Spinoza et le Tao

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
Servais
passe occasionnellement
passe occasionnellement
Messages : 24
Enregistré le : 15 mars 2004, 00:00
Localisation : Belgique

Spinoza et les sagesses dites orientales

Messagepar Servais » 25 juil. 2007, 19:15

Je constate qu'on rapproche assez souvent Spinoza de pensées et/ou mystiques hindoues, bouddhiste, taoïstes et autres. Je connais assez mal ces dernières (seulement quelques lectures : Anne Cheng, Isabelle Robinet, Alain Daniélou), mais le rationalisme radical de Spinoza et l'importance qu'il accorde aux concepts, aux idées adéquates sont-ils compatibles avec le rejet du mental entendu comme activité conceptuelle; rejet propre à ces pensées qui me semblent parfois plus proches à cet égard de Nietzsche, de son lyrisme et de son irrationalisme que de Spinoza. Quelqu'un peut-il m'éclairer à ce sujet ? Merci d'avance.

Avatar du membre
Faun
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 421
Enregistré le : 25 oct. 2004, 00:00

Messagepar Faun » 25 juil. 2007, 20:57

Les philosophies orientales ne manquent pas de concepts ni d'idées, elles manquent en revanche certainement de raisonnements complexes, préférant communiquer leurs intuitions par le moyen d'images, de symboles ou de récits. Mais ce qui réunit Spinoza et le Tao, par exemple, c'est le panthéisme strict, l'identification du divin avec la réalité, l'absence de monde transcendant. Il n'en est pas ainsi dans l'hindouisme, en tant que religion organisée par les brahmanes, mais le fond de toutes les religions actuelles est bien ce panthéisme primordial, hérité des chamans, conservé par les mystiques, et retrouvé par Spinoza.

Voyez par exemple le culte de Shakti, l'énergie omniprésente, déesse décrite par Alain Daniélou en ces termes :

"La conception de la divinité suprême sous la forme d'une femme, d'une mère, d'une matrice, ne semble pas d'abord avoir trouvé sa place dans les livres saints des aryens qui formaient une société patriarcale.
Mais le culte préhistorique de la mère est chez eux, comme dans toutes les religions, latent, toujours prêt à rejaillir. Plusieurs des peuples qui furent assimilés par le monde hindou avaient toujours adoré la mère divine et n'ont jamais cessé de le faire."
"Etant l'aspect créateur du divin, la puissance de laquelle la création est issue, de laquelle les dieux naissent, par laquelle ils procréent, l'énergie est considérée comme femelle. La notion même du divin repose sur celle de puissance. Les dieux sont les êtres les plus puissants."
"L'énergie est la source de tout, l'origine du monde phénoménal mais aussi du plan conscient de sa création, ainsi que le principe de la connaissance ou perception, par lequel l'existence, réelle ou apparente, du monde peut être réalisé. La déesse est donc également représentée comme la connaissance ou la conscience."

Et aussi, je n'y résiste pas :

"Le tigre est la monture de l'énergie (Shakti) symbole du pouvoir de la Nature."

Alain Daniélou, mythes et dieux de l'Inde.

Servais
passe occasionnellement
passe occasionnellement
Messages : 24
Enregistré le : 15 mars 2004, 00:00
Localisation : Belgique

Spinoza et les sagesses dites orientales

Messagepar Servais » 26 juil. 2007, 22:48

Merci Faun pour tes éclaircissements. Si je me sens en affinité avec les pensées de type panthéiste, je suis parfois désappointé par l'importance qu'y tient la poésie ou leur mode de communication poétique. C'est comme si ce dernier cachait une sorte d'épistémologie tout à fait spécifique. Connais-tu les réflexions de Lambros Couloubaritsis (dans son "Aux origines de la philosophie européenne", De Boeck, Bruxelles, 2000, pp. 45 et suiv.) concernant la distinction entre ce qu'il appelle une logique binaire - aristotélicienne, fondée sur le principe de non-contradiction -, qui serait au fondement du type de rationalité occidental et de la philosophie européenne et une logique dite de l'ambivalence - qui reconnaît l'unité et la complémentarité des contraires, la non séparation entre l'humain et le divin etc. -, qui serait caractéristique d'un autre type de rationalité : celui de la pensée archaïque et de ses mythes ainsi que des pensées et religions orientales plus ou moins contemporaines de nos présocratiques (il évoque expressément le taoïsme). Qu'en penses-tu? Je ne te cache pas que je trouve les analyses de Couloubaritsis assez pertinentes.

Avatar du membre
sescho
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1127
Enregistré le : 30 mai 2002, 00:00
Localisation : Région Centre
Contact :

Messagepar sescho » 06 août 2007, 15:42

Je crois que toute catégorisation tranchée affirmée (le taoïsme ceci, le bouddhisme cela, l’anéantissement du désir, le néant, etc.) s’agissant de la « philosophie orientale » marque plutôt – et à quel point ! - l’ignorance, la paresse et la vanité qu’autre chose…

On ne peut pas non plus dire de la « philosophie occidentale » qu’elle soit un corpus cohérent ni a fortiori achevé. Corrélativement, il me semble acquis que postuler la Raison alpha et oméga de toute pensée cohérente (d’une pensée absolue) ne tient pas la route une seconde. A l’analyse immédiate déjà, le raisonnement ne peut se développer que sur un nombre minimum de postulats (j’avancerais : autant que de lois indépendantes à l’œuvre, outre les faits de base), lesquels par nature ne sont pas de son ordre, mais de celui de l’intuition (la question de leur vérité se posant, mais à ce niveau.) Les opérations de base de la Logique (de nature elle-aussi intuitive) sont bien trop pauvres pour englober par elles-mêmes le désir, l’amour, le bonheur, etc., etc. La « poésie » peut être en fait le meilleur moyen pour tenter d’exprimer l’intuition. L’ordre géométrique de Spinoza est la façon la plus pure pour bien distinguer de ce qui est de l’ordre des paradigmes : postulats (axiomes) et de ce qui ressort de la logique. Et pourtant même dans ce cas, il y a par nature objection possible sur les postulats, et même dans certains cas sur la logique (preuve de l’existence de Dieu, parallélisme, passage du principe d’inertie à la « volonté de puissance, … ») Sinon, comme en Mathématique, il y aurait – une fois les axiomes posés, mais ils sont là des a priori purs n’étant pas fondamentalement liés à la réalité – un consensus absolu. Si le raisonnement est un outil précieux, il ne saurait, et de loin, englober toute vérité et a fortiori la vie ; faire « comme si » est se préparer un désert aride, la nature se chargeant de toute façon d’exploser ce carcan (comme dit C.-G. Jung quelque part : on a tout compris, tout rationalisé… et on vient me voir avec une névrose...)

L’Orient a essentiellement fait vivre et enrichi une tradition millénaire visant au fonctionnement le plus parfait possible de la psyché (pris au sens large), autrement dit le bonheur parfait, la béatitude, etc. C’est un ensemble qui réunit ou plutôt intersecte Philosophie morale, Psychologie des profondeurs et Religion. Comme dans tout, y compris en Occident, et y compris sous la bannière de la Raison, la perversion (vanité, superstition,…) s’y taille, en nombre, la part du lion. Swâmi Prajnânpad prolonge une question de A. Desjardins en disant en substance que 99% des actes se situant dans le champ de l’hindouisme actuel sont vulgaires.

(Référence : Arnaud Desjardins. L’ami spirituel. par J. Mousseau, Pocket ; je conseille en passant Les chemins de la sagesse par A. Desjardins ; notons que A. Comte-Sponville s’est intéressé aussi, indirectement, à l’enseignement de Swâmi Prajnânpad ; si l’on ajoute en association M. Ricard et R.-P. Droit, qui vient de signer un nouvel article sur Spinoza dans Le Point, je crois, nous avons-là une très sérieuse équipe française sur ce fonds éternel. En outre, sont très précieux pour nous les auteurs orientaux ayant inversement acquis en plus une solide culture de type occidental : Krishnamurti, Shri Aurobindo, Swâmi Prajnânpad, Dalaï Lama, ...)

Mais le 1% qui reste pèse encore très lourd… Car l’Occident a quand-même largement jeté le bébé avec l’eau du bain, soit le fonds spirituel éternel imprescriptible (pourtant toujours présent chez Rousseau, et peut-être même chez Voltaire) avec le dogmatisme religieux, pour redécouvrir tardivement et avec l’impression de nouveauté formidable… ce qui vit depuis des millénaires en Orient à un niveau bien supérieur, à quelques exceptions près, dont Spinoza (A. Desjardins dit que l’Orient produit des sages comme l’Occident des sportifs de haut niveau.) On peut aussi ajouter qu’il y a des traditions orientales faisant largement appel au raisonnement en complément de la majeure psychologique, à commencer par la tradition Mahayana (Nagarjuna, Dharmakirti, ...) et spécialement Gelug-pa du Dalaï-Lama. Quant à l’argument de vétusté (pré-socratiques, pensée archaïque, primitive, etc.) très sincèrement, c’est de la foutaise. Je pourrais l’inverser en disant qu’ils ont établi la vérité sur la psychologie profonde les premiers (c’est le cas d’ailleurs.) La vérité n’a pas d’âge et pas de lieu et la santé mentale est – évidemment, même si nous avons eu tendance à l’oublier en Occident – le sujet le plus important et donc le plus traité depuis des millénaires. Plus cela va et plus malheureusement j’ai l’impression que « les Lumières » (en regard de l’age sombre dogmatique médiéval) sont invoquées pour tenter de justifier (ce qui évidemment dans le fond est sans espoir et encore une fois cela transpirera inéluctablement par les joints) une pauvreté spirituelle appuyée de façon bancale sur son affirmation (fausse) de rationalisme en progrès constant, autrement dit… une pénombre en voie d’obscurcissement.

De tout ce que j’ai vu, et surtout de ce qu’en ont écrit les grands auteurs, le fonds des grandes traditions en philosophie morale (spiritualité) est commun, qu’il s’agisse de Bouddhisme, de Védantisme, de Taoïsme, de Stoïcisme, de Soufisme, de Spinoza… et inclus une forme de panthéisme (« pan-naturalisme. ») On peut choisir, pour ne pas se fatiguer, de restreindre son champ d’investigation et dans ce cadre de ne pas désirer aborder la philosophie telle que développée en Orient. Toutefois, outre que c’est gros risque de manquer l’essentiel au titre du bonheur personnel (ce qui est finalement de loin le plus important, bien devant l’exercice de la logique, l’érudition, etc. ; on peut tout connaître et tout connecter de Thalès de Millet à Wittgenstein ; si l’on a un ego hypertrophié, on est au comble de l’ignorance, comme nous l’enseigne Spinoza ; un âne lourdement bâté), il vaut mieux en rester là et ne chercher aucune justification : sincèrement, je pense qu’il serait grotesque de prétendre en même temps que l’on s’intéresse profondément à la Philosophie Morale.


Amicalement


Serge
Connais-toi toi-même.

Krishnamurti
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 403
Enregistré le : 22 juin 2002, 00:00

Messagepar Krishnamurti » 07 août 2007, 01:54

Serge, j'ouvre juste une parenthèse : quand est-ce que Krishnamurti a acquis une culture orientale ?

Servais
passe occasionnellement
passe occasionnellement
Messages : 24
Enregistré le : 15 mars 2004, 00:00
Localisation : Belgique

Messagepar Servais » 07 août 2007, 12:36

Je crois qu'il y a un sens à donner une caractérisation aux diverses traditions de pensée, aux civilisations. On a dit avec une certaine pertinence que la philosophie occidentale avait été écrite en marge des oeuvres de Platon :? ce qui a conduit les courants panthéistes à s'y retrouver plutôt minoritaires.

Quant à l’argument de vétusté (pré-socratiques, pensée archaïque, primitive, etc.) très sincèrement, c’est de la foutaise. Je pourrais l’inverser en disant qu’ils ont établi la vérité sur la psychologie profonde les premiers (c’est le cas d’ailleurs.)


Je me suis sans doute mal exprimé et j'espère que tu n'as pas compris que Couloubaritsis utlisait des expressions telles "pensée archaïque", "pensée présocratique" dans un sens péjoratif alors qu'il ne s'agissait pour lui que de situer chronologiquement dans l'histoire de la pensée des courants auxquels il attribue au contraire beaucoup de valeur de vérité et d'actualité :wink:

Avatar du membre
sescho
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1127
Enregistré le : 30 mai 2002, 00:00
Localisation : Région Centre
Contact :

Messagepar sescho » 08 août 2007, 11:55

Servais a écrit :Je crois qu'il y a un sens à donner une caractérisation aux diverses traditions de pensée, aux civilisations.

Sans doute (et je l'utilise moi-même), mais je pense que c'est secondaire et doit rester tel dans l'esprit, l'histoire de la Philosophie n'étant pas la Philosophie. C'est un moyen de repérage pratique qu'il convient de ne pas confondre avec l'essentiel. Encore une fois, la vérité n'a ni âge ni lieu.

Servais a écrit :On a dit avec une certaine pertinence que la philosophie occidentale avait été écrite en marge des oeuvres de Platon :? ce qui a conduit les courants panthéistes à s'y retrouver plutôt minoritaires.

Je ne vois vraiment pas sur quoi on (?) se base pour dire cela (?) La "théorie des idées" (soit des essences éternelles) était déjà comprise dans le panthéisme éléate. Deuxième référence panthéiste historique en Occident : celle du néo-platonisme développé surtout sur la base du Parménide de Platon. Troisième référence : le stoïcisme, qui a régné sur la Philosophie pendant près de 7 siècles après Platon... (la Nouvelle Académie, plutôt d'inspiration sceptique, n'a pas eu la même audience.)

Servais a écrit :Je me suis sans doute mal exprimé et j'espère que tu n'as pas compris que Couloubaritsis utilisait des expressions telles "pensée archaïque", "pensée présocratique" dans un sens péjoratif alors qu'il ne s'agissait pour lui que de situer chronologiquement dans l'histoire de la pensée des courants auxquels il attribue au contraire beaucoup de valeur de vérité et d'actualité :wink:

Admettons :-) Toutefois la formulation, associant "pensée" et "date" fait plus que prêter à confusion, surtout s'agissant de territoires différents (mais il est vrai qu'au moins dès le IIIè s. av. JC le pont a été établi ; un autre pont se fera mille ans plus tard avec l'Islam et les Soufis, tandis que l'Occident redécouvrira vers 1200 Aristote perdu depuis mille ans.)

L'Occident a décomposé en Religion, Philosophie, Psychologie, ... ce que l'Orient a conservé comme un tout et une priorité, son fonds éternel correspondant à ce que l'Occident à redécouvert sous le nom de "Psychologie des profondeurs." Il est normal, cette "matière" n'étant pas déductible de quelques évidences basiques et opérations de logique, qu'elle fasse beaucoup appel à la pensée analogique, à l'intuition, au ressenti, à l'image (C.-G. Jung et surtout P. Diel ont fait ressortir la portée éducative forte des mythes.) Ceci peut nous sembler enfantin, habitués que nous sommes aux décompositions et développements linéaires complexes, mais en matière de psychologie des profondeurs c'est le vécu qui compte ; et là, je ne crois pas que l'Occident puisse donner des leçons...

Pour autant, certains textes anciens nous correspondent si peu dans la forme (même en acceptant, avec l'humilité qui convient, parfaitement la forme parabolique) qu'ils nous paraissent illisibles (mais la Baghavad Gita, le Tao tö king ou le Dhammapada - avec des répétitions de type biblique qu'on peut gommer -, par exemple, sont très lisibles), outre qu'ils "peuvent" parler d'états de conscience de sages avancés dont nous n'avons même pas idée..., qu'il est fort appréciable que des maîtres, qu'ils viennent d'Orient ou d'Occident, ayant acquis (ou plutôt vivant) la sagesse cultivée en Orient et possédant tout à la fois le mode d'exposé commun en Occident, nous en entretiennent.

Amicalement

Serge
Connais-toi toi-même.

Servais
passe occasionnellement
passe occasionnellement
Messages : 24
Enregistré le : 15 mars 2004, 00:00
Localisation : Belgique

Spinoza et le Tao

Messagepar Servais » 15 août 2007, 18:37

Je ne vois vraiment pas sur quoi on (?) se base pour dire cela (?) La "théorie des idées" (soit des essences éternelles) était déjà comprise dans le panthéisme éléate. Deuxième référence panthéiste historique en Occident : celle du néo-platonisme développé surtout sur la base du Parménide de Platon. Troisième référence : le stoïcisme, qui a régné sur la Philosophie pendant près de 7 siècles après Platon...


Le "on", c'est Alfred North Whitehead. Tu aurais pu même ajouter une quatrième référence : le XIXe s., avec la plupart des philosophes idéalistes allemands. Mais je persiste à penser que le "chorismos" platonicien a pesé très lourd sur le développement de la philosophie occidentale - même à travers des courants que presque tout opposait -; cette radicale séparation entre le monde des principes - les Idées, les "vrais êtres"-, et celui du monde sensible; la prise en compte du démiurge comme modèle de représentation du principe suprême ont donné une orientation caractéristique à la manière occidentale de poser toute uhne série de problèmes philosophiques : problème du rapport entre Dieu et univers (cf. thèse de la création) par exemple. Le christianime s'accommodera même du stoïcisme dès les premiers Pères de l'Eglise : Tertullien (sa célèbre expression : "O Seneca, saepe nostrum..."). J'ai vraiment le sentiment qu'en reconnaissant mes affinités panthéistes, je m'engage - comme le disent bien Atlan et R.P. Droit - sur des "chemins qui mènent ailleurs".
Comme je suis un incorrigible des citations, je ne résiste pas à reproduire un extrait des "dialogues philosophiques" de ces deux derniers philosophes :
"(Henri Atlan : ) Au contraire, les autres approches qui, dès le début, se sont situées à côté de ce cheminement, débouchent sur des problèmatiques qui parlent aussi de Dieu, mais dans un tout autre sens. Cela commence avec les stoïciens et culmine avec Spinoza. (...) Ces pensées, (...), tournent autour de cette idée que Dieu, avec toutes ses propriétés, n'est pas un Etre qui serait en dehors du monde qu'il aurait créé et encore moins une personne qui nous ressemblerait, avec une psychologie etc., mais tout simplement la totalité infinie de ce qui existe. (...) Là, si on met des points sur les "i", on constate qu'on se trouve dans un cadre de pensée qui est complètement distinct. Il ne s'agit plus d'établir l'existence d'un Dieu caché hors du mondce, et qui serait à atteindre soit par les voies de la raison, soit par les élans de la foi. Il s'agit d'observer une réalité qui est au contraire parfaitement visible et parfaitement manifeste et qui est la totalité du réel dans son infinité". (de "Chemins qui mènent ailleurs", dialogues entre H. Atlan et R.P. Droit, Stock, Paris, 2005, pp. 77 et 78).
Bien à vous,
Servais

Avatar du membre
ChiaroscurO
passe occasionnellement
passe occasionnellement
Messages : 27
Enregistré le : 16 nov. 2007, 00:00

Messagepar ChiaroscurO » 25 nov. 2007, 17:02

Je suis tres content du sujet

Je milite moi aussi pour un rapprochement des deux pensees

ndjdeslacs a ecrit dans cette espace de discussion que le taoisme est un idealisme et que Spinoza s inscrivait d avantage dans le pratique

ce que je pense etre faux Le taoisme n est pas un idealisme... Il s'inscrit en lutte justement contre tout les -ismes tous les idealismes toutes les positions trop tranchées

Je peux te guarantir que pour le pratiquer, le taoisme s insrit tres bien dans le pratique dans de tres nombreux domaines juridiques, esthetiques, pedagogiques (esempio l enfant a besoin de passion et de raison pour grandir la passion de la famille et la raison de l ecole) etc etc et en particulier dans le theme revolutionnaire d aujourd'hui qui est l ecologie revolution physique et metaphysique

Dans ce domaine grace au panthéisme notamment Spinoza se rapproche du Taoisme



"Le Tao est quelque chose de fuyant et d'insaisissable;
insaisissable et fuyant, il est cependant quelque chose.
Profond et obscur, il contient une sorte d'essence.
Cette sorte d'essence est très vraie et comporte l'efficience."

Cette extrait que quelqu un a ajouter (je ne sais plus qui) est un argument pour rapprocher les deux pensees et non montrer que l une serait claire et l autre obscure...

Relisez maintenant cette citation en remplacant juste le mot Tao par Conatus Etonnant non???

Les deux pensees se rejoignent en effet dans leur "effort" "lutte" "mouvement"

Avatar du membre
Ishmael
passe par là...
passe par là...
Messages : 1
Enregistré le : 04 oct. 2009, 00:00

Messagepar Ishmael » 04 oct. 2009, 10:52

Bonjour à tous et bravo pour ce site et ce forum que je lis avec grand intérêt depuis quelques jours.
Etant neuf dans la découverte du philosophe je souhaitais juste témoigner de ce qui m'a amené à ouvrir ses livres. Durant ces trois dernières années j'ai surtout côtoyé en effet les pensées d'Epicure, d'Emerson, Thoreau et surtout les écrits dits de philosophie taoïstes. La forme de l'Ethique m'effrayait un peu je crois depuis plusieurs années. Ce qui m'a amené à finalement y venir (et avec bonheur), ce sont les références que le sinologue Jean-François Billeter fait à Spinoza dans ses excellentes "Leçons sur Tchouang Tseu" (édité chez Allia).

Pour resituer les choses, Billeter défend dans ce livre l'idée que Tchouang-Tseu n'est pas nécessairement rattachable au taoïsme, il y voit plutôt un confucianiste en rupture de ban. L'ouvrage traîte essentiellement de la description de l'expérience à travers Tchouang-tseu, et aussi ce passage à ce qu'il appelle les "différents régimes de l'activité". Prenant par ces célèbres exemple du tchouang-tseu d'un boucher découpant la viande intuitivement au terme de son apprentissage, d'un nageur épousant à merveille les cours d'eau dangereux, oo de cet homme ivre tombant d'un char et qui ne se blesse pas.

En lisant Spinoza, je me suis dit ensuite que ces récits dans le Tchouang-Tseu parlaient d'une certaine manière du passage à la "quatrième connaissance", et Billeter d'ailleurs rattache celà à quelque chose de très concret dans sa traduction de l'auteur, qui critique durement les autres traductions classiques de Tchouang-tseu (qu'il trouve influencé par une lecture postérieur et doctrinale liée au commentateur Kouo Siang). Et je trouve que sur cette perspective, la connaissance et l'expérience, puiser dans "Tchouang-Tseu" peut compléter en quelque sorte le sentiment d'inachevé dans le "Traité de la réforme de l'entendement".

Voilà je n'en dirai pas plus pour le moment car je suis en exploration de l'auteur Spinoza. Ceci dit les écrits de Billeter sur Tchouang-tseu, et la découverte de Spinoza, sont sans doute ce qui m'est intellectuellement arrivé de mieux depuis longtemps.

Je vous indique ici la référence de Billeter à Spinoza si vous ne la connaissiez pas.

Nous rencontrons ici pour la première fois le mot t'ien, dont Tchouang Tseu fait un usage beaucoup plus fréquent que du mot Tao, et qui a pour lui une signification plus centrale. On peut dire que t'ien, le Ciel, est l'une des quelques notions qui sont au coeur de sa pensée. Pour autant que je puisse en juger, il l'a tiré de son propre fonds. Nous dirons qu'elle désigne un régime de l'activité - un régime où l'activité est efficace, cela va sans dire; où elle est spontanée et "nécessaire", selon l'équivalence que nous a enseigné le nageur où elle est "complète" ou "entière" en ce sens qu'elle résulte de la conjonction de toutes les facultés et de toute les ressources qui sont en nous, celles que nous connaissons aussi bien que celles que nous ne connaissons pas. cette forme d'activité est pour Tchouang-teu une source inépuisable d'étonnement et d'interrogation.

Spinoza éprouve pour elle un semblable intérêt. Voici ce qu'il écrit dans l'un des scolies les plus importants de l'Ethique, où il dénonce l'illusion cartésienne de la libre volonté et lui oppose le déterminisme auquel nous sommes soumis:

[Ethique, III, scolie proposition 2, trad. de Robert Misrahi]"Personne n'a encore acquis une connaissance assez précise des ressorts du Corps pour en expliquer toutes les fonctions, et nous ne dirons rien de ce que l'on observe souvent chez les animaux et qui dépasse de loin la sagacité humaine, où des nombreuses actions qu'accomplissent les somnambules pendant leur sommeil et qu'ils n'oseraient pas entreprendre pendant la veille; tout cela montre assez que le Corps, par les seules lois de sa nature, a le pouvoir d'accomplir de nombreuses actions qui étonnent son propre Esprit"

Spinoza et Tchouang-tseu se touchent ici, et ce n'est pas l'effet d'un hasard. Il y a entre la pensée de l'un et l'autre une affinité profonde.


J.F Billeter, Leçons sur Tchouang-tseu, Allia, p46-47.


Retourner vers « Spinozisme pratique »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 32 invités