Qui a réussi ?

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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Sinusix
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Messagepar Sinusix » 16 oct. 2009, 16:19

Durtal a écrit :je pense que ça se passe de commentaire.


Bonsoir,

Effectivement, cher Durtal.
J'observe cependant que Louisa semble avoir franchi quelques pas complémentaires dans le sens de l'auto-suffisance puisque, tant à votre égard qu'au mien, elle franchit plusieurs fois le cap de nous mettre dans l'erreur.
Comme elle vient de trouver une nouvelle version justificatrice selon laquelle chacun est porteur de ses propres idées adéquates, les jours à venir de la philosophie sont assurés car, à ce titre, et pour paraphraser Pascal, nous allons être de plus en plus nombreux à vraiment philosopher, tant nous allons être nombreux à nous moquer de la philosophie.

Sur ce, pour me détendre, je retourne vers Bergson.

Amicalement

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Messagepar Louisa » 16 oct. 2009, 17:06

Sinusix a écrit :
Durtal a écrit :
je pense que ça se passe de commentaire.


Effectivement, cher Durtal.
J'observe cependant que Louisa semble avoir franchi quelques pas complémentaires dans le sens de l'auto-suffisance puisque, tant à votre égard qu'au mien, elle franchit plusieurs fois le cap de nous mettre dans l'erreur.


Mes chers amis,

vous êtes bien drôles vous. Lorsqu'on dit - et ce qui apparemment est pire encore, lorsqu'on dit plusieurs fois - dans une discussion qui se veut philosophique qu'on n'est pas d'accord avec l'interprétation d'un interlocuteur, et on essaie d'expliquer en quoi pourrait consister l'erreur ... se serait faire preuve de "auto-suffisance" ... ?

Alors que ne pas rentrer dans le débat et simplement rejeter comme faux ce que l'interlocuteur dit - comme vous le faites ici tous les deux - ce serait ... quoi plus précisément ... ?

En tout cas, si ce que vous venez d'écrire ici vous semble contenir une quelconque logique, permettez-moi de vous signaler que celle-ci m'échappe quelque part ... :)

Sinusix a écrit :Comme elle vient de trouver une nouvelle version justificatrice selon laquelle chacun est porteur de ses propres idées adéquates, les jours à venir de la philosophie sont assurés car, à ce titre, et pour paraphraser Pascal, nous allons être de plus en plus nombreux à vraiment philosopher, tant nous allons être nombreux à nous moquer de la philosophie.


:?:

Donc rappeler le fait que vous avez sans doute dans votre vie compris autre chose que moi, ce serait se moquer de la philosophie ... ?

Si vous aviez réellement envie de philosopher, je vous demanderais bien sûr pourquoi vous pensez cela. Mais je commence à comprendre qu'à vos yeux le fait même d'"oser" interroger un instant ce que vous dites ne peut être lu que comme "preuve d'auto-suffisance" ... dans ce cas, laissons tomber ... .
Sans rancune,
L.

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Messagepar Durtal » 16 oct. 2009, 18:13

Bon commentons alors….


Louisa a écrit :
Comme tu l'auras pu constater toi-même, Spinoza n'y parle pas de propriétés de cercles.




Je regrette Louisa mais ce que tu dis est simplement faux. S se réfère à un théorème de géométrie et donc il expose une propriété (bien connue du reste) du cercle. Il n’y a rien à faire.

Je suppose que tu comptes tirer argument, comme d’habitude, du fait que le mot "propriété" ne se trouve pas dans le texte? C’est ça ?
Mais tu sais il te faudrait déjà prouver que « parler d'une chose » consiste nécessairement à la nommer , et c’est être d’une très grande naïveté ou d’un très grand manque de sérieux que de le prétendre. Ajoute à ceci qu’il peut arriver par exemple que Spinoza ne dise pas telle ou telle chose tout simplement parce que cela va de soi , et que cela fait aussi partie des raisons, en général, pour lesquelles on ne dit pas quelque chose.

Mais d'accord livrons nous à cet exercice laborieux et sans intérêt jusqu'au bout.

Donc en E16dem Spinoza explique: "étant donné la définition d'une chose quelconque, l'intellect en conclut plusieurs propriétés, lesquelles, en vérité, en découlent nécessairement ( c'est à dire de l'essence même de la chose) etc..."


Un cercle est une chose, d’autre part il appartient à sa nature, son essence, « que les "rectangles construits à partir des segments de toutes les lignes droites...ect.." la proposition 16 ( qui est absolument générale) m'autorise donc à conclure, de façon tout à fait « Spinoziste » du reste, que Spinoza parle bien ici d’une "propriété" du cercle.

Voilà.

Mais on se doute quand même qu'il n'y a pas vraiment de raison ni de sens pour lui à mettre une panneau pour signaler "je suis en train de parler d'une propriété du cercle" encore une fois, sauf pour toi semble-t-il, tout cela va de soi.

Et à vrai dire je ne vois pas le problème, je ne sais pas ce que tu imagines à propos de ce concept, mais j'ai peur que cela ne gêne que toi, en tout cas ça n'a pas l'air de le gêner lui.

Louisa a écrit :

Il compare bien plutôt deux carrés singuliers: l'un qui se déduit de toute façon de la définition du cercle, puis le même carré en tant qu'il est tracé par quelqu'un dans tel ou tel cercle.



Et bien non. Spinoza n'est pas en train de dire dans cet exemple qu'il existe une infinité de tracés singuliers de rectangles qui découlent de l’essence ou de la nature du cercle mais non encore tracés ou si tu préfères « tracés en lui de toute éternité », sinon, il soutiendrait cette opinion absurde que l'on peut déduire de la définition du cercle que ma main ( par ex) en tracera ou en a tracé un (car après tout il est l’un de ces tracés). Et il ne peut pas vouloir dire cela par l’exemple qu’il a choisi, parce que c’est grossièrement faux.

En revanche c'est que tu essayes de lui faire dire: il y a un tracé " éternel" et un "tracé temporel" pour le même rectangle. Sauf que c'est idiot, car, que ce tracé soit éternel ou temporel, ne fait rien à l'affaire; on ne déduit pas des définitions des objets géométriques des propositions qui concernent les figures que nous traçons. Or la proposition qui concerne l'égalité des paires de rectangles est une proposition de la géométrie ; elle affirme quelque chose de la nature d’un cercle et non une proposition qui concerne des tracés de figures que ceux ci existent temporellement ou éternellement ou de quelque autre façon qu'il te plaira de l'envisager. Donc il s'agit de considérations qui sont foncièrement hétérogènes que tu crois juste pouvoir faire coïncider en basculant d'un adjectif à l'autre parce que tu te trompes sur la portée et le sens de cette illustration (et je ne parle même pas ici de ce qu’elle est censée illustrer)

Et c'est justement sur cette hétérogénéité qu'il insiste en contrastant d’une part l'infinité de paires de rectangle qui existe dans le cercle et qui sont a) non distinguées entre elles . et b) . non distinguée du cercle lui même (et j’ajoute qui existent alors en-tant-que propriété-du-cercle) avec d’autre part deux rectangles quelconques tracés qui eux sont a) distincts l’un de l’autre et aussi de tout autre et b) qui sont distingués du cercle lui-même.

D.

ps : Blaise Pascal tu connais?
Modifié en dernier par Durtal le 16 oct. 2009, 23:45, modifié 3 fois.

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Messagepar hokousai » 16 oct. 2009, 19:21

chère Louisa


Dieu n’est pas identique à la totalité des modes (facies totuius universi ). Dieu est cause immanente par rapport à la totalité des modes ( par rapport à lui même il est causa sui)
Toutes choses sont en Dieu ne signifie pas que celui-ci est en toutes choses. Dieu n’est pas identique à la totalité des agrégats .
La causalité immanente est celle de Dieu rapporté aux modes et non pas celle des modes entre eux .

Mon exemple du tableau se réfère à une causalité transitive entre modes laquelle est impossible si tout existe de toute éternité
Causalité qui est décrite prop28/1/ démonstration : processus de modifications déterminées les unes par les autres dans l’ordre de l’enchaînement ...
enfin bref c’est la causalité .
Une manière a du être déterminée par une autre,qui elle aussi est finie et a une existence déterminée et a son tour cette dernière par une autre et ainsi toujours à l’infini .

Obnubilés par la cause immanente(propre à Spinoza ) certains commentateurs finissent par oublier plus la causalité transitive chez Spinoza .
………………………………………………………………………

.
la part éternelle de votre Esprit, c'est l'ensemble de vos idées adéquates.


je ne sais pas où vous êtes allé trouver ça .
Car ce qui doit occuper ou constituer la plus grande part de l’esprit et partant qu’il a un esprit éternel c’est un Amour pour Dieu .( dem prop 39/5)

Ou bien (autre approche) la part éternelle de l’esprit est l’intellect (coroll prop40/5) c’est à dire que notre espritsans relation à l’existence du corps est une manière de penser éternelle déterminée par une autre manière de penser éternelle en sortent que ces manières de penser éternelles constituent toutes l’intellect éternel et infini de Dieu

Lequel intellect de Dieu est différent des choses sous le rapport tant de l’essence que de l’existence (scolie prop 17/1)

On est donc à cent lieux de l’ existence de toutes les choses singulières de toute éternité .

……………………………………………………………

.Il se fait que dans le spinozisme, on peut être éternel de deux manières différentes: ou bien parce que l'existence se déduit de l'essence même (ce qui est le cas de l'essence divine), ou bien parce que l'essence enveloppe l'existence par une cause qui quant à elle à une autre essence (ce qui est le cas de tous les modes, finis ou infinis).


Jamais au grand jamais la causalité immanente ne confère de toute éternitél’existence à l’essence . L'essence enveloppe l'existence par une cause qui quant à elle à une autre essence , d’accord mais dans le seul cas précis où la chose existe .Tant que la chose n’existe pas ( n’est pas passée à l’existence ) alors l’essence n’enveloppe pas l’existence . Dans ce cas la chose n’est pas éternelle mais périssable .

………………………………………………………………

non, ce qui est commun à au moins deux choses "individuées" ne peut pas constituer leur essence, selon la définition spinoziste même de l'essence.

Je vous ai dit qu’elles( les propriétés ) constituaient l’essence de l’espèce humaine ( pas la votre )
.il faut savoir que ni vous ni moi on est "essentiellement" humain
..et ma voiture n’est pas essentiellement une automobile .
Mais Spinoza n’ a sans doute pas jugé digne de préciser qu’il distinguait assez bien un homme d’un chien . Après tout s’il ne parle pas de l’ homme, il parle du cheval et du chien . Etonnant non ?

Remarquez bien que mon chien est Modeste" et "désire faire ce qui plaît aux hommes, et s'abstenir de ce qui leur déplaît"

...........................................................................................

Non, dans le spinozisme il y a la substance les attributs exprimant l‘essence de la substance et leurs affections .
L’ existence des modes est à comprendre comme entièrement différente de celle de la substance .D’ où se tire la différence entre l Eternité et la Durée lettre 12 à Meyer .
Je vous laisse méditer

( et pour une fois j' ai répondu à tout ce que vous disiez )

Hokousai

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Messagepar bardamu » 16 oct. 2009, 23:41

Louisa a écrit :
Hokousai a écrit :
louisa a écrit :ceux qui pensent que l'idée d'un potentiel est incompatible avec l'ontologie spinoziste et que donc le bonheur spinoziste ne peut pas s'en servir, optent pour la deuxième idée (passage d'une essence à une autre, ou "composition" toujours changeante de différentes essences)
.


spinoza écrit (préface partie 4)

"""Car il faut avant tout remarquer que , quand je dis que quelqu'un passe d'une moindre perfection à une plus grande ,et le contraire , je n'entends pas qu'il échange son essence ou sa forme contre une autre ."""

c'est clair .


Cher Hokousai,

si vous voulez dire que les deux phrases, la mienne et celle que vous citez, se contredisent: c'est clair.

Seulement, vous seriez bien d'accord de dire que pour comprendre le spinozisme on n'est pas obligé de s'en tenir à une phrase seule. On peut par exemple en prendre deux, et alors cela donne:
(...)
Dans ce que je propose ci-dessus, il ne s'agit pas d'échanger son essence singulière pour une autre, il s'agit d'acquérir davantage d'idées adéquates, ce qui bien sûr implique qu'on ne perd pas celles qu'on avait déjà (sinon le "bilan" de l'opération serait nul), donc on ne perd pas l'essence qu'on avait auparavant (on n'est dit mourir que si cette essence précédente n'est plus effectuée dans la durée, comme c'est le cas pour le poète espagnol).
Cordialement,
L.

Bonjour Louisa,
j'ai pas le temps pour répondre à tout mais j'ai vraiment du mal à te suivre.

Dans une phrase tu dis : " la deuxième idée (passage d'une essence à une autre, ou "composition" toujours changeante de différentes essences)
Et puis après : "Dans ce que je propose ci-dessus, il ne s'agit pas d'échanger son essence singulière pour une autre, il s'agit d'acquérir davantage d'idées adéquates"

Pourtant tu dis aussi : "Lorsque mon "niveau de sagesse" a augmenté, suis-je encore la même ou non? Je crois qu'il faut dire que dans le spinozisme la réponse est non, puisque c'est précisément le niveau de sagesse qui définit mon essence singulière elle-même."

Finalement, que faut-il comprendre ?
Si c'est le niveau de sagesse qui définit l'essence singulière, alors à chaque fois qu'on gagne une idée adéquate on change d'essence, non ?
Ou alors, c'est quoi ce niveau de sagesse ?

Et si acquérir une idée adéquate supplémentaire ne fait pas changer d'essence, alors pourquoi ne pas appeler ça un développement de la raison ou de notre puissance de penser ou de tout ce que tu voudras mais qui correspond à une idée adéquate de plus pour une essence donnée.

D'autre part, je ne comprends pas non plus ton développement sur le passage cité par Hokousai. La remarque de Spinoza n'a pas de rapport particulier avec les espèces. Il parle de n'importe quelle chose, une chose réelle pas un modèle : "Ainsi donc, en général, j'entendrai par
perfection d'une chose sa réalité ; en d'autres termes, son essence en tant que cette chose existe et agit d'une manière déterminée."

La distinction qu'il fait est celle entre l'essence selon l'éternité et l'essence en tant que puissance d'agir, c'est-à-dire l'essence actuelle comme conatus.


E3p7 dém. : Par conséquent, la puissance d'une chose quelconque, ou l'effort par lequel elle agit ou tend à agir, seule ou avec d'autres choses, en d'autres termes (par la Propos. 6, partie 3), la puissance d'une chose, ou l'effort par lequel elle tend à persévérer dans son être, n'est rien de plus que l'essence donnée ou actuelle de cette chose.

Comme le montre cette démonstration, la puissance d'agir est ce qu'il se passe dans les conditions où on se trouve, action seul ou avec d'autres choses, action ayant un effet ou simple effort pour agir (agere conatur).
Donc, c'est parce qu'on peut conserver la même essence tout en ayant une variation de puissance que "persévérer dans son être" a un sens. Et c'est tout le sens de ce qu'on dit depuis le début : une même essence qui est en effort permanent et qui gagne en puissance d'agir si les conditions sont favorables, qui reste elle-même tout en voyant sa puissance d'agir augmenter.
Modifié en dernier par bardamu le 17 oct. 2009, 00:18, modifié 1 fois.

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Messagepar hokousai » 17 oct. 2009, 00:06

à Bardamu

Donc, c'est parce qu'on peut conserver la même essence tout en ayant une variation de puissance que "persévérer dans son être" a un sens. Et c'est tout le sens de ce qu'on dit depuis le début : une même essence qui est en effort permanent et qui gagne en puissance d'agir si les conditions sont favorables, qui reste elle-même tout en voyant sa puissance d'agir augmenter.


c'est bien ce que je lis à la fin de la préface partie 4

bien à vous
hokousai

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Messagepar Durtal » 17 oct. 2009, 00:19

ben on doit être des ploucs alors parce que moi aussi!

D.

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Messagepar Louisa » 17 oct. 2009, 00:38

Bardamu a écrit :Dans une phrase tu dis : " la deuxième idée (passage d'une essence à une autre, ou "composition" toujours changeante de différentes essences)
Et puis après : "Dans ce que je propose ci-dessus, il ne s'agit pas d'échanger son essence singulière pour une autre, il s'agit d'acquérir davantage d'idées adéquates"

Pourtant tu dis aussi : "Lorsque mon "niveau de sagesse" a augmenté, suis-je encore la même ou non? Je crois qu'il faut dire que dans le spinozisme la réponse est non, puisque c'est précisément le niveau de sagesse qui définit mon essence singulière elle-même."

Finalement, que faut-il comprendre ?
Si c'est le niveau de sagesse qui définit l'essence singulière, alors à chaque fois qu'on gagne une idée adéquate on change d'essence, non ?
Ou alors, c'est quoi ce niveau de sagesse ?

Et si acquérir une idée adéquate supplémentaire ne fait pas changer d'essence, alors pourquoi ne pas appeler ça un développement de la raison ou de notre puissance de penser ou de tout ce que tu voudras mais qui correspond à une idée adéquate de plus pour une essence donnée.


Bonjour Bardamu,

comme j'ai essayé de le dire, la différence tient dans le "changer" versus "échanger".

Supposons que demain je vais à la bibliothèque et j'emprunte 10 livres. Je pourrai les mettre dans ma bibliothèque pendant quelque temps, et alors celle-ci se composera des objets x1 à x10.

Or un jour je vais devoir les rendre, puis je pourrai en emprunter d'autres. Quelques mois après, on trouvera donc dans ma bibliothèque les objets y1 à y10. Il n'y aura plus aucun x. J'ai donc échangé ma bibliothèque X pour une bibliothèque Y.

Si en revanche je crée ma bibliothèque en achetant des livres, je pourrai acheter les objets x1-x10, puis, lorsqu'un nouveau salaire se trouve sur mon compte bancaire, y ajouter les objets y1-y10. Ici, après quelque temps, ma bibliothèque aura changé au sens où elle sera passé non pas de x1-x10 à y1-y10, mais au sens où elle sera passé de X à X + Y (ou de "x1-x10" à l'ensemble "x1-x10 + y1-y10"). On ne peut pas nier que ma bibliothèque a changé, mais on ne dira pas qu'elle a échangé un ensemble d'objets pour un autre ensemble, tu vois?

De même, si c'est le niveau de sagesse qui définit l'essence (ou plutôt: la part éternelle de l'essence), alors on ne pourra pas échanger son essence pour une autre, puisqu'on ne perd pas ses idées adéquates. Mais il faudra bel et bien dire qu'on change d'essence lorsqu'on passe d'un nombre X d'idées adéquates à un nombre X + Y d'idées adéquates. C'est que l'ensemble composé de X + Y a un degré de puissance plus élevé que l'ensemble composé seulement de X.

Bardamu a écrit :D'autre part, je ne comprends pas non plus ton développement sur le passage cité par Hokousai. La remarque de Spinoza n'a pas de rapport particulier avec les espèces. Il parle de n'importe quelle chose, une chose réelle pas un modèle : "Ainsi donc, en général, j'entendrai par
perfection d'une chose sa réalité ; en d'autres termes, son essence en tant que cette chose existe et agit d'une manière déterminée."
La distinction qu'il fait est celle entre l'essence selon l'éternité et l'essence en tant que puissance d'agir, c'est-à-dire l'essence actuelle comme conatus.


oui, on est bien d'accord là-dessus. Si tu penses que j'ai dit autre chose, il faudrait citer le paragraphe en question et expliquer pourquoi tu penses que j'y dis autre chose.

Bardamu a écrit :E3p7 dém. : Par conséquent, la puissance d'une chose quelconque, ou l'effort par lequel elle agit ou tend à agir, seule ou avec d'autres choses, en d'autres termes (par la Propos. 6, partie 3), la puissance d'une chose, ou l'effort par lequel elle tend à persévérer dans son être, n'est rien de plus que l'essence donnée ou actuelle de cette chose.

Comme le montre cette démonstration, la puissance d'agir est ce qu'il se passe dans les conditions où on se trouve, action seul ou avec d'autres choses, action ayant un effet ou simple effort pour agir (agere conatur).
Donc, c'est parce qu'on peut conserver la même essence tout en ayant une variation de puissance que "persévérer dans son être" a un sens. Et c'est tout le sens de ce qu'on dit depuis le début : une même essence qui est en effort permanent et qui gagne en puissance d'agir si les conditions sont favorables, qui reste elle-même tout en voyant sa puissance d'agir augmenter.


en effet, on touche ici à l'essentiel du débat. Pour le dire en deux phrases: chez Spinoza l'essence est définie par une certaine puissance d'agir. Lorsque cette puissance augmente, on est donc obligé d'avoir également une autre essence, de ne plus rester avec la même essence, sinon il aurait fallu définir l'essence autrement que par la puissance actuelle d'agir (et de penser).

Tentative d'explication.

En ce qui me concerne, je ne vois pas comment on peut supposer qu'il y ait dans le spinozisme une "variation" de la puissance qui ne serait pas accompagnée d'un changement d'essence, alors qu'effectivement, il devient difficile de penser quelque chose comme un potentiel sans cette idée de variation, puisqu'il faut bien pouvoir distinguer quelque chose comme une essence déjà là mais qui pourtant n'agit pas maximalement de la même essence qui agit maximalement pour pouvoir donner un sens à la notion de potentiel. Ce que j'essaie de dire, c'est que l'idée d'une essence qui pourrait agir maximalement ou non n'est pas spinoziste. On ne trouve rien dans ce qu'il a écrit qui correspond à cette idée (on ne trouve des choses similaires que chez certains commentateurs). D'autre part, Spinoza dit clairement que lorsqu'on est Joyeux, c'est notre puissance elle-même qui augmente. Jamais il ne suggère que ce que la Joie ferait se serait de "actualiser" une partie de notre essence/puissance qui en un certain sens (mais en quel sens?) serait déjà là tout en n'étant pas encore actuelle. Il n'y a pas d'essences non actualisées chez Spinoza. Ou si quelqu'un pense qu'il y en a, j'attends toujours qu'on cite des passages du texte et qu'on montre comment en déduire cette idée. Pour l'instant, je crois que c'est le fait qu'on a l'habitude de penser en termes de potentiel qui fait qu'on l'injecte spontanément dans notre manière de lire la notion de puissance chez Spinoza, et un certain hégélianisme ambiant a fait que pendant quelque temps c'était de bon ton, chez les commentateurs de Spinoza, de faire de même. Mais entre-temps on a eu le post-structuralisme, et on a même déjà dépassé cela, donc je ne crois pas que c'est étonnant qu'une nouvelle génération de chercheurs, beaucoup moins imbue de Hegel voire même d'Aristote (version thomiste) que la génération précédente, découvre qu'en fait il s'agit d'une erreur. Bien sûr, il se peut qu'elle se trompe à son tour. Encore faudrait-il le démontrer. Je ne peux que te dire que moi-même pour l'instant je n'y parviens pas. Mais ce serait chouette si quelqu'un sur ce forum y arrive (sans ironie).

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Messagepar Louisa » 17 oct. 2009, 00:42

Durtal a écrit :ben on doit être des ploucs alors parce que moi aussi!


il y a heureusement une explication alternative possible: la vérité n'étant pas une qualité personnelle, on peut se tromper à tel ou tel sujet sans que cela ne dise quoi que ce soit de la personne qui se trompe (au contraire même, puisqu'il est certain qu'on se trompe tous en certaines choses).

Ce ne sont pas nos erreurs qui nous définissent, ce sont nos idées adéquates (du moins d'un point de vue spinoziste).

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Messagepar Louisa » 17 oct. 2009, 01:10

Hokousai a écrit :Dieu n’est pas identique à la totalité des modes (facies totuius universi ). Dieu est cause immanente par rapport à la totalité des modes ( par rapport à lui même il est causa sui)


Cher Hokousai,

oui certainement.

Hokousai a écrit :Toutes choses sont en Dieu ne signifie pas que celui-ci est en toutes choses. Dieu n’est pas identique à la totalité des agrégats .


c'est parce qu'il n'est pas identique à la totalité des modes qu'il doit nécessairement se trouver en toutes choses. Chaque mode, sans exception, exprime Dieu, et donc enveloppe une idée adéquate de l'essence infinie et éternelle de Dieu, et cela précisément parce qu'il est causé par Dieu et que la connaissance de l'effet enveloppe toujours la connaissance de la cause.

Hokousai a écrit :La causalité immanente est celle de Dieu rapporté aux modes et non pas celle des modes entre eux .


oui bien sûr. Qu'est-ce qui vous a fait penser que je ne serais pas d'accord avec cela?

Hokousai a écrit :Mon exemple du tableau se réfère à une causalité transitive entre modes laquelle est impossible si tout existe de toute éternité


c'est que vous semblez en faire une situation où les deux s'excluent mutuellement: ou bien une chose existe dans la durée, ou bien elle existe dans l'éternité. Chez Spinoza, la même chose existe dans les deux sens du terme (c'est ce que montre l'E2P8). L'éternité et la durée deviennent deux points de vue sur la même chose, deux aspects de la même chose. La causalité transitive se situe sur le plan de la durée, la causalité immanente sur le plan de l'éternité.

Hokousai a écrit :Causalité qui est décrite prop28/1/ démonstration : processus de modifications déterminées les unes par les autres dans l’ordre de l’enchaînement ...
enfin bref c’est la causalité .


Spinoza introduit non pas un seul type de causalité, mais différents types: causalité transitive, efficiente, immanente.

Hokousai a écrit :Une manière a du être déterminée par une autre,qui elle aussi est finie et a une existence déterminée et a son tour cette dernière par une autre et ainsi toujours à l’infini .


Cela vaut pour la causalité transitive. Mais il y en a d'autres, chez Spinoza.

Hokousai a écrit :Obnubilés par la cause immanente(propre à Spinoza ) certains commentateurs finissent par oublier plus la causalité transitive chez Spinoza .


il ne s'agit pas d'oublier, il s'agit de distinguer, et de ne pas rabattre l'une sur l'autre pour commencer à parler de la causalité tout court.

Hokousai a écrit :
louisa a écrit :la part éternelle de votre Esprit, c'est l'ensemble de vos idées adéquates.


je ne sais pas où vous êtes allé trouver ça .
Car ce qui doit occuper ou constituer la plus grande part de l’esprit et partant qu’il a un esprit éternel c’est un Amour pour Dieu .( dem prop 39/5)

Ou bien (autre approche) la part éternelle de l’esprit est l’intellect (coroll prop40/5) c’est à dire que notre espritsans relation à l’existence du corps est une manière de penser éternelle déterminée par une autre manière de penser éternelle en sortent que ces manières de penser éternelles constituent toutes l’intellect éternel et infini de Dieu

Lequel intellect de Dieu est différent des choses sous le rapport tant de l’essence que de l’existence (scolie prop 17/1)

On est donc à cent lieux de l’ existence de toutes les choses singulières de toute éternité .


je ne vois pas comment vous arrivez à cette conclusion, sur base de ce que vous venez de dire ici.

Aussi bien chez l'homme que chez Dieu, l'intellect spinoziste n'est rien d'autre qu'une idée, idée composée. Si ce soir je comprends quelque chose de Hokousai que je n'avais pas encore compris auparavant, j'aurai une idée adéquate en plus, donc mon intellect sera devenu plus grand. J'aurai donc une plus grande partie de mon Esprit qui est éternelle. Mais cela n'implique en rien qu'un autre forumeur ici aura compris en même temps la même chose. Donc c'est bien la partie éternelle de mon Esprit singulier à moi qui aura changé, non?

Hokousai a écrit :
louisa a écrit :
Il se fait que dans le spinozisme, on peut être éternel de deux manières différentes: ou bien parce que l'existence se déduit de l'essence même (ce qui est le cas de l'essence divine), ou bien parce que l'essence enveloppe l'existence par une cause qui quant à elle à une autre essence (ce qui est le cas de tous les modes, finis ou infinis).


Jamais au grand jamais la causalité immanente ne confère de toute éternitél’existence à l’essence . L'essence enveloppe l'existence par une cause qui quant à elle à une autre essence , d’accord mais dans le seul cas précis où la chose existe .Tant que la chose n’existe pas ( n’est pas passée à l’existence ) alors l’essence n’enveloppe pas l’existence . Dans ce cas la chose n’est pas éternelle mais périssable .


j'ai essayé de montrer que l'E2P8 dit exactement l'inverse. Il faudrait donc que vous me dites en quoi mon interprétation de ce scolie est fausse pour pouvoir changer d'idée, vous voyez? Vous pouvez dire que pour vous il faut l'interpréter autrement, mais juste dire cela ne permettra pas de comprendre comment faire pour l'interpréter autrement.

En attendant: si vous pensez que lorsque la chose n'existe pas (vous voulez clairement dire: dans la durée), elle n'est pas éternelle non plus, mais lorsqu'elle commence à exister, elle le serait: cela me semble être étrange, et à vrai dire peu cohérent. Une chose éternelle, par définition, ne commence pas à exister, elle existe, tout court. C'est pour cela qu'il faut distinguer le plan de l'éternité du plan de la durée.

Hokousai a écrit :
louisa a écrit :non, ce qui est commun à au moins deux choses "individuées" ne peut pas constituer leur essence, selon la définition spinoziste même de l'essence.


Je vous ai dit qu’elles( les propriétés ) constituaient l’essence de l’espèce humaine ( pas la votre )


oui. Et alors?

Hokousai a écrit :
louisa a écrit :il faut savoir que ni vous ni moi on est "essentiellement" humain


..et ma voiture n’est pas essentiellement une automobile .


ah non ?

Hokousai a écrit :Mais Spinoza n’ a sans doute pas jugé digne de préciser qu’il distinguait assez bien un homme d’un chien . Après tout s’il ne parle pas de l’ homme, il parle du cheval et du chien . Etonnant non ?


mais oui, justement. Jamais il ne définit ce qui serait l'essence de la cannité ou de l'humanité ou de la "pierreté". Or il procède more geometrico, ce qui signifie qu'il doit définir tout ce qui peut être défini. Le fait qu'il ne la définit jamais constitue donc l'un des arguments pro l'idée que dans le spinozisme une telle essence n'existe tout simplement pas, elle n'est qu'une abstraction, c'est-à-dire une idée à laquelle ne correspond aucun Individu réel.

Hokousai a écrit :Remarquez bien que mon chien est Modeste" et "désire faire ce qui plaît aux hommes, et s'abstenir de ce qui leur déplaît"


:lol:

Bien vu. L'humanitas spinoziste est donc clairement quelque chose que vous-même et votre chien avez en commun (sans ironie!) ... :D

Donc elle ne peut pas correspondre à l'essence d'une chose singulière, en vertu de la définition de cette essence au début de l'E2, vous voyez ... ?

Hokousai a écrit :Non, dans le spinozisme il y a la substance les attributs exprimant l‘essence de la substance et leurs affections .


euh ... non, les attributs n'expriment pas les affections de l'essence de la substance, c'est l'inverse, les affections ou modes expriment l'essence de l'attribut ou de la substance, non?

Hokousai a écrit :L’ existence des modes est à comprendre comme entièrement différente de celle de la substance.


certes.

Hokousai a écrit :D’ où se tire la différence entre l Eternité et la Durée lettre 12 à Meyer .
Je vous laisse méditer


ce sera sans doute plus efficace de me dire comment vous faites pour en tirer cette idée ... :D

Hokousai a écrit :( et pour une fois j' ai répondu à tout ce que vous disiez )


je vous en remercie (sans ironie).
Modifié en dernier par Louisa le 17 oct. 2009, 01:40, modifié 1 fois.


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