Être heureux parmi les malheureux

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
Avatar du membre
nepart
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 172
Enregistré le : 07 déc. 2007, 00:00

Messagepar nepart » 06 août 2008, 21:23

J'entendais par là, pourquoi spinoza pour aider les "débutants", ne prenait-il pas des exemples concrets de leur époques pour montrer l'efficacité des ses "remèdes"?

Avatar du membre
Spinoza_Powa
a déjà pris quelques habitudes ici
a déjà pris quelques habitudes ici
Messages : 38
Enregistré le : 11 juin 2008, 00:00

Messagepar Spinoza_Powa » 06 août 2008, 21:52

Tout ce que j'ai à dire c'est que depuis que je me suit mit au " Spinozisme " j'ai pas été une seule fois malheureux et je suis en construction d'une joie incessante :lol:

Avatar du membre
nepart
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 172
Enregistré le : 07 déc. 2007, 00:00

Messagepar nepart » 06 août 2008, 23:22

Quel est ta définition du bonheur et du malheur?

Avatar du membre
Louisa
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1725
Enregistré le : 09 mai 2005, 00:00

Messagepar Louisa » 07 août 2008, 02:22

Nepart a écrit :J'entendais par là, pourquoi spinoza pour aider les "débutants", ne prenait-il pas des exemples concrets de leur époques pour montrer l'efficacité des ses "remèdes"?


ah d'accord. En fait, à mon sens en réalité Spinoza donne pas mal d'exemples concrets, surtout dans les 3e et 4e livres de l'Ethique. Est-ce que tu as déjà lu ces livres? Si oui, qu'en trouves-tu?

Sinon il est vrai que l'Ethique n'est pas un livre facile. Or cela n'est pas sans raison. C'est que la philosophie n'est pas vraiment un genre de recueil de "recettes de cuisine" pour produire stante pede le bonheur absolu. Elle n'est pas non plus de l'ordre d'une "sagesse", d'un savoir achevé et parfait qui inclut tout ce que l'homme doit savoir pour pouvoir devenir heureux. Elle ne fait que développer de différentes IDEES de ce que cela pourrait être, la sagesse. Elle crée des CONCEPTS de la sagesse (et de plein d'autres choses encore).

Or dès le début, c'est-à-dire dès Platon, les philosophes ont tous défendu une seule et même idée, au-delà de toutes les divergences qui étaient elles aussi présentes dès le début: l'idée que le bonheur réside dans la compréhension. C'est le fait même d'apprendre à comprendre davantage qui augmente le bonheur.

C'est pourquoi il est non seulement nécessaire de lire un philosophe en détail pour avoir accès à la profondeur de sa pensée. Il est tout aussi nécessaire de le lire d'une telle façon si l'on veut que la philosophie ait vraiment un EFFET sur celui qui lit. Lire un philosophe (n'importe lequel), essayer de vraiment comprendre de l'intérieur ce qu'il dit, c'est précisément ce qui DEVELOPPE à fond ta puissance de penser, et par là même ta capacité de mieux comprendre la situation dans laquelle tu vis et les possibilités qui existent réellement pour la rendre plus susceptible de produire le bonheur.

C'est pourquoi je ne peux que te conseiller très vivement de prendre le temps de réellement lire l'Ethique, de réellement essayer de comprendre de quoi il s'agit (que tu commences bientôt des études d'économie et non pas de philosophie n'y change rien, on n'a pas besoin d'un "diplôme" pour lire un philosophe, seulement de patience et de persévérance).

Tu ne comprendras pas immédiatement tout, bien sûr, mais cela n'est pas grave du tout. L'important, c'est que tu essaies (puis si vraiment tu bloques sur l'un ou l'autre passage, tu peux toujours poser une question sur ce forum). Car l'"efficacité" d'une pensée philosophique se produit surtout quand on essaie de la comprendre, beaucoup plus que si tu te contentes de ce genre de "résumés" que j'essaie moi-même ici de temps en temps de faire (et que je fais vraiment avec plaisir parce que j'y apprends toujours quelque chose moi-même aussi (donc n'hésite pas à poser le genre de questions que tu poses ), mais qui sont toujours partiels, partials, moins profonds etc). C'est pourquoi la meilleure chose qu'un "débutant" peut faire, c'est ... lire, tout simplement. Ne pas se laisser décourager par tout ce qu'au début on ne comprend pas, relire le lendemain, se poser des questions, en discuter avec d'autres gens, etc. Ce qu'un "résumé" peut faire, c'est éveiller ta curiosité, te donner envie de lire toi-même, déjà te mettre un peu en route. Mais finalement cela ne peut pas aller très loin, donc à un moment donné, rien n'est mieux que d'essayer de lire toi-même!
L.

Avatar du membre
nepart
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 172
Enregistré le : 07 déc. 2007, 00:00

Messagepar nepart » 08 août 2008, 23:07

Pour l'éthique, j'ai vraiment du mal avec des termes comme substance, essence... malgré le wiki du site.

Avatar du membre
Louisa
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1725
Enregistré le : 09 mai 2005, 00:00

Messagepar Louisa » 08 août 2008, 23:54

Nepart a écrit :Pour l'éthique, j'ai vraiment du mal avec des termes comme substance, essence... malgré le wiki du site.


oui, c'est tout à fait normal, puisqu'il s'agit de concepts qui ont une histoire de plusieurs siècles derrière eux, histoire qu'au début on ne connaît pas du tout, tandis qu'un wiki ne peut qu'introduire de manière générale à la problématique, sans répondre spécifiquement aux questions que chacun se pose individuellement, en fonction de son propre parcours en philo.

Or n'hésite surtout pas à nous dire ce que tu ne comprends pas plus précisément, car il y aura certainement ici des gens qui ont envie d'essayer d'expliciter davantage!

Et si d'aventure le problème commence déjà à partir de la première définition, c'est très bien, alors il suffit de nous dire comment tu comprends pour l'instant cette première définition afin qu'on puisse savoir où tu en es, puis essayer de te donner quelques infos en plus.
L.

Avatar du membre
survoje
passe par là...
passe par là...
Messages : 14
Enregistré le : 21 nov. 2005, 00:00

Messagepar survoje » 09 août 2008, 09:03

Nepart a écrit :
Pour l'éthique, j'ai vraiment du mal avec des termes comme substance, essence... malgré le wiki du site.


Pour ma part, même si cela reste difficile :D , je suis bien aidé par :

100 mots sur l'Ethique de Spinoza
Robert Misrahi
Editions : Empêcheurs de penser en rond

Avatar du membre
alcore
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 517
Enregistré le : 12 avr. 2009, 00:00
Localisation : Paris

Messagepar alcore » 28 avr. 2009, 11:21

louisa dit
pour pouvoir te laisser affecter chaque jour par ce qui se passe dans le monde, afin de mieux pouvoir planifier comment toi tu vas agir dans ce monde, comment toi, même si ce n'est que de façon très modeste, tu vas contribuer à changer le monde.

il me semble que Spinoza au contraire insiste sur le fait de ne pas se laisser affecté. Voir la définition de la compassion: venir en aide à autrui ss éprouver de tristesse, car le but de l'éthique est d'éliminer toute tristsse en nous, et toute tristesse etant lié à la passivité de l'affect, il faut inévitablement chercher à réduire la part de passivité de nos affects puis de passer à un autre plan, celui de la béatitude, où nous pensons notre âme telle qu'elle est pensée par Dieu, et là il n'y a plus d 'affect extérieur

Avatar du membre
Henrique
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 1184
Enregistré le : 06 juin 2002, 00:00
Localisation : France
Contact :

Messagepar Henrique » 29 avr. 2009, 01:48

En réponse à Alcore, j'aurais tendance à dire que la raison nous permet d'assimiler ce que nous comprenons comme commun à plusieurs corps, dont le nôtre, de telle sorte qu'on n'est plus soumis à une nécessité extérieure mais qu'on en vient à suivre à la nécessité de la puissance de raisonner qui nous caractérise. Vivre libre n'est pas cesser d'éprouver des affects mais ne plus se laisser dominer par les affects passifs menant à la discorde intérieure.

Si j'imagine qu'un être semblable à moi éprouve de la tristesse, et que l'imagination l'emporte chez moi sur la raison, j'éprouve comme par un jeu de miroir lié à l'imagination du semblable une tristesse pour moi-même, de la pitié.

Au passage Spinoza ne dit pas qu'il faut absolument se délivrer de la pitié, étant entendu qu'elle nous conduit à un bien qui consiste à chercher à délivrer celui qui souffre de la cause de sa souffrance, mais seulement qu'elle n'a pas lieu d'être chez l'homme libre qui raisonne avant d'imaginer, étant entendu que celui qui ne se porte pas au secours de son semblable, ni par pitié, ni par raison, peut être appelé "inhumain" (E4P50S).

Qu'est-ce donc que se porter au secours d'autrui par raison ? Je vois quelqu'un pris dans des sables mouvants. Je ne peux pas sérieusement douter que cette personne est en grave danger. La pitié consistera ici à s'imaginer à la place de l'individu en question et ainsi à désirer sauver cette projection de soi-même pour échapper à l'angoisse de mourir étouffé par le sable. La générosité, qui est un affect actif, au contraire consistera à comprendre l'idée qu'il n'y a qu'un seul individu humain, collectivement constitué, de sorte que sauver un autre homme, ce n'est certes pas se sauver individuellement, puisque par définition je ne suis pas l'autre, mais se sauver collectivement étant donné qu'un être humain est ce qu'il y a de plus utile à un autre être humain - de même qu'une cellule d'un corps organique est ce qu'il y a de plus utile à une autre cellule - sachant qu'une fois cela compris, la joie qui découle de cette compréhension de notre unité avec le genre humain nous détermine irrémédiablement à vouloir ce qu'il y a de plus utile pour les autres hommes, à commencer par la vie, condition de la raison (E4P21). Et ainsi, je me porterai au secours de celui qui s'enfonce dans des sables mouvants, dans la mesure de mes moyens (vouloir l'impossible me sortirait de la vie rationnelle et me conduirait aux tâches exaltées de l'imagination), non par tristesse mais par joie.

Dans ce cadre, il n'y a plus d'affect passif mais l'affect actif qu'il s'agit dans l'Ethique de cultiver n'est pas une sorte d'ignorance de l'extériorité, on est loin de la caricature du philosophe enfermé dans sa tour d'ivoire enivré par la puissance qu'il accorde imaginairement à sa raison, la générosité n'est pas non plus une sorte de pur débordement de bienfaits totalement aveugle à qui les reçoit. La raison à mon sens joue ici une sorte de rôle de filtre inversé. Un filtre habituel met de côté l'indésirable et laisse passer le désirable. La raison transforme les données de la connaissance du premier genre en les rendant cohérentes, liées logiquement là où il n'y avait qu'enchaînements hasardeux. Ainsi elle intègre l'indésirable au lieu de le rejeter comme la passion (à commencer par l'altérité de l'autre) mais en en saisissant la cohérence, elle le rend désirable.

Avatar du membre
Louisa
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1725
Enregistré le : 09 mai 2005, 00:00

Messagepar Louisa » 29 avr. 2009, 02:06

alcore a écrit :
louisa a écrit :pour pouvoir te laisser affecter chaque jour par ce qui se passe dans le monde, afin de mieux pouvoir planifier comment toi tu vas agir dans ce monde, comment toi, même si ce n'est que de façon très modeste, tu vas contribuer à changer le monde.


il me semble que Spinoza au contraire insiste sur le fait de ne pas se laisser affecté. Voir la définition de la compassion: venir en aide à autrui ss éprouver de tristesse, car le but de l'éthique est d'éliminer toute tristsse en nous, et toute tristesse etant lié à la passivité de l'affect, il faut inévitablement chercher à réduire la part de passivité de nos affects puis de passer à un autre plan, celui de la béatitude, où nous pensons notre âme telle qu'elle est pensée par Dieu, et là il n'y a plus d 'affect extérieur


je me basais notamment sur la proposition 38 de la quatrième partie de l'Ethique (E4P38):

Ce qui dispose le Corps humain à pouvoir être affecté de plus de manières, ou ce qui le rend apte à affecter les corps extérieurs de plus de manières, est utile à l'homme, et d'autant plus utile qu'il rend le Corps plus apte à être affecté, et à affecter les corps extérieurs, de plus de manières; et est nuisible, au contraire, ce qui y rend le Corps moins apte."

Ce que Spinoza dit ici, c'est que ce qui rend le Corps moins apte à être affecté, est nuisible.

On quitte donc l'opposition - assez courante aujourd'hui - entre raison et affect, et cela de multiples façons: avoir une idée vraie (par exemple produite par la raison) c'est éprouver en même temps un affect, affect de Joie (donc d'augmentation de notre puissance), qui plus est, affect de Joie active. Par conséquent, ce qui est à combattre ce n'est pas l'affect, ce ne sont que les affects passifs, tandis qu'il faut essayer d'augmenter maximalement les affects actifs.

La compassion, par exemple, est un affect passif, car basé sur une idée inadéquate. Le désir de nouer des relations d'amitié selon ce que dicte la raison, en revanche, est un affect actif, et doit donc être cultivé, en tant qu'affect.

Enfin, notre liberté réside dans l'Amour intellectuel de Dieu, Amour qui ne peut augmenter qu'en connaissant toujours plus de choses singulières, ce qui n'est possible que lorsqu'on se laisse d'abord affecter par elles (raison pour laquelle l'E4P38 réapparaît dans l'E5, d'ailleurs - voir l'E5P39).

Le problème, dans le spinozisme, ce ne sont donc pas les affects, ce sont les affects passifs, et les affects actifs sont là en tant que remède à ces affects passifs. Le but est non pas de devenir le moins apte possible à être affecté (l'ataraxie stoïcienne), mais au contraire, d'acquérir la puissance d'être affecté de toujours plus de manières différentes, et d'apprendre à com-prendre ces affects qui sont passifs, pour en faire des affects actifs. Car "un affect qui est une passion cesse d'être une passion sitôt que nous en formons une idée claire et distincte" (E5P3). La proposition suivante va même encore un pas plus loin: "il n'est pas d'affection du Corps dont nous ne puissions former un certain concept clair et distinct", ce qui signifie qu'en théorie, n'importe quel affect passif peut être transformé en affect actif (en pratique, on ne pourra le faire qu'en fonction de notre puissance de comprendre donc de penser ou de former des concepts clairs et distincts).

PS: ce message a été posté avant d'avoir eu l'occasion de lire la réponse de Henrique ci-dessus, réponse avec laquelle je suis tout à fait d'accord.


Retourner vers « Spinozisme pratique »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 22 invités