Comment devient-on spinoziste ?

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 19 avr. 2016, 10:39

A hokousai

1) Si le geste de lever le bras peut s’expliquer complètement par la neuro physiologie de l’individu, cela veut dire que ce geste s’explique complètement par le corps de cet individu, c’est-à-dire que cet acte est libre, ce qui est tout à fait possible.
Il n’empêche que ce geste s’expliquera toujours comme étant l’effet de causes extérieures sur le corps de l’individu, sa neuro physiologie singulière compris.

2) Vous vous demandez quelle est la différence entre une volition et un réflexe conditionné.
Je reformulerai la question autrement en parlant d’une échelle d’activité qui part d’une faible activité de l’individu à l’activité complète.
Le degré d’activité ne peut jamais être nul, autrement dit un individu ne peut jamais être totalement passif car son corps a toujours quelque chose de commun avec les corps extérieurs qui l’affectent, ne serait-ce que le fait qu’ils partagent le caractère d’être étendus.
Si, par réflexe conditionné, on entend un état de passivité complète, alors il n’y a pas de réflexe conditionné stricto sensu dans la philosophie de Spinoza même si certains gestes du corps ou pensées de l’esprit peuvent s’en approcher.
A l’autre extrémité de l’échelle, un individu sera pleinement actif si, comme l’a écrit Pascal Sévérac, il « est déterminé par un autre à travers ce [qu’il] a de commun avec lui »
Dès lors, on voit comment devenir plus actif, ce qu’explicite P. Sévérac :

« Or, pour le corps, être déterminé ab alio revient à être affecté par d’autres corps extérieurs. L’esprit est donc d’autant plus apte à percevoir un très grand nombre de choses que le corps est plus disposé à être affecté par les autres corps : bien loin que la disposition corporelle à être affecté signifie la passivité du corps et de l’esprit, elle est constitutive du devenir actif corporel, et donc de la connaissance adéquate. L’aptitude à être affecté du corps relève de l’activité proprement corporelle. » (op. cit. P. 200)

3) Vous tentez une explication de ce que vous voyez quand vous levez le bras, ce que je rapproche de ce qu’écrit Spinoza dans l’Appendice d’Ethique I :

« Car de là suit, premièrement, que les hommes se croient libres pour la raison qu’ils ont conscience de leurs volitions et de leur appétit, et que, parce qu’ils ignorent les causes qui les disposent à appéter et à vouloir, ils n’y pensent pas même en rêve. »

Votre tentative reste vaine si vous ignorez les causes qui vous disposent à lever le bras.

4) Lorsque vous prenez une décision, vous en êtes la cause prochaine, cause déterminée par des causes extérieures.
Si votre décision peut s’expliquer complètement par vous-même, c’est une décision libre au sens de Spinoza (vous en êtes la cause adéquate) quoique déterminée par l’extérieur.
Mais si votre décision ne peut s’expliquer que très peu par vous-même, alors elle est proche d’un réflexe conditionné.
Entre ces deux extrêmes, tous les degrés d’activité sont possibles.

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar hokousai » 19 avr. 2016, 14:44

Vanleers a écrit :Votre tentative reste vaine si vous ignorez les causes qui vous disposent à lever le bras.
Je crains que ce soit alors le sort de toutes les tentatives. :(
..........................
Il n’empêche que ce geste s’expliquera toujours comme étant l’effet de causes extérieures sur le corps de l’individu, sa neuro physiologie singulière compris.


Il n'est pas question pour moi de nier des déterminations extérieures ...mais elles n' expliquent pas tout.
On pourrait inverser ce que dit Spinoza
L' homme ne se croit pas libre parce qu' il croit à des déterminations extérieures . Je pense que vue l' époque il avait à lutter contre l' idée de volonté absolue, idée supposée cartésienne.

Or chez Descates c'est le désir d' infinité qui justifie l' idée de volonté infinie ( plutôt qu' "absolue")
Descartes a écrit :« Le désir que chacun a d’avoir toutes les perfections qu’il peut concevoir, et par conséquent toutes celles que nous croyons être en Dieu, vient de ce que Dieu nous a donné une volonté qui n’a point de bornes
».
Il est néanmoins bien vrai que Descartes associe intimement volonté et liberté .
Descartes a écrit :Réponses aux Troisièmes Objections : « il n’y a [...] personne qui, se regardant seulement soi-même, ne ressente et n’expérimente que la volonté et la liberté ne sont qu’une même chose, ou plutôt qu’il n’y a point de différence entre ce qui est volontaire et ce qui est libre


Mais bref car je ne suis pas dans le fil de la dialectique de Descartes ...

Ce que je revendique c'est simplement une autonomie de l' organisme individué. C'est du naturalise en fait.

Je crois en une autonomie de l'individu (certes relative au monde extérieurs).
Plutot que de me croire libre disons que je me pense autonome (et non automatique).
Je veux donc dire que la conscience a une activité qui ne relève pas du mécanisme de l'automaticité, celui qui explique ou est expliqué par le corporel ( neuronal entre autre).
Je ne vois donc pas deux explications
ou, s' il y en a deux, il y en a une qui ne convient pas .
Modifié en dernier par hokousai le 20 avr. 2016, 23:29, modifié 1 fois.

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 19 avr. 2016, 17:18

A hokousai

Vous insistez, à mon avis à juste titre, sur la notion d’autonomie selon Spinoza.
Pascal Sévérac a écrit quelques belles pages sur la question, intitulées « De la conquête de l’autonomie dans la contrainte » (Spinoza Union et désunion pp. 145-149 – Vrin 2011). Je ne puis qu’encourager à les lire et me contenterai ici d’en citer, une nouvelle fois, la fin :

« Comment est-il dès lors possible, pour un esprit comme pour un corps, de devenir actif ? Comment une chose finie peut-elle être à la fois contrainte et active ? Ce ne peut être que parce que la causalité de la cause extérieure par laquelle cette chose est contrainte n’est pas différente de la causalité par laquelle cette chose produit activement son effet : certes, la cause extérieure existe bel et bien, et détermine la chose finie à opérer, c’est-à-dire ici à agir (c’est là la leçon de la proposition 28 d’Ethique I) ; mais l’effet qu’est déterminée à produire cette chose finie n’en demeure pas moins compréhensible par les lois de sa seule nature, et c’est pourquoi elle est active (ce sont là les définitions 1 et 2 de la partie III). La définition de l’agir dit bien, se fondant sur celle de la causalité adéquate : est active une chose dont l’effet « peut être compris clairement et distinctement par elle seule ». Ce qui signifie non pas qu’un tel effet ne puisse pas être compris aussi par une cause extérieure (dont la causalité serait commune avec celle de la chose active), mais qu’il suffit de prendre en considération la seule nature de la chose productive pour avoir la causalité totale de l’effet produit. C’est pourquoi un esprit fini jamais ne s’autodétermine seul à former une idée, au sens où il ne serait déterminé par rien d’autre ; mais s’il est déterminé à produire son idée par une autre idée, suivant une causalité qui ne se distingue pas des lois de sa propre nature, suivant une causalité commune à sa nature et à celle de sa cause extérieure, en somme suivant une propriété commune, alors son effet peut s’expliquer par lui seul : en ce sens, il est extérieurement déterminé à s’autodéterminer. »

Reprenant P. Sévérac, on dira donc qu’un homme est autonome lorsqu’il qu’il suffit de prendre en considération la seule nature de cet homme pour avoir la causalité totale de ce qu’il produit.

La question véritablement éthique, c’est-à-dire pratique, à résoudre est de déterminer comment, concrètement, on conquiert son autonomie dans la contrainte, ce qui rejoint directement le sujet de ce fil : « Comment devient-on spinoziste ? »

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 20 avr. 2016, 17:50

Comment, concrètement, conquiert-on son autonomie, selon Spinoza ? C’était la question posée dans le post précédent.
Partons d’une remarque d’Alexandre Matheron :

« […] plus notre corps a de choses en commun avec P et Q [deux causes extérieures quelconques] (ce qui dépend évidemment de sa plus ou moins grande complexité), plus les affections produites en lui par P et Q s’expliqueront par sa seule nature (E II 39 cor.). » (Etudes sur Spinoza et les philosophies de l’âge classique pp. 697-698 – ENS Editions 2011)

A. Matheron se réfère au corollaire d’E II 39 qui énonce :

« De là suit que l’Esprit est d’autant plus apte à percevoir adéquatement plus de choses, que son Corps a plus de choses en commun avec les autres corps. »

Ariel Suhamy commente (Spinoza pas à pas p. 113 – Ellipses 2011) :

« Un programme se dessine. Développer la raison, ce sera développer les convenances entre notre corps et les choses, organiser les rencontres. »

Le scolie d’E II 13 avait déjà énoncé :

« Je dis pourtant, de manière générale, que plus un Corps l’emporte sur les autres par son aptitude à agir et pâtir de plus de manières à la fois, plus son Esprit l’emporte sur les autres par son aptitude à percevoir plus de choses à la fois ; et plus les actions d’un corps dépendent de lui seul et moins il y a d’autres corps qui concourent avec lui pour agir, plus son esprit est apte à comprendre de manière distincte. Et c’est par là que nous pouvons connaître la supériorité d’un esprit sur les autres […] »

La réponse à la question posée au début de ce post est donc claire : on devient davantage autonome en développant les aptitudes de son corps à affecter et à être affecté par d’autres corps. Spinoza le confirme, à la fin de l’Ethique, dans le scolie d’E V 39 :

« Et en vérité, qui a, comme le bébé ou l’enfant, un Corps apte à très peu de choses et dépendant au plus haut point des causes extérieures, a un Esprit qui, considéré en soi seul, n’a presque aucune conscience ni de soi, ni de Dieu, ni des choses ; et au contraire, qui a un Corps apte à beaucoup de choses a un Esprit qui, considéré en soi seul, a une grande conscience de soi, de Dieu et des choses. Et donc, dans cette vie nous nous efforçons avant tout de faire que le Corps du bébé, autant que sa nature le souffre et s’y prête, se change en un autre qui soit apte à beaucoup de choses, et qui se rapporte à un Esprit qui ait une grande conscience de soi, de Dieu et des choses ; et tel que tout ce qui se rapporte à sa mémoire ou à son imagination soit presque insignifiant au regard de l’intellect, comme je l’ai déjà dit dans le scolie de la proposition précédente. »

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar hokousai » 20 avr. 2016, 18:57

Vanleers a écrit :Votre tentative reste vaine si vous ignorez les causes qui vous disposent à lever le bras.
Je crains que ce soit alors le sort de toutes les tentatives. :(
..........................
Il n’empêche que ce geste s’expliquera toujours comme étant l’effet de causes extérieures sur le corps de l’individu, sa neuro physiologie singulière compris.


Il n'est pas question pour moi de nier des déterminations extérieures ...mais elles n' expliquent pas tout.
On pourrait inverser ce que dit Spinoza
L' homme ne se croit pas libre parce qu' il croit à des déterminations extérieures . Je pense que vue l' époque il avait à lutter contre l' idée de volonté absolue, idée supposée cartésienne.

Or chez Descates c'est le désir d' infinité qui justifie l' idée de volonté infinie ( plutôt qu' "absolue")
Descartes a écrit :« Le désir que chacun a d’avoir toutes les perfections qu’il peut concevoir, et par conséquent toutes celles que nous croyons être en Dieu, vient de ce que Dieu nous a donné une volonté qui n’a point de bornes
».
Il est néanmoins bien vrai que Descartes associe intimement volonté et liberté .
Descartes a écrit :Réponses aux Troisièmes Objections : « il n’y a [...] personne qui, se regardant seulement soi-même, ne ressente et n’expérimente que la volonté et la liberté ne sont qu’une même chose, ou plutôt qu’il n’y a point de différence entre ce qui est volontaire et ce qui est libre


Mais bref car je ne suis pas dans le fil de la dialectique de Descartes ...

Ce que je revendique c'est simplement une autonomie de l' organisme individué. C'est du naturalise en fait.

Je crois en une autonomie de l'individu (certes relative au monde extérieur).
Plutot que de me croire libre disons que je me pense autonome (et non automatique).
Je veux donc dire que la conscience a une activité qui ne relève pas du mécanisme de l'automaticité, celui qui explique ou est expliqué par le corporel ( neuronal entre autre).
Je ne vois donc pas deux explications
ou, s' il y en a deux, il y en a une qui ne convient pas .

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar hokousai » 20 avr. 2016, 19:16

Sévérac a écrit : Ce qui signifie non pas qu’un tel effet ne puisse pas être compris aussi par une cause extérieure (dont la causalité serait commune avec celle de la chose active), mais qu’il suffit de prendre en considération la seule nature de la chose productive pour avoir la causalité totale de l’effet produit. C’est pourquoi un esprit fini jamais ne s’autodétermine seul à former une idée, au sens où il ne serait déterminé par rien d’autre ; mais s’il est déterminé à produire son idée par une autre idée, suivant une causalité qui ne se distingue pas des lois de sa propre nature, suivant une causalité commune à sa nature et à celle de sa cause extérieure, en somme suivant une propriété commune, alors son effet peut s’expliquer par lui seul : en ce sens, il est extérieurement déterminé à s’autodéterminer. »

Ce n'est pas d' une absolue clarté.(sans vouloir médire).

Sans être en désaccord (à supposé que j' ai bien compris ),
je voudrais insister sur propriété commune .
Il est posé théoriquement une propriété commune ente deux ordres, celui de l'étendue et celui de la pensée.

Le problème est que à part l'idée de causalité , il n' y a rien de commun.
De plus causalité pour causalité, ce ne sont pas les mêmes au sens des causalités distinguées par Aristote .
La causalité dans l'esprit serait plutôt "finaliste" et pas celle du monde corporel.
Les descriptions/ explications ne sont pas les mêmes.

il est extérieurement déterminé à s’autodéterminer
certes, mais ça ne résout pas le problème du passage d'un ordre de cause à un autre .

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 20 avr. 2016, 20:45

A hokousai

Dans le texte de Sévérac que vous rappelez, il est seulement question d’idées et pas de corps.
L’auteur envisage le cas où un esprit E (c’est-à-dire une idée) est déterminé par une cause extérieure, c’est-à-dire une idée A, à former une idée B.
Si l’idée extérieure A détermine l’esprit E suivant quelque chose qui est commun à E et A (une propriété commune aux idées E et A), alors la formation de l’idée B s’explique complètement par E : E est cause adéquate de B (E est actif).
Il n’est pas question de propriété commune entre deux ordres : on est uniquement dans ce qui relève de l’attribut Pensée.

PS Vous avez posté le même message le 19 et le 20

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar hokousai » 20 avr. 2016, 23:26

je n'ai pas posté deux fois le même message c' est un "édité" qui a mal tourné.
Désolé


Ce qui m'a induit en erreur dans le texte de Sévérac est ceci
mais s’il est déterminé à produire son idée par une autre idée, suivant une causalité qui ne se distingue pas des lois de sa propre nature, suivant une causalité commune à sa nature et à celle de sa cause extérieure,


Sottement (probablement) je pensais que l'idée ( intérieure) était l'idée de choses extérieures; événement lambda qui eux ne sont pas des idées. Je pensais donc à une cause extérieure comme il est dit.

Mais si tout se passe à l'intérieur je ne vois toujours pas( et encore moins ) comment
il est extérieurement déterminé à s’autodéterminer.


SI je lis Sévérac j'ai une autre problème :cry:
Sévérac a écrit :Ce qui signifie non pas qu’un tel effet ne puisse pas être compris aussi par une cause extérieure (dont la causalité serait commune avec celle de la chose active), mais qu’il suffit de prendre en considération la seule nature de la chose productive pour avoir la causalité totale de l’effet produit.
On est à la limite de l'idéalisme. Car que deviennent les choses étendues dans ce scénario ?
Il semble qu'on peut les considérer ou bien ne pas les considérer .

Pour moi qui ne partage pas l'idéalisme de Husserl on ne peut prendre en considération la seule nature de la chose productive pour avoir la causalité totale de l’effet produit.

Il y a chez Sévérac me semble-t-il un endossement du dit "parallélisme" qui le mène sur une position idéaliste acceptable .

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar hokousai » 20 avr. 2016, 23:27

doublon effacé

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 21 avr. 2016, 16:05

A hokousai

1) Tout ne se passe pas à l’intérieur et, reprenant ma formulation, l’idée A est bien une idée extérieure à l’esprit E. Un esprit, comme un corps, lorsqu’il opère quelque chose, est toujours déterminé à opérer par une cause extérieure (E I 28). Cette cause extérieure est une idée s’il s’agit de l’opération d’un esprit et un corps s’il s’agit de l’opération d’un corps.

2) Le texte de Pascal Sévérac que j’ai cité commence par :

« Comment est-il dès lors possible, pour un esprit comme pour un corps, de devenir actif ? »

P. Sévérac développe ensuite un argumentaire concernant l’esprit mais il aurait pu faire la même chose pour le corps. Il n’y a donc pas d’idéalisme dans sa position.

3) Je reviens à ce qui me paraît plus important : comment, concrètement, devient-on autonome, c’est-à-dire libre, actif (ces trois mots ont le même sens dans le spinozisme) ?
A la suite du paragraphe intitulé « De la conquête de l’autonomie dans la contrainte » dont j’ai déjà cité la fin, P. Sévérac ouvre un paragraphe intitulé « De l’ancrage des connaissances dans les aptitudes corporelles » qui commence ainsi :

« Mais alors, si l’activité n’échappe pas au déterminisme entre les choses finies, si au contraire il n’est possible de devenir actif qu’en étant déterminé par un autre selon une causalité commune, l’enjeu éthique devient celui de la découverte, ou de l’invention, de cette communauté. Comment faire, puisqu’on est toujours déterminé par un autre, pour être déterminé par lui à travers ce que l’on a de commun avec lui ? Autrement dit, puisque la convenance désigne l’acte de la communauté qui circule entre les corps ou entre les esprits, comment convenir avec autrui ? Comment faire cause commune avec les autres, pour être, avec eux et par eux, actif ? Bref, comment s’unir activement aux autres ? » (op. cit. p. 150)

Après avoir rappelé et commenté le scolie d’E II 13, P. Sévérac enchaîne :

« Les propositions 38 et 39 de la partie II de l’Ethique, et leurs corollaires, exposent ainsi, à partir de cette communauté agissante entre notre corps et les corps extérieurs, quels sont les fondements de notre connaissance rationnelle, et comment il est possible d’accéder à une perception adéquate de plus en plus riche. Or la voie royale du développement de la connaissance rationnelle est l’enrichissement de notre individualité corporelle : plus notre corps a de communauté avec les autres corps, plus il convient avec eux, et plus l’esprit peut comprendre certaines choses. Se faire un corps qui, par sa sensibilité, partage de plus en plus de choses en commun avec les autres corps est donc une exigence éthique. » (ibid.)

Il peut paraître surprenant d’écrire que la voie royale du spinozisme, qu’on a qualifié de rationalisme absolu, est « l’enrichissement de notre individualité corporelle ».
Et pourtant, le scolie d’E II 13, le corollaire d’E II 39 et le scolie d’E V 39 sont sans équivoque et confirment que « Se faire un corps qui, par sa sensibilité, partage de plus en plus de choses en commun avec les autres corps est donc une exigence éthique. »

Comme vous l’avez vous-même écrit,« Et viva la biodanza »... Entre autres.


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