connaissance du 3éme genre

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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Douze
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Messagepar Douze » 28 avr. 2008, 20:49

Enegoid a écrit :
Je doute fort qu'il suggère l'auto-destruction...


Vous avez raison de douter


Simplement, il s'agit du conatus de l'agneau face à celui du loup.
La joie de l'agneau mangé par le loup...


Je ne sais pas exactement ce que vous voulez dire.

Vous voyez Spinoza comme un "agneau" ? Il me semble plutôt avoir courageusement (et brillamment) défendu des idées qui souvent auraient pu le mettre dans le pétrin face aux autorités.

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Faun
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Messagepar Faun » 29 avr. 2008, 10:51

Si vous pensez que Dieu peut se détruire lui-même, vous vous égarez grandement. Ni le corps de Dieu (l'attribut étendu), ni l'esprit de Dieu (l'attribut pensant) ne peuvent être détruits, puisque Dieu est éternel. La mort est seulement la dissociation d'un mode de l'étendue et d'un mode de la pensée, qui sont, par hasard et par nécessité, liés pour un temps, une durée, un devenir déterminé. Nulle destruction donc. L'amour sort vainqueur de cette illusion entretenue par les pouvoirs malveillants divers qui s'acharnent à faire craindre ce qui est seulement à aimer. Mais il ne s'agit évidemment pas d'aimer la mort, mais d'aimer Dieu, qui est la Vie dans son devenir perpétuel et ses incessantes métamorphoses.

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Messagepar Enegoid » 30 avr. 2008, 13:00

1. (Réponse à Douze) Non l’agneau n’est pas pour moi une image de Spinoza. L’agneau est une image de chacun d’entre nous dans certaines circonstances de la vie où nous sommes dominés par une force (ou une puissance) supérieure à la nôtre. Nous pouvons d’ailleurs aussi bien être loups dans d’autres circonstances.

2. Par « agneau spinoziste » je veux désigner un personnage idéalement conforme au prototype du sage spinoziste capable d’éprouver l’amour intellectuel de Dieu, mais placé par les vicissitudes du déroulement des choses dans la situation de l’agneau devant le loup.

3. Au niveau du mode (corps particulier et pensées particulières) l’agneau ne peut pas ne pas éprouver une grande tristesse à l’idée que ce corps et ces pensées particulières vont disparaître dans l’estomac du loup. (c’est la servitude de ETIV)

4. Au niveau de l’essence éternelle, l’agneau se sait partie prenante de l’essence éternelle de Dieu (substance, attributs), A ce niveau là, et à ce niveau là seulement, l’agneau peut éprouver une joie d’aimer cette substance éternelle et ses attributs. Il est lui-même Dieu "s’expliquant " (comme dit Spi) par l’essence de l’agneau qui ne peut être détruite (c’est la béatitude de ETV)

5. L’agneau (comme nous tous, en fait) est donc le sujet de deux actions contraires qui, selon Spinoza ne peuvent demeurer en l’état. (ETV, ax1). Je suis personnellement très perplexe quant à l’issue du match…beaucoup moins affirmatif que Spinoza en tous cas!

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Messagepar Douze » 05 mai 2008, 17:30

Enegoid a écrit :5. L’agneau (comme nous tous, en fait) est donc le sujet de deux actions contraires qui, selon Spinoza ne peuvent demeurer en l’état. (ETV, ax1). Je suis personnellement très perplexe quant à l’issue du match…beaucoup moins affirmatif que Spinoza en tous cas!


Observation intéressante. La cinquième partie de l'éthique n'aura jamais fini de fasciner les commentateurs, en effet. Un peu comme on se demande encore comment Wittgenstein a pu passer du Tractatus aux Investigations...

C'est pour cette raison que je me demande si Spinoza dit "tout"... il me semble que son idée de "science intuitive" n'est pas toute l'histoire.

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Messagepar Durtal » 03 juin 2008, 17:40

Je reprends ce fil après bien longtemps. En dépit des choses que les uns et les autres ont ajouté, ainsi que les nuances apportées par Henrique en particulier, je dois dire qu’il me semble que le fond du problème demeure intouché. La question est la suivante : est-il légitime de parler d’une expérience vécue du troisième genre de connaissance dans la philosophie de Spinoza et je n’ai rien lu dans vos contributions qui soit de nature à lever mes scrupules. Toute la discussion repose en effet sur une ambiguïté systématique concernant le terme « d’expérience » ainsi que son lexique associé : « état de conscience », « impression », « vécu », «sentiment », « intuition » etc. Ainsi Henrique m’objecte-t-il dans l’une de ses réponses que «l’âme ne sent pas moins ces choses qu’elle conçoit par un acte de l’entendement que celles qu’elle a dans la mémoire » (Livre 5 scolie de la proposition XXIII), voulant par là si je le comprends bien, souligner que Spinoza reconnaît un mode du connaître qui consiste en ce que l’esprit fait une ou des « expériences » qui distingue le genre de connaissance auquel correspondent ces expériences, des autres genres de connaissance et en particulier de celui de la Raison. Comme cependant c’est un exemple typique de l’ambiguïté dont je parle, et que cela constitue un excellent point de départ pour ce que je veux montrer, je me permettrai de citer un extrait plus large du même scolie afin de replacer cette citation dans son contexte. Après avoir démontré la proposition XXIII selon laquelle quelque chose dans l’âme est éternelle qui ne peut être détruit avec le corps Spinoza écrit en effet dans le scolie :

« Nous sentons et savons d’expérience que nous sommes éternels. Car l’âme ne sent pas moins ces choses qu’elle conçoit par un acte de l’entendement que celles qu’elle a dans la mémoire. Les yeux de l’âme par lesquels elle voit et observe les choses, sont les démonstrations elles-mêmes. »

Il saute aux yeux, ou en tout cas aux miens, que Spinoza fait un usage analogique des termes « expérience » et « sensation ». On pourrait je pense paraphraser l’analogie de la façon suivante : « la mémoire et l’imagination sont au corps ce que les démonstrations sont à l’esprit », c'est-à-dire deux façon de connaître ou, je le veux bien, deux façons de faire « l’expérience » de certains objets de connaissance. A moins que vous ne prêtiez à Spinoza la pensée que l’âme a littéralement « des yeux », la conséquence immédiate de ceci est donc, que, dans ce passage, sont en jeux deux notion de l’expérience ou du sentir et non une seule. C’est pourquoi il est essentiel pour la discussion qui nous occupe de savoir de quoi nous parlons lorsque nous disons qu’un tel ou un tel a peut-être fait une « expérience du 3em genre de connaissance ». Ce que je veux souligner ici, en effet ; est que ces deux façons de connaître ou de « faire des expériences » sont très différentes l’une de l’autre.

Pourquoi et en quel sens le sont-elles ? Il n’aura échappé à personne, je pense ; que Spinoza s’exprime dans ce passage (et ailleurs dans le livre 5) d’une façon pour le moins curieuse. En toute rigueur, en effet, parler comme il le fait ici d’une « expérience de l’esprit » qui ferait pendant à une « expérience du corps » n’a pas de sens. Comme l’esprit et le corps constituent un seul et même mode, si le corps fait une expérience l’esprit la fait aussi et si l’esprit fait une expérience le corps fait nécessairement la même. L’on ne peut donc pas, par conséquent ; faire passer la différence entre deux genres d’expérience ou de connaissance par le clivage corps/esprit. Toutefois la raison pour laquelle Spinoza s’écarte à ce point de la lettre de sa propre doctrine me paraît parfaitement claire. Cette façon de s’exprimer suggère en effet qu’il il y a autant de différence entre les types d’expériences que fait le mode (corps et esprit) dans les deux cas que si (par impossible) le corps et l’esprit pouvait avoir des expériences séparées. Quelle est en effet réellement (c'est-à-dire exprimée dans un vocabulaire strict) la différence entre les deux types de relation du mode à d’autres objets ? Elle recoupe en réalité la perception que le mode a de lui-même et des autres choses « en tant qu’il est une chose singulière existant en acte » et la perception que le mode a de lui-même et des autres choses « en tant qu’il est une chose singulière non existante en acte » c'est-à-dire une essence de chose singulière comprise dans certains des attributs infinis de Dieu (Voir à ce sujet la Proposition 8 du livre II ainsi que son corollaire et son scolie, en particulier pour ne pas commettre un contresens sur l’expression de « chose singulière non existante » lequel est à peu près inévitable lorsque l’on n’a pas lu le passage en question.)

Cela étant posé nous pouvons maintenant caractériser la différence des deux façons qu’ont l’esprit et le corps « d’éprouver les choses » : il y a une expérience que le mode fait de lui-même et des autres choses dans le temps, en tant qu’il est une chose existante dans la durée et il y a une expérience que le mode fait de lui-même et des autres choses « sous une espèce d’éternité »; c'est-à-dire hors du temps, en tant qu’il n’est pas une chose existante.

Voici maintenant où je voulais en venir. Lorsque Aurobindo écrit :


« J'ai pu faire l'expérience, il y a quelque temps , d'un état de conscience ou de compréhension permanente de mes pensée et des choses qui avaient des ressemblances troublantes avec ce que décrit Spinoza. (…) Cette experience m'est arrivé a plusieurs reprises, a chaque fois pendant des durées plus longue, et la dernière fois j',ai vraiment senti que cela pouvait continuer indéfiniment tant que je comprendrai les choses de cette maniére. »

La question est en somme de savoir de quelle genre d’expérience il est question ici. S’agit-il d’un exemple d’expérience que l’esprit éprouve en tant qu’il fait « des démonstrations et qu’il est une chose singulière « non existante en acte » (c’est à dire éternelle) ou ne s’agit-il pas plutôt d’une expérience que l’esprit fait en tant qu’il « est une chose existante en acte » et qui perçoit les choses dans la durée ? La réponse ne me paraît pas très difficile à trouver. Aurobindo nous fait part d’épisodes ayant un caractère biographique et par conséquent les expériences qu’il évoque sont du genre de celles qui affectent un individu en tant qu’il existe dans le temps. Je n’ai sans doute pas trop besoin d’insister sur le fait qu’il raconte quelque chose dont il se souvient et donc, compte tenu de ce que Spinoza explique au sujet des mécanismes mémoriels ; de quelque chose qu’il a du tout d’abord imaginer (ou encore, c’est la même chose, percevoir), ce qui implique à son tour qu’un ensemble de causes extérieures ont du agir sur son corps, ensemble de causes dont les idées ont contribuées à la formation des sentiments, impressions et pensées qu’il relate avoir eu alors. Mais l’ensemble de ce processus, qui correspond à ce que nous appelons « avoir des expériences vécues » s’appelle tout simplement dans le lexique de Spinoza connaître par le premier genre de connaissance. Je ne porte ici aucun jugement de valeur sur la sincérité ou la santé mentale de cet aimable contributeur, je veux seulement souligner qu’on parle ici d’un exemple de réalisation de ce que Spinoza appelle «le troisième genre de connaissance » » sous les formes et selon les modalités par lesquelles s’opère en nous le premier genre de connaissance, ce qui est pour le moins problématique. Toute la discussion s’est focalisée sur le « contenu » de l’expérience en question alors que le problème est celui de sa forme. Ainsi quelque soit son contenu, si une telle expérience intervient sous les formes de la conscience temporelle, ou encore sous la forme des perceptions caractérisant l’esprit comme « chose singulière existante en acte », (comme c’est le cas ici) elle ne peut relever de ce que Spinoza dénomme « le troisième genre de connaissance ».

Je n’ai nullement l’intention de proposer ici mon interprétation de la « science intuitive », parce que ce serait beaucoup trop long et parce que, bien entendu ; il reste encore pour moi aussi de nombreuses zones d’ombres, mais je pense que l’objection que je formule est sérieuse et mérite d’être examinée.

Comme je suis cependant a peu près persuadé que quelqu’un ne manquera pas de m’opposer, en dépit de ce qui précède, qu’une « intuition » des essences éternelles de choses singulières est néanmoins possible au sein de la conscience temporelle et en tant que notre esprit est une chose existante en acte, j’ajouterai un dernier argument. Partons si vous le voulez bien de la proposition XXXI du livre 5 de l’Ethique dont la démonstration établit que: « Le troisième genre de connaissance dépend de l’Ame comme de sa cause formelle, en tant que l’âme est elle-même éternelle ». Cette proposition implique que les choses connues par l’âme de cette façon le sont indépendamment de notre existence actuelle, ou si vous préférez, indépendamment de l’existence présente de notre corps. Donc que ces actes de connaissance sont les mêmes et font connaître les mêmes choses que nous soyons vivant ou que nous soyons mort. Comme je suppose que je n’apprendrai à personne ici que la vie et la mort ont sur notre aptitude à éprouver des expériences vécues, une incidence « assez » significative, il paraît bien ressortir de là ce que je voulais ; à savoir que le troisième genre de connaissance n’est pas du « type » de l’expérience vécue.

Que l’on me comprenne bien : je ne suis pas en train de dire que le troisième genre de connaissance n’a lieu « qu’après la mort ». Ce serait là ; en plus d’une énième version de certaines vieilles et décevantes rengaines que nous n’avons déjà que trop entendu, de toute façon toujours aussi faux; puisque la science intuitive est supposée être composée par des modes éternels de la pensée. Je suis en train dire que si l’on veut absolument parler d’une « expérience » pour qualifier cette manière de connaître les choses, (et pourquoi pas en effet) il faut avoir présent à l’esprit que cette « expérience » a nécessairement une forme toute autre, que celle des « expériences vécues » quel que soit leur contenu. Et je terminerai par la remarque suivante : une bonne part de la difficulté qu’il y a à se « figurer » à quoi « ressemble » ou « ce que fait » le troisième genre de connaissance vient sans doute précisément du fait que nous sommes spontanément enclins à en chercher une représentation en un lieu où il ne saurait se trouver. Irrésistiblement nous voulons l’identifier à l’aide de ce avec quoi nous avons de la familiarité et qui constitue le modèle du langage que nous utilisons : l’expérience consciente que nous faisons du monde existant. La mobilisation implicite de ce cadre de référence préconditionne notre regard et détermine à notre insu la direction qu’emprunteront nos interprétations ultérieures.

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Messagepar Louisa » 03 juin 2008, 20:01

Bonjour Durtal,

je reprends pour l'instant uniquement les passages de ton message qui me semblent être problématiques.

Durtal a écrit :
« Nous sentons et savons d’expérience que nous sommes éternels. Car l’âme ne sent pas moins ces choses qu’elle conçoit par un acte de l’entendement que celles qu’elle a dans la mémoire. Les yeux de l’âme par lesquels elle voit et observe les choses, sont les démonstrations elles-mêmes. »

Il saute aux yeux, ou en tout cas aux miens, que Spinoza fait un usage analogique des termes « expérience » et « sensation ». On pourrait je pense paraphraser l’analogie de la façon suivante : « la mémoire et l’imagination sont au corps ce que les démonstrations sont à l’esprit », c'est-à-dire deux façon de connaître ou, je le veux bien, deux façons de faire « l’expérience » de certains objets de connaissance. A moins que vous ne prêtiez à Spinoza la pensée que l’âme a littéralement « des yeux », la conséquence immédiate de ceci est donc, que, dans ce passage, sont en jeux deux notion de l’expérience ou du sentir et non une seule.


L'esprit spinoziste perçoit. Il n'a pas des yeux corporels, mais cela ne lui empêche guère de percevoir. Qu'est-ce qu'il perçoit? Un objet. Tout Affect est par exemple constitué d'une affection du Corps perçue par l'Esprit, cette affection n'étant rien d'autre que l'objet de l'idée qu'est l'Affect.

Ce qui distingue la mémoire et l'imagination, c'est-à-dire le premier genre de connaissance, du troisième genre de connaissance, ce n'est pas que le premier aurait à voir avec le corps et le deuxième avec l'Esprit, mais le fait que l'objet, ce qui est senti ou expérimenté (il s'agit de synonymes), est différent dans les deux cas. Dans le premier cas, l'objet est une image, dans le deuxième cas l'objet est une essence. Contrairement au deuxième genre de connaissance, dans le troisième genre l'idée adéquate que l'Esprit crée par un acte de l'entendement n'a pas besoin de démonstrations rationnelles, discursives. L'objet étant par définition éternelle, il suffit de "voir" cet objet pour déjà être dans l'adéquation. On ne peut pas avoir une idée inadéquate d'une essence, tandis qu'on peut avoir une idée inadéquate d'un rapport, et qu'on a toujours des idées inadéquates d'images.

Durtal a écrit :Pourquoi et en quel sens le sont-elles ? Il n’aura échappé à personne, je pense ; que Spinoza s’exprime dans ce passage (et ailleurs dans le livre 5) d’une façon pour le moins curieuse. En toute rigueur, en effet, parler comme il le fait ici d’une « expérience de l’esprit » qui ferait pendant à une « expérience du corps » n’a pas de sens.


A mon avis, il faut négliger le fait que dans le spinozisme l'Esprit perçoit pour dire que parler d'une expérience de l'Esprit n'a pas de sens. D'ailleurs, Spinoza ne parle PAS ici d'une expérience de l'Esprit, il dit que NOUS expérimentons et sentons. Pour moi cela signifie que le parallélisme reste intacte: nous, c'est bel et bien moi-même en tant que chose, donc constituée aussi bien d'un Esprit que d'un Corps.

Durtal a écrit :
Comme l’esprit et le corps constituent un seul et même mode, si le corps fait une expérience l’esprit la fait aussi et si l’esprit fait une expérience le corps fait nécessairement la même.


L'Esprit est un mode ENTIEREMENT DIFFERENT du Corps!! L'Esprit est un mode ou une modification de l'attribut de la Pensée, le Corps est un mode de l'attribut de l'Etendue. Pensée et Attribut n'ont rien en commun l'un avec l'autre, mais sont réellement distincts.

Le Corps et l'Esprit sont bien plutôt deux modes différents qui constituent ensemble une seule et même chose: moi. Et c'est parce que l'Esprit a comme caractéristique de pouvoir percevoir des modifications dans le Corps, tandis qu'il est uni à celui-ci d'une telle manière qu'il n'y a qu'un seul Individu, d'un un seul ordre causal qui s'exprime parallèlement dans les deux attributs, qu'une expérience au niveau corporel ne peut jamais se faire sans l'équivalent au niveau spirituel, et inversement.

Durtal a écrit :L’on ne peut donc pas, par conséquent ; faire passer la différence entre deux genres d’expérience ou de connaissance par le clivage corps/esprit.


en effet.

Durtal a écrit :Toutefois la raison pour laquelle Spinoza s’écarte à ce point de la lettre de sa propre doctrine me paraît parfaitement claire.


serait-il possible d'expliquer en quoi consisterait la lettre et en quoi plus précisément l'écart?

Durtal a écrit :Cette façon de s’exprimer suggère en effet qu’il il y a autant de différence entre les types d’expériences que fait le mode (corps et esprit) dans les deux cas que si (par impossible) le corps et l’esprit pouvait avoir des expériences séparées.


je ne vois pas ce qui te fait penser cela.

Durtal a écrit : Quelle est en effet réellement (c'est-à-dire exprimée dans un vocabulaire strict) la différence entre les deux types de relation du mode à d’autres objets ? Elle recoupe en réalité la perception que le mode a de lui-même et des autres choses « en tant qu’il est une chose singulière existant en acte » et la perception que le mode a de lui-même et des autres choses « en tant qu’il est une chose singulière non existante en acte » c'est-à-dire une essence de chose singulière comprise dans certains des attributs infinis de Dieu (Voir à ce sujet la Proposition 8 du livre II ainsi que son corollaire et son scolie, en particulier pour ne pas commettre un contresens sur l’expression de « chose singulière non existante » lequel est à peu près inévitable lorsque l’on n’a pas lu le passage en question.)


Spinoza dit explicitement que ce que tu appelles ici "chose singulière non existante en acte" n'existe pas. Toute essence est en acte. Il faut donc distinguer entre deux types d'exister en acte: d'une part il s'agit d'une existence dans un temps et un lieu précis (existence dans la durée), d'autre part d'une existence en Dieu (existence dans l'éternité). Je me demande si ton hésitation à admettre pour le troisième genre une expérience "vécue" (mais qu'ajoute le "vécue" à l'expérience? Y aurait-il des expériences non vécues ... ???) n'a pas à voir avec le fait que tu introduis une chose non existante en acte, ce qui dans le spinozisme est absurde.
Voir le scolie de l'E5P29.

Je m'arrête pour l'instant ici, puisque la suite de ton message s'appuie, il me semble, sur cet oubli d'une existence en acte en Dieu (et sur l'idée que le corps et l'esprit ne seraient qu'un seul et même mode).

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Messagepar Enegoid » 09 juin 2008, 22:20

(Dialogue des essences éternelles. Récréation)

Cher Spinoza,
Je viens de lire ton œuvre. Tout à fait d’accord avec toi. Tout y est. Rien à dire. Mais mon mode temporel, qui a de l’ambition, certes, a aussi une connaissance du 3ème genre de ce que peut devenir l’empire romain : il va ce soir franchir le Rubicon.
Vale
Jules César

Cher Spinoza,
Je viens de lire ton œuvre. Tout à fait d’accord avec toi. Tout y est. Rien à dire. Mais mon mode temporel, qui aime bien les femmes (ce n’est pas comme le tien), a aussi une connaissance du 3ème genre de ce que peut apporter l’union de l’homme et la femme. Il a ce soir rendez-vous avec la belle XXXX. Il ira.
Bien à toi
Casanova


Cher Spinoza,
Nous avons lu ton œuvre. On n’est pas tous d’accord avec toi, mais c’est notre boulot de philosophes de ne pas l’être. Tu es des nôtres. Mais …comment comparer nos puissances ?
Confraternel salut
Platon, Kant, Nietzsche, et les autres.

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Messagepar LaPhilosophieAuMarteau » 10 juin 2008, 00:12

A Enegoid,

Tu as oublié de t'incrire dans la liste des philosophes que tu cites.

Ce n'est pas le boulot d'un philosophe que de n'être pas d'accord avec les autres. C'est simplement la conséquence que les caractéristiques pysico-chimique de ces personnes (càd de ces processus physico-chimiques) ainsi que l'ensemble des intéractions qu'ils ont eu avec leur environnements, les ont amené à produire une interprétation propre du réel et pour cela différente des interprétations dévelopés par d'autres philosophes (toutes les philosophies sont des interprétations, conditionnées par les caractéristiques des processus physico-chimiques qui les développent et de l'intéractions de ces derniers avec les environnements dans lesquels ils évoluent).

Tu peux comparer la PUISSANCE de chacun philosophies (càd chaque interprétation du réel) et de chaque philosophe (càd chaque processus physico-chimique) en observant quel philosophe (càd quel processus physico-chimique et non pas selon l'acception usuel de "philosophe"), quel philosophe dis-je (ou quel groupe de philosphe) a réussi dans l'histoire à imposer SON INTERPRETATION DU REEL comme fondement de l'organisation d'une société.

On peut dire ainsi que Spinoza et son interprétation ont une puissance bien faible vis à vis de celle du Christianisme, compte tenu que l'organisation de notre société reste le produit de l'interprétation que le Christianisme et ses partisans ont du réel, et par suite de l'organisation sociétale.

CE QUE JE DEPLORE! Mais le dressage qu'a mis en place le Christianisme depuis des siècles est encore puissant et concerve des relais extrêmement vigoureux dans notre société.

C'est d'ailleurs pourquoi, en arrivant sur ce site, je posais la question de l'impact REEL de ce site et de ses participants sur l'organisation de notre société. CF l'échange que j'ai eu avec un certain BARMADU.

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Messagepar Durtal » 11 juin 2008, 13:17

Egeneoid

Ton intervention est amusante mais je ne suis pas certain de comprendre l'objection qu'elle formule (si elle en formule une ? Si c'était juste une blague ne tiens pas compte de ce qui suit).

Blague à part donc, je pense qu'il n'est pas possible d'avoir une connaissance du troisième genre à propos des événements historiques ou de ses frasques sexuelles. Pour le dire très vite: Le petit coup d'état de César et les parties fines de Casanova pèsent peu de choses en regard de l'éternité. Le Dieu de Spinoza n'a jamais entendu parler, et n'entendra jamais parler ni de César, ni de Casanova ni même d'ailleurs de...Spinoza et se tamponne parfaitement de tout ce qu'ils ont bien pu dire ou faire.

Je veux dire : Mon essence singulière n'est pas le répertoire exhaustif de tous les évènements qui sont intervenus dans mon existence, ce serait plutôt là en effet le modèle de la notion individuelle de leibniz (je dis "en effet" parce que comme tu dois le savoir je pense, le franchissement par Cesar du Rubicon, est une illustration dont Leibniz se sert très souvent). Mon essence singulière en tant que "chose éternelle" c'est l'essence de Dieu lui même, elle ne s'en distingue pas. (Spinoza illustre cela avec l'exemple du cercle qui contient une infinité de rectangle égaux entre eux).

La part de moi qui est éternelle est faite "en" dieu, (comme on dit de la table qu'elle est faite "en" bois) elle est singulière (définie) mais pas personnelle ou individuelle (au sens de la propriété exclusive d'un individu).

Second aspect de ce que vous dites tous les deux et qui m'intéresse: sur les contradictions entre philosophes. Spinoza appartient assurément au type du philosophe "pré critique" c'est à dire Dogmatique (au sens de Kant qui ne constitue pas une insulte ou un terme péjoratif je préfère prévenir les malentendus). La position que tu pointes à la fin du post Egenoid (j'ai l'impression en tout cas) est celle du scepticisme: "ils disent tous des choses différentes pourquoi se fier plutôt à celui là qu'à celui ci." Ce qui est le résultat naturel du Dogmatisme dès lors évidemment qu'il y a plus d'un prétendant.

Le problème selon moi est que les philosophes ne se contredisent pas systématiquement. Ce serait beaucoup plus simple s'il le faisaient (je veux dire si la contradiction avait un caractère systématique: Hegel serait la philosophie définitive). Au lieu de cela ce qui se passe en général est qu'il se contredisent sur certains points et s'accordent sur d'autres, que les points d'accord des uns sont les points de désaccord des autres et inversement ce qui rend la situation encore plus désespérée. Comme disait Nimier: "la philosophie c'est comme la Russie: plutôt marécageux et souvent envahi par les allemands."
Bon en attendant on voit du pays.


Enfin, j'irais peut être voir le post que tu évoques LaPhilosophieAuMarteau (bigre quel pseudo!) mais la question de l'impact réel des discussion de philosophie sur les évolution sociales que ce soit sur ce site ou ailleurs ...Lots of Laugh!!!!! Socrate a bu la ciguë pour moins que ça et Platon a du être racheté par ses potes après avoir été faire le malin à Syracuse où Denys l'a fourgué comme esclave... Sinon y a BHL l'est cool BHL non?

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Messagepar LaPhilosophieAuMarteau » 11 juin 2008, 14:22

A Durtal

Enfin, j'irais peut être voir le post que tu évoques LaPhilosophieAuMarteau (bigre quel pseudo!) mais la question de l'impact réel des discussion de philosophie sur les évolution sociales que ce soit sur ce site ou ailleurs ...Lots of Laugh!!!!! Socrate a bu la ciguë pour moins que ça et Platon a du être racheté par ses potes après avoir été faire le malin à Syracuse où Denys l'a fourgué comme esclave... Sinon y a BHL l'est cool BHL non?


Lit d'abord ce qu'écrivent ceux que tu cites avant de te mettre sur un piedestal vaniteux. Mes reponses à Serge, Hokousai et Alexandre VI te donneront une approche de mon interprétation du réel.

Le Durtal, on sent bien une interprétation du réel faible, qui joue de la rhétorique pour persuader les faibles, et se persuader lui-même, et finalement qui ne sait pas quoi penser lui-même, tellement il est faible. Un pédant, hautain, un processus physico-chimique sur le déclin, en dégénérescence. Plein de mauvaise foi dirait Sartre.

L'impact de la philosophie? C'est un continuel rapport de force entre les différentes interprétations du réel de chaque individus. Lit mes messages: j'exprime en quelques lignes mon interprétation du réel. Tu vis aujourd'hui dans une société dont les règles trouvent leurs origines dans les interprétations du réel qu'un groupe d'individus, de processus physico-chimiques, ont imposé.

Car tout le monde n'a pas bu de cigüe ni n'est devenu esclave. C'est toi l'esclave.


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