La fierté

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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nepart
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La fierté

Messagepar nepart » 06 avr. 2008, 23:12

D'après Spinoza tout est déterminé.

Il n'y a donc pas de libre arbitre et donc plus aucune raison de sentir fier car tout ce que l'on fait était causé par d'autres choses...

Je me suis donc dit qu'il était maintenant inutile de vouloir être fier, de vouloir montrer que l'on sait, et aussi donc de chercher la gloire.

Or je n'y arrive pas. J'ai toujours cette envie de montrer que je sait, même quand cela est inutile, que pour l'égo en faite.

Est-il possible de ne plus être fier de ce que l'on fait?
Si oui est-il souhaitable, car après tout c'est une source de plaisir et je ne vois pas la douleur qu'elle crée.

Merci d'avance pour votre particiaption :)

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Louisa
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Messagepar Louisa » 07 avr. 2008, 12:03

La fierté n'apparaît pas dans la liste des affects définis par Spinoza. Du point du vue spinoziste, on pourrait peut-être dire qu'il doit s'agir d'un "affect composé", comme il l'appelle, c'est-à-dire un affect qui est constitué de différents affects plus "fondamentaux", ceux-ci étant ce que l'on trouve à la fin de la troisième partie de l'Ethique.

Or si la fierté est un affect composé, quels pourraient être ces affects qui la composent?

Il y a d'abord très clairement la satisfactio in se ipso, le fait d'être satisfait de soi-même. Selon Spinoza, cela revient au fait de se contempler lui-même dans sa puissance, car en faisant cela, tout homme ne peut que sentir une Joie, c'est-à-dire une augmentation de cette puissance.

C'est ce que dit la proposition 53 du livre des Affects:

Spinoza a écrit :Quand l'Esprit se contemple lui-même, ainsi que sa puissance d'agir, il est joyeux, et d'autant plus qu'il s'imagine plus distinctement, ainsi que sa puissance d'agir.

DEMONSTRATION
L'homme ne se connaît pas lui-même, sinon à travers les affections de son Corps et leurs idées. Et donc quand il se fait que l'Esprit peut se contempler lui-même, par là même on suppose qu'il passe à une plus grande perfection, c'est-à-dire qu'il est affecté de Joie, et d'une Joie d'autant plus grande qu'il peut s'imaginer plus distinctement, ainsi que sa puissance d'agir.


Ainsi, quand on constate ce qu'on sait faire soi-même, on ne peut qu'en ressentir une Joie, selon Spinoza. Le fait que nous sommes entièrement déterminé ne change rien à cette "loi", au sens où l'Ethique essaie précisément de démontrer more geometrico que les hommes sont nécessairement déterminés à éprouver une Joie quand ils contemplent leur propre puissance (tout comme nécessairement on ne peut qu'être Triste quand on contemple sa propre impuissance). De même, le fait d'être de toute éternité déterminé à ressentir ici et maintenant, à un moment x de la journée, ce type de Joie, n'enlève rien à l'intensité de la Joie, au contraire même (on se rend seulement compte du fait que c'était inévitable de sentir cette Joie maintenant, puisqu'on est une partie de la Nature, Nature dans laquelle tout est déterminé à se produire tel que cela se produit).

Plus tard dans l'Ethique, ce sera précisément cette proposition III.53 qui servira de point d'appui indispensable pour démontrer la proposition V.15, proposition qui ne définit rien d'autre que l'Amour de Dieu, c'est-à-dire ce type d'Amour qui est tout à fait nécessaire pour atteindre la plus grande perfection ou sagesse, et par conséquent pour être le plus libre possible.

Or l'on sent bien que dans la fierté, autres choses sont également présentes. Spinoza commence déjà à le signaler dans le corollaire de cette même proposition III.53:

Spinoza a écrit :Cette Joie est de plus en plus alimentée à mesure que l'homme imagine davantage que les autres le louent. Car, plus il imagine que les autres le louent, plus est grande la Joie dont il imagine qu'il affecte les autres, et ce accompagnée de l'idée de lui-même; et par suite, il se trouve lui-même affecté d'une Joie plus grande, qu'accompagne l'idée de lui-même.


Si donc cette Joie est exactement ce qui est nécessaire pour devenir libre (et en cela est "bonne en soi"), elle peut parfois également avoir des conséquences qui risquent d'être plus problématiques. Car elle augmente en fonction des louanges que nous recevons des autres. Par là, elle nous incite, comme le constate le prologue du Traité de la réforme de l'entendement, à chercher à plaire aux gens, et donc à faire ce que nous croyons qu'ils trouvent bon ou mauvais, au lieu de nous baser sur notre propre raison pour juger de cela. Nous serons donc enclins à faire certaines choses simplement pour le plaisir d'être loué, tandis qu'en réalité, faire ces choses n'augmente pas toujours réellement, sur le long terme, notre puissance, mais peut parfois même être mauvais pour nous.

Remarquons que cette recherche de "Gloire", comme l'appelle Spinoza, n'est donc PAS mauvais en soi. Elle est même ce qu'il appelera en V.36 la "béatitude" ou le bonheur suprême. Ou plutôt, ce bonheur (synonyme de liberté) comporte nécessairement un certain genre de "Gloire": il s'agit alors de cette Joie qui résulte de la contemplation de sa propre puissance, ACCOMPAGNÉE de l'idée de Dieu. Qu'est-ce à dire? Que la liberté, pour Spinoza, consiste précisément à contempler sa propre puissance, non pas en tant que fait "isolé" du monde, comme si rien ne l'avait causée, mais en tant qu'elle dépend entièrement de Dieu, c'est-à-dire de la Nature dans sa totalité, dans son essence.

En quoi cela serait-ce tellement différent qu'une satisfaction de soi qui fait abstraction du fait d'être causé par la Nature, d'être une partie de la Nature? Spinoza l'explique dans le corollaire de III.55:

Spinoza a écrit :(...) la Joie qui naît de la contemplation de nous-même, [s'appelle] Amour-Propre, ou bien Satisfaction de soi-même. Et, comme celle-ci se répète toutes les fois que l'homme contemple ses vertus, autrement dit sa puissance d'agir, de là vient donc également que chacun adore raconter ses hauts faits, et faire étalage de ses forces tant corporelles que spirituelles, et que les hommes pour cette raison sont pénibles les uns aux autres. D'où de nouveau que les hommes sont envieux de nature, autrement dit, se réjouissent de la faiblesse de leurs égaux, et, au contraire, s'attristent de leur vertu. Car, chaque fois que chacun imagine ses propres actions, chaque fois il est affecté de Joie, et d'une Joie d'autant plus grande qu'il imagine plus de perfection exprimée par ses actions, et qu'il les imagine plus distinctement, c'est-à-dire d'autant plus qu'il peut mieux les distinguer des autres et les contempler comme des choses singulières. Et donc, là où chacun se réjouira le plus de la contemplation de lui-même, c'st quand il contemple en lui-même quelque chose qu'il nie de tous les autres. (...) Il appert donc que les hommes sont, de nature, enclins à la Haine et à l'Envie, à quoi s'ajoute l'éducation même. Car les parents, d'ordinaire, incitent les enfants par le seul aiguillon de l'Honneur et de l'Envie.


Si donc nous ressentons une satisfaction de nous-mêmes, mais cela accompagné d'un "Mésestime" de quelqu'un d'autre (ce qui, comme l'explique le passage ci-dessus, arrive souvent), alors le résultat "net" risque d'être peu positif. Car en contemplant notre puissance ainsi, nous avons tendance à non pas tellement valoriser cette puissance pour ce qu'elle est, mais à la valoriser seulement pour ce qu'elle a de PLUS, comparée aux autres gens. Dans ce cas, on ne voit chez les autres qu'un MANQUE (manque de ce que nous constatons pouvoir faire nous-même).

En revanche, lorsqu'il s'agit d'une satisfaction de soi accompagnée non plus de ce genre de comparaisons (qui ont comme contrepartie de provoquer souvent également des Tristesses, quand nous constatons que quelqu'un d'autre sait faire ceci ou cela mieux que nous, Tristesse qui va nous rendre jaloux, haineux etc.), mais de l'idée de Dieu, là la véritable liberté, le bonheur suprême, devient envisageable. Car l'idée de Dieu, si nous l'avons bien comprise, ne nous fait voir que la PUISSANCE pure, chez nous ET chez les autres. On ne compare plus, dans ce cas, ce qu'on sait faire soi-même avec ce que l'autre ne sait pas faire (et inversement, dans le cas de l'Humilité - sentiment peu positif chez Spinoza donc), mais on devient de plus en plus capable de contempler sa propre puissance pour ce qu'elle est, et de faire EXACTEMENT la même chose pour les autres gens: on les voit dans leurs vertus, dans leur force, dans leur puissance singulière, en comprenant que ce type de puissance aussi étaient nécessaire et déterminé de toute éternité.

Enfin, je dirais donc que la fierté pourrait être une satisfaction de soi qui risque d'être accompagnée d'une idée qui ne voit chez certains autres qu'un manque, et qui par là peut donner lieu à de la Tristesse (tout en supposant que ce qu'on sait faire n'est pas déterminé), tandis que le bonheur suprême consiste en cette même satisfaction de soi, mais accompagnée d'un maximum d'idées de la puissance singulière de tous les gens (et choses) que l'on peut rencontrer dans sa vie.

Là, la satisfaction de soi devient la source d'un perfectionnement de soi qui ne peut plus être entravé par l'une ou l'autre Tristesse. Tandis que la "Gloire" n'y a pas pour autant "disparu". Seulement on ne va plus rechercher les louanges des autres comme but ultime, puisque ceux-ci ne donnent qu'un bonheur assez passager et fort changeant. On utilisera plutôt ce type de Gloire comme un moyen, chaque fois que nous constatons que le fait d'être apprécié par quelqu'un nous est nécessaire pour pouvoir mieux atteindre ce bonheur suprême, pour pouvoir devenir réellement plus libre, pour pouvoir mieux vivre d'après ce que l'on juge bon nous-même, quand nous nous basons sur ce que nous dicte la raison.

Exemple: vouloir montrer un bon résultat scolaire à ses parents peut être non seulement très agréable mais également fort utile, car s'il s'agit de parents "raisonnables", cela renforcera chez l'enfant le sentiment d'être aimé par eux, sentiment qui peut être un très puissant facteur dans la construction de la confiance en soi. Au contraire, montrer ce même résultat à un copain de classe qui lui a de moins bons résultats, risque de provoquer chez lui de la Tristesse, voire de la Haine et de l'Envie, et cela parce qu'on le confronte nécessairement avec son impuissance (comparée à la nôtre). Il ne peut alors que se sentir "blâmé", donc éprouver le sentiment exactement opposé à celui où l'on s'imagine être loué. C'est pourquoi il est intéressant de bien réfléchir avant de décider de "montrer" une satisfaction de soi: la manière dont on le montre, et la personne à qui on le montre peut parfois donner lieu à des conséquences moins positives. D'autre part, prendre l'habitude d'être satisfait de soi-même seulement en comparant sa puissance avec les autres gens risque de créer pas mal de situations où la comparaison est moins positive pour nous-mêmes, ce qui nous rendra Triste, donc moins heureux, plus impuissant.

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Messagepar nepart » 07 avr. 2008, 14:21

Quand tu prends l'exemple de l'élève qui se compare aux autres.
Tu dis que c'est mauvais si il montre aux autres qu'il est meilleur car cela les rendraient triste.

Mais si il ne leur dit pas mais qu'il "jubile" intérieurement (je les ai tous ni***). Est ce une mauvaise chose?

Quand tu vois quelqu'un qui te parait médiocre (ne sait pas se prendre en main...) ce sentir superieur est ce mauvais?

Vouloir être populaire est ce mauvais.

Tu en parles dans ta réponse, mais je ne vois pas vraiment de réponse même si j'ai appris des choses intéressantes :)

J'ai l'impression que cette recherche de satisfaction de soi et en conflit avec notre désir d'égalité et la pitié que l'on a pour les autres

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Messagepar Louisa » 08 avr. 2008, 03:11

Nepart a écrit :Quand tu prends l'exemple de l'élève qui se compare aux autres.
Tu dis que c'est mauvais si il montre aux autres qu'il est meilleur car cela les rendraient triste.

Mais si il ne leur dit pas mais qu'il "jubile" intérieurement (je les ai tous ni***). Est ce une mauvaise chose?

Quand tu vois quelqu'un qui te parait médiocre (ne sait pas se prendre en main...) ce sentir superieur est ce mauvais?


ce n'est certainement pas une mauvaise chose au sens moral du terme, puisqu'il faudrait pouvoir démontrer en quoi ce serait "absolument", universellement mauvais de jubiler intérieurement de la façon dont tu le décris, ce qui est impossible (du moins dans le spinozisme).

Mais cela pourrait effectivement être une mauvaise chose non pas en général, mais pour toi-même. Car si tu te permets des bonheurs de ce genre, tu t'habitues à puiser une Joie dans la comparaison de toi-même avec d'autres. Que tu fais cela est totalement "normal" ou "naturel", bien sûr. Selon Spinoza on le fait tous. Seulement, pour lui cela a néanmoins effectivement quelques désavantages, au sens où ce type de Joies sont peu "stables". Il suffit de rencontrer quelqu'un dont tu constates que la puissance, sur tel ou tel point, est plus grande que la tienne, pourque spontanément tu commences à comparer et à contempler ta propre IMpuissance, ce qui ne peut que te donner une Tristesse, c'est-à-dire, dans le vocabulaire spinoziste, une diminution de ta puissance d'agir et de puissance.

C'est pourquoi Spinoza oppose à cela un genre de satisfaction de soi beaucoup plus "stable", au sens où celle-ci ne peut si facilement donner lieu à une Tristesse. C'est la satisfaction de soi qui se produit quand on réussit à se contempler dans sa propre puissance en tant que telle, SANS comparer. On pourrait penser, en guise d'exemple, au fameux sentiment "eureka": on essaie de résoudre un problème (ou de jouer tel ou tel accord, de chanter tel ou tel morceau, d'aider telle ou telle personne, et ainsi de suite), et voilà, du coup notre effort aboutit à un résultat: on a compris! La Joie qui se produit quand du coup on sent qu'on a compris quelque chose, n'a rien à voir avec une comparaison de ce que les autres peuvent comprendre, elle est une Joie qui ne résulte que de la contemplation de sa propre puissance. C'est le sentiment "oui! j'ai réussi à le faire!!", réussite qui nous surprend quasiment nous-même, qui vient toujours un peu de façon inattendue.

D'autre part, si l'on ne compare plus, la question du déterminisme devient plus pregnante: car si je ne compare pas ma puissance à celle des autres, et si tout ce que je fais est entièrement déterminé, comment éprouver une Joie au fait que je vienne de comprendre quelque chose? Ne faudrait-il pas dire que si tout est déterminé, ce n'est jamais vraiment "moi" qui comprends? Que toute satisfaction finalement n'est donc qu'illusion et rien d'autre?

La réponse de Spinoza (telle que je l'ai comprise pour l'instant): ce n'est pas le fait que ma puissance soit causée par quelque chose qui est important dans la satisfaction de moi-même, mais le fait qu'ICI, c'est bien ma NATURE à moi qui a été la cause "prochaine" de la compréhension (ce qui est le cas pour toute compréhension digne de ce nom). Bien entendu, j'étais déterminée de toute éternité de comprendre ceci à ce moment précis, mais cela n'empêche nullement que c'est bien MOI qui ai compris, que cette compréhension augmente MA puissance, et que la cause prochaine de cet événement, c'était MOI. Autrement dit: ce qui a déterminé cette compréhension, c'était ma raison, ma nature à moi, ma puissance de penser à moi, bref moi.

Si alors je pense au fait que cette augmentation était déterminée de toute éternité, cela ne peut que renforcer ma Joie, puisque cela indique que ce n'est pas moi seule, mais la Nature entière (comme cause plus éloignée) qui était déterminée à me procurer cette Joie à ce moment-ci. En augmentant ainsi ma puissance, je peux me ressentir davantage connecté à la Nature, me sentir davantage une partie entière de la Nature. Je suis donc, dans un certain sens, moins "seul" qu'avant. Je suis plus "uni" à la Nature, car ma puissance finie est, en tant que partie de la puissance infinie de la Nature, un peu plus grande qu'avant.

Enfin, cette façon de concevoir les choses a comme avantage de pouvoir arrêter de contempler les faiblesses des autres. On peut commencer à orienter son regard vers ce qui chez eux aussi constitue leur puissance singulière, voire vers ce que je pourrais faire moi-même pour éventuellement les aider à l'augmenter, ce qui me donne beaucoup plus de Joie, tout compte fait, que lorsque je m'obstine à ne voir chez ceux qui m'entourent (ou chez certains d'entre eux) que bêtise, faiblesse, lâcheté, et autres "vices". Je n'ai plus à m'énerver de leurs stupidités (car cela, c'est la conséquence inévitable, qui se produit tôt ou tard, quand on se trouve supérieur aux autres), je peux au contraire les "utiliser" pour augmenter ma compréhension de la Nature (car eux aussi font partie de la Nature, sont des degrés singuliers de puissance), et pour augmenter la puissance des gens avec qui je vis, augmentation qui elle seule est la garantie de recevoir d'eux davantage d'amitié, de soutien, bref de mieux "convenir" avec eux.

Enfin, pour Spinoza l'impuissance de quelqu'un n'est jamais causée par l'essence singulière de la personne en question. Quelqu'un qui n'arrive pas à faire ce que moi je sais faire, ce n'est donc pas vraiment quelqu'un qui n'arrive pas à "se prendre en main". C'est plutôt quelqu'un qui n'a pas eu la chance d'avoir des rencontres fortuites avec la Nature de telle sorte que celles-ci aient pu augmenter sa puissance de penser. Autrement dit: qu'il ne sait pas faire ceci ou cela n'est nullement de sa "faute", tout comme le fait d'avoir pu faire ceci ou cela n'est pas vraiment l'un de nos "mérites". Ce qui est agréable quand on sait faire quelque chose (quand on a compris quelque chose), c'est le fait même de pouvoir le faire, et rien d'autre. C'est pourquoi l'idée d'être déterminé à pouvoir faire cela ne change rien du tout à la Joie de pouvoir le faire. De même, tout ce qui constitue notre impuissance, est dû à des causes extérieures à nous. Là où nous ne réussissons pas à nous "prendre en main", nous sommes, pour Spinoza, régis par des causes extérieures, nous sommes passifs, nous subissons. C'est assez différent que de penser ces situations comme relevant d'un manque de sens de responsabilité, ou de discipline, par exemple. La personne en question ne manque de rien, seulement la Nature a déterminé, pour l'instant, qu'elle sait uniquement faire ceci et cela et pas plus.

Nepart a écrit :Vouloir être populaire est ce mauvais.


non pas du tout. Spinoza le répète à l'envi: tout homme est mû par ce que plus tard, mutatis mutandis, Hegel appelera le besoin de "reconnaissance". Seulement, Spinoza y ajoute qu'il faut faire gaffe: si l'on attend de cette popularité le bonheur suprême, on risque d'être déçu, car la popularité dépend des humeurs des autres, et souvent ceux-ci changent assez rapidement. Sachant qu'on a besoin de se sentir apprécié et aimé par les gens, il vaut donc mieux ce servir de ce besoin comme un simple moyen, tenant compte du fait que le véritable bonheur, et la raison même pour laquelle nous désirons cette popularité, consiste en la satisfaction en nous-même. Or cette satisfaction, si elle passe en partie par la recherche de la "Gloire" et des louanges des autres, elle passe avant tout par la compréhension de soi-même et d'un maximum de choses et de gens autour de soi. C'est assez différent, finalement, qu'une vie orientée par le désir de popularité tout seul.

Nepart a écrit :J'ai l'impression que cette recherche de satisfaction de soi et en conflit avec notre désir d'égalité et la pitié que l'on a pour les autres


tu pourrais expliquer un peu ce que tu veux dire par là?

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Messagepar nepart » 08 avr. 2008, 18:51

D'un côté j'ai envie de me dire que je suis quelqu'un de bien, meilleur que la masse, et d'un côté j'ai envie que tout le monde reussisent aussi bien ou mieux que moi.

ex caricatural: à ces jeunes de banlieue, quelle médiocrité, mal élevés...

Cela me fait plaisir de dire ça car je me sent bon, meilleur qu'eux, mais d'un côté j'aimerais qu'ils soit "meilleur".

Concernant la reconnaissance. Tu dis si j'ai bien compris que c'est un plaisir qu'il ne faut pas se refusé mais qu'il ne faut pas se baser dessus pour être heureux.

Or même si ce n'est pas notre base pour le bonheur , si on est preneur des avis positifs des autres, on doit aussi l'être des avis négatifs.
Donc le plaisir d'être reconnu va forcement être entraine de frustration ou de tristesse de ne pas l'être.

Je fais donc la liaison entre l'espoir et la crainte. N'est-il pas au fond plus intéressant d'abandonner la reconnaissances pour ne plus être frustré de ne pas être reconnu pour ce que l'on fait, car l'un nécessite forcement l'autre.

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Messagepar sescho » 08 avr. 2008, 22:01

nepart a écrit :D'un côté j'ai envie de me dire que je suis quelqu'un de bien, meilleur que la masse, et d'un côté j'ai envie que tout le monde réussissent aussi bien ou mieux que moi.

Je pense que tout le monde "a envie de ..." De quoi ? D'ÊTRE quelqu'un de bien. Se le dire, vouloir s'en persuader, en être persuadé, placer ce fantôme de soi-même en haut dans ce théâtre qu'on croit être le monde ... c'est malheureusement le lot commun, et c'est le contraire même (il ne faut pas le chercher ailleurs) qu'ÊTRE bien. C'est la volonté de puissance qui se drogue à l'imagination (E3P12-E3P13)... et se désespère de la réalité, donc de la vérité, qui, elle, est puissance véritable.

C'est pourquoi il y a toujours deux acceptions pour tous les termes associés : ambition, gloire, fierté, ... La vaniteuse et la sublime...

En admettant - ce qui me semble impossible - que je sois à même de juger adéquatement de la "valeur" - c'est beaucoup trop vaste - de "la masse" - c'est à dire de chacun des individus qui la compose -, et non pas - ce qui infiniment plus probable - de m'investir dans l'onanisme, il restera encore une évidence : ce que font les autres de leur côté ne change en rien ma valeur propre.

Souhaiter, sans se bercer d'illusions, et contribuer autant que possible - ce qui suppose de coller à la réalité - à ce que les autres tendent vers le bien, voilà qui est sain.

nepart a écrit :... même si ce n'est pas notre base pour le bonheur , si on est preneur des avis positifs des autres, on doit aussi l'être des avis négatifs.
Donc le plaisir d'être reconnu va forcement être entraîne de frustration ou de tristesse de ne pas l'être.

Certainement. Et c'est être en particulier la proie des pervers narcissiques, qui ne savent faire qu'une chose : rabaisser toujours et encore. Seul les avis sages sont à suivre. Le problème reste entier : être à même de les reconnaître... La petite gloire c'est la petite mort. La vraie gloire c'est la sagesse.

nepart a écrit :Je fais donc la liaison entre l'espoir et la crainte. N'est-il pas au fond plus intéressant d'abandonner la reconnaissances pour ne plus être frustré de ne pas être reconnu pour ce que l'on fait, car l'un nécessite forcement l'autre.

L'espoir et la crainte, c'est à peu près la même chose : la crainte c'est un espoir incertain qu'une chose que l'on redoute n'arrive pas. C'est une tension émotionnelle mise dans l'incertain. Oui le "désir de reconnaissance" est, dit comme cela, à éviter autant que possible. Mais comme tout défaut, il est la perversion d'une qualité : le désir de communier en sagesse. Seuls ceux qui vivent sous la conduite de la Raison sont véritablement utiles les uns aux autres, dit Spinoza. Si l'on se trouve dans un groupe plutôt sain la véritable reconnaissance vient d'elle-même. Sinon... il faut se demander s'il convient d'y rester. Mais le problème est encore là : encore faut-il reconnaître le sain soi-même...

Amicalement

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Messagepar nepart » 09 avr. 2008, 17:20

sescho a écrit :
nepart a écrit :D'un côté j'ai envie de me dire que je suis quelqu'un de bien, meilleur que la masse, et d'un côté j'ai envie que tout le monde réussissent aussi bien ou mieux que moi.

Je pense que tout le monde "a envie de ..." De quoi ? D'ÊTRE quelqu'un de bien. Se le dire, vouloir s'en persuader, en être persuadé, placer ce fantôme de soi-même en haut dans ce théâtre qu'on croit être le monde ... c'est malheureusement le lot commun, et c'est le contraire même (il ne faut pas le chercher ailleurs) qu'ÊTRE bien. C'est la volonté de puissance qui se drogue à l'imagination (E3P12-E3P13)... et se désespère de la réalité, donc de la vérité, qui, elle, est puissance véritable.

C'est pourquoi il y a toujours deux acceptions pour tous les termes associés : ambition, gloire, fierté, ... La vaniteuse et la sublime...

En admettant - ce qui me semble impossible - que je sois à même de juger adéquatement de la "valeur" - c'est beaucoup trop vaste - de "la masse" - c'est à dire de chacun des individus qui la compose -, et non pas - ce qui infiniment plus probable - de m'investir dans l'onanisme, il restera encore une évidence : ce que font les autres de leur côté ne change en rien ma valeur propre.

Souhaiter, sans se bercer d'illusions, et contribuer autant que possible - ce qui suppose de coller à la réalité - à ce que les autres tendent vers le bien, voilà qui est sain.

nepart a écrit :... même si ce n'est pas notre base pour le bonheur , si on est preneur des avis positifs des autres, on doit aussi l'être des avis négatifs.
Donc le plaisir d'être reconnu va forcement être entraîne de frustration ou de tristesse de ne pas l'être.

Certainement. Et c'est être en particulier la proie des pervers narcissiques, qui ne savent faire qu'une chose : rabaisser toujours et encore. Seul les avis sages sont à suivre. Le problème reste entier : être à même de les reconnaître... La petite gloire c'est la petite mort. La vraie gloire c'est la sagesse.

nepart a écrit :Je fais donc la liaison entre l'espoir et la crainte. N'est-il pas au fond plus intéressant d'abandonner la reconnaissances pour ne plus être frustré de ne pas être reconnu pour ce que l'on fait, car l'un nécessite forcement l'autre.

L'espoir et la crainte, c'est à peu près la même chose : la crainte c'est un espoir incertain qu'une chose que l'on redoute n'arrive pas. C'est une tension émotionnelle mise dans l'incertain. Oui le "désir de reconnaissance" est, dit comme cela, à éviter autant que possible. Mais comme tout défaut, il est la perversion d'une qualité : le désir de communier en sagesse. Seuls ceux qui vivent sous la conduite de la Raison sont véritablement utiles les uns aux autres, dit Spinoza. Si l'on se trouve dans un groupe plutôt sain la véritable reconnaissance vient d'elle-même. Sinon... il faut se demander s'il convient d'y rester. Mais le problème est encore là : encore faut-il reconnaître le sain soi-même...

Amicalement

Serge


Je ne comprends pas tes réponses Serge.
Je ne vois pas en quoi cela réponds à la question :/

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Messagepar Louisa » 09 avr. 2008, 18:38

Nepart a écrit :D'un côté j'ai envie de me dire que je suis quelqu'un de bien, meilleur que la masse, et d'un côté j'ai envie que tout le monde reussisent aussi bien ou mieux que moi.

ex caricatural: à ces jeunes de banlieue, quelle médiocrité, mal élevés...

Cela me fait plaisir de dire ça car je me sent bon, meilleur qu'eux, mais d'un côté j'aimerais qu'ils soit "meilleur".


peut-être que la notion d'être quelqu'un de "bien' est après tout un peu trop vague pour pouvoir s'appliquer réellement? Prenons par exemple un bon pianiste et un bon physicien: l'un est-il meilleur que l'autre, ou excellent-ils plutôt chacun dans quelque chose de très singulier, qui est le piano (voire le piano tel que lui il sait le jouer) d'une part, la physique (telle que lui il l'envisage) d'autre part?

Dans ce cas, ne pourrait-on pas dire que ce qu'on veut avant tout, c'est être bon dans ce qui fait notre singularité à nous? Qu'on n'est jamais "bien" en général, mais toujours bon en ceci ou cela, en fonction de sa propre singularité (de son "essence singulière")?

Inversement, on pourrait se dire qu'en comparant avec des jeunes de banlieux, on peut certes être content de constater que sous plusieurs rapports, nous sommes "meilleurs" qu'eux. Mais qu'est-ce à dire, au fond? Ici aussi, il faut peut-être "concrétiser"/préciser pour pouvoir être plus "vrai" dans ce qu'on dit. On peut alors constater que comparé à certains d'entre eux, on respecte davantage les règles de la politesse. On s'intéresse également à la "Culture", à l'étude, tandis qu'eux semblent mener leur vie d'une façon beaucoup plus négligeante, semblent être beaucoup plus "paresseux" etc. Peut-être que certains d'entre eux rêvent néanmoins de faire des études, mais déjà n'arrivent pas à réussir à l'école secondaire. Alors que nous, on réussit, et on réussit bien (inutile de rappeler qu'il s'agit effectivement d'une caricature, bien sûr).

Alors on pourrait dire qu'être "mieux" qu'eux, c'est être plus "puissants" au sens de pouvoir davantage faire certaines choses que l'on juge bonnes. Or ... qu'est-ce qui fait que c'est le cas? Si on t'avais enlevé à tes 12 ans à tes parents et mis dans une famille d'ouvriers analphabètes, dans un quartier dangereux et violent, et dans une classe où personne n'étudie et trouve cela normal ... est-ce que tu aurais toujours été celui qui étudie bien à tes 18 ans? Ou est-ce qu'il y aurait eu une chance que tu abandonnes, que tu ne vois même pas à quoi ça sert les études, qu'il vaut mieux pouvoir se défendre dans la rue etc?

Bref, il est évident, il me semble, que le fait d'être "mieux" que certains dépend largement des circonstances de vie dans laquelle tu as pu grandir. Mais à partir de ce moment-là, est-ce vraiment toi, en tant qu'individu, qui est meilleur, ou est-ce toi ensemble avec tout ce que tu as pu recevoir jusqu'à présent de ton milieu social et culturel? Si c'est plutôt la deuxième chose, alors qui sait, "au fond" ces jeunes-là sont peut-être aussi aptes que toi à respecter les règles de la politesse, à s'intéresser aux études etc, SI on leur donne d'abord les mêmes conditions d'apprentissage?

D'autre part: imaginons qu'on peut retourner dans le temps, et qu'on donne à tous ces jeunes exactement la même éducation que toi tu as eue. Imaginons que du coup, vers leurs 18 ans, chacun à sa façon (voire l'exemple du pianiste et du physicien), est aussi bon que toi dans ce qu'il fait et sait faire. Est-ce que cela changerait quelque chose au fait que tu es toi-même bon là-dedans? Est-ce que du coup tu serais moins bon qu'avant? Probablement pas.

C'est pourquoi l'idée de comparer avec l'impuissance des autres pour pouvoir se sentir bien n'est pas tellement intéressant. Tandis que si tu te bases sur le fait que tu ne t'es pas tout à fait créé toi-même à partir de rien, et que beaucoup de causes expliquent ta puissance actuelle, tu peux être Joyeux en contemplant ta puissance tout en désirant l'égalité de réussite pour tous ceux qui ont eu moins de chances: tu peux te dire qu'eux aussi, ils ont droit aux mêmes "causes" que celles que toi tu as pu rencontrer, et qu'alors sans doute leur puissance augmentera aussi. Tandis que si un jour leur puissance deviendrait plus grande que la tienne, cela n'enlèverait rien au degré de puissance que tu es réellement, donc cela ne constituera aucune raison pour moins t'en réjouir.

Nepart a écrit :Concernant la reconnaissance. Tu dis si j'ai bien compris que c'est un plaisir qu'il ne faut pas se refusé mais qu'il ne faut pas se baser dessus pour être heureux.

Or même si ce n'est pas notre base pour le bonheur , si on est preneur des avis positifs des autres, on doit aussi l'être des avis négatifs.
Donc le plaisir d'être reconnu va forcement être entraine de frustration ou de tristesse de ne pas l'être.


tout dépend du poids que tu donnes à la reconnaissance. Si tu n'apprends pas à contempler/juger toi-même ce que tu sais faire, indépendamment de toute reconnaissance, tu vas laisser dépendre ton estime de toi entièrement du jugement des autres. C'est là qu'on risque de ne pas être très heureux, car ce que les autres estiment dépend fort de ce qui est bon pour eux, et non pas toujours de ce qui est réellement bon pour toi (si tu vis avec des gens qui valorisent la bagarre dans la rue, ils vont t'estimer si tu commences à exceller dans ce genre de choses; or cela peut mener à ta mort, donc finalement n'est pas très bon pour toi).

On peut en revanche utiliser la reconnaissance non pas comme critère absolu de l'estime de soi, mais comme moyen. Par exemple: si tu veux obtenir tel ou tel diplôme, parce que tu veux exercer tel ou tel métier sentant qu'il va pouvoir te rendre heureux, il faudra bien que tel et tel prof reconnaissent que tu as travaillé pour leur cours, et reconnaissent que tu as bien compris l'essentiel du cours. Tu as donc besoin de leur reconnaissance pour pouvoir passer à l'année suivante, c'est-à-dire en tant que moyen sur ton chemin à toi. A part cela, il est un fait que pas mal de prof donnent des cotes en fonction de la moyenne de la classe de cette année-là. Ainsi quelqu'un qui obtient un 18 aurait peut-être eu une 16 si par hasard il était dans une classe plus fort, tout en ayant travaillé autant. Si l'on prend la reconnaissance comme critère ultime de soi, on en tirerait des conclusions différentes dans l'un et l'autre cas, tandis qu'en réalité, on maîtriserait exactement le même savoir.

Enfin, dans tous les cas, la recherche de la reconnaissance entraîne nécessairement de temps en temps des frustrations: quand la reconnaissance ne vient pas, ou quand on reçoit un jugement négatif. Mais lorsqu'on base son estime de soi uniquement sur la reconnaissance de n'importe qui, oubliant qu'on n'a besoin de la reconnaissance de telle et telle personne spécifique pour pouvoir atteindre notre but, dans ce cas on risque d'être beaucoup plus malheureux que si l'on apprend avant tout à se juger soi-même, puis à chercher la reconnaissance de ceux qui réellement peuvent nous faire avancer dans la vie. Car en pratique, seule l'absence de reconnaissance de ceux que l'on estime ET dont l'avis est importante pour atteindre nos objectifs à nous est problématique, non?

Nepart a écrit :Je fais donc la liaison entre l'espoir et la crainte. N'est-il pas au fond plus intéressant d'abandonner la reconnaissances pour ne plus être frustré de ne pas être reconnu pour ce que l'on fait, car l'un nécessite forcement l'autre.


je crois qu'il faut - toujours d'un point de vue spinoziste, tel que pour l'instant je l'ai compris - tout de même séparer crainte/espoir et reconnaissance. Bien sûr, si la reconnaissance de la part des autres est le critère ultime qu'on utilise pour construire l'estime de soi, on a pas mal de raisons de l'espérer et de la craindre. Car on ne peut espérer ou craindre que dans une situation où il y a incertitude, et l'opinion des autres gens est parmi les choses les plus changeantes dans ce monde. Laisser dépendre notre bonheur d'une telle reconnaissance implique donc forcément pas mal de craintes et d'espoir, donc peu de "constance" dans la vie.

D'autre part, même pour ce qui concerne la reconnaissance qu'on utilise en tant que "moyen" pour atteindre nos buts, on pourrait la craindre ou espérer. Or Spinoza conseille d'apprendre à se défaire de TOUTE crainte et espoir, et cela finalement pour les mêmes raisons: puisque la chose qu'on espère obtenir, on ne l'a pas encore, son obtention est incertaine, ce qui fait que celui qui espère ne peut que basculer assez rapidement dans la crainte. Mais la crainte est une Tristesse, donc elle DIMINUE ta puissance ... là où il te faut précisément toute ta puissance pour pouvoir réaliser tes objectifs, puisque ce n'est pas encore certain que tu vas y arriver.

Cela ne signifie pas qu'il vaut mieux abandonner tout projet futur qui aujourd'hui n'est pas absolument certain, car alors on risque de perdre pas mal de choses qui autrement auraient été possibles et qui peuvent nous rendre réellement plus heureux. Il s'agit plutôt, dans des situations d'incertitude, de se baser principalement sur ce qu'on sait être certain (par exemple: tu ne sais pas à l'avance si tu vas réussir ton examen ou non, mais tu sais que normalement, si tu étudie bien, tu réussis; si alors tu te concentres pendant l'année sur cette idée-là, tu étudieras sans doute davantage et avec plus de "fermeté et constance" (et tu seras donc mieux préparé, quand la période des examens arrive) que si tu penses essentiellement au fait que finalement ce n'est pas certain, et si tu commences à espérer puis craindre puis espérer etc la réussite, car lors des moments de crainte, tu risques d'être démotivé, et d'étudier de façon moins concentrée etc - bref, pour atteindre un but, la crainte et l'espoir sont tout simplement moins "efficaces", ils diminuent tes possibilités de réussite, c'est pourquoi il vaut mieux les éviter (même si cela demande vraiment un apprentissage, bien sûr, puisque spontanément on a tous tendance à craindre et espérer sans cesse).

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Messagepar nepart » 09 avr. 2008, 18:58

Donc si j'ai bien compris:

Le sentiment de supériorité n'a pas raison d'être car nous sommes déterminés.

La reconnaissance en tant que fin est une mauvaise chose, car si dans certains cas cela nous procure du plaisir d'entendre des bonnes choses sur nous même si cela ne nous sert à rien, cela implique aussi que l'on sera triste dans le cas contraire, d'autant plus que cette source de plaisir est hors de notre contrôle direct.

Il ne faut donc plus chercher la reconnaissances comme fin?

ex:

allers vers les copains :"je suis ceinture noir de judo"
Chercher les compliments...

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Messagepar Louisa » 09 avr. 2008, 19:11

Nepart a écrit :Le sentiment de supériorité n'a pas raison d'être car nous sommes déterminés.


disons que la supériorité ne vaut que si l'on considère les choses superficiellement, sans tenir compte des potentialités de chacun et des circonstances qui permettent de les développer ou non, circonstances qui ne dépendent pas de nous, surtout pas pour ce qui concerne les premières années de la vie (0-18 ans). Autrement dit: tu risques de ne pas voir l'essence singulière des autres si tu t'en tiens à ce genre de comparaisons.

Nepart a écrit :La reconnaissance en tant que fin est une mauvaise chose, car si dans certains cas cela nous procure du plaisir d'entendre des bonnes choses sur nous même si cela ne nous sert à rien, cela implique aussi que l'on sera triste dans le cas contraire, d'autant plus que cette source de plaisir est hors de notre contrôle direct.

Il ne faut donc plus chercher la reconnaissances comme fin?

ex:

allers vers les copains :"je suis ceinture noir de judo"
Chercher les compliments...


si ce sont des copains qui nous incitent à donner le meilleur de nous-mêmes, qui nous encouragent dans la voie qu'on veut suivre, qui renforcent notre amour pour ce que notre raison nous dit être bon, je ne vois pas pourquoi il faudrait arrêter de leur dire ce genre de choses et de se réjouir de leurs compliments. Au contraire même, être estimé par des gens qu'on estime et qui peuvent réellement nous aider dans la vie, dans ce qui constitue notre bonheur sur le long terme, c'est un moyen très important pour pouvoir réaliser ce bonheur. Le problème ne se pose que dans le cas où l'on IDENTIFIE notre bonheur à cette reconnaissance (autrement dit, si l'on croit que le bonheur suprême dans la vie, c'est d'obtenir le plus de reconnaissance possible), ET où l'on commence à chercher la reconnaissance de tout et n'importe qui (car alors on va nécessairement adapter son comportement voire sa vie à ce que ceux que l'on rencontre par hasard dans notre vie jugent bon, tandis que ces jugements peuvent (et souvent sont) être tout à fait contraire à ce qui est réellement bon pour nous, sur le long terme).


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