Être heureux parmi les malheureux

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 03 juil. 2008, 04:16

Nepart a écrit :Si notre but est de vraiment améliorer la vie des autres, on ne ferait, pour la plupart, pas ce que l'on ferait.

Si c'était notre but, on le ferait avec plus de résultats, on ne partirai pas en vacances au ski et on pourrais nourrir 50 personnes pendant 1 ans avec cette argent.


un jour je me suis retrouvée en Afrique, à l'intérieur du pays, en donnant la main à un couple africain qui vivait seul sur une colline, dans une cabane de paille et de boue. Mes chaussures, faites pour faire de longues promenades, avaient coûtés 100 euros. Je les avais achetées spécialement pour ce voyage. Eux? Ils n'avaient rien. Un champ de maïs qui à cause de la sécheresse cette année-là n'avait rien donné, et une seule poule, qui leur fournissait des oeufs, seule chose dont ils vivaient depuis des mois. Ils voulaient absolument abattre la poule, comme l'exigent leurs règles d'hospitalité. Tout ce qu'ils possèdent ne coûtait, pris ensemble, certainement pas 100 euros. J'avais à l'époque à peine 22 ans, eux 45 (mais on dirait qu'ils avaient 70 ans, tellement leur visage était marqué).

Il est évident que ce genre de choses te touche profondément. Mais que faire??? Rester là? Je ne pourrais certainement pas faire pousser le maïs plus vite. Leur donner de l'argent? Le premier magasin se trouvait à 300 km, ils ne pourraient rien faire avec. Finalement, la seule chose que j'ai pu faire, c'est leur donner la fierté d'accueillir selon ce qu'exige leur tradition un hôte, tout en n'abattant pas la poule. Inutile de te dire que je ne me sentais pas très bien en retournant, en jeep, au monde dit "civilisé" ... .

Tout ceci pour te dire que "aider les gens", ce n'est pas si facile que ça. Certes, on peut partir au tiers-monde et exercer là l'un ou l'autre métier. Mais cela n'abolira pas la misère du monde. On pourrait également, comme l'a fait un Nobel d'économie récemment, créer un système de banques qui offre des microcrédits à des pauvres. Cela a peut-être déjà plus d'impact, au niveau "mondial". Mais cela n'empêché que de temps en temps, ce prix Nobel profite d'un congé bien mérité (ski ou autre).

Tout commence donc par comprendre et accepter le fait qu'on pourra certes faire quelque chose, mais jamais remédier à la misère humaine une fois pour toute. Il faudra donc bien choisir son activité, puis tout faire pour avoir un maximum de forces et d'énergie à y investir. C'est pourquoi c'est important de penser aussi à notre bonheur, car plus nous sommes malheureux, moins nous aurons de l'energie pour nous donner à fond à l'activité que nous avons choisie.

Bien sûr que ce n'est pas ce que fait la majorité des gens. Et alors? Faudrait-il attendre le moment qu'ils le fassent avant de s'y mettre soi-même ... ? Remédier à la misère du monde, n'est-ce pas avant tout remédier aux ignorances, donc aux idées inadéquates, donc aussi au fait que pas mal de gens croient qu'il vaut mieux ne rien faire et chercher un bonheur purement individuel?

Nepart a écrit :Il ne faut pas être naif, on a une part en nous qui fait que l'on pense à l'autre, mais elle n'est pas développé à l'infini.

Pour schématiser, c'est comme si on ressentait 0,0000001% des sensations des autre.

Ainsi, je suis prêt à échanger 1% de mon plaisir si cela peut en créer 0,00001% chez un autres. Or très souvent ce pourcentage est tellement faible qu'il est dans notre intérêt de ne pas penser aux autres.

Serions nous prêt à mourir pour quelqu'un que l'on sait qui servirait plus "l'humanité"?


à mon avis, l'originalité du spinozisme, à ce sujet, consiste dans le fait de prouver que ce qui est le plus utile à nous-mêmes est aussi le plus utile pour les autres. Les deux ne s'opposent plus (comme c'était souvent le cas dans certains christianismes, où "sacrifier" sa vie aux autres n'était "récompensé" qu'après la mort). Ce n'est plus une question "d'échange" de bonheur. C'est en me souvenant de ce que j'ai vu en Afrique que je pourrai, une fois de retour dans le monde occidental, réfléchir à comment agir d'une telle façon que moi-même, ayant l'essence singulière donc le degré (limité!!) de puissance que j'ai, je pourrais contribuer ne fût-ce qu'un tout petit peu à améliorer tout cela. Je ne vois pas en quoi il faudrait en faire une question de vie ou de mort. Il est extrêment rare qu'il suffit de mourir pour que déjà une seule personne d'autre puisse sérieusement "servir l'humanité". L'humanité n'existe pas, il n'y a que des hommes. Si chaque être humain essaie, de temps en temps, de réfléchir un peu sérieusement à ce qu'il devrait faire pour augmenter le bonheur de ces gens qu'il fréquente dans sa vie quotidienne, tu ne crois pas que cela changerait déjà quelque chose, que ce serait déjà formidable?

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Messagepar nepart » 03 juil. 2008, 15:05

Louisa, tut cherches des excuses au lieu de chercher des moyens.

Tu n'a pas a en avoir honte, mais l'homme n'est pas un être qui pense infiniment au autres. C'est normal que tu préférés profiter de ta confortable situation, même si tu plus sensible que d'autres.

Donnerais tu un de tes reins à un inconnu qui a besoin d'un don d'organe?

Tu me dis que c'est en étant heureux que l'on peut mieux aidé les autres.
Dans ce cas donnes moi un exemple de projet qui en plus de permettre ton bonheur aiderai plus les autres qu'un projet simple et éfficace, mais qui te rendrait moins heureuse?

Tu me fais penser aux libéraux qui pensent qui faut créer de la richesse avant de penser à la partager. :)

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Messagepar Louisa » 03 juil. 2008, 21:18

Nepart a écrit :Donnerais tu un de tes reins à un inconnu qui a besoin d'un don d'organe?

Tu me dis que c'est en étant heureux que l'on peut mieux aidé les autres.
Dans ce cas donnes moi un exemple de projet qui en plus de permettre ton bonheur aiderai plus les autres qu'un projet simple et éfficace, mais qui te rendrait moins heureuse?

Tu me fais penser aux libéraux qui pensent qui faut créer de la richesse avant de penser à la partager.


d'abord, je ne crois pas que ce soient les libéraux seuls qui pensent qu'il faut avoir quelque chose à partager avant qu'on puisse réellement partager quelque chose ... :)

Puis tu sembles me dire que ma réponse n'est pas vraiment une réponse à ta question, ce qui est vrai. Je suis bien plutôt en train de transformer ta question en une autre, puisqu'il me semble qu'ainsi nous sommes obligés de voir le problème autrement, condition nécessaire pour pouvoir trouver une solution. Quelles sont les deux questions?

Celle que tu sembles poser: comment oeuvrer activement pour le bonheur des autres, sachant que celui-ci exige que nous sacrifions une partie de notre bonheur?

Celle à laquelle j'essaie de répondre: comment oeuvrer activement pour notre propre bonheur sachant que celui-ci contrastera toujours cruellement avec le malheur de la majorité de l'humanité?

Pourquoi ce changement de perspective? Parce que ta question est basée sur un présupposé que rien ne nous oblige à tenir pour vrai: l'idée que l'histoire des bonheurs humains est une affaire de vases communicantes (si l'un devient plus heureux, l'autre doit forcément devenir moins heureux), comme s'il y a un "taux de bonheur" total qui a été fixé à l'avance.

Comme déjà dit: on retrouve cette conception souvent dans le christianisme, pour qui l'amour du prochain implique un sacrifice de soi-même, un "négatif" de bonheur pour augmenter un peu celui des autres, négatif qui heureusement n'est que provisoire, et qui sera pleinement récompensé après la mort avec le plus grand bonheur qui existe: la béatitude. On sacrifie donc un peu de notre bien individuel pour en obtenir en fin de compte un maximum.

Dans cette optique, tu constates correctement que sans promesse de récompense, le mécanisme ne fonctionne plus trop. Pourquoi sacrifier mon propre bonheur, si cela va simplement me rendre plus malheureux, sans plus? Comment le bonheur augmenté de l'autre pourrait-il avoir le même "prix" que notre bonheur à nous? Aimer notre prochain comme nous-mêmes, c'est bien beau, mais cette histoire perd tout attrait une fois que le Dieu chrétien n'existe plus.

Donc oui, de ce point de vue, on ne va pas sacrifier son propre bonheur pour augmenter celui de l'autre. Ce serait bien absurde. La preuve: peu de gens le font (voire personne). Que crève le monde, du moment que nous pouvons NOUS être un peu heureux, c'est déjà beaucoup.

Or le problème, c'est que de ce point de vue, justement ... il n'y a pas de problème. On n'a pas besoin de justifier une préférence pour son propre bonheur, ni surtout de justifier une absence d'engagement concret par rapport à autrui. Il est simplement normal de ne pas pouvoir se contenter de moins de bonheur que ce dont nous sentons que nous sommes capables.

Il faut que quelque part, nous donnons tout de même un "prix" au bonheur d'autrui, que nous le trouvons important, que nous nous sentons déjà un peu coupable en constatant la misère du monde et le fait que nous ne sommes pas en permanence occupés à y remédier. Ou en des termes plus spinozistes: il faut que le malheur de l'autre nous rend déjà un peu Triste.

Toutefois, dès qu'on prend conscience de cela, il devient clair que notre propre bonheur DEPEND en fait du bonheur des autres. Il est difficile d'être le seul homme heureux parmi une foule malheureuse, à moins de s'enfermer chez soi-même pour essayer d'oublier que le monde existe. C'est là que nous sommes bel et bien obligés de poser le problème autrement: comment faire pour que le bonheur des autres augmente, sachant que sans cela, je ne serai pas très heureux de manière durable moi-même?

Alors il est évident que si je vais me mêler à la foule pour être aussi malheureux qu'eux, bon, cela ne va pas vraiment servir à grand-chose. Il faut donc que je puisse trouver un moyen efficace pour augmenter le bonheur des autres. Mais quel moyen? Tu dis: donner un rein à quelqu'un. Bon, disons que je donne un rein à mon voisin. Je me sentirai bien pendant quelques jours ... mais si le mois après ce même voisin meurt de pauvreté, cela ne m'aura pas donner un bonheur durable. Si en plus pendant le dernier mois de sa vie, il a subi pas mal de misère, qu'il n'aurait peut-être pas pu éviter s'il était mort il y a un mois, sans mon rein, alors les choses deviennent plus compliquées encore.

D'où la réponse de Spinoza: cela ne sert à rien de vouloir aider les autres en se jetant aveuglement sur l'une ou l'autre solution "simple", tout cela n'est qu'une goutte d'eau dans la mer, et ne pourra jamais nous rendre plus réellement plus heureux. Pour y parvenir, il faut que nous nous y investissons de façon beaucoup plus sérieuse, de manière beaucoup plus réfléchi, avec beaucoup plus d'énergie et de force d'esprit. Mais pour cela ... il faut d'abord l'avoir, cette énergie! C'est pourquoi il faut bel et bien d'abord "cultiver notre jardin" avant de pouvoir en donner les fruits à autrui: sans travail acharné sur soi-même afin d'augmenter sa puissance d'agir et de penser, on ne pourra jamais se donner les moyens pour bien comprendre les besoins les plus importants des autres (au lieu d'en rester à ce que nous imaginons spontanément être leurs besoins - c'est ainsi que dans un grand élan "d'amour du prochain", on a pu donner du poudre à lait à des centaines de millieurs de bébés africains, pour constater par après que des bébés noirs manquent un enzyme por pouvoir digérer ce lait, et devenaient tous malades). Sans acquérir soi-même une "nature meilleure", comme l'appelle Spinoza, on ne pourra jamais avoir la puissance de penser et d'agir nécessaire pour réellement pouvoir faire le maximum de ce qui est en nous pour contribuer à l'amélioration du monde.

C'est là que mon exemple de Muhammad Yunus acquiert sa pertinence: Yunus est le fondateur de la Grameen Bank, et prix Nobel de la paix 2006. Il a réussi mieux que la majorité d'entre nous à réellement améliorer le sort de millieurs de gens les plus démunis. Comment? Pas en se rendant le plus malheureux possible! Il s'est d'abord employé à acquérir des connaissances: il a étudié l'économie, puis le développement. Ensuite, il devient prof d'économie dans une université de son pays natal, le Bangladesh. Quand en 1974 une terrible famine ravage le pays, il décide de faire de nouveau ce en quoi il excelle et ce qu'il adore faire: s'instruire, essayer de comprendre, surtout par rapport au domaine économique. Il va donc se rendre chez les gens habitant dans un petit village, et fait tout pour mieux compendre leurs besoins économiques les plus fondamentaux. Une fois qu'il en a compris quelques-uns, il se demande ce qui lui, en tant que prof d'économie, pourrait faire. Il comprend ensuite qu'en prêtant seulement 27 dollars à 42 personnes, il les sauvrait des mains de prêteurs locaux qui travaillaient à des taux exorbitaux, endettant systématiquement les plus pauvres à vie, rendant par là l'accès au prêt impossible pour ceux qui en avaient le plus besoin.

Et effectivement, on lui a tout remboursé, et ces 42 personnes ont pu relancer leur vie. Comme aucune banque n'acceptait de prêter aux conditions qu'il avait lui-même donné à ces gens, il a fondé lui-même une banque, banque qui ne s'occupe que des plus démunis. Il est évident que cela lui a demandé beaucoup de travail. Mais il était prof d'économie, il adorait s'occuper de ce genre de questions. Et après un travail à fond il méritait bien ses vacances au ski! Il en avait même besoin pour se ressourcer, pour retrouver l'énergie nécessaire pour se consacrer chaque jour maximalement à sa passion: l'économie appliquée à la Grameen Bank.

Supposons que Yunus avait fait ce que tu proposes: éviter tout bonheur personnel, se rendre malheureux, donner un rein à une seule personne ... jamais il n'aurait pu obtenir le bonheur d'un si grand nombre de gens! C'est pourquoi s'intéresser au bonheur des autres ne s'oppose pas à notre propre bonheur, au contraire: une fois celui-ci bien compris, l'un ne va pas sans l'autre.

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Messagepar nepart » 03 juil. 2008, 22:59

1. Il y a une différence entre ne rien avoir à partager, et penser au partage avant la création. Personnellement la mondialisation actuelle ne me plait pas.

2.
Parce que ta question est basée sur un présupposé que rien ne nous oblige à tenir pour vrai: l'idée que l'histoire des bonheurs humains est une affaire de vases communicantes (si l'un devient plus heureux, l'autre doit forcément devenir moins heureux), comme s'il y a un "taux de bonheur" total qui a été fixé à l'avance.


Non, c'est caricaturale. Bien sur que l'on peut créer du bonheur pour les uns, sans en prendre aux autres. Mais ne nous mentons pas, on pourrais faire plus en sacrifiant un peu de notre bonheur.

Croirais-tu un discours qui te dirais, pourquoi avoir des impôts, laissons les riches devenir riches, de toute façon ils devront bien dépenser leur argent et ça arrivera un jour au pauvres?
Pas moi. Je refait un parallèle entre le discours défendu par les plus riches qui ne veulent pas partager, car selon eux en laissant les riches s'enrichir, cela va avoir des retomber sur les plus pauvres.
Cela donne pour toi si j'ai bien compris, laissons les gens ne pas vouloir sacrifier un peude leur bonheur pour les autres, car comme cela ils sauront plus à même de les aider.

3.Pour le don d'organe, tes exemples sont aussi mauvais selon moi.
Prends plutôt un exemple ou la personne survit. Il est par conséquent évident, que c'est une bonne chose (il y a création de bonheur) par ce don.

4. Je te suis parfaitement dans l'idée qui ne faut pas sauter sur la première occasion que l'on croit bonne pour aider.
C'est ainsi que je suis critique des dons pour le telethon qui dépasse ceux d'association qui pourrait créer bien plus de bonheur.

Cpdt, ça tient 2 jours sur un chaîne national, ça fait de l'émotion de voir des enfants handicapés, et la majorité pensent que ce n'est pas mérité contrairement au malades du sida par exemple. Cette idée reposant sur une illusion que nous connaissons maintenant.

Mais même si je suis d'accord pour ça, cela ne veut pas dire que j'appuie ton idée de d'abord cultiver son bonheur pour après penser aux autres.


5. Le cas de Yunus est très très intéressant. Moi même l'économie m'interesse beaucoup, c'est ce que je vais étudier des l'année prochaine à la fac, car j'aimerais apporter ma pierre à l'édifice dans ce courant qui vise à ne pas oublier la finalité de l'économie: L'intérêt général (hommes et autres êtres sensibles comme les animaux).

Il a réussi dans son cas d'allier intérêt personnel à intérêt général, car le fait de contribuer à l'intérêt général a augmenter son propre bonheur.

Cependant, dans bcp de cas on pratique des choses qui sont incompatible avec l'intêret géneral. On ne prendrait plus notre voiture pour 1km parce qu'on a la flemme, on regarderait pas un divertissement à la télé car il est là clair que l'on aide en rien les autres.

Il me semble utile de prendre conscience que cette capacité à l'homme de soucier des autres est limiter, et qu'il y a un rapport (prenons pour exemple 100) pour qu'on fasse quelquechose pour un autre.

Je vais prendre des exemples concrets:


Il faut crée 101 unité de joie chez un autre pour que cela en vaille la peine qu'on renonce à en faire 1 chez nous, car le fait d'en créer 101 chez un autre, en crée 1,01 chez nous.

Prenons l'exemple d'une participation dans une entreprise:

Vous êtes le patron d'une entreprise et vous détenez 1% d'une autre entreprise , l'entreprise B.

Il y a un appel d'offre pour quelque chose, 2 entreprises y répondent: vous et B qui est parfois en concurrence avec vous, elle l'est ici.

Cependant vous pouvez faire une offre à un prix très bas en rognant vos marges en espérant enlever un marché à un concurrent et ainsi lui enlever l'opportunité de se développer.

Cependant si vous faites une offre normale qui va à coup sur laisser l'autre entreprise gagner, vous aurez grâce à vos 1% de participation, des bénéfices plus important qu'en cas de gain de l'appel d'offres.

Et bien c'est plus ou moins pareil entre humains si on omet l'idée de concurrence. C'est comme si on avait une participation des autres en nous.

Ainsi: donner 50€ au mendiant de ma rue, créera chez lui 500 unités de plaisir (unité arbitraire). Or avec 50€ je peut créer 100 unités de plaisirs en achetant telle chose. Or j'ai une "participation chez les autres humains" de 1%

0,01X500< 100 donc je ne lui donne pas.

Cependant en donnant 50€ a une association qui va faire du mieux avec ces 50€ pour les pauvres et ne pas acheter de l'alcool va créer 10000 plaisirs 10000X0,01>100, donc je donne.

ps: je me rends compte que je suis d'accord avec toi. Le sacrifice est inutile s'il nosu rends impuissant pour aider. Cpts, il y a un juste milieu entre penser à soi et se sacrifier.

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Messagepar Louisa » 04 juil. 2008, 02:16

Nepart a écrit :Mais ne nous mentons pas, on pourrais faire plus en sacrifiant un peu de notre bonheur.

Croirais-tu un discours qui te dirais, pourquoi avoir des impôts, laissons les riches devenir riches, de toute façon ils devront bien dépenser leur argent et ça arrivera un jour au pauvres?
Pas moi. Je refait un parallèle entre le discours défendu par les plus riches qui ne veulent pas partager, car selon eux en laissant les riches s'enrichir, cela va avoir des retomber sur les plus pauvres.
Cela donne pour toi si j'ai bien compris, laissons les gens ne pas vouloir sacrifier un peude leur bonheur pour les autres, car comme cela ils sauront plus à même de les aider.


il me semble que disant cela, tu suggères qu'être riche peut constituer l'une des définitions du bonheur, puisque "sacrifier" un peu de son argent semble être identique à sacrifier un peu de son bonheur.

Or pour Spinoza le bonheur n'a rien à voir avec la possession de l'argent. Il faut en avoir pour pouvoir vivre, mais l'argent ne figure pas du tout parmi ces "Biens Suprêmes" capables de nous rendre réellement heureux. Avoir beaucoup d'argent peut donner une Joie, mais pas toute Joie est une felicitas, un bonheur.

C'est quand tu identifies Joie à bonheur qu'effectivement, cela devient concevable que parfois il faut sacrifier CERTAINS types de Joie si l'on veut rendre les autres moins malheureux. Mais cela ne signifie nullement que Joie et aider les autres s'opposent! Spinoza prétend que les Joies les plus profondes, celles capables de nous rendre profondément et durablement heureux, sont des Joies qui tiennent également maximalement compte du bonheur des autres.

Nepart a écrit :5. Le cas de Yunus est très très intéressant. Moi même l'économie m'interesse beaucoup, c'est ce que je vais étudier des l'année prochaine à la fac, car j'aimerais apporter ma pierre à l'édifice dans ce courant qui vise à ne pas oublier la finalité de l'économie: L'intérêt général (hommes et autres êtres sensibles comme les animaux).

Il a réussi dans son cas d'allier intérêt personnel à intérêt général, car le fait de contribuer à l'intérêt général a augmenter son propre bonheur.

Cependant, dans bcp de cas on pratique des choses qui sont incompatible avec l'intêret géneral. On ne prendrait plus notre voiture pour 1km parce qu'on a la flemme, on regarderait pas un divertissement à la télé car il est là clair que l'on aide en rien les autres.


tu crois que Yunus s'est promis de ne plus jamais regarder un programme divertissant à la télé, après une longue journée de travail?? Pourquoi se détendre après la concentration, chose dont tout organisme vivant a besoin pour se ressourcer et pouvoir par après de nouveau se mettre à fond au travail, serait-il contraire à l'idée de faire un travail qui aide les autres ... ?

Sinon en effet, comme le dit Yunus: "Et on observe que (...) l'accès au capital peut transformer des vies humaines. Le problème ne vient donc pas du capitalisme en soi, mais des insuffisances du système que nous avons édifié pour le mettre en oeuvre. Si les choses vont mal, ce n'est pas en raison de 'défaillances du marché'. Le problème est plus profond que cela. La théorie du libre marché souffre d'une 'défaillance de conceptualisation', d'une incapacité à saisir l'essence même de l'humain. (...) Le véritable fond du problème est dans la conception que l'on se fait de 'l'activité économique'. "

Y. Moulier Boutang semble lui opposer quelque chose de similaire à ce que tu dis ici: "Il est difficile d'imaginer que le capitalisme puisse devenir moral; difficile de penser qu'il soit possible de combiner la course aux profits avec le désir de faire le bien..."

Réponse de Yunus: "Pourtant, c'est possible. Parce qu'une seule et même personne peut combiner ces deux aspects. Je peux monter une entreprise traditionnelle pour gagner de l'argent et, par ailleurs, monter un social-business à côté parce qu'en plus du fait de vouloir gagner ma vie, je peux aussi avoir envie de faire des choses bien. On a tous un peu des deux tendances. "

Pour lui, le problème est donc bien plutôt: "Or la structure capitaliste actuelle permet uniquement de faire de l'argent. Elle n'offre pas d'autres options et n'exprime qu'un seul de vos multiples besoins. Du coup, quand vous voulez exprimer une autre de vos dimensions humaines, vous devez sortir du système économique pour faire de la philanthropie, créer une fondation ou une entreprise caritative. Comme l'a fait Bill Gates, par exemple. C'est une mauvaise option et il y en a une autre meilleure au sein même de l'économie."

Je ne sais pas encore moi-même quoi penser de sa conception du capitalisme (je m'y connais trop peu), mais telle que formulée ici, elle me semble être assez compatible avec ce que dit le spinozisme quant au sujet dont nous discutons. Et comme tu dis que tu vas bientôt entamer des études d'économie (chouette, bon amusement et bon travail!), j'y ajoute juste encore la suite du paragrape précédent:

"La différence, c'est que dans le système caritatif, chaque dollar n'a qu'un usage. Il ne revient pas. Et si vous voulez répéter la charité, vous devez donner à nouveau un dollar. Alors que dans le social-business, chaque dollar a une vie sans fin: il est sans cesse réinvesti dans l'entreprise. Voilà pourquoi je crois - ou plutôt je suis sûr - que le capitalisme est capable de reléguer la pauvreté au musée. Mais un capitalisme dans sa version achevée, comme celui que j'imagine. J'ai coutume de dire que le capitalisme tel que nous le connaissons n'est qu'à moitié développé. Ce qu'il faut, c'est compléter le système actuel par un système parallèle tourné vers la maximisation du bien-être social: pourquoi ne pas imaginer un onde où l'on aurait une deuxième Bourse consacrée aux social-business, des sociétés de notation pour ces entreprises sociales, un Social Wall Street Journal, un Social Financial Times, etc.?".

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Messagepar nepart » 04 juil. 2008, 12:53

Peut etre que je ne te comprends pas à cause de la différence qui est incomprise de mon côté entre joie/plaisir intense et bonheur.

Je ne dit pas que yunus ne passe jamais des moments égoistes. Bien au contraire je trouve ça normal.

Pour moi aider les autres et une source de plaisir comme les autres.
Quand on pense aux autres c'est pour penser à soi, on est tous égoiste même mère teresa.

Dans le calculs des plaisirs, il est parfois intéressant de penser aux autres et parfois non.
Si il se fait plaisir c'est qu'il en a deduis que cela lui procurerait plus de plaisir que de penser aux autres.

Dans l'exemple de yunus, yunus prends sans doute des vacances à l'étranger dans des endroits paradisiaques. Et bien je ne vois pas en quoi cela l'aide vraiment a faire le bien, alors qu'il aurait pu se contenter de se reposer chez lui et il aurait très bien pu aider avec l'argent non utilisé non?

Je rappelle je ne critique pas, je constate.

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Messagepar Enegoid » 05 juil. 2008, 21:40

En toute amitié, je vous propose quatre idées qui me sont venues à propos de votre discusion, sur un sujet qui me "hérisse le poil", pour dire vulgairement :

1 L'idée que la majorité des hommes est malheureuse n'est-elle pas, forcément, une idée confuse, donc inadéquate (au sens spinoziste) ?

2 Les exemples cités se basent sur des situations économiques de pauvreté, ou de conditions de vie difficiles et frugales. Est-ce bien celà le problème ?

3 Vouloir aider les autres, n'est-ce pas vouloir conserver un sentiment de supériorité (ou de sécurité : j'aide, donc je ne suis pas dans le dénuement) ?

4 Si on prend un homme au hasard, même dans les endroits les plus déshérités, comment pouvez-vous savoir qu'il est plus malheureux que vous ?

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Messagepar Louisa » 08 juil. 2008, 15:30

Nepart a écrit :Peut etre que je ne te comprends pas à cause de la différence qui est incomprise de mon côté entre joie/plaisir intense et bonheur.


chez Spinoza il y a trois types de "Joie": Joie active, Joie passive, Amour intellectuel de Dieu. Bien les distinguer est effectivement très important. Petite tentative.

Joie passive: quelque chose m'arrive et m'est agréable ou me donne du plaisir (pour prendre l'exemple qu'avait cité ici un jour Pourquoipas: "une jolie fille passe dans la rue et me sourit", mais il y a plein d'autres exemples: "le soleil brille", "quelqu'un apprécie la personne que j'aime", "on me loue", "j'espère que x va arriver", "j'imagine détruit quelque chose que je déteste", et ainsi de suite).

Joie active: je suis moi-même la seule cause de quelque chose qui arrive. Exemple par excellence: j'ai compris quelque chose. Bien sûr, souvent on a besoin de l'aide d'autres pour comprendre, mais cela n'empêche que c'est bien nous qui comprenons, au moment où nous comprenons. Ensuite, toutes les Joies qui naissent de la Raison sont pour Spinoza des Joies actives. Exemple: je comprends que la Haine est une Tristesse, qui diminue ma puissance, donc je vais m'efforcer non pas de combattre la chose détestée, mais la Haine que je ressens pour elle. Autre exemple: je me distancie de tout espoir (et crainte) pour me baser maximalement sur ce qui est déjà certain, etc. Les parties 3 et 4 de l'Ethique donnent de nombreuses exemples des Joies passives et actives.

On pourrait se demander pourquoi une Joie active est de loin préférable à une Joie passive. Car en tant que Joies, les deux nous procurent une augmentation de notre puissance d'agir et de penser. On pourrait donc se dire: contentons-nous des Joies passives!

La différence réside dans leur effet sur le long terme. Une Joie passive est très peu stable: il suffit que le matin, quand je pars pour une activité en plein air (nager dans la mer, p.ex.), je suis très content que le soleil brille, pour devenir assez Triste si quelques heures après du coup une pluie torrentielle m'oblige de cesser l'activité déjà en cours et que j'avais depuis longtemps espérée pouvoir faire aujourd'hui. Or il est évident que la nature n'est pas fait "pour nous". Si donc nous laissons dépendre notre bonheur de ce que la "rencontre fortuite avec la nature" nous apporte, on risque de tomber d'une Joie dans une Tristesse, d'une Tristesse de nouveau dans une Joie, etc. On n'aura pas vraiment une stabilité minimale en ce qui concerne notre puissance. Demain elle pourra être grande, après-demain, très petite. Or si après-demain, un grand malheur nous arrive juste au moment où nous étions abattus par l'une ou l'autre Tristesse, on risque de mal réagir, et de ne pas pouvoir sauver notre peau.

Conclusion: si c'est raisonnable de vouloir devenir maximalement heureux sur le très long terme, il vaut mieux chercher des Joies qui sont le plus stables possibles, qui peuvent "s'accumuler", en un certain sens, qui nous fortifient durablement, au lieu de s'en tenir à des Joies éphémères, comme le sont les Joies passives. Il faut donc chercher maximalement des Joies actives. Mais il y a mieux encore.

Les Joies étant toujours simultanément des affections du Corps et des idées ayant ces affections pour objet, à chaque genre de connaissance correspond un type de Joie. Au premier genre de connaisance (inadéquate) correspond la Joie passive, au deuxième genre la Joie active (adéquate, liée à la Raison). Le troisième genre a également sa Joie a lui, même si, comme le dit Spinoza, le mot "Joie" est quasiment trop faible pour exprimer le sentiment qui y est lié. Il va donc proposer les mot "Béatitude", "Salut" ou "Liberté". C'est la Joie qu'accompagne "l'Amour intellectuel de Dieu". Il s'agit d'un genre de compréhension assez particulier (voir la discussion dans "L'homme n'existe pas" à ce sujet). Spinoza dit qu'il s'agit de la "Joie Suprême", et cela arrive lorsque nous parvenons à joindre l'idée de telle ou telle chose singulière à l'idée de l'essence même de Dieu. Il s'agit de comprendre que Dieu aurait été moins parfait si telle ou telle chose, même le plus grand salaud, n'avait jamais existé. Car même lui est essentiellement un degré de puissance, essaie à sa façon de persévérer dans la vie, cherche un maximum de bonheur, etc. Même lui "exprime" Dieu.

Si nous sentons déjà une "satisfaction de soi" lors du deuxième genre de connaissance (difficile de ne pas être content de soi quand on a compris quelque chose), et donc une certaine "félicité", un certain bonheur, le bonheur suprême n'arrive que lorsque nous ressentons une satisfaction de soi immédiatement couplée à l'idée de l'essence de Dieu en nous, puis de l'idée de cette essence divine en telle ou telle chose singulière que nous rencontrons.

Bien sûr, tout cela peut avoir l'air assez abstrait, et est en tout cas assez difficile à comprendre. Peu de lecteurs de Spinoza semblent déjà y voir tout à fait clair. N'empêche que c'est donc bel et bien en cela que consiste le suprême bonheur pour Spinoza.

Nepart a écrit :Je ne dit pas que yunus ne passe jamais des moments égoistes. Bien au contraire je trouve ça normal.

Pour moi aider les autres et une source de plaisir comme les autres.
Quand on pense aux autres c'est pour penser à soi, on est tous égoiste même mère teresa.

Dans le calculs des plaisirs, il est parfois intéressant de penser aux autres et parfois non.
Si il se fait plaisir c'est qu'il en a deduis que cela lui procurerait plus de plaisir que de penser aux autres.


oui, mais formulé ainsi je crains qu'il pourrait bien ne s'agir que de Joies passives. On aura tendance à aider avant tout celui qu'on apprécié, où celui dont on a pitié, etc. Ce n'est pas vraiment "aider quelqu'un uniquement sous la conduite de la Raison". Qui vit sous la conduite de la Raison, veut pour l'autre le même Bien que pour soi-même. Ce Bien consistant essentiellement dans la puissance de comprendre, et sachant que réellement aider quelqu'un à comprendre davantage est un exercice tout aussi intellectuel pour celui qui aide que pour celui qui est aidé, on constate qu'il y a des moyens plus efficaces pour aider que d'autres. Ce sont ceux qui permettent d'augmenter la puissance de penser et d'agir aussi bien de celui qui aide que de celui qui est aidé. C'est donc vers ce type d'activités et de Joies qu'il faut essayer de se diriger, si l'on vise un maximum de bonheur.

Nepart a écrit :Dans l'exemple de yunus, yunus prends sans doute des vacances à l'étranger dans des endroits paradisiaques. Et bien je ne vois pas en quoi cela l'aide vraiment a faire le bien, alors qu'il aurait pu se contenter de se reposer chez lui et il aurait très bien pu aider avec l'argent non utilisé non?


je ne pense pas. D'abord il n'est pas certain que Yunus préfère des endroits paradisiaques pour passer ses vacances, mais même si c'était le cas, il se fait qu'il s'occupe pendant l'année d'un job très exigeant, qui demande beaucoup de lui, et qui suppose donc une grande puissance de penser et d'agir. Cette puissance, il faut bien l'entretenir! Comme on le disait déjà avant: la condition absolument nécessaire pour pouvoir faire quelque chose d'utile dans ce monde, c'est d'en avoir les moyens. Un homme seul ne pouvant pas grand-chose, il faut donc dépenser beaucoup d'énergie et de temps pour réfléchir au type de projets qu'on pourrait envisager, pour bien réfléchir aux conséquences, moyens, etc. Il ne faut pas vivre toute sa vie dans le grand luxe pour pouvoir avoir un maximum de puissance de penser et d'agir, mais il faut tout de même pouvoir créer pour soi-même une vie agréable et satisfaisante. Sans cela, on ne sera pas très satisfait de soi-même, on se sentira plutôt impuissant, et on ne pourra pas faire grand-chose.

Que l'activité professionnelle de Yunus concerne l'aide aux gens pauvres ou qu'elle soit consacrée entièrement à quelque chose de purement "égoïste", dans les deux cas vaut la même chose que ce qui vaut pour un étudiant avant un examen: il est absolument nécessaire de bien te nourrir, de bien dormir, de prévoir des moments de détente entre les heures d'études, pour pouvoir avoir un rendement maximal. On peut essayer de travailler 24h/24, donner ses repas aux pauvres, etc, on ne pourra pas aider autant de gens de façon si durable que ce qu'à fait Yunus, et ce n'est probablement pas la meilleure façon de réussir un examen non plus ... .

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Messagepar nepart » 09 juil. 2008, 01:10

Merci Louisa pour ton explication sur les différentes joie.
Je n'ai malheureusement pas compris le dernier type de joie (avec dieu).
à
L'idée avec laquelle je ne suis pas d'accord avec toi est non pas qu'il faut être un minimum heureux pour aider les autres, mais c'est l'utopie que:

-pour aider au mieux les autres, il faut d'abord penser à maximiser notre bonheur

De plus si je sauve 10000 personnes de la famine, si je ne les vois pas, cela me procurera peut être moins de joie que 100 personnes que je vois en "vrai" ce qui me permettrai de vraiment voir le "résultat" et d'avoir plus conscience de ce dernier.

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Messagepar Louisa » 14 juil. 2008, 00:18

Nepart a écrit :Je n'ai malheureusement pas compris le dernier type de joie (avec dieu).


Bonjour Nepart,
comme déjà dit, cela n'est pas très facile à comprendre. Je ne peux que te conseiller de lire l'Ethique toi-même, pas à pas, ce qui constitue sans doute la meilleure voie pour arriver à une compréhension minimale de ce que c'est que le troisième genre de connaissance (dès que je trouve une façon plus simple/claire pour l'expliquer, je le ferai avec plaisir - ce qui signifie bien sûr que moi-même je n'ai pas l'impression d'avoir déjà tout compris à ce sujet). Tu peux aussi lire les messages du fil "L'homme n'existe pas", où de différentes interprétations du troisième genre de connaissance sont développées.

En tout cas, je ne crois pas qu'il faut absolument l'avoir compris pour comprendre la distinction la plus importante plus le sujet qui nous concerne, et qui est celle des Joies actives et Joies passives.

Nepart a écrit :L'idée avec laquelle je ne suis pas d'accord avec toi est non pas qu'il faut être un minimum heureux pour aider les autres, mais c'est l'utopie que:

-pour aider au mieux les autres, il faut d'abord penser à maximiser notre bonheur


il est évident qu'au sens courant du terme, le "bonheur" n'implique pas une aide maximale des autres. Mais justement, les philosophes depuis le début ont tenté de trouver de NOUVELLES définitions du bonheur, définitions qu'ils croient être plus adéquates ou plus intéressantes que la façon dont nous concevons d'ordinaire le bonheur.

Chez Spinoza, le raisonnement (simplifié) me semble être ainsi:

- le Bien suprême, le bien dont la possession nous donne le bonheur le plus durable, le plus intense, bref le plus parfait, c'est un bien "stable", un bien qui ne change pas facilement en mal (exemple d'un bien pas très stable: j'aime la personne x parce que je la trouve belle, et la beauté me donne de la Joie; or si, une fois commencée une relation avec elle, il se fait qu'elle a un caractère fort difficile, mon Amour changera rapidement en Haine, et la relation me causera plus de Tristesses que de Joies; ce type de Joie n'est donc pas très durable)
- la Joie la plus stable, c'est celle que nous procure la "satisfaction de soi-même"
- cette satisfaction de soi-même, nous l'éprouvons chaque fois que nous contemplons notre puissance d'agir et de penser
- nous contemplons notre puissance d'agir et de penser chaque fois que nous comprenons quelque chose
- comprendre quelque chose consiste à ordonner nos affections "selon un ordre pour l'intellect" (selon les règles de la raison)
- ordonner nos affects selon un ordre pour l'intellect n'est possible qu'aussi longtemps que nous ne sommes pas en proie à des "affects qui sont contraires à notre nature", des "affects-passions", parmi lesquels toutes les Tristesses et les Joies passives.
- nous sommes en proie à des affects-passions notamment via le mécanisme de l'imitation des affects. Celui-ci consiste dans le fait d'imiter les passions de quelqu'un d'autre (sa colère, sa haine, sa recherche de Joies peu durables, ...).
- plus les gens autour de nous sont en proie à des affects-passions, plus nous risquons de succomber à ce genre d'imitations, donc plus nous risquons de voir diminuer notre propre puissance et donc notre propre possibilité de devenir heureux
- pour préserver celle-ci, il faut donc qu'un maximum de gens autour de nous soient 'actifs", c'est-à-dire ont des affects-actions, et le moins possibles des affects-passions
- pour y arriver, il faut éliminer pas mal de sources de crainte pour ces gens, il faut établir une sécurité "sociale" maximale, les aider à augmenter activement leur puissance par l'éducation, etc.

Dans le monde actuel, où tout est "mondialisé", notre propre bonheur et sécurité dépendent de plus en plus de bonheur et de la sécurité de quasiment toute l'humanité.

nepart a écrit :De plus si je sauve 10000 personnes de la famine, si je ne les vois pas, cela me procurera peut être moins de joie que 100 personnes que je vois en "vrai" ce qui me permettrai de vraiment voir le "résultat" et d'avoir plus conscience de ce dernier.


d'un point de vue "imaginaire" (l'imagination consistant en la faculté de rendre présent à l'Esprit) cela est certainement vrai. Or même déjà de ce point de vue, il se fait qu'aujourd'hui une famine qui se produit à l'autre bout du monde nous affecte réellement ici en l'Occident, par le biais des médias (télé, internet, ...). D'ailleurs, c'est bien pour cette raison que pendant un certain temps tu as essayé de ne plus écouter les infos. De plus en plus, le bonheur de gens vivant à des milliers de kilomètres de nous commence à nous affecter, à nous concerner.

D'un point de vue plus "rationnel", cela est encore plus vrai: si tu as pu sauver 10.000 de gens de la famine, tu sais que ta propre sécurité sera plus grande, quand tu y réfléchis rationnellement, que si tu en sauves seulement 100. Car si la faim est une des causes de l'extrémisme politique, de la haine idéologique, du fondamentalisme religieux etc, il est clair que l'on risque un tout petit peu moins d'être tué par un terroriste quand on sauve 10.000 personne de la famine que quand on n'en sauve que 100. C'est pourquoi il y va de notre sécurité à nous. Mais en effet, cela demande un peu de réflexion, il ne suffit pas de juste se laisser affecter passivement par des images télévisées pour déjà sentir le poids d'un tel argument (pour déjà pouvoir être affecté par un tel argument).
Cordialement,
L.


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