Spinoza et la maitrise pratique des affects

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 05 janv. 2007, 21:37

chère Louisa


L’événement particulier d’un acte décidé se présente comme suit (et ce à la différence de mes actes automatiques )
J’ ai l’idée d’un acte de mon corps (ouvrir la main) qui peut se réaliser ou ne pas se réaliser selon deux décrets
l’ un positif, l’autre négatif

Comment peut-on confondre ce genre d’évènement avec les automatiques tel le battement de mon cœur ?
Comme je ne confonds pas les deux il faut bien en rendre compte au niveau des causes et des effets

Me penser libre ne produit pas causalement des décisions .Ce sont les décisions (idée) qi sont cause de l’idée de modes ( sous forme de faculté d'être libre )
Un enfant n’attend pas de savoir qu’il est libre pour agir ni un adulte d’ ailleurs .
Savoir que je que je sais décider ne cause aucune décision .Tout comme le cogito est indifférent au fait que je pense .

Mais ne pas le savoir non plus
ie ignorer ou occulter cette idée que je suis la cause responsable n’a pas d’effet sur la décision . Tout comme ignorer que je pense n’ a pas d effet sur le fait que je pense .Donc refuser cette idée ne change rien ..
C’est neutre ou indifférent par rapport à l’acte .L’affirmation est indifférente à ce qui est affirmé
Et je suis d’accord avec Spinoza pour dire que l’affirmation n’est pas l’effet du pur néant mais est précédée d ‘évènements et sera suivi d’autres événements .

En revanche cette idée de » moi comme cause » qui est une idée de mode et est un être de raison ,cette idée est la cause d’autres idées et principalement l’idée de responsabilité . Cette fiction régulatrice ( être de raison ) joue un rôle extrêmement important dans le jeu des idées relatif à la tristesse ou à la joie .
Si je me sais responsable d’ un crime , je peux en être ( je dois ) en être triste .
Voudriez- vous qu’étant l’auteur d’un crime j’ y sois indifférent ?
Or c’est bien parce que je me sais responsable du crime que je suis triste .

Si vous supprimez l’idée régulatrice du sujet responsable de ses actes vous supprimez toute culpabilité et effectivement la tristesse .

Mais à mon avis c’est échanger un cheval borgne pour un aveugle .



Si je lis Spinoza , ou même sans le lire , mais puisqu’il le dit dans le scolie de la prop 51 (partie 3)
Le repentir, la satisfaction de soi- même sont très véhéments parce que les hommes se croient libres .
Je ne pense pas que l’ homme en son humanité ne puise plus se croire libre . Je pense seulement qu’il peut le feindre .


Si je lis Spinoza , ou même sans le lire ) mais puisqu’il le dit dans le scolie de la prop51 (partie 3)
Le repentir, la satisfaction de soi même sont très véhéments parce que les hommes se croient libres je ne pense pas que l’ homme en son humanité ne puise plus se croire libre . Je pense seulement qu’il peut le feindre .

La difficulté réside en cela : l’ esprit humain ne sait plus départager le croire de la feinte de croire. Feignez de croire et bientôt vous croirez . Je ne nie pas que croire qu’on croit qu’on est pas libre ait une efficience .

hokousai

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fantasueno
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Messagepar fantasueno » 06 janv. 2007, 02:35

Cher tous,

Entracte :

En attendant pour moi de relire attentivement la réponse de Henrique et de bien l’intégrer, et aussi en réponse à tous les échanges entre Louisa et Hokusai concernant le libre arbitre et la volonté, je vous cite un texte de Nietzche pour vous apporter un autre éclairage sur le sujet :

Extrait de Par-delà le bien et le mal, I, 19 :
« Les philosophes ont coutumes de parler de la volonté comme si c’était la chose la mieux connue du monde […] La volonté m’apparaît avant tout comme une chose « complexe », une chose qui n’a d’unité que son nom […]
Dans toute volonté, il y a d’abord une pluralité de « sentiments », le sentiment de l’état dont on veut sortir, celui de l’état où l’on tend, le sens de ces directions elles-mêmes (à partir d’ici, pour aller là-bas), enfin une sensation musculaire accessoire qui, même sans que nous remuions bras ni jambes, entre en jeu comme machinalement sitôt que nous nous mettons à « vouloir ».

De même que le sentir, et un sentir multiple, est évidemment l’un des ingrédients de la volonté, elle contient aussi un « penser » ; dans tout acte volontaire, il y a une pensée qui commande ; et qu’on ne croit pas pouvoir isoler cette pensée du « vouloir » pour obtenir un précipité qui serait encore de la volonté.

En troisième lieu, la volonté n’est pas uniquement un complexe de sentir et de penser, mais encore et avant tout un « état affectif, l’émotion de commander ». Ce qu’on appelle le « libre arbitre » est essentiellement le sentiment de supériorité qu’on éprouve à l’égard d’un subalterne. « je suis libre, c’est à lui d’obéir », voilà ce qu’il y a au fond de toute volonté, avec cette attention tendue, ce regard direct fixé sur une seule chose, ce jugement absolu : « à présent, ceci est nécessaire, et rien d’autre », la certitude intime qu’on sera obéi, et tout ce qui constitue encore l’état d’âme de celui qui commande. « Vouloir », c’est commander en soi à quelque chose qui obéit ou dont on se croit obéi.

Mais que l’on considère à présent l’essence la plus singulière de la volonté, cette chose si complexe pour laquelle le vulgaire n’a qu’un seul nom : s’il arrive que dans un cas donné nous soyons à la fois celui qui commande et celui qui obéit, nous avons en obéissant l’impression de nous sentir contraints, poussés, pressés de résister, de nous mouvoir, impressions qui suivent immédiatement la volition ; mais dans la mesure où nous avons d’autre part l’habitude de faire abstraction de ce dualisme, de nous tromper à son sujet grâce au concept synthétique du « moi », toute une chaîne de conclusions erronées et par suite de fausses évaluations de la volonté elle-même viennent encore s’accrocher au vouloir.
Si bien que celui qui « veut » croit de bonne foi qu’il « suffit » de vouloir pour agir. Comme, dans la plupart des cas, on s’est contenté de vouloir et qu’on a pu s’attendre à l’effet de l’ordre donné, c'est-à-dire à l’obéissance, à l’accomplissement de l’acte prescrit, « l’apparence » s’est traduite par le sentiment que l’acte devait « nécessairement » se produire ; bref, celui qui « veut » croit avec un certain degré de certitude que vouloir et agir ne font qu’un, en un certain sens.
Il attribue la réussite, l’exécution du vouloir ou vouloir lui-même, et cette croyance renforce en lui le sentiment de puissance qu’apporte le succès.
Le « libre arbitre », tel est le nom de cet état de plaisir complexe de l’homme qui veut, qui commande, et qui en même temps se confond avec celui qui exécute, et goûte ainsi au plaisir de surmonter les obstacles tout en estimant à part soi que c’est sa volonté qui a triomphé des résistances.
Dans l’acte volontaire, s’ajoute ainsi au plaisir de donner un ordre le plaisir de l’instrument qui l’exécute avec succès ; à la volonté s’ajoute des volontés « subalternes », des âmes subalternes et dociles, notre corps n’étant que l’édifice collectif de plusieurs âmes. « L’effet, c’est moi » ; il se passe ici ce qui se passe dans toute collectivité heureuse et bien organisée ; la classe dirigeante s’identifie au succès de la collectivité. Dans tout vouloir il s’agit simplement de commander et d’obéir à l’intérieur d’une structure collective complexe, faite, comme je l’ai dit, de « plusieurs âmes » ; c’est pourquoi un philosophe devrait pouvoir se permettre de considérer le vouloir sous l’angle de la morale, la morale conçue comme la science d’une hiérarchie dominatrice, d’où naît le phénomène de la vie. »

Cette petite récréation terminée, je promets à Louisa de respecter son conseil de respecter le vocabulaire de Spinoza dans son sens particulier comme outil de navigation nécessaire ; après tout, pour bien vivre dans un nouveau pays, il faut d’abord bien parler sa langue…

Amitiés


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