Être croyant après Spinoza

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
Règles du forum
Cette partie du forum traite d''ontologie c'est-à-dire des questions fondamentales sur la nature de l'être ou tout ce qui existe. Si votre question ou remarque porte sur un autre sujet merci de poster dans le bon forum. Merci aussi de traiter une question à la fois et d'éviter les digressions.
Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 02 déc. 2010, 01:11

à Recherche
je suis globalement d'accord avec l' exposé de bardamu ( évidemment )

sauf sur cela
Il n'y a pas d'un côté un bras corporel qui bouge et de l'autre un esprit qui pourrait y rester indifférent,

. Bien sur bardamu veut explique le parallélisme .
Le sens commun sait à défaut de l'observer que les bras peuvent bouger sans que l'esprit conscient en soi informé .Dans ce cas l'esprit conscient est indifférent .
Cela n'invalide pas le parallélisme . Pour Spinoza ce qui existe comme corps existe aussi ( parallèlement) comme idée .
Car Spinoza ne distingue pas partes extra partes la "catégorie du corporel" de celle de l'esprit , il les unit.
Antérieurement (dans son système de pensée) Aristote unissait forme et matière , l 'une ne va pas sans l'autre .
...........................................................
Sur le judaïsme
Je vous ai parlé de Maimonide , pour lui Dieu n'est pas corporel , c'est son combat .Dieu n' est pas un corps en conséquence les corps ne sont pas Dieu .
Spinoza pense autrement .

Que Dieu soit immanent pas de problème .
Que Dieu soit transcendant . Non . Dieu n'est pas ailleurs .
Dieu est connaissable par l'esprit humain son essence est connaissable .
L'infinité des modifications ne l'est pas .

Mais il n'est pas douteux que Maimonide pensait connaitre l 'essence de Dieu . Dieu est UN .
Pas de problème pour Spinoza Dieu est UN mais aussi Dieu est TOUT .

Avatar du membre
QueSaitOn
persévère dans sa puissance d'être ici
persévère dans sa puissance d'être ici
Messages : 124
Enregistré le : 14 août 2010, 00:00

Messagepar QueSaitOn » 02 déc. 2010, 01:37

La Substance-Dieu se connaît elle-même immédiatement de la même manière que tout mouvement est en elle


La Substance est elle enveloppante ou bien enveloppée ? Si elle est enveloppante, ce "Tout" ne risque t-il pas l'incomplétude ?

Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 02 déc. 2010, 11:02

à QueSaitOn

(je ne vois pas trop le motif de votre remarque )

Sur l'incomplétude Si elle est enveloppée c'est pire .
Sur la substance Spinoziste
Il suffit que vous pensiez qu'il n'y a pas de négation ou pas d'altérité ( pour parler Hégélien)
Parménide dit « Car l'être est en effet, mais le néant n'est pas. »

Je ne fais pas de Spinoza un parménidien pour autant .
parce que ce n'est que très improprement qu'on peut dire que Dieu est seul et unique .(lettre 50)

Avatar du membre
QueSaitOn
persévère dans sa puissance d'être ici
persévère dans sa puissance d'être ici
Messages : 124
Enregistré le : 14 août 2010, 00:00

Messagepar QueSaitOn » 02 déc. 2010, 11:18

Bonjour,

Parc e que je cherche à décrypter un texte du spinoziste M. Benasayag ("Connaître est agir", je dis spionziste parce que tut de même il se réclame beaucoup de Spinoza) dans lequel il écrit, p 121 (ed. La Découverte):

La totalité (...) n'est donc pas pensable comme enveloppante ("le créateur") c'est pourquoi nous préférons la saisir comme "totalité enveloppée": enveloppante, la totalité est incomplète, mais enveloppée elle est infinie

[bon, là je réalise qu'il écrit: "saisir" ce qui change le sens]

Plus loin dans le texte:

Il ne faut pas confondre la substance avec une sorte de pâte à modeler, matière première à partir de laquelle les formes seraient construites. La substance est la condition de toute émergence, le devenir lui même. L'émergence de chaque mode différent contient ce "tout" (sans énigme) de la substance, puisque cela veut dire: exister sous condition du devenir"

Mais je me trompe peut être de thème dans le forum ...

Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 02 déc. 2010, 16:41

mais enveloppée elle est infinie

bizarre ! enveloppée par autre chose ! non ?
Alors ce n'est pas vraiment Spinoziste ça .

Avatar du membre
bardamu
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 1024
Enregistré le : 22 sept. 2002, 00:00

Messagepar bardamu » 03 déc. 2010, 00:21

Bonjour,
recherche a écrit :1. En distinguant aussi nettement la "catégorie du corporel" de celle de l'esprit (et de ses projections), est-ce un dualisme que l'on professe ?

C'est plus précisément ce que j'aime appeler un "infinitisme" puisqu'il y a une infinité d'attributs.
Mais si on en reste aux 2 attributs ce n'est pas un dualisme au sens cartésien, au sens de deux substances distinctes puisqu'il s'agit de la même substance s'exprimant de deux manières. Si j'ai employé le terme "catégorie" c'était à dessein : dans "La notion d'esprit", Gilbert Ryle considérait que Descartes faisait une erreur logique en faisant 2 substance corps et esprit.
Et je ne suis pas loin de penser que l'exemple qu'il prend de la visite de l'université (cf le lien) peut s'appliquer avec Spinoza : on peut regarder le corps dans tous les sens, on n'y trouvera pas l'esprit parce que l'homme est défini par l'idée (en Dieu) d'un corps. Une chose et l'idée de cette chose ne se confondant pas, l'idée d'un corps n'est pas élément du corps. Donc l'esprit n'est pas dans le corps. Le simple fait de dire qu'on sent son corps implique qu'on distingue deux domaines logiques, celui de l'idée-sensation et celui du corps que je sens, l'idée et son objet.

Un pur matérialiste devrait exclure de son langage tout ce qui n'est pas du langage physique. Il ne devrait parler que d'énergie, de mouvement etc. C'est sans doute possible - Spinoza ne nie pas qu'on puisse tout décrire en termes physiques - mais c'est oblitérer la moitié de ce qui fait notre vie et sans doute la plus importante (désir, joie, tristesse, perception etc.).
recherche a écrit :2. "L'ensemble du Réel s'exprime d'une infinité de manières, dans une infinité de formes de puissance notamment..."

J'ai cru comprendre qu'avec Spinoza, ce "notamment" ne dissimulait non pas une érudition que l'on souhaitait taire par souci de concision mais une ignorance des autres manifestations de cette Substance (supposées en nombre infini).
Cette idée - où l'on affirme l'existence d'expressions qui nous sont "essentiellement" inaccessibles - n'est-elle pas problématique ? ou est-elle nécessaire ?

Oui.
On ne connaît que ce qui nous compose. Nous sommes l'idée d'un corps et donc on ne connaît, on ne vit, que sous ces deux registres.
La Nature a au minimum ces deux là puisque nous les avons, mais par le principe d'infinité, on accorde qu'elle est composée d'une infinité d'autres.
Ce que j'appelle "principe d'infinité" se base grossièrement sur l'idée que la Nature est dynamique, créative, et que cette créativité, cette positivité pure ne pouvant être limitée par rien fait qu'elle s'exprime à l'infini.
C'est un peu comme le principe d'inertie : un corps en mouvement dans le vide poursuit son mouvement à l'infini. La Nature en mouvement, en création, s'exprime à l'infini.
Ce qui semblerait problématique à Spinoza c'est qu'on limite le nombre d'attributs : qu'est-ce qui empêcherait la Nature de s'exprimer à l'infini dès lors qu'elle est toute positivité, que le néant n'est rien ?

A vrai dire, on peut nier cette infinité si on nie la distinction corps-esprit, si on réduit la Nature au corps par exemple, si on fait un matérialisme strict. Dans ce cas-là, on ne reconnaît pas cette puissance d'expression en catégories distinctes, on n'enclenche pas la dynamique de distinction des attributs.
recherche a écrit :Et pourtant, ces perceptions corporelles que vous supposez ici indissociables sont l'oeuvre de processus bien spécifiques, et dont le fonctionnement peut être individuellement altéré.

Bref, il n'y a là à mon sens rien d'aussi évident.

Quand tu dis "processus", je suppose qu'il faut entendre "processus physique". Ce qu'il faut bien saisir c'est que Spinoza admet tous les processus physiques qu'on veut, admet qu'on parle des structures neurologiques mais il faut bien distinguer entre les registres physiques et psychologiques quand on en parle, chose que notre langage a du mal à faire.
On dit que prendre un anxiolytique calme l'anxiété en agissant sur tel ou tel modulateur neurologique mais du point de vue de Spinoza c'est une manière incorrecte de parler.
Si on se place sur le plan physique alors l'action d'un anxiolytique ne devrait être expliquée qu'en termes physiques. On ne devrait parler que de molécules modifiant la réceptivité de synapses, de modification de la dynamique de réseaux neuronaux etc.
Un biologiste qui découpe un cerveau ne lui demande pas si il est anxieux. L'anxiété est un terme de psychologie qui se réfère à une autre procédure d'analyse, à un autre aspect de notre vie : comment allez-vous ? pas trop anxieux ?
Il n'y aurait pas d'anxiolytiques si il n'y avait pas quelqu'un venant dire : docteur, j'ai des angoisses. De même, il n'y aurait pas de télescopes chez des physiciens aveugles, les étoiles ne feraient pas partie de leur monde.
C'est toujours le même problème : peut-on se passer de la distinction radicale entre le registre du corps et de l'idée, entre le fait de vivre et le vécu ? On peut savoir ce qu'est une chauve-souris mais qu'est-ce que ça fait d'être une chauve-souris comme disait Nagel ?
recherche a écrit :Cette connaissance immédiate de la "Substance-Dieu" par elle-même me laisse ainsi encore perplexe, alors que je n'aie pas encore localisé le "centre" que Spinoza lui situe.

Le "centre" ?
Une sorte de Dieu personnel, de conscience disant "je veux" ?
Il n'y a pas ça chez Spinoza et c'est une des raisons qui font qu'il est considéré comme athée par nombre de croyants.
recherche a écrit :"nos globules rouges sont les produits d'une puissance humaine..."

Je ne comprends pas cette phrase. Je dirais plutôt qu'ils en sont (une partie) de la cause !

Est-ce qu'il y aurait du sang humain sans homme ?
Comment un globule rouge pourrait être dit "humain" sans un "système homme" le caractérisant comme tel ?
On est habitué à une sorte de logique par construction, par brique, où on dit que c'est la brique qui fait le mur, les points qui font la ligne. Mais en vérité, comme dit Spinoza, accumuler une infinité de points ne fait pas une ligne, chose que savent bien les mathématiciens : un point est de dimension zéro, une infinité de points reste aussi de dimension zéro, et c'est un saut qualitatif qui fait qu'on passe à la dimension 1, qu'on passe à la ligne. Idem pour passer de la ligne à la surface, de la surface au volume.
Spinoza part donc de la réalité la plus riche, infiniment riche, contenant d'emblée toutes les dimensions, et ne fait que distinguer ces différentes dimensions. Dans tel volume on distingue telle ligne sur laquelle on distingue tel point. Dans l'infinité des attributs on distingue des êtres à deux attributs, à deux dimensions (idée-corps, idée d'un corps) et dans cet ensemble on distingue des individus particuliers dont l'organisation spécifique est dite humaine. Et dans chacun de ces individus on distingue l'organisation spécifique "globule rouge" selon la dimension "corps".

recherche a écrit :Je ne vous rejoins absolument pas sur ce point.

Spinoza était en passe de devenir talmudiste ; il ne pouvait ignorer qu'au regard du judaïsme, le caractère immanent de Dieu est crucial pour nous autres, sans toutefois qu'il ne lui soit récusé un caractère également transcendant.
Les deux mouvements s'y épanouissent largement, et étudier dans ce contexte leur dynamique m'est d'ailleurs intéressant.

Merci beaucoup

Ah, je crains que le Herem qu'il a subi de la part de la synagogue d'Amsterdam n'hypothèque sérieusement ses chances d'être talmudiste.
Certes le caractère immanent de Dieu se trouve dans certaines pensées religieuses mais justement Spinoza nie la transcendance divine et le Dieu personnel. Par exemple, son "Dieu" ne se soucie de l'homme que par l'homme, c'est l'homme en tant qu'il est partie de Dieu-Nature qui incarne ce souci. Il n'y a rien en dehors de l'homme qui se soucie de l'homme (sauf nos parasites, animaux de compagnie et autres commensaux...).

Avatar du membre
QueSaitOn
persévère dans sa puissance d'être ici
persévère dans sa puissance d'être ici
Messages : 124
Enregistré le : 14 août 2010, 00:00

Messagepar QueSaitOn » 03 déc. 2010, 21:13

bizarre ! enveloppée par autre chose ! non ?


OK pas envelopé, le terme de Benasayag est peut être inadéquat, mais en tout cas "autant présent dans la partie que dans le tout" (E2P37), faut de quoi aucune connaissance adéquate n'est possible en théorie.

Voir la substance donc comme une sorte de pâte première, avoir cette vision "spatiale" de la substance ne pemet pas de comprendre comment la béatitude serait possible en théorie.

Les haîkus par exemple sont typiquement une saisie du "tout" dans la partie qui est à la fois le poème objet réel et le paysage (mental et "extérieur"), non ?

Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 03 déc. 2010, 23:31

cher QueSaitOn

Je ne connais pas M Benasayag ( sauf de nom comme on dit) je n'ai rien lu de lui .
Tel que, je ne comprends pas bien cette substance enveloppée , mais lui doit comprendre .
En dire plus serait d une folle outrecuidance .

Avatar du membre
recherche
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 292
Enregistré le : 06 nov. 2010, 00:00

Messagepar recherche » 05 déc. 2010, 01:26

Bonsoir,

Pour quelle raison Spinoza récuse-t-il toute idée de finalisme ?

Merci

Avatar du membre
Alexandre_VI
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 257
Enregistré le : 26 mai 2008, 00:00

Messagepar Alexandre_VI » 05 déc. 2010, 04:51

recherche a écrit :Bonsoir,

Pour quelle raison Spinoza récuse-t-il toute idée de finalisme ?

Merci


Parce que le finalisme suppose qu'un produit de la nature a été réalisé par une intelligence ou qu'un processus naturel est guidé par une intelligence. Ce qui suppose que cette intelligence aurait pu ne pas intervenir et donc la nature être autrement...

Alors que pour Spinoza, les phénomènes de la nature s'enchaînent selon une nécessité métaphysique parfaite et non planifiée. Pour les croyants, l'existence des lois de la nature est contingente: elles auraient pu ne pas exister, et même si elles existent, on peut concevoir leur interruption miraculeuse. Pour Spinoza, les lois sont nécessaires et immuables. Elles ne sont pas posées dans l'existence par un décret divin. Elles sont l'expression nécessaire et inévitable de la nature de la Substance.

Je crois aussi me souvenir que pour Spinoza, la finalité est une explication paresseuse. Elle n'explique pas de façon pertinente le pourquoi des choses, mais au contraire donne une pseudo-raison.


Retourner vers « L'ontologie spinoziste »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 35 invités