L'Un, le néoplatonisme et tutti quanti (salut, Miam)

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar AUgustindercrois » 01 sept. 2010, 13:43

@Miam

"La nature est rationnelle en droit. En fait elle demeure inconnaissable dans la mesure où nul ne peut déterminer quels sont chacun de ces attributs. Je dis "déterminer", car on peut concevoir une infinité d'attributs. Dans le cas contraire, Spinoza lui-même ne les aurait jamais conçus, quoique, rigoureusement parlant, il ne démontre pas qu'ils existent."

Peut - on dire, pour toi, que ce qu'a vu Spinoza, c'est l'universel dans le singulier, l'éternel dans le fugace, l'illimité dans le limité? Serait-ce cela, le troisième genre de connaissance?

"Rigoureusement parlant, il ne démontre pas que l'inifinité d'attributs existe. L'infinité d'attributs n'est pas démontrable rationnellement. Elle s'éprouve; c'est, à mon avis, quelque chose de l'ordre de l'expérience, de même qu'est de l'ordre de l'expérience le "nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels." Spinoza dit "sentir, expérimenter."

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Messagepar Miam » 01 sept. 2010, 17:20

Ouaip,
Comme chez Descartes, "nous sentons que nous existons". Mais seuls les affects actifs nous font passer d'un mode de présence (ou manière d'exister) à l'autre : du fini à l'infini, du temps à l'éternité que contient déjà la durée, de la contingence à la nécessité, ... Descartes est laissé par Spinoza du côté de l'imagination...

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Messagepar AUgustindercrois » 01 sept. 2010, 20:39

"Descartes est laissé par Spinoza du côté de l'imagination". Tu penses que Spinoza avait beaucoup d'imagination? Ou que c'est parce qu'il a vidé son imagination et sa mémoire qu'il a pu affirmer ce qu'il a affirmé?

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Messagepar Miam » 01 sept. 2010, 21:17

Je veux dire que pour Spinoza Descartes fait partie de ceux qui "confondent les idées et les images" (II 49s et encore ailleurs).
Le sentiment d'existence n'exclut pas l'imagination. Il la pause puisque même les fictions possèdent un mode de présence et participent ainsi à l'existence. L'imagination est joujours affirmation de l'existence. L'essence du Mental, même quand il imagine, c'est d'affirmer l'existence du Corps etc... (III App.)

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Messagepar Pourquoipas » 12 sept. 2010, 16:07

Miam a écrit :L'origine de la notion de "substance" selon Boèce (Opuscula sacra).

« Les Grecs, et de façon beaucoup plus pertinente que nous, ont donné à la notion de subsistance individuelle de la nature rationelle le nom d’hypostase (hupostasis), tandis que nous avons repris le nom déjà utilisé de persona pour désigner ce que les Grecs appellent hypostase ; la Grèce, dont le vocabulaire est plus riche que le nôtre, a donc appelé hypostase la substance individuelle. Et pour me servir de la langue grecque au sujet de ces notions qui ont été traitées par les Grecs et, ensuite, traduites en latin : ai ousiai en men tois katholou einai dunantai ; en de tois atomois kai kata meros monois huphistantai (essentiae in universalibus quidem esse possent, in solis vero individuis et particularibus substant), c'est-à-dire « les essences, il est vrai, peuvent exister dans les universels, mais c’est seulement dans les individus et les particuliers qu’elles deviennent des substances ». Car la connaissance que nous avons des universels a sa source dans les particuliers. C’est pourquoi, puisque les subsistances elles-mêmes sont bien présentes dans les universels mais qu’elles prennent leur substance des particuliers, c’est à juste titre que les Grecs ont appelés hypostases les subsistances qui ont reçu leur substance des particuliers. En effet, à qui ne possède pas la vision intellectuelle la plus pénétrante et la plus fine, la subsistance semblera être identique à la substance. Car ce que les Grecs appellent ousiôsis (action de produire l’essence) ou ousiôsthai (le fait de recevoir l’essence) nous, nous le nommons subsistentia ou subsistere, et ce qu’ils appellent hupostasis ou huphistasthai, nous, nous le traduisons par substantia ou substare. Sub-siste en effet ce qui par soi-même, pour pouvoir être, n’a pas besoin d’accidents. Mais est substance (substat autem) ce qui procure à d’autres choses, les accidents par exemple, un certain sujet/substrat (subjectum) leur permettant d’être (ut esse valeant). Car il les soutient (sub illis enim stat) aussi longtemps qu’elle est pour eux un sujet (subjectum – placé sous les accidents). C’est pourquoi les genres ou les espèces subsistent uniquement, car il n’advient pas d’accidents aux genres ou aux espèces. Les choses individuelles, en revanche, non seulement subsistent, mais sont aussi substances (substant) ; elles non plus n’ont pas besoin d’accidents pour être, car elles sont déjà pourvues de leurs différences propres et spécifiques, mais elles donnent aux accidents la possibilité d’exister, en même temps qu’elles sont, bien entendu, un sujet/substrat (subjectum) pour eux. De là vient que être et subsister traduisent einai (être) et ousiôsthai (le fait de recevoir l’essence), tandis que substare (se tenir sous, d’où sub-stance) traduit huphistasthai. Car la Grèce n’est pas à court de mots, comme nous le souffle Marcus Tullius (Cicéron) ; elle rend par un nombre exactement correspondant les termes essences (essentia), subsistance (subsistentia) et personne (persona) : ousia pour essence, ousiôsis pour subsistance, hupostasis pour substance, prôsopon pour personne. Mais si les Grecs ont appelé hypostases les substances individuelles, c’est qu’elles sont placées sous les autres choses et qu’elles sont sous-jacentes et soumises à certaines choses telles que les accidents ; et c’est pour cette raison que nous aussi, nous appelons sub-stances comme étant sous-jacentes – ce qu’eux appellent hypostases…. »



Pour ceux que ça intéresse et plus de précision, j'ai fini par trouver ce texte dans une édition bilingue à un prix fort abordable dans : Boèce, Traités théologiques, édition, traduction, notes, etc., d'Axel Tisserand (excellente introduction – mais il faut s'accrocher !), GF Flammarion, 2000, dans le premier traité de l'ouvrage : « Contre Eutychès et Nestorius » , p. 76 (phr. 9) - p. 81 (début phr. 27). Les pages paires donnent le texte latin, et les impaires la traduction française (bien différente de celle donnée ci-dessus), les deux avec les citations en grec.
Modifié en dernier par Pourquoipas le 12 sept. 2010, 23:41, modifié 1 fois.

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Messagepar hokousai » 12 sept. 2010, 18:22

(bien différente de celle donnée ci-dessus)


c'est à dire .....

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Messagepar Pourquoipas » 12 sept. 2010, 20:44

hokousai a écrit :
(bien différente de celle donnée ci-dessus)


c'est à dire .....


J'ai fait un scan (déposé sur Picasa et dont je vous donne le lien) du début du texte de Miam dans la version GF (qui commence phrase /9/, aux 3e tiers des p. 76-77). Je ne commente pas car : 1) pas le temps (boulot nocturne + semaine très occupée) ; 2) et surtout il s'agit d'un domaine que je commence à débuter de tenter d'explorer... et cela exige du temps (+ ré-initiation au grec, scolairement étudié il y a fort longtemps) :

http://picasaweb.google.fr/117393313103246474910/Philo?authkey=Gv1sRgCN2JudHm8M3a0QE#slideshow/5516093411244055378

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Messagepar Miam » 13 sept. 2010, 00:33

Le texte que je vous ai envoyé est issu de notes de cours de Lambros Couloubaritsis, un de mes anciens profs, spécialiste de la philosophie antique et médiévale, en particulier d'Aristote, connaissant l'ancien grec et lui-même d'origine grecque (et peut-être toujours Grec, j'en sais rien).

Il est l'auteur de :
"Aux origines de la philosophie européenne - De la pensée archaique au néoplatonisme", Ousia, Bruxelles, 1992/94.
"Mythe et philosophie chez Parménide", Ousia, Bruxelles, 1986/90.
"La physique d'Aristote - L'avènement de la science physique", Ousia, Bruxelles, 1980/97. (seconde date = seconde édition)
"Histoire de la philosophie ancienne et médiévale - Figures illustres", Grasset, Paris, 1998.

Et de beaucoup d'autres écrits dont je vous recommande la lecture.

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Messagepar hokousai » 13 sept. 2010, 00:49

le texte que cite miam est tiré du ""Contre Euthychès et Nestorius.""

III. La définition de la personne et quelques questions terminologiques.
le texte scanné par pourquoi pas est en fait (juste ) ce qui précède le texte cité par miam .

J 'ai sur le net une traduction peu différente de celle donnée par miam .
..................................................................
je cite

Et afin d’employer la langue grecque dans des sujets qui, pensés par les Grecs, ont été traduits en latin : les essences peuvent assurément être dans les universels, mais c’est dans les seuls individuels et particuliers qu’elles sont-substances.

L’intellection des universels en effet est tirée des particuliers. C’est pourquoi, puisque les subsistances elles-mêmes, assurément, sont dans les universels, mais reçoivent la substance dans les particuliers, les Grecs ont appelé à juste titre "hypostasis" les subsistances qui sont selon le mode du particulier. En effet, pour qui aura un regard sérieux et pénétrant, la subsistance ne sera manifestement pas identique à la substance. De fait, ce que les Grecs appellent "ousiosin", c’est ce que nous, nous appelons "subsistance" ou "subsister". Mais ce qu’eux appellent "hypostasis", c’est ce que nous, nous traduisons pas "substance" ou le fait d’"être-substance". Subsiste en effet, ce qui soi-même, afin de pouvoir être, n’a pas besoin d’accidents. Mais est-substance ce qui procure en tant que fondement un sujet à d’autres choses, à savoir les accidents, pour leur donner l’être effectif. Elle se tient-sous eux, en effet, en tant qu’elle est sujet pour des accidents. C’est pourquoi les genres et les espèces subsistent seulement. Les accidents en effet n’échoient pas aux genres ou aux espèces. Mais les individus non seulement subsistent, mais encore sont-substances. Car d’une part eux-mêmes n’ont pas besoin d’accidents pour être, — ils sont en effet informés par leurs différences propres et spécifiques —, d’autre part ils procurent aux accidents la possibilité d’être, en étant évidemment des sujets. C’est pourquoi "einai" est compris par "être" et "subsister", mais il y a un autre mot pour "être-substance". C’est en effet qu’en Grèce l’on ne manque pas de vocabulaire, comme y faisait allusion Cicéron mais l’on y rend par autant de noms "essence", "subsistance", "substance" et "personne" : on y appelle en effet l’essence par un mot, et la subsistance par un autre ; la substance et la personne sont aussi désignées par deux mots distincts. Et si les Grecs ont appelé par un mot spécial les subsistances individuelles, c’est qu’elles sont-sous les autres choses et sont posées-sous d’autres choses : les accidents.

C’est pourquoi, nous aussi nous nommons substances ces choses comme posées-sous, que les Grecs nomment "hypo-stase" ;
..................................................

et la suite


et de plus, comme ils nomment "prosopa" les mêmes substances, nous pouvons également les nommer personnes "Ousian" — esse — est donc la même chose qu’essence ; "ousiosis" la même que subsistance ; "hypostase" la même que substance ; "prosopon" la même que personne. Mais la raison pour laquelle le Grec ne dit pas "hypostase" des animaux non rationnels, de même que nous nous prédiquons en effet le nom de substance de ces derniers, est la suivante le grec applique ce nom aux êtres supérieurs. Ainsi, de quelque façon il distingue ce qui est le plus excellent, sinon, en effet, par une détermination de nature selon ce qu’est "*" et "être-substance", du moins par les vocables d’"hypostase" ou de substance.

Il y a donc assurément à la fois une essence de l’homme, c’est-à-dire une "ousia", et une subsistance, c’est-à-dire une "ousiosis" ; une "hypostase", c’est-à-dire une substance, et un "prosopon", c’est-à-dire une personne. "ousia" et essence puisque il "est", et "ousiosis" ou subsistance puisque il n’est dans aucun sujet ; "hypostase" et substance puisqu’il est-sous d’autres choses qui ne sont pas des subsistances, c’est-à-dire des "ousiosis" ; il est "prosopon" et personne puisque il est un individu rationnel . Dieu aussi est "ousian" et essence : en effet Il est, et Lui-même est souverainement, Celui de qui provient l’être de toutes choses. Il est "ousiosis", c’est-à-dire subsistance en effet il subsiste sans avoir besoin de rien. Et Il "» : en effet Il est-substance. Aussi disons-nous encore qu’il y a une "ousian" ou "ousiosis", c’est-à-dire une essence ou subsistance, de la déité, mais trois "hypostases", c’est-à-dire trois substances. Et assurément, selon cette façon de s’exprimer on a dit une essence une de la Trinité, mais trois substances et trois personnes.

Si en effet l’usage linguistique de l’Église n’excluait pas trois substances en Dieu, la substance serait évidemment dite de Dieu non en ce sens que Lui-même fût posé-sous tout le reste comme sujet, mais que, de même qu’Il est-l’Avant de toutes choses, de même aussi, comme principe, Il est-sous toutes choses, fondement procurant à toutes 1’"ousiostai", c’est-à-dire le subsister

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Messagepar Pourquoipas » 13 sept. 2010, 03:55

hokousai a écrit :le texte que cite miam est tiré du ""Contre Euthychès et Nestorius.""

III. La définition de la personne et quelques questions terminologiques.
le texte scanné par pourquoi pas est en fait (juste ) ce qui précède le texte cité par miam .

(...)


Juste une précision : le début de la page que j'ai donnée précède en effet le texte donné par Miam, mais j'avais précisé, sauf erreur, que le début du texte cité par Miam correspondait à peu près au dernier tiers des pages que j'ai données, commençant par « /9/ Mais les Grecs préfèrent appeler [etc.] » (GF, p. 77) – « /9/ Longe vero illi [= Graeci] signatius naturae [...] nomine uocauerunt [etc.] » (GF, p. 76)

En tout cas, merci à Miam pour ses références, et à Hokousaï pour continuer la citation.
Ne reste plus qu'à lire le (et réfléchir au) texte tout entier, ainsi que les autres traités de cette courte (par la longueur, 250 p.) édition de Boèce, et d'autres.
Mais, pour le moment, boulot à pognon + hosto en ce qui me concerne.

Portez-vous bien


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