Qui a réussi ?

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 20 sept. 2009, 21:55

Chère Louisa

Si j avais écrit cela
On le rappelle et à mon avis avec raison contre ceux qui estiment en être saturés , on ne peut raisonner la morale après Auschwitz.... comme savant J’ aurais du mal à m’expliquer .

Mais j’ ai écrit On le rappelle et à mon avis avec raison contre ceux qui estiment en être saturés , on ne peut raisonner la morale après Auschwitz.... comme avant .


.............................................................................................

J’essaie avec bien des difficultés semble- t- il de vous remettre dans le fil du bon sens .
Maintenant il me faudrait prouver à chaque fois que Spinoza ne déroge pas au bon sens ou bien qu’il ne l’avait pas perdu .
Est-ce que Spinoza dans l 'Ethique traite d’un cas où il aurait compris qu’on veux le tuer, le cas où il en aurait perçu nettement l’intention ? Non .Mais . »je cite » On sait qu il voulut coller sur les murs un placard intitulé Ultimi Barbarorum (« Les derniers des Barbares ») Son ami, Van Spick parvint à le dissuader d'accomplir une action inutilement dangereuse. »
Spinoza se rangea à l'avis de bon sens de son ami .



Puisque l Ethique ne parle jamais d’intention alors Spinoza n’a jamais perçu chez autrui des intentions ?
C‘ est bien évidemment douteux .
Mais puisqu’ il n’en parle pas alors vous niez l’ utilité de faire confiance à notre compréhension de l’intention chez autrui . Pire vous n’accordez de prix qu’ à une action effective .A mes yeux le conatus est en péril de mort s’il ne perçoit pas les intentions .
………………………………………………………………………………

Ce dont Spinoza ne parle pas expressément vous nieriez qu’il ait pu en tenir compte .
Est -ce que Spinoza parle de petit déjeuner ? Non il n’en parle pas .
Conclusion vous en viendriez à nier l’utilité de prendre un petit déjeuner .
Voila où on en est .

……………………………………………………………………………………
Ce qu'il faut faire, d'après la "vraie religion" que décrit Spinoza, lorsqu'on ressent quelqu'un comme "nuisible", c'est arrêter de supposer que ce qui caractérise son essence c'est de nous nuire,



Je ne parle pas d’ essence de l’homme et après tout Spinoza la relègue au second plan .
Les hommes en proies aux affects discordent en nature.
Je suis pragmatique , je ne vais pas comparer le comportement effectif ( et les intentions de me nuire) avec une supposée essence de l’homme laquelle n’explique pas la nature ou essence des affects .

Résultats des courses scolie 2 prop 37/4:""""""Pour que les hommes puissent vivre dans la concorde et s’aider il est nécessaire qu’ils renoncent à leur droit de nature ..Pour résumer la société pourra s établir par la menace"""""""
Alors ce qu’il faut faire, puisque vous parlez de ce qu’il faut faire, ce qu’il faut faire c’est son devoir de citoyen .
La situation de citoyen endossée il relève de la raison de savoir lire ce qui est utile ou nuisible à la cité et conséquemment à moi même dans la conduite des législateurs.
C’est la condition minimale de survie de l’homme ayant la vraie vertu .

.......................................................................

.
je rappelle (en vain je suppose ... ) que je ne suis pas en train de parler de mon opinion à moi, ici, mais de ce que je pense être le spinozisme


Disons que vous y entrez par une voie et estimez que c’est la voie prioritaire .J’ y entre par une autre voie et découvre un autre paysage .

hokousai

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Messagepar sescho » 27 sept. 2009, 11:14

Juste pour rétablir les choses au niveau où elles le doivent, et quelques mots y suffisent (Bardamu a déjà dit tout ce qu'il y avait à dire, et très clairement, en particulier avec l'exemple du ressort - n'impliquant pas la conversion de l'énergie potentielle en énergie cinétique, en passant -, mais je veux juste ici reprendre la chose sous un angle plus théorique vis-à-vis de ce que dit Spinoza) :

Nous l'avons vu plus haut, il n'existe pas chez Spinoza seulement des choses singulières (c'est plutôt la dernière roue du carrosse) mais aussi des lois, qui sont l'essence même de Dieu. C'est bien Spinoza qui le dit, et on ne peut plus clairement et longuement.

Par ailleurs, la Raison - qui est ce qu'il y a de meilleur en l'Homme, soit tout ce qui lui permet de comprendre - perçoit quelques-unes de ces lois, et les traduit éventuellement par des êtres de Raison (auxiliaires du meilleur de l'Homme qu'est la Raison, donc.)

Par exemple, si une loi de la Nature - réelle, essence de Dieu -, perçue, est qu'un ressort ressent du bien-être en se détendant, et que, ressort moi-même, j'aspire à ce bien-être par une autre loi de la Nature, alors j'appelle pratiquement et logiquement la détente "Bien". Ensuite j'explique aux autres ressorts qu'ils ont par leur nature même accès possible à ce Bien. C'est un être de Raison. Car la Raison ce n'est pas seulement de constater comme une endive que je suis comprimé (pourrait-on parler de Raison, dans ce cas ; constaterais-je même réellement quelque chose de tel qu'une "compression"), mais de percevoir les lois de la Nature (invisibles), et d'en tirer les conséquences (c'est pourquoi Spinoza peut parler de "voie" ; vers un but évidemment, qui est le "souverain bien.") C'est exactement la même chose que quand je me rends à l'hôpital pour être soigné : j'ai le potentiel de guérir, il a le potentiel de me soigner ; sinon je crève sur place comme un imbécile...

C'est aussi simple que cela : tout ce qui est là en terme de potentiel est en fait la traduction à l'identique d'une loi de la Nature réelle (ou plusieurs.) Cela n'a rien à voir avec l'Etendue vue comme en puissance de forme, la confusion ou non entre "puissance" (en acte) et "en puissance", etc. Rien.

Ce potentiel n'est pas au plan de Dieu mais au plan de l'Homme, quoique l'Homme soit tout en même temps totalement en Dieu. Sinon c'est même le titre du livre, Ethique, et son principal objet qui porte le même nom, qui n'a aucun sens ! Ce qui est au plan de Dieu et qui y correspond ce sont des lois.

Et Spinoza le signifie bien très explicitement, simplement et de façon répétée de cette façon (qu'il use du mot "potentiel" ou non.) Il suffit de se reporter aux extraits donnés plus haut et de les lire sans préjugés.


Serge
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Re: Qui a réussi ?

Messagepar captain-troy » 27 sept. 2009, 12:58

acta93 a écrit :Bonjour a tous et a toutes,

Je ne suis pas philosophe et n'ai pas cette prétention.

J'ai une question qui me paraisse, me semble-t-il, légitime : Qui a réussi à aller jusqu'au bout de la pensée et/ou de la philosophie de Spinoza et peut dire, en fin de compte : 'Voila, je suis heureux grâce aux enseignements de Spinoza' ?.

Je vois que c'est très hardu ( mais à coeur vaillant... ), mais si on voyait quelques personnes qui sont arrivées au bout du chemin, je pense que je pourrai me dire :'ok, si certains sont arrivés; même s'il faut que je m'y consacre ma vie entière, je vais prendre cette voie.'

Il y a-t-il des signes de progressions pour vous et au bout de combien de temps ?


Cher Acta93,
votre questionnement est intéressant et pertinent et je me le suis posé moi-même à maintes reprises.

"Qui a réussi à aller jusqu'au bout de la pensée et/ou de la philosophie de Spinoza et peut dire, en fin de compte : 'Voila, je suis heureux grâce aux enseignements de Spinoza ?"

Personne. Honnêtement, je n'ai rencontré personne dans ce cas, ni dans dans la vie, ni dans des témoignages, ni même sur ce site où les plus fervents spinozistes ne semblent pas réellement avoir trouvé la voie, la paix ou le bonheur, c'est le moins qu'on puisse dire.
Quant aux "signes de progression", je les cherche encore, et on risque de les chercher longtemps chez les adeptes d'une pensée ou le progrès n'a aucun sens.


C'est comme ça.

"Consacrer sa vie entière" à essayer d'aller au "bout d'un chemin", qui ressemble plutôt à un labyrinthe de reformulations des définitions en latin de Spinoza et un concours de justesse des dites reformulations par rapport au mauvais latin initial, semble pourtant occuper durablement le temps d'un certain nombre de personnes davantage en quête de "distraction" au sens pascalien du terme qu'en quête de bonheur.

J'ai, par contre, par milliers, rencontré des gens et lu des témoignages de personnes ayant trouvé la paix, la vérité, l'énergie, le projet, la voie vers les autres, un sens à sa vie ... après avoir lu les textes chrétiens et les penseurs chrétiens comme Pascal, Maritain, Mounier, Simone Weil, Teilhard, Ricœur, Claudel, Bernanos...

C'est comme ça.

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Messagepar bardamu » 30 sept. 2009, 17:42

Louisa a écrit :Chers amis,

juste pour rappel: la question dont traite ce fil s'intitule "Qui a réussi?".

Qui a réussi à atteindre la béatitude dont parle Spinoza? Qui a réellement pu constater dans sa propre vie que lire Spinoza constitue un remède efficace contre toutes les Passions Tristes (Colère, Mépris, ...) que l'on peut ressentir soi-même par rapport à l'une ou l'autre "chose extérieure"? En quoi la philosophie aide-t-elle à comprendre au lieu de juger?

Autrement dit, en quoi la philosophie, donc la recherche de plus de vérité et par là même la mise en question de ses propres évidences, permet-elle de ressentir moins de Haine et d'avoir une plus grande puissance de penser et donc de Générosité, de charité, de désir d'aider les autres à toujours comprendre davantage etc. ?

A vérifier.

Bonjour Louisa,
pour reprendre la question du "potentiel" en restant dans la question d'origine, toute la problématique que je voulais illustrer se résume à :

Spinoza parle d'une "potentia intellectus" qui est l'instrument de libération, ce qui permet de passer de l'ignorance à la sagesse. Son système n'acceptant pas de "en puissance", le terme de "potentia" a chez lui un sens différent de la scolastique ce qui ne l'empêche pas pour autant d'utiliser le terme.

L'illustration que je donnais par le ressort correspondait donc à une chose simple (j'espère...) : j'appelle "potentiel" ce que Spinoza appelle "potentia" dans le cadre de l'application de la potentia intellectus à la liberté humaine, ce potentiel-potentia est une puissance de libération en acte qui s'exprime comme effort (dans la durée) et mène certaines personnes à la sagesse.
C'est par l'exploitation de cette puissance qu'on avance dans la voie que Spinoza propose aux hommes et ceux qui réussissent sont ceux qui expriment cette puissance. On ne sait pas si en jouant on va gagner mais on sait que tous les gagnants ont joué.

Si "certains sont arrivés" comme dit Acta93 c'est qu'ils ont exprimé leur "potentia intellectus".
Et lorsqu'il demande si il y a des signes de progression et au bout de combien de temps, je répondrais simplement que les signes (ou symptômes ?) ne sont que la joie qui se manifeste à chaque idée adéquate obtenue, que ce n'est pas au bout d'un certain temps mais dès le départ.

En fait, pour savoir si nous divergeons vraiment il suffirait peut-être que tu développes ce que tu disais plus haut : "Pour Spinoza (tel que je le lis), tout homme désire sans cesse de se transformer, et d'acquérir une "nature supérieure" à celle qu'il a".
Quel est ce désir ? Comment a-t-on l'idée d'une "nature supérieure" ? Cette idée n'est-elle pas celle nous faisant voir qu'on a une puissance considérée en tant qu'elle mène à un mieux, en tant qu'elle mène à la plus grande expression de notre nature, une puissance que j'appelle "potentiel" sous ce point de vue ? Comment expliquerais-tu ou illustrerais-tu (un exemple vaut souvent mieux que beaucoup de théorie...) la nature de ce désir de se transformer et d'acquérir une "nature supérieure" ?

P.S. : pour ce qui est du mot "potentiel", peu m'importe. Si cela sonne mal à tes oreilles, je peux en rester à une périphrase du genre "puissance de l'entendement en tant qu'elle permet à l'homme de passer de l'ignorance à la sagesse" ou plus généralement "puissance de l'homme en tant qu'elle lui permet d'aller vers un "mieux"".
Modifié en dernier par bardamu le 02 oct. 2009, 12:34, modifié 1 fois.

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Messagepar bardamu » 02 oct. 2009, 12:40

MESSAGE de MODERATION
J'ai supprimé des P.S. idiots de mon message et la réponse y correspondant de PhiPhilo.

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Messagepar Louisa » 02 oct. 2009, 21:25

Hokousai a écrit :J’essaie avec bien des difficultés semble- t- il de vous remettre dans le fil du bon sens .
Maintenant il me faudrait prouver à chaque fois que Spinoza ne déroge pas au bon sens ou bien qu’il ne l’avait pas perdu .
Est-ce que Spinoza dans l 'Ethique traite d’un cas où il aurait compris qu’on veux le tuer, le cas où il en aurait perçu nettement l’intention ? Non .Mais . »je cite » On sait qu il voulut coller sur les murs un placard intitulé Ultimi Barbarorum (« Les derniers des Barbares ») Son ami, Van Spick parvint à le dissuader d'accomplir une action inutilement dangereuse. »
Spinoza se rangea à l'avis de bon sens de son ami .


Cher Hokousai,

vous allez certainement avoir du mal à "me remettre dans le fil du bon sens", puisque par définition, depuis que la philosophie existe, il était impossible de philosopher sans mettre ce "bon sens" à l'épreuve, afin de pouvoir savoir ce qu'il en était véritablement. Raison pour laquelle je vous ai déjà dit que je ne comprends pas (rien d'autre dans ces mots que ce qu'ils disent littéralement) comment vous pouvez avoir une telle confiance en le sens commun. Pourquoi le fait qu'on a l'habitude d'avoir telle ou telle idée et d'y croire serait-il suffisant pour en asserter la vérité ... ?? Ce bon sens, on le sait, est ce qui est le plus partagé par tous (du moins, par tous les gens appartenant à un même milieu socioculturel), donc il va de soi que moi aussi, j'ai l'habitude de m'appuyer dessus. La question à mon sens est plutôt, depuis Platon: va-t-on s'en tenir à ce "bon" sens, ou va-t-on se décider à philosopher?

Quant au fait de dissuader quelqu'un d'entreprendre une action politique en montrant qu'elle est dangereuse: en quoi une telle activité serait-elle "philosophique" ... ? A mon sens Platon dirait que c'est l'exemple même d'un débat d'opinion: Spinoza a une opinion X, son ami lui montre qu'il pense cela à cause du fait qu'il subit de la Colère donc pâtit, Spinoza se calme, trouve que son ami a raison, et laisse tomber. Personne n'a philosophé, dans toute cette histoire!

Hokousai a écrit :Puisque l Ethique ne parle jamais d’intention alors Spinoza n’a jamais perçu chez autrui des intentions ?
C‘ est bien évidemment douteux .
Mais puisqu’ il n’en parle pas alors vous niez l’ utilité de faire confiance à notre compréhension de l’intention chez autrui . Pire vous n’accordez de prix qu’ à une action effective .A mes yeux le conatus est en péril de mort s’il ne perçoit pas les intentions .
………………………………………………………………………………

Ce dont Spinoza ne parle pas expressément vous nieriez qu’il ait pu en tenir compte .
Est -ce que Spinoza parle de petit déjeuner ? Non il n’en parle pas .
Conclusion vous en viendriez à nier l’utilité de prendre un petit déjeuner .
Voila où on en est .


pour moi il s'agit d'une erreur de registre. Prendre son petit-déjeûner n'est pas une activité philosophique (ce qui n'empêche en rien que ce soit chose utile et par moments fort agréable). Essayer de penser le monde, l'homme et le bonheur sans se permettre de faire référence aux intentions en revanche est un véritable acte philosophique, lorsqu'il va de pair avec une création d'un ensemble de concepts aussi étranges que révolutionnaires.
Cordialement,
L.

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Messagepar Louisa » 02 oct. 2009, 22:09

Bardamu a écrit :Bonjour Louisa,
pour reprendre la question du "potentiel" en restant dans la question d'origine, toute la problématique que je voulais illustrer se résume à :

Spinoza parle d'une "potentia intellectus" qui est l'instrument de libération, ce qui permet de passer de l'ignorance à la sagesse. Son système n'acceptant pas de "en puissance", le terme de "potentia" a chez lui un sens différent de la scolastique ce qui ne l'empêche pas pour autant d'utiliser le terme.

L'illustration que je donnais par le ressort correspondait donc à une chose simple (j'espère...) : j'appelle "potentiel" ce que Spinoza appelle "potentia" dans le cadre de l'application de la potentia intellectus à la liberté humaine, ce potentiel-potentia est une puissance de libération en acte qui s'exprime comme effort (dans la durée) et mène certaines personnes à la sagesse.
C'est par l'exploitation de cette puissance qu'on avance dans la voie que Spinoza propose aux hommes et ceux qui réussissent sont ceux qui expriment cette puissance. On ne sait pas si en jouant on va gagner mais on sait que tous les gagnants ont joué.

Si "certains sont arrivés" comme dit Acta93 c'est qu'ils ont exprimé leur "potentia intellectus".
Et lorsqu'il demande si il y a des signes de progression et au bout de combien de temps, je répondrais simplement que les signes (ou symptômes ?) ne sont que la joie qui se manifeste à chaque idée adéquate obtenue, que ce n'est pas au bout d'un certain temps mais dès le départ.

En fait, pour savoir si nous divergeons vraiment il suffirait peut-être que tu développes ce que tu disais plus haut : "Pour Spinoza (tel que je le lis), tout homme désire sans cesse de se transformer, et d'acquérir une "nature supérieure" à celle qu'il a".
Quel est ce désir ? Comment a-t-on l'idée d'une "nature supérieure" ? Cette idée n'est-elle pas celle nous faisant voir qu'on a une puissance considérée en tant qu'elle mène à un mieux, en tant qu'elle mène à la plus grande expression de notre nature, une puissance que j'appelle "potentiel" sous ce point de vue ? Comment expliquerais-tu ou illustrerais-tu (un exemple vaut souvent mieux que beaucoup de théorie...) la nature de ce désir de se transformer et d'acquérir une "nature supérieure" ?

P.S. : pour ce qui est du mot "potentiel", peu m'importe. Si cela sonne mal à tes oreilles, je peux en rester à une périphrase du genre "puissance de l'entendement en tant qu'elle permet à l'homme de passer de l'ignorance à la sagesse" ou plus généralement "puissance de l'homme en tant qu'elle lui permet d'aller vers un "mieux"".


Bonjour Bardamu,

à mon sens, ce n'est pas juste une question de mots. La façon dont tu utilises ci-dessus le mot "potentiel" me semble correspondre à ce qu'on entend d'habitude par là, et ensuite tu appliques cette idée au spinozisme, pour essayer de penser un potentiel dans des termes proprement spinozistes. Or passer de l'ignorance à la sagesse ce n'est pas, chez Spinoza, une actualisation de ce qui n'est que potentiel, ce n'est pas une "expression" de ce qui est déjà là mais pas encore actualisé/exprimé. Passer de l'ignorance à la sagesse c'est changer de puissance. Non pas exprimer ou réaliser, mais carrément changer.

Personnellement, je n'ai aucun problème avec le mot "potentiel", ni avec le sens qu'il revêt couramment. Je me perçois spontanément moi-même comme étant quelqu'un qui "peut mieux faire", c'est-à-dire qui a le potentiel de mieux faire ("plus est en moi"), et cette perception me semble être utile pour réellement pouvoir atteindre une vie meilleure.

Le problème est plutôt: dans quelle mesure y a-t-il un potentiel ou du potentiel chez Spinoza?

Tu dis: il utilise le mot potentia donc il doit y en avoir. Or le mot potentia n'est jamais utilisé par lui au sens de "potentiel" ou de "en puissance". Il s'agit simplement d'une force, appelée parfois aussi vis ou potestas (lorsqu'il s'agit d'actes singuliers: la force de faire ceci ou cela). A mon sens la puissance chez Spinoza ne désigne donc rien d'autre que l'ensemble de tout ce qu'on sait faire ici et maintenant. C'est pourquoi il peut identifier puissance et essence.

A cela tu sembles répondre: oui mais identifier puissance et essence, c'est juste dire que toute puissance est toujours en acte, sinon elle ne peut rien "réaliser" (ou comme tu le dis ci-dessus, elle ne peut pas "s'exprimer"). On est bien d'accord pour dire que lorsqu'il y a du potentiel, il faut quelque chose qui sait actualiser ce qui pour l'instant n'est qu'en puissance ou potentiel. Mais justement, ce qui n'est qu'en puissance ou potentiel se caractérise par le fait de ne pas encore être/exister. Le problème, comme j'ai déjà essayé d'expliquer ci-dessus, c'est que lorsque tu dis que pour avoir une chose "en puissance", il faut une "puissance" qui elle-même est en acte, puissance dont l'acte est capable d'actualiser la chose qui pour l'instant n'est qu'"en puissance", tu admets l'idée que certaines choses ne soient qu'"en puissance". Or, comme tu le dis ci-dessus, rien n'est "en puissance", chez Spinoza. Raison pour laquelle on ne peut pas lire la potentia spinoziste comme ce qui actualise ce qui n'est qu'"en puissance". La puissance spinoziste n'actualise plus rien, elle est, tout simplement, au sens où elle définit une essence. Et tout ce qui existe a une essence, on ne peut pas en partie être séparé de sa propre essence, ou ne pas l'exprimer. On exprime toujours déjà entièrement sa propre essence singulière (c'est grâce à cette "expression" qu'on peut être dit "exister en acte", dans les deux sens que Spinoza donne à cela).

La puissance spinoziste est moins un instrument (en vue d'un but), qu'une réalité en tant que telle. Mon degré de puissance, c'est qui je suis, ici et maintenant, et non pas un simple outil pour devenir autre. Bien sûr, je serai autre dans quelques instants, mais rien ne garantit que j'aurai davantage d'idées adéquates donc une plus grande puissance, je peux tout aussi bien avoir davantage d'idées inadéquates, et alors ma puissance préalable n'était qu'une cause parmi tant d'autres de m'avoir déterminé de devenir ceci et non pas cela. Dire que je suis "en puissance" celui qui aura davantage d'idées adéquates dans un instant n'a aucun sens, d'un point de vue spinoziste, puisque je ne peux pas savoir dans quelle direction le degré de puissance qui me définit maintenant sera déterminé à évoluer.

Par conséquent, je suis toujours aussi sage que mon degré de puissance le permet, j'exprime toujours pleinement ma puissance à moi, sans reste (la béatitude consiste à prendre conscience de ce fait!). Et ma puissance, c'est l'ensemble des idées adéquates que j'ai ici et maintenant, c'est donc ma liberté à moi. Par conséquent, augmenter sa puissance c'est passer à un plus grand degré de liberté/réalité encore. Mais pour y arriver il faut non pas parvenir à "exprimer" "son" essence toujours déjà là, il faut changer d'essence, il faut passer à une essence plus forte.

Le bébé, par exemple, ne désire être libre que dans la mesure où sa puissance le lui permet, c'est-à-dire très peu, puisqu'il n'a quasiment aucune idée de ce que c'est qu'être libre. Or, lorsque ce bébé est devenu adulte, il a acquis, dit Spinoza, une autre nature, une nature beaucoup plus puissante, c'est-à-dire il a changé de degré de puissance, et donc d'essence. Il aura une essence beaucoup plus parfaite/libre. Que dans son Esprit sa mémoire contienne encore des traces de l'essence qu'il était en tant que bébé, n'y change rien. Ces idées sont devenues peu importantes, tenu compte de toutes les idées adéquates (et inadéquates) qu'il a entre-temps pu ajouter à l'essence du bébé qu'il était. Il ne s'est donc pas "libéré de" l'essence du bébé, il (et son environnement) y a plutôt ajouté un tas de choses!

Bref, je dirais que Spinoza lui-même donne le meilleur exemple possible pour illustrer l'absence d'un potentiel dans son éthique.

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Messagepar hokousai » 03 oct. 2009, 00:03

à Louisa


Essayer de penser le monde, l'homme et le bonheur sans se permettre de faire référence aux intentions en revanche est un véritable acte philosophique, lorsqu'il va de pair avec une création d'un ensemble de concepts aussi étranges que révolutionnaires.
.

Très étrange en effet d'y être parvenu sans en avoir eu l'intention .. comme par inadvertance .

et pourtant Spinoza écrivait "" car étant donné que nous désirons nous former une idée de l 'homme"""" (préface partie 4)

j 'y vois là une intention( fait de se proposer un certain but )

Spinoza parle du désir de la manière suivante : le désir est l'appétit avec la conscience de l' appétit.(nous nous efforçons à une chose , nous la voulons ou aspirons à elle , ou la désirons ( prop9/3)

Maintenant je veux bien qu'il y ait désir sans intention de le satisfaire ! Ce qui tient plus de l'ascétisme et de la mortification que de la révolution .
..........................................................................

vous écrivez à Bardamu
Bref, je dirais que Spinoza lui-même donne le meilleur exemple possible pour illustrer l'absence d'un potentiel dans son éthique.


L’ Ethique montre ce qu il est possible de penser avec raison à partir de quelques définitions et axiomes . Voila des définitions qui ont un potentiel exploitable . On peut en tirer de la philosophie (utile ) comme des axiomes d Euclide on tire des mathématiques .
Spinoza s’il ne le sait pas au début tout ce qu’il va en tirer estime que le jeu en vaut la chandelle . Il s' emploie donc à en exprimer le possible ( ce qui lui est possible sans préjuger de ce que d’autres pourrait en tirer après tout il n'est peut être pas si présomptueux )

Spinoza montre que les idées (celle de cercle par exemple mais pas seulement ) on un potentiel précis , c’est à dire qu’elles ne sont pas développables au petit bonheur .
L’idée de substance dans le processus ( bien sur il y a processus ) cause d’autres idées et si la raison conduit bien, cause d’autres idées précises claires et distinctes ( versus de confuses ).
Cette idée de substance comme cause n’est pas neutre d effets , elle oblige a certaine idées. C’est ce pouvoir de l’idée à causer certaines idées ( contre d’autres ) , un pouvoir de coercition qui va s’ exercer tout au long de l’Ethique , qui est le potentiel de l’idée .

(mon point de vue sonne un peu hégélien mais je pense qu’il y a de cela dans Spinoza)

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Messagepar Louisa » 03 oct. 2009, 01:00

Hokousai a écrit :
louisa a écrit :
Essayer de penser le monde, l'homme et le bonheur sans se permettre de faire référence aux intentions en revanche est un véritable acte philosophique, lorsqu'il va de pair avec une création d'un ensemble de concepts aussi étranges que révolutionnaires.


Très étrange en effet d'y être parvenu sans en avoir eu l'intention .. comme par inadvertance .

et pourtant Spinoza écrivait "" car étant donné que nous désirons nous former une idée de l 'homme"""" (préface partie 4)

j 'y vois là une intention( fait de se proposer un certain but )

Spinoza parle du désir de la manière suivante : le désir est l'appétit avec la conscience de l' appétit.(nous nous efforçons à une chose , nous la voulons ou aspirons à elle , ou la désirons ( prop9/3)

Maintenant je veux bien qu'il y ait désir sans intention de le satisfaire ! Ce qui tient plus de l'ascétisme et de la mortification que de la révolution .


Bonjour Hokousai,
je ne crois pas que Spinoza nie le fait que les hommes ont tendance à penser en termes de buts. Or avoir l'intention de faire ceci ou cela, d'un point de vue spinoziste c'est avoir l'idée de le faire, idée qui sera la cause efficiente de ce qu'on fera ensuite.

Je ne sais plus très bien pourquoi on parle de la notion d'intention dans ce fil-ci, mais en ce qui me concerne, la seule chose que Spinoza en dit se trouve effectivement dans la préface à laquelle vous référez, et revient à dire que seul celui qui a l'intention de faire ceci ou cela (ou plutôt, qui a l'objectif de construire telle ou telle maison) sait juger de la correspondance entre cette idée initiale et le résultat, puisque lui seul connaît cette "intention". Morale de l'histoire: on n'a pas accès aux intentions d'autrui, ou on ne l'a que de manière inadéquate. Il faut que l'autre explicite maximalement ses "intentions" avant de pouvoir avoir une chance de les connaître un tant soit peu (mais on sait que pour Spinoza la communication humaine est source inépuisable de malentendus).

Ce qui est donc "révolutionnaire", du moins lorsqu'on l'aborde à partir d'une perspective chrétienne où ce sont les intentions et non les actes des gens qui seront "jugées", c'est que Spinoza déclare en quelques lignes que ces intentions 1) ne sont que des causes efficientes et non pas finales, 2) ne sont pas encore des actes, donc ne disent pas grand-chose de la personne en question, et 3) ne peuvent pas ou peu être adéquatement connues par autrui.

Hokousai a écrit :vous écrivez à Bardamu

louisa a écrit :Bref, je dirais que Spinoza lui-même donne le meilleur exemple possible pour illustrer l'absence d'un potentiel dans son éthique.


L’ Ethique montre ce qu il est possible de penser avec raison à partir de quelques définitions et axiomes . Voila des définitions qui ont un potentiel exploitable . On peut en tirer de la philosophie (utile ) comme des axiomes d Euclide on tire des mathématiques .
Spinoza s’il ne le sait pas au début tout ce qu’il va en tirer estime que le jeu en vaut la chandelle . Il s' emploie donc à en exprimer le possible ( ce qui lui est possible sans préjuger de ce que d’autres pourrait en tirer après tout il n'est peut être pas si présomptueux )

Spinoza montre que les idées (celle de cercle par exemple mais pas seulement ) on un potentiel précis , c’est à dire qu’elles ne sont pas développables au petit bonheur .
L’idée de substance dans le processus ( bien sur il y a processus ) cause d’autres idées et si la raison conduit bien, cause d’autres idées précises claires et distinctes ( versus de confuses ).
Cette idée de substance comme cause n’est pas neutre d effets , elle oblige a certaine idées. C’est ce pouvoir de l’idée à causer certaines idées ( contre d’autres ) , un pouvoir de coercition qui va s’ exercer tout au long de l’Ethique , qui est le potentiel de l’idée .

(mon point de vue sonne un peu hégélien mais je pense qu’il y a de cela dans Spinoza)


à mon sens vous dites ici ce que tous ont déjà dit ci-dessus (vous-mêmes y compris), ou plutôt il s'agit d'une variation sur le même thème:
- on refuse d'abandonner, ne fût-ce qu'un instant, par "expérience de pensée", la notion de potentiel
- on l'injecte partout dans le spinozisme
- on en conclut que d'un point de vue spinoziste, il y a du potentiel.

Le problème avec une telle entreprise, c'est qu'elle perd tout sens lorsqu'on adhère aux arguments qui réfutent la possibilité même d'un potentiel chez Spinoza. Dès que ces arguments sont censés être vrais, ces "exercices de styles" perdent tout intérêt, vous voyez? Pour pouvoir convaincre ceux qui pensent qu'il n'y a pas de potentiel chez Spinoza, il faudrait montrer en quoi leurs arguments sont caduques. Aussi longtemps qu'on ne se livre pas à un tel exercice, je crains qu'on parle un peu l'un à côté de l'autre (sans aucune mauvaise intention, bien sûr; notre discussion ici pourrait ainsi être une bonne illustration de l'idée que la notion d'intention finalement n'a qu'un intérêt limité, surtout lorsqu'on y ajoute le "bonne" ou "mauvaise").

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Messagepar Durtal » 03 oct. 2009, 02:03

il faudrait juste Louisa que tu parviennes à prendre conscience qu'une chose qui rend tout à fait futiles et vaines les discussions avec toi est ta propension à admettre implicitement et en étant incapable de le percevoir les choses que tu prétends nier explicitement.

Pour le dire autrement tu es une personne insensible à la contradiction - à la logique des mots que tu utilises toi même- ce qui rend impossible la discussion rationnelle et argumentée dont tu te réclames à corps et à cris.


Et ainsi cette stupide discussion roulera éternellement de la même façon,, faute pour toi de percevoir que lorsque tu expliques (je cite) que "A ton sens la puissance chez Spinoza ne désigne (...) rien d'autre que l'ensemble de tout ce qu'on sait faire ici et maintenant" tu impliques comme tout le monde et au même sens que tes contradicteurs, l'idée de potentialité sauf que toi à la différence d'eux tu ne t'en aperçois pas.

Considérons en effet l'exemple de semblable farine que tu m'avais fait il y a quelque temps concernant le même sujet soit : "que tu es capable de chanter sous ta douche" ( cela fait partie à ton sens -pauvrette- de l'ensemble des choses "que l'on sait faire ici et maintenant") et c'était même, du reste d'après toi, une illustration de ce qu'était une aptitude "au sens Spinoziste" dans l'échange auquel j'ai fait allusion.

Mais je suppose que tu ne veux pas dire par là que tu passes chaque instant de ton existence "à chanter sous la douche" et que si ce n'était pas le cas l'on ne pourrait plus dire de toi que tu n'as pas cette capacité!!!! ( ou bien si peut être ? c'est cela que tu voulais dire?)

Mais qu'est ce que ça signifie à ton avis? Autrement dit en admettant cela qu'est ce que tu admets implicitement? et bien que l'acte de chanter effectivement sous ta douche, lorsqu'il est considéré relativement à ta capacité de le faire est très exatement un potentiel, ce qui signifie simplement, qu'on peut dire de toi que tu as "la capacité de chanter sous ta douche" ( que ce peut être une proposition vraie) bien que tu ne sois pas en train de chanter au moment où l'on énonce cette proposition.


Et voilà. Toi tu trouves sans doute que c'est vraiment très intéressant de passer son temps à démêler les noeuds qui sont dans ta tête. Moi ça me déprime.


Ps; pas la peine de partir sur tes histoires d'argument ad hominem
(encore faudrait-il que tu saches ce que c'est). J'assume complétement.
D.


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