parle que des causes de cet état fixé…), je me risque à cette interprétation pour clarifier l’état de ma compréhension.

Soit un état de la Nature.

L’ensemble des causes en jeu dans cet état, ensemble infini, ne peut produire l’état suivant : cet ensemble ne produit pas de l’être, mais implique seulement une modalité déterminée de l’être futur.
Ce qui produirait véritablement l’état futur, ce serait la Nature elle-même.
Cependant, du fait du nécessitarisme, il semble que l’on doive dire que l’état futur est entièrement déterminé par l’ensemble des causes de l’état précédent ; il ne peut être, s’il est, d’une autre manière que ce qui est impliqué par cet ensemble.
Maintenant, est-ce que la Nature produit tout de cet état, simplement « virtuel », impliqué par l’ensemble des causes ? Je veux dire, est-ce qu’il est nécessaire que la Nature fasse intégralement cette production ?

Si oui, l’état futur de la Nature est bel et bien « enfermé » dans son état passé.

Sinon, l’état futur de la Nature est relatif à ce qu’elle n’aura pas produit. Il serait nécessaire dans ce qu’il est en tant qu’il est complètement déterminé par l’ensemble des causes. Mais il reste à savoir s’il est, quoique d’une autre manière, nécessaire dans ce qu’il n’est pas ; c’est-à-dire si la spontanéité de la Nature est nécessaire dans sa production ou sa non production.

Si non, il semble y avoir une véritable contingence : des états du monde auraient pu ne pas être, ce qui est problématique par rapport à l’hypothèse nécessitariste. (j’ai envie de conclure à ce cas de
hokousai a écrit :la nature […] est […]<b> libre</b>
, mais ce serait considérer que cette liberté n’est pas celle définie par la contrainte, ce que ne semble pas vouloir dire Spinoza)


Si oui, alors le nécessitarisme n’est pas causal (ne résulte pas d’un déterminisme causal), mais il y a toujours au fond une nécessité et les difficultés que j’ai émises au début de ce sujet ne me paraissent pas plus résorbées. Si on pose un univers bloc quadridimensionnel figé de toute éternité où la répartition des évènements est totalement chaotique (les régularités observées jusqu’alors ne seraient qu’une singularité locale) il peut y avoir un nécessitarisme et pas de causalité.

Bien à vous,

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Messagepar Cajou » 25 avr. 2012, 23:27

A Bardamu,

Merci pour votre message.
Il me porte à formuler plusieurs questions sur quelques notions spinozistes, qui je l'espère, restent pertinentes pour le sujet.

bardamu a écrit :Si il y a un dynamisme, tout un jeu sur la mémoire et l'attente, le passé et le futur, l'essence des êtres comme "tendance" ("conatus"), c'est comme résultat nécessaire de leur condition finie.


Si on en restreint l’usage à la description de notre existence finie, toutes ces notions seraient donc pertinentes ; la réciproque est-elle vraie où y en a-t-il tout de même certaines en mesure de dépasser ce cadre ?
De plus, ce cadre est-il suffisamment large pour contenir toutes les existences finies ?
Et peut-on dire que ces notions ont la prétention de viser la réalité même de ce cadre fini ? (et ainsi, par exemple, donner au « conatus » une portée pleinement ontologique, dans la mesure où il décrirait une modalité de l’être, quoique peut-être juste locale)

bardamu a écrit :La contingence, l'accident, l'imprévisible etc. gardent un sens correspondant réellement à notre condition, ce sont des éléments importants de notre vie


Pour ma part, du fait du nécessitarisme qui est une notion contradictoire à la contingence, celle-ci ne peut avoir aucune portée ontologique, même si elle n’entend parler que du cadre fini.



bardamu a écrit :le nécessitarisme absolu a surtout pour fonction d'évacuer les ordres surnaturels ou la justification du chaos dans l'approche du monde.


J’imagine qu’il s’agit du nécessitarisme de Spinoza, et non d’un nécessitarisme quelconque (le nécessitarisme n’est pas incompatible avec le chaos, et encore moins avec un ordre surnaturel révélé), mais d’une part je trouve que cette fonction peut être accomplie par un indéterminisme (qui n’implique pas le chaos), et surtout, il me semblait que le nécessitarisme consiste en une thèse majeure du discours Spinoziste, qui entendait parler d’un trait de la Nature même, dans son infinité.

Par ailleurs, je trouve que le nécessitarisme est un postulat au moins aussi fort que l’ordre révélé ou le chaos : il est éminemment métaphysique, parfaitement indémontrable et irréfutable.


Enfin, je trouve que

bardamu a écrit :(…)
la justification de n'importe quel comportement aussi aberrant soit-il.
(…)


s’applique bien plus au nécessitarisme qu’aux partisans de l’absurde : n’importe quel comportement aberrant effectué ou envisagé se trouve pleinement justifié en tant qu’il est nécessaire, et le nécessitarisme rend toute autre justification inutile.


Bien à vous,


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