être et devenir dans la pensée de Spinoza

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 06 janv. 2011, 00:00

PS à Symbiose: vous-même, Hokousai et moi avons écrit nos derniers messages en même temps. Mon dernier message était censé venir après celui de Sescho, et n'est pas un commentaire du message que Hokousai ou vous-même venez de poster, messages que je n'ai pas encore eu l'occasion de lire ... .

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Messagepar Louisa » 06 janv. 2011, 02:42

Symbiose,

je viens de lire votre avant-dernier message.

Je ne vois pas le lien entre les opinions concernant la vérité etc. que vous m'attribuez, et ce que j'ai écrit. Si vous pensez qu'il y en a un, il vaut mieux me citer puis expliquer comment vous interprétez ce que j'écris. Idem d'ailleurs en ce qui concerne ce que vous dites de l'idée de vérité proposée par Spinoza.

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symbiose
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Messagepar symbiose » 06 janv. 2011, 10:12

Louisa, quand vous dites:

"Ce que vous semblez faire ainsi, c'est supposer que, lorsque dans une discussion qui porte sur l'interprétation d'un texte philosophique, un interlocuteur adopte une autre interprétation que vous, alors il doit faire de lui-même plus d'état qu'il n'est juste.

C'est dire que vous évacuez d'office la possibilité que c'est vous, et non pas l'autre, qui se trompe.

A mon sens, c'est comme si l'on voulait se déclarer vainqueur d'un combat avant s'être engagé dans le combat .."

Vous supposez donc que la Vérité jaillira du débat, et qu'il faut adopter un profil bas en présentant ses interprétations au cas où on aurait tort. Mais si vous avez travaillé méthodiquement avant, le doute n'est pas possible.

La vérité ne ressort pas du doute et de l'humilité. C'est l'anti-cartésianisme de Spinoza. je l'ai déjà dit, et cité Spinoza, dans mon exposé sur le TRE.

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Messagepar Louisa » 06 janv. 2011, 19:25

@ symbiose

ok, je vois le lien, merci de l'explicitation.

En passant: si vous souhaitez citer un passage d'un message en indiquant son auteur (moi par exemple), vous pouvez le faire en écrivant le code suivant au début de la citation, en enlevant les espaces entre les lettres et signes (je dois les ajouter ici sinon vous ne le verriez pas apparaître dans ce message, puisque l'ordinateur le lirait comme un code):

[ q u o t e = " l o u i s a " ]

Le code pour clôturer la citation: [ / q u o t e ]


symbiose a écrit :Vous supposez donc que la Vérité jaillira du débat, et qu'il faut adopter un profil bas en présentant ses interprétations au cas où on aurait tort. Mais si vous avez travaillé méthodiquement avant, le doute n'est pas possible.

La vérité ne ressort pas du doute et de l'humilité. C'est l'anti-cartésianisme de Spinoza. je l'ai déjà dit, et cité Spinoza, dans mon exposé sur le TRE.


Je pense qu'il y a trois questions différentes ici:

1. comment atteindre la vérité? Question épistémologique.
2. comment transmettre la vérité? Question pédagogique.
3. comment construire un forum de discussion philosophique électronique? Question technique.

Je commence par la dernière question.

3. Comment construire un forum de discussion philosophique électronique?
Question technique.

Comme déjà dit, à mon sens un forum ne peut marcher que si l'on respecte les règles de base de la politesse. Cela signifie argumenter en utilisant des arguments qui portent sur le sujet en discussion et non pas sur la personne même de son interlocuteur, et avoir la discipline de ne pas utiliser des noms de oiseaux quand l'opinion ou le comportement d'un intervenant ne vous plaît pas.

Les forums que je connais où les modérateurs enlèvent systématiquement les messages qui transgressent cette simple règle de base, fonctionnent très bien, au sens où l'on peut y avoir des débats qui vont très loin, avec des gens qui parfois pensent très différemment.

En revanche, lorsqu'on laisse chacun se fâcher et insulter autant qu'on en a envie, le niveau du débat devient très vite celui d'une discussion de café de commerce, on n'approfondit plus rien, et la seule façon d'éviter que cela n'explode c'est de ne carrément pas lire ou répondre à certains messages voire certains intervenants. Ce qui au fond n'est pas très poli non plus (vous avez suggére cela dans un de vos messages ci-dessus, et je veux bien vous accorder ce point; seulement, je pense qu'en l'absence de modérateurs, c'est le seul moyen de maintenir un forum en vie).

Or, je commence à comprendre qu'il existe une "catégorie" de gens qui se revendiquent de Spinoza pour pouvoir insulter leur interlocuteur lorsqu'ils ne sont pas d'accord. Ce serait même une nécessité morale, et ce serait faire preuve d'une grande "force d'âme" etc. Vous n'êtes pas du tout le seul à défendre ce point de vue sur ce forum. Dans ce cas en effet, je comprends que ma première réponse à ce sujet (il y a quelques jours, lorsque je parlais déjà d'un problème "technique") n'est pas suffisant. Pour ces gens, la technique n'est qu'un moyen, pour ainsi dire. Si on pense avoir raison et l'autre tort, alors l'autre doit être un imbécile et il vaut mieux le lui dire, car ce serait Spinoza lui-même qui nous dicterait de nous comporter ainsi. Mais alors on ne parle plus de la bonne gestion quotidienne d'un forum de discussion, on parle en fait d'une question pédagogique.

2. Comment transmettre la Vérité?
Question pédagogique.

Supposons qu'il est possible de posséder la vérité ultime quant à l'interprétation du texte spinoziste. Supposons que vous voulez divulguer cette Vérité. Comment s'y prendre?

Ajoutons encore l'hypothèse que non seulement vous avez compris le vrai sens du texte (tel que Spinoza a essayé de le faire avec la Bible: trouver une réponse à la question "que dit le texte vraiment, et que ne dit-il pas?"), vous pensez aussi que ce sens est vrai en soi, c'est-à-dire vous y adhérez, vous y croyez (= vous pensez que ce que Spinoza écrit est vrai).

Dans ce cas, il faut aller chercher dans le texte de Spinoza même la réponse à la question pédagogique. Spinoza parle-t-il de la divulgation de sa doctrine, et si oui, qu'en dit-il?

C'est à ce sujet que je ne pourrais pas plus être en désaccord avec ce que vous dites. Mais vous n'êtes pas du tout le seul sur ce forum à proposer et pratiquer ce que vous venez de dire et faire dans ce fil, je dirais même qu'à mon sens au moins deux modérateurs du forum sont parfaitement d'accord avec l'idée sous-jacente. Raison en plus pour s'y attarder un instant donc.

Constatons d'abord que Spinoza ne parle jamais directement de la pédagogie. Deleuze dirait peut-être: c'est normal, parce qu'il avait mieux à faire, il avait à inventer une nouvelle philosophie (voir CDs sur Spinoza).

Mais on peut quand même trouver des passages où il s'agit indirectement de ce genre de problèmes. Ce que je vais essayer de montrer, c'est que tous les passages que l'on peut trouver et qui portent sur la pédagogie, disent exactement l'inverse de ce que vous proposez. A vous de me montrer les passages qui prouvent votre point de vue, si vous voulez bien.

On peut commencer par le TRE, G9-B17. Spinoza y énumère les "règles de vie" qu'il vaut mieux adopter pendant que l'on essaie d'atteindre la perfection humaine suprême, puisqu'entre-temps il est bien nécessaire de vivre. Première règle:

"Parler et mettre en oeuvre selon ce qui séduit le commun toutes les choses qui n'apprent en rien un empêhcement pour l'atteinte de notre but. Car ce n'est pas peu de profit que nous pouvons acquérir de lui, sous condition que nous fassions des concessions à ce qui le séduit, autant que faire se peut; ajoute que d'une telle manière ils tendront les oreilles amicales pour écouter la vérité."

Donc: si nous voulons que "le commun", qui ne possède pas encore la vérité, nous écoute, il va falloir d'abord le séduire pour qu'au moins il écoute. C'est l'inverse de l'insulter, de commencer à crier qu'il est un imbécile, un impuissant, un orgeuilleux, un vaniteux, un pervers ou un schizophrène etc. Spinoza nous le dit clairement ici: cela ne marche pas. Il faut d'abord une méthode pour obtenir des "oreilles amicales", et ces méthodes sont "émotionelles", il s'agit de "séduire" le commun, afin qu'il commence à être intéressé par ce que vous dites, et va tendre l'oreille.

Pourquoi serait-ce ainsi? Les prêtres n'adoptent-ils pas la méthode inverse, n'apprennent-ils pas à leurs ouailles de d'abord se sentir tout petit, coupable de tout ce qui ne va pas dans leur vie, grands pécheurs etc.? Leurs prêches ne sont-ils pas de longues tirades qui énumèrent en détail tous les vices de la nature humaine, supposant que plus on en parle, plus les gens se repentiront et essayeront - grâce à quelques punitions supplémentaires, éventuellement - de changer?

De mon point de vue, l'Ethique montre très clairement que cette méthode pédagogique ne peut que foirer voire rendre les choses pire encore.

Pour le dire en une phrase: plus on est obsédé par les passions tristes (car les vices sont des passions tristes), plus on en parle, plus on provoque de la Tristesse et impuissance. C'est l'inverse d'une méthode pédagogique digne de ce nom. Voyons ce qui dans l'Ethique confirme cette idée.

Supposons que quelqu'un arrive qui n'a pas encore vu La Lumière, et qui défend une idée que nous, Illuminés, on sait être fausse. Et qu'on adopte la méthode que vous proposez et pratiquez: on commence à l'insulter, à dire qu'il est un imbécile, impuissant, orgueilleux (la pire des vices, selon Spinoza) etc. Que va-t-il se passer, selon le texte de l'Ethique?

Il y a deux possibilités:

1. l'imbécile en question a déjà compris au moins une chose du spinozisme, l'E4 ch.14: "Il vaut donc mieux supporter leurs offenses d'une âme égale, et consacrer tout son zèle à ce qui contribue à installer concorde et amitié.. Vous commencez à l'insulter publiquement, mais il supporte tout cela d'une âme égale. Il va se dire que visiblement vous vous laissez emporter par une colère, donc une idée inadéquate, qu'il ne pourra comprendre puisqu'elle est inadéquate, et il attendra que vous vous calmiez un peu avant de poursuivre la discussion. Dans ce cas, vos paroles de "Maître" ne lui atteigneront tout simplement pas, il n'aura rien entendu ni appris.

2. possibilité plus probable puisqu'on s'adresse à un orgueilleux imbécile, c'est-à-dire quelqu'un qui n'a pas encore compris Spinoza et qui vit sous la conduite de ses passions: il réagit selon se que prévoient l'E3P55 et E4P53. On va lui dire qu'il est un impuissant, orgueilleux, etc., et il se sentira ce que Spinoza appelle "l'Humilité":

Spinoza dans l'E3P55 a écrit :Quand l'Esprit imagine son impuissance, par là même il est triste.

DEMONSTRATION.

L'essence de l'Esprit affirme seulement ce qu'est et peut l'Esprit, autrement dit, il est de la nature de l'Esprit d'imaginer seulement ce qui pose sa puissance d'agir. Quand donc nous disons que l'Esprit, en se contemplant, imagine son impuissance, nous ne disons rien d'autre, sinon que, tandis que l'Esprit s'efforce d'imaginer quelque chose qui pose sa puissance d'agir, ce sien effort est contrarié, autrement dit qu'il est triste. CQFD.

COROLLAIRE.

Cette Tristesse est de plus en plus alimentée si on s'imagine blâmé par les autres.

SCOLIE.

Cette Tristesse qu'accompagne l'idée de notre faiblesse s'appelle Humilité.


Autrement dit, vous pouvez appeler votre interlocuteur "orgueilleux", "vaniteux", "impuissant" etc. autant que vous voulez, mais si votre hypothèse est correcte et s'il vit sous la conduite des passions au lieu de la raison, il ne supportera pas ces blâmes d'une âme égale, il commencera réellement à imaginer son impuissance, et il en sera Triste, c'est-à-dire (en vertu même de la définition de la Tristesse (E3 déf. des affects 3) sa puissance diminuera, il deviendra plus impuissant encore, c'est-à-dire plus sujet aux passions encore, il comprendra encore moins La Vérité.

Donc à mon sens c'est Spinoza lui-même qui montre qu'un "pédagogie du blâme" ne peut qu'avoir l'effet inverse de ce qu'on veut obtenir.


Si l'on veut que quelqu'un d'autre comprenne davantage ce que nous pensons déjà avoir compris, d'un point de vue spinoziste on veut qu'il devienne (et nous rejoignons - enfin ... :wink: - le thème original de ce fil) plus puissant, et il n'y a qu'un moyen de rendre quelqu'un d'autre plus puissant: nouer un lien d'Amitié.

Car "Nous ne savons avec certitude être bien ou mal que ce qui sert véritablement à comprendre, ou ce qui peut nous empêcher de comprendre." (E4P27).

Blâmer quelqu'un, c'est provoquer chez lui (s'il n'est pas déjà un tant soit peu spinoziste) de l'Humilité, et "L'Humilité est une Tristesse qui naît de ce qu'un homme contemple son impuissance ou faiblesse[/i]" (E3 déf. des affects 26). Tout ce qui diminue notre puissance est mauvaise, car plus nous sommes impuissants, moins nous comprendrons.

En effet, comme le dit Spinoza plus loin:

Spinoza dans l'E4P53 a écrit :L'Humilité n'est pas une vertu, autrement dit, elle ne naît pas de la raison.

DEMONSTRATION.

L'Humilité est une Tristesse, qui naît de ce que l'homme contemple sa propre impuissance. Et l'homme, en tant qu'il se connaît par la vraie raison, est supposé comprendre son essence, c'est-à-dire sa puissance. Et donc si l'homme, tandis qu'il se contemple, perçoit en soi quelque impuissance, cela ne provient pas de ce qu'il se comprend mais de ce que sa puissance d'agir se trouve contrariée. (...).


Conclusion: à mon sens l'essence même d'une pédagogie "spinoziste" se trouve parfaitement résumée dans l'E4 ch.13:

Spinoza a écrit :(...) ET CEUX QUI, AU CONTRAIRE, S'ENTENDENT A CRITIQUER LES HOMMES, ET A REPROUVER LES VICES PLUTOT QU'ENSEIGNER LES VERTUS, ET, AU LIEU D'AFFERMIR LES AMES D'HOMMES, A LES BRISER, CEUX-LA SONT PENIBLES ET A SOI ET AUX AUTRES; ET C'EST POURQUOI BEAUCOUP, L'AME TROP IMPATIENTE, ET DANS UN FAUX ZELE DE RELIGION, préfèrent vivre parmi les bêtes plutôt que parmi les hommes; (...).


La question primordiale qu'un pédagogue spinoziste doit se poser c'est: comment vais-je AFFERMIR l'âme de mon élève, au lieu de la rendre plus impuissante encore ... ?

La réponse: surtout pas en lui faisant contempler son impuissance.

C'est pourquoi je pense que ceux qui sur ce forum pensent que c'est leur devoir d'aller à la chasse des vices et impuissances des autres, et de souligner le plus possible combien ceux qui n'ont pas encore "vu" ce qu'eux, Illuminés, ils ont vu, sont "orgueilleux" s'ils lisent Spinoza autrement ou ne sont pas sensibles à leurs arguments, se trompent quand ils pensent que ce faisant, ils adoptent une attitude spinoziste. Ils font plutôt l'inverse de ce que le texte enseigne.

Raison pour laquelle je leur demande d'indiquer les passages dans le texte qui pourraient leur donner raison et rendre les passages que je viens de citer moi-même impertinentes.

Le seul argument avec lequel on revient toujours, c'est un argument qui n'a rien à voir avec la doctrine spinoziste elle-même: on réfère au fait que dans sa vie concrète, l'homme "historique" qu'était Spinoza a aussi critiqué et blâmé certains de ses contemporains, les a méprisé, s'est moqué d'eux etc.

Je rejette cet argument. Il ne serait valide que si dans sa doctrine même, Spinoza aurait dit que l'on ne sait pas vivre de manière spinoziste si l'on ne s'en tient qu'à l'Ethique, on doit aussi faire ce que le christianisme fait: utiliser la vie du saint (ici: du philosophe) comme "exemple à suivre". Or Spinoza ne dit jamais une telle chose. Il dit en revanche que "il ne peut se faire que l'homme ne soit pas une partie de la Nature, et puisse ne pâtir d'autres changements que ceux qui peuvent se comprendre par sa seule nature, et dont il est cause adéquate" (E4P4). Par conséquent, "de là suit que l'homme, nécessairement, est toujours sujet aux passions (...)" (cor. E4P4).

Commencer à "imiter" les passions de l'homme singulier qu'était Spinoza est donc aussi "bête" que de commencer à imiter le comportement des bêtes simplement parce qu'en tant qu'hommes nous sommes des animaux aussi.

C'est pourquoi les passions Tristes de Spinoza telles qu'on les voit par exemple dans certaines de ses lettres ne peuvent JAMAIS être une "excuse" pour nous y livrer aussi, et encore moins un exemple à suivre.

Devenir plus "sage" n'est pas une question d'imiter la vie de tel ou tel homme, contrairement à ce que nous enseigne mil ans de théologie chrétienne, c'est une question de comprendre davantage, sachant que la compréhension est une Joie, et que "plus grande est la Joie qui nous affecte, plus grande la perfection à laquelle nous passons, c'est-à-dire, plus nous participons, nécessairement, de la nature divine" (E4P45 scolie du cor. II), et sachant que la plus grande Joie est à la fois la plus grande Satisfaction de l'Âme, le plus grand Amour de soi, et le plus grand Amour des autres et de Dieu. Cet Amour étant un amour "intellectuel", c'est-à-dire toujours une idée vraie.

Ce qui nous amène à la dernière question:

3. Comment atteindre la vérité?
Question épistémologique.

Pour ne pas allonger davantage un message déjà long, je reprends cette question dans un message suivant.

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Messagepar Louisa » 06 janv. 2011, 21:06

3. Comment atteindre la vérité?
Question épistémologique.

Je pense que vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que si on s'interdit d'appeler ceux qui ne sont pas d'accord avec notre interprétation du spinozisme des "orgueilleux" etc., on doit adopter une autre idée de la vérité que si l'on croit en cette méthode.

C'est la deuxième raison pourquoi en effet, on ne peut réduire nos divergences à ce sujet à un pur problème technique, comme je le proposais au début. Il faut aussi expliciter quel concept de la vérité on utilise pour pouvoir fonder telle ou telle approche de l'"Orgueil" et de l"impuissance" que l'on pense pouvoir déceler chez quelqu'un d'autre.

Car en effet, tous ceux que j'ai vu pratiquer (et défendre, mais vous êtes peut-être quand même le premier à expliciter si clairement les présupposés de base d'une telle pratique) la "méthode" qui consiste à blâmer les intervenants qui interprètent Spinoza autrement, qui ne sont pas sensibles à certains arguments, ou qui n'acceptent tout simplement pas certaines thèses centrales du spinozisme, donc tous ceux qui pensent qu'il est "orgueilleux" de ne pas être d'accord avec leur interprétation et que seuls des "impuissants" peuvent ne pas être d'accord (voire des malades mentaux), revendique la même conception de la vérité que vous proposez ici.

Vous ne fondez pas vraiment cette conception dans le texte, mais d'autres l'ont déjà fait avant vous. On réfère alors au fameux énoncé de Spinoza formulé dans le scolie de l'E2P43:

"Il est sûr que, de même que la lumière manifeste à la fois elle-même et les ténèbres, de même la vérité est norme d'elle-même et du faux."

Je suppose que c'est à des passages comme celui-ci que vous référez implicitement lorsque vous dites:

symbiose a écrit :(...) pour Spinoza, la Vérité se présente de façon lumineuse et sans aucun doute dans un rapport réflexif individuel.


On utilise souvent aussi la proposition E2P43 elle-même:

"Qui a une idée vraie, en même temps sait qu'il a une idée vraie, et ne peut pas douter de la vérité de la chose."

C'est ainsi qu'on se dit que si on est en train de lire Spinoza et on fait vraiment un effort pour le comprendre, tout ce qu'on pense avoir compris doit nécessairement être vrai.

Par conséquent, douter de ce qu'on pense être vrai, ce n'est pas la méthode à adopter, contrairement à ce qu'a conseillé Descartes. Ou comme l'a dit Sescho un jour (car c'est bien lui qui à mon sens est sur ce forum celui qui est le plus proche de la position que vous défendez ici (pédagogie de l'insulte combinée avec une méfiance par rapport au doute et une croyance en la vérité absolue de sa propre interprétation de Spinoza, ce qui fait tomber tous ceux qui ne sont pas d'accord dans la catégorie des impuissants et orgueilleux): le doute comme méthode est "maladif". Il est malsain de douter de ce qu'on sait être vrai. C'est une faiblesse de l'âme, etc.

Comme vous l'auriez entre-temps compris, je ne suis pas du tout d'accord avec cette interprétation de l'épistémologie spinoziste.

On pourra écrire des livres entiers sur le concept spinoziste de la vérité, mais je ne pense pas que cela soit nécessaire pour montrer en quoi l'interprétation que je viens de résumer est erronnée, c'est-à-dire n'est pas cohérente avec d'autres passages du texte spinoziste.

Deux arguments principaux devraient permettre de comprendre pourquoi.

D'abord, comme l'a bien vu Pierre-François Moreau (voir ses cours sur le TRE, donnés à l'ENS de Lyon et disponibles sur le site de l'Ecole, ainsi que dans l'un des liens qui figurent sur spinozaetnous.org), Spinoza et Descartes utilisent des concepts très différents du "doute".

Pour Descartes, le doute peut être "méthodique", et alors il relève d'une décision. Douter "méthodiquement", c'est mettre en suspens toutes les vérités auxquelles on adhère, afin d'en trouver une sur laquelle on va construire tout son système, parce que chaque fois qu'on essaie de ne pas y adhérer, on voit que c'est impossible, on ne peut pas mettre sa vérité en question. On sait que pour Descartes, une seule vérité ne résiste à ce doute méthodique, c'est le cogito sum. Toutes les autres vérités ne sont valides que si l'on peut les déduire de ce premier principe.

Je pense que vous-même et Sescho avez raison de rejeter le doute cartésien, si vous voulez être spinozistes, mais à mes yeux vous le faites pour des mauvaises raisons.

Vous dites que si Spinoza dit que la vérité est norme d'elle-même, cela doit signifier que chaque fois que l'on ne doute pas de la vérité de l'une de nos idées, cette idée doit nécessairement être vrai, commencer à en douter ne sert à rien, au contraire même, est maladif.

(Il faut dire que je ne comprends pas trop ce qui vous fait avoir une telle confiance en les paroles de Spinoza pour immédiatement y croire, mais passons. Dans le cas de Sescho je pense que cette confiance s'explique par "l'Admiration": Spinoza est un "grand esprit", et certains aspects de ce qu'il a dit peuvent être interprétés d'une telle façon que cela corrobore des aspects de la psychanalyse de Paul Diel et du Veda et du bouddhisme, et il suppose que tous ces courants de pensée ne peuvent pas s'être trompé, donc Spinoza doit avoir raison aussi; dans votre cas je n'ai pas encore compris sur quoi vous basez une telle confiance. Mais encore une fois, passons, cela n'est pas très important ici, ici on essaie juste de bien comprendre ce que fait Spinoza, sans décider déjà s'il faut le croire ou non).

Autrement dit, de votre point de vue, la définition spinoziste de la vérité rend le doute cartésien superflu, voire dangereux.

Spinoza semble effectivement rejetter le doute cartésien, mais non pas pour les raisons que vous donnez. Il propose en effet un nouveau concept de la vérité, mais ce que vous omettez, c'est qu'en même temps il propose un nouveau concept du doute.

Comme l'explique Moreau, le doute cartésien est pour Spinoza un doute "artificiel", un doute "technique", un simple instrument. C'est très différent d'un doute au sens spinoziste, qui est un doute "existentiel", tel que Spinoza lui-même nous en fait part au tout début du TRE:

"Je me voyais, en effet, me retourner dans un péril suprême et être obligé de chercher de mes suprêmes forces un remède, fût-il incertain; comme un malade, souffrant d'une maladie mortelle, qui, lorsqu'il prévoit une mort certaine si ne lui est appliqué un remède, est forcé de chercher de ses suprêmes forces celui-là même, quoique incertain: tout son espoir n'est-il pas situé en lui?"

On voit bien que le doute dont parle Spinoza ici n'est pas une question de "décision", n'est pas une question de temporairement mettre les certitudes et vérités que l'on possède en question pour essayer de les fonder ou remplacer par d'autres. Spinoza n'a pas le choix: il vit dans une incertitude totale, sachant qu'on ne peut pas rester trop longtemps dans un tel état, et que de prime abord, on ne dispose pas de remède.

Autrement dit: Descartes ne souffre absolument pas lorsqu'il décide d'appliquer son doute méthodique, alors que Spinoza est frappé par un doute existentiel extrêmement douloureux.

C'est dire qu'on ne parle pas de la même chose lorsqu'on utilise le mot "doute".

Et en effet, dans l'Ethique Spinoza va expliquer ce qu'il va appeler "doute". Je commence par sa formulation la plus frappante, qui est exactement ce qui à mes yeux manque lorsque vous ou Sescho parlez du doute (en d'autres termes, ce qui manque pour moi dans vos interprétations c'est une conception proprement spinoziste du doute, vous en restez au doute cartésien, le doute méthodique, et voulez évacuez tout doute sur base de l'idée que la vérité est norme d'elle même):

"Car une chose est, comme nous l'avons montré, de ne pas douter d'une chose, et autre chose d'avoir la certitude de la chose (...). (E3 déf. 15 des affects).

Ce que vous faites, c'est voir si spontanément, vous doutez de votre interprétation de Spinoza ou non. Si ce n'est pas le cas, vous supposez qu'elle doit être certaine et vraie, et que décider de la mettre en question ou laisser interroger par ceux qui ne sont pas d'accord avec vous ne sert à rien, voire est dangereux car cela risque de vous faire dévier de la "voie illuminée".

Or chez Spinoza, encore une fois, l'absence de doute n'est pas la certitude/vérité.

Il l'explique plus en détail dans l'E2, et revient souvent là-dessus dans l'E3 et E4 (passages sur la distance de notre oeil au soleil, passages sur le flottement entre l'Espoir et la Crainte, etc., qui sont tous des illustrations de la même idée, proposée et expliquée dans l'E2).

Deux passages développent le concept proprement spinoziste du doute: E2P43 scolie, et E2P49 scolie. Commençons par le premier:

Spinoza a écrit :Car nul, qui a une idée vraie, n'ignore que l'idée vraie enveloppe la plus haute certitude; parce avoir une idée vraie ne signifie rien d'autre que connaître une chose de manière parfaite, autrement dit excellente; et à coup sûr personne ne peut douter de cette chose, à moins de penser que l'idée soit quelque chose de muet comme une peinture sur un tableau, et non une manière de penser, à savoir le comprendre même; et, je le demande; qui peut savoir qu'il comprend une chose s'il ne comprend d'abord la chose? c'est-à-dire qui peut savoir qu'il est certain d'une chose s'il n'est d'abord certain de cette chose? Ensuite, que peut-il y avoir de plus clair et de plus certain que l'idée vraie, qui soit norme de vérité?


On le voit: dès qu'on a une idée, en douter est tout à fait impossible.

Cela montre déjà que votre peur du doute est infondé: si vous êtes vraiment certaine d'une idée au sens spinoziste de la certitude, le doute ne pourra jamais ébranler la vérité de cette idée. La décision de douter, ou le doute méthodique cartésien, ne peut pas être dangereux d'un point de vue spinoziste.

Ce qui est plus dangereux, c'est de ne pas avoir d'idées certaines, car dans ce cas on vit ou bien dans le doute, ou bien dans la fausseté, alors qu'on a besoin d'idées vraies pour comprendre et que sans comprendre nous ne pourrons faire ce qui est utile pour notre conservation et notre bonheur. Mais ce doute, proprement spinoziste, n'est pas le résultat d'une décision ou une méthode, c'est un état d'esprit où aucune de nos idées exclut l'existence de la chose par rapport à laquelle nous doutons, tandis que nous ne disposons pas d'idées qui affirment son existence non plus. C'est cela, le doute existentiel spinoziste. Mais cet étant "survient" en nous, au lieu d'être le résultat d'une décision.

Or, vous pourriez objecter que tout ceci est bien beau, mais que cela n'enlève rien de ce que vous venez de dire par rapport à la vérité, au contraire: si vous ne doutez pas, c'est que votre esprit n'est pas dans une situation de "flottement d'âme", et que cela même est bien la preuve de la vérité de votre idée.

Eh bien non. Il se fait que Spinoza fait une distinction entre l'absence de doute et la certitude. C'est cette distinction que vous même et Sescho semblez oublier. Spinoza, E2P49, scolie:

Spinoza a écrit :Par là, nous avons supprimé la cause qu'on attribue communément à l'erreur. Et plus haut nous avons montré que la fausseté consiste seulement dans la privation qu'enveloppent les idées mutilées et confuses. Et donc l'idée fausse, en tant qu'elles est fausse, n'enveloppe pas la certitude. C'est pourquoi, lorsque nous disons d'un homme qu'il acquiesce à des choses fausses, et qu'il n'en doute pas, nous ne disons pas pour autant qu'il est certain, mais seulement qu'il ne doute pas, ou bien qu'il acquiesce à des choses fausses parce qu'il n'y a pas de raisons qui fassent que son imagination soit flottante. Là-dessus, voire le Scolie de la Proposition 44 de cette partie. Qu'on suppose donc un homme adhérant autant qu'on voudra à des choses fausses, jamais pourtant nous ne dirons qu'il est certain. Car par certitude nous entendons quelque chose de positif, et non une privation de doute. Et par privation de certitude nous entendons la fausseté.


Cela signifie que jamais vous pouvez utiliser l'absence de doute comme "norme" de la vérité (du moins pas d'un point de vue spinoziste). Que vous ne doutiez pas de votre idée (par exemple de votre interprétation du texte spinoziste, ou du comportement d'un intervenant sur ce forum) n'est aucunément un argument pour la déclarer vraie et celle qui s'y oppose fausse.

Spinoza introduit ici, comme il le dit explicitement, des concepts tout à fait nouveaux des notions d'erreur, de fausseté, de certitude, de vérité et de doute.

C'est pourquoi l'énoncé "la vérité est norme d'elle-même" ne peut aucunement signifier que si je suis certaine d'une idée, au sens ordinaire du terme "certain", c'est-à-dire au sens où je n'en doute pas, alors elle doit être vraie. Ceci est non seulement une interprétation de la vérité qui va tout à fait à l'encontre du sens commun (tout le monde sait qu'on peut être certaine d'une idée puis constater qu'elle était néanmoins fausse), mais cette fois-ci Spinoza élabore même toute une théorie qui explique pourquoi dans ce cas-ci le sens commun a raison: l'absence de doute n'est pas la même chose que la vérité.

Cette redéfinition épistémologique implique que la fausseté n'est qu'une privation, tout comme l'impuissance n'est qu'une privation. Contrairement à l'hégélianisme par exemple, le négatif, la négation, n'a aucune consistance propre, n'est pas un "être", une force, que l'on peut utiliser pour atteindre l'un ou l'autre but.

Il devient ainsi aussi absurde d'aller chasser les faussetés et erreurs (chez l'autre ou chez soi-même) qu'il est absurde d'aller chasser les impuissances et faiblesses (chez l'autre ou chez soi-même): cela revient à chasser des fantômes, des non-êtres.

D'autre part, le spinozisme ne fait en rien l'économie de la vérification, puisque ne pas douter de nos idées n'est pas suffisant pour être déjà dans le vrai, alors que personne, pour autant que je sache, a pour l'instant déjà bien compris ce que Spinoza veut dire par "certitude", une fois qu'on la dissocie de son sens dans le langage ordinaire (absence de doute).

C'est pourquoi il me semble qu'il faut être beaucoup plus prudent que ce que vous ou Sescho fait, du moins si l'on veut mettre la doctrine spinoziste en pratique. On ne peut pas se revendiquer de Spinoza lorsqu'on refuse de vérifier ses propres idées en s'imaginant que la définition spinoziste de la vérité rejette le doute méthodique cartésien. On ne peut pas non plus se revendiquer de Spinoza lorsqu'on décide que celui qui interprète Spinoza différemment ou qui rejette notre interprétation (dont pourtant nous ne doutons pas) est un "impuissant", "imbécile" ou "orgueilleux", puisque:

1. que l'autre ne doute pas de son interprétation ne signifie pas encore qu'il est dans la certitude au sens spinoziste, donc rien n'indique qu'il fait de lui "plus de cas qu'il n'est juste", et

2. que l'on ne doute pas de notre propre interprétation ne signifie en rien qu'elle est vraie. S'imaginer cela, ce serait en tout cas faire de soi-même plus de cas qu'il n'est juste ... .

CONCLUSION.

En effet, comme vous le dites, il faut utiliser des concepts différents de la vérité pour pouvoir adopter votre ou mon idée de la discussion philosophique. Mais j'y ajoute qu'il faut également adopter des concepts différents du doute et de la fausseté. Et j'espère avoir montré que les concepts de vérité et de doute que vous semblez proposer à mon sens ne s'accordent pas avec le texte spinoziste.

Mais ... puisque absence de doute n'est pas encore certitude ... il est clair que je peux me tromper, donc toute critique de ce que je viens d'écrire est la bienvenue.

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Messagepar sescho » 06 janv. 2011, 22:15

hokousai a écrit :écoutez Serge si vous commencez en inversant l'ordre des phrases de Spinoza
Qu' est ce que je peux faire ?

Ah ! mais s'il s'agit de Spinoza, il a toute licence pour mettre les mots dans l'ordre qu'il veut ; le fond est largement établi par ailleurs.

Spinoza a écrit :CT2Ch5 : (10) … Nous savons par expérience que Dieu seul a une essence et que les autres choses n'en ont pas, mais ne sont que des modes ; or les modes ne peuvent être bien compris sans l'essence dont ils dépendent immédiatement …

hokousai a écrit :La nécessité éternelle ne vient en fait QUE de ce que les choses ne peuvent aller autrement qu'elles ne vont .

...

On peut être conscient de Dieu ( un étant absolument infini ) et ne pas partager l'idée de nécessité éternelle des choses .

Il ne s'agit pas de n'importe quel concept de Dieu, il s'agit de la Nature narturante et naturée, qui est en soi et donc éternelle et aussi tout être. Nirguna et saguna brahman. Shunya (-ta), la vacuité, qui n'est pas le néant, la forme étant vacuité, et la vacuité forme (encore une fois Védanta et Bouddhisme sont considérés par tous les Maîtres comme identiques dans le fond, et ces Maîtres reconnaissent par ailleurs Jésus de Nazareth comme un Maître. Ainsi Spinoza, entre autres dont Ramana Maharshi, et aussi Ma Ananda Mayi, sauf erreur.)

hokousai a écrit :On peut avoir l'idée de nécessité éternelle des choses et ne pas voir une idée de Dieu.

Pas vraiment dans le cas qui nous occupe, puisque l'essence de Dieu, sa nature, est cette nécessité même en tant que concrétisée dans l'attribut, naturée, sa puissance égalant son essence. Ce qui est déterminé ne peut se rendre indéterminé. Ce qui est déterminé par soi est seul éternel, et finalement seul réel. L'être sans forme (la dimension de l'être, l'attribut) et l'énergie cosmique - le Mouvement - qui l'anime éternellement et porte toute forme.

Dieu n'est pas soumis au fatum. Il est le fatum même.

hokousai a écrit :Moi je ne prends parti ni pour les uns ni pour les autres
conscient de moi ET de Dieu ET des choses avec une certaine nécessité éternelle
dans l 'ordre du

et qui plus est dans la joie et la bonne humeur .

Amen !

Serge
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Messagepar symbiose » 06 janv. 2011, 23:54

Louisa, vous dites:

"C'est pourquoi les passions Tristes de Spinoza telles qu'on les voit par exemple dans certaines de ses lettres ne peuvent JAMAIS être une "excuse" pour nous y livrer aussi, et encore moins un exemple à suivre.

Vous interprétez comme passions tristes des choses qui n'en sont pas. Faire remarquer ses limites à quelqu'un n'est pas imposer des passions tristes, car sinon vos arguments tendraient à me rendre triste en me faisant remarquer mes erreurs. Et quel idiot ne se rendrait pas compte que derrière vos politesses vous indiquez à l'autre ses limites. Comme s'il suffisait de ne jamais employer le mot "impuissance" pour ne pas la renvoyer à l'autre à travers sa contre-argumentation... quelle naïveté et manque de finesse psychologique, que je vous incite depuis le début à repenser.
Ce qui compte, c'est de donner à l'autre la possibilité d'exercer une puissance, de ne pas le réduire à un état d'impuissance, de ne pas le contraindre dans cette position en lui faisant remarquer dans le seul but de le cantonner à cette impuissance. Lui faire remarquer une impuissance doit s'accompagner d'une incitation à la dépasser, afin qu'il puisse entrevoir la puissance à acquérir. C'est ainsi qu'il faut comprendre les comportements paradoxaux de Spinoza.


"Que vous ne doutiez pas de votre idée (par exemple de votre interprétation du texte spinoziste, ou du comportement d'un intervenant sur ce forum) n'est aucunément un argument pour la déclarer vraie et celle qui s'y oppose fausse."

Tu m'étonnes? Et vous pensiez vraiment que je ne l'avais pas à l'esprit? Me prendriez-vous pour un débile? Je vous ai bien précisé que l'assurance dans sa Vérité ne découle que d'une réflexion menée par une méthode assez exigeante pour apporter l'évidence de la Vérité. Faut-il s'astreindre à cette méthode... Je n'ai jamais dit que l'absence de doute était Vérité, mais que le doute ne pouvait diriger notre accès à la vérité, comme vous le savez. Donc, exprimer votre interprétation de Spinoza avec des doutes, que d'autres forumeurs pourraient vous aider à améliorer, montre votre peu d'application dans une méthode qui aurait du vous aider à ne plus douter.


"Ce que vous faites, c'est voir si spontanément, vous doutez de votre interprétation de Spinoza ou non. Si ce n'est pas le cas, vous supposez qu'elle doit être certaine et vraie, et que décider de la mettre en question ou laisser interroger par ceux qui ne sont pas d'accord avec vous ne sert à rien, voire est dangereux car cela risque de vous faire dévier de la "voie illuminée"

Encore une fois vous me prenez pour un idiot, Louisa. Comme si Spinoza était une idole à laquelle je n'osais toucher. Je philosophais avant Spinoza, et je philosopherai après. Comme je vous l'ai déjà dit, je pense avec Spinoza, pas comme Spinoza. Donc, en ce qui concerne l'interprétation de son texte, je m'impose une méthode de lecture générale et totale de chaque texte, pour retrouver l'esprit singulier de l'oeuvre, histoire de ne pas prêter à Spinoza une pensée qui n'est pas la sienne propre, et parallèlement je le resitue dans l'histoire de la philosophie (en utilisant les méthodes épistémologiques de Canguilhem et Foucault, qui ont apporté aux historiens les plus grands gages d'objectivité, et des travaux historiographiques ayant renouvelés le champs des savoirs). Ensuite je compare son point de vue aux autres philosophes, et l'utilise dans ce qu'il me permet de penser plus qu'avant, libérant ainsi mes capacités de réflexions d'inerties. Ce qui importe dans un philosophe, c'est ce qu'il crée comme pensée, comme possibilité nouvelle de penser (Deleuze est en ce sens celui qui a le plus fait avancer la réflexion sur la fonction de la philosophie).


"On ne peut pas non plus se revendiquer de Spinoza lorsqu'on décide que celui qui interprète Spinoza différemment ou qui rejette notre interprétation (dont pourtant nous ne doutons pas) est un "impuissant", "imbécile" ou "orgueilleux", puisque:

1. que l'autre ne doute pas de son interprétation ne signifie pas encore qu'il est dans la certitude au sens spinoziste, donc rien n'indique qu'il fait de lui "plus de cas qu'il n'est juste", et

2. que l'on ne doute pas de notre propre interprétation ne signifie en rien qu'elle est vraie. S'imaginer cela, ce serait en tout cas faire de soi-même plus de cas qu'il n'est juste ... ."

je n'ai jamais dit que le manque de doute chez l'autre était une forme d'impuissance, seulement la présence d'éléments qui prouvent son manque de méthode.


De toute manière Spinoza est contre le doute cartésien, cela est sur. Qu'il propose une méthode exigeante pour raisonner montre bien qu'il n'affirme pas la possibilité d'étaler ses aprioris sur la place publique.

Le doute n'est pas une bonne chose pour Spinoza, que cela soit en lien avec Descartes ou son propre ressenti du doute (dû au peu de crédit qu'il accorde au "je pense donc je suis" en poussant dans ses retranchements la logique cartésienne jusqu'à l'angoisse -Lacan a d'ailleurs beaucoup écrit sur le sujet angoisse/langage, et valide les vues de Spinoza-).

"On le voit: dès qu'on a une idée, en douter est tout à fait impossible".
C'est ce que je vous disais aussi dans mon précédant post.

Je n'ai pas peur du doute, je le réfute comme possibilité de faire avancer le savoir. Si vous voulez faire avancer les connaissances de votre interlocuteur en lui faisant admettre qu'il doit douter lorsqu'il s'exprime sur un forum afin d'accepter d'être remis en cause, vous vous trompez.
Par contre faire avancer les possibilités de connaissance de votre interlocuteur en l'aidant à reprendre sa méthode d'entendement, afin de l'aider à exprimer de lui-même un discours sûr, cela est constructif.

Spinoza donnait une méthode de réflexion constructive; vos principes d'humilité dans la manière d'exprimer ses interprétations, et dans la manière de ne pas faire remarquer à l'autre ses erreurs de méthode d'analyse, sont anti-pédagogiques et un manque de méthode, qui vous amène à accepter certaines libertés dans la lecture d'un contradicteur sous principe que celui-ci vous insulterait en vous analysant.

Votre point de vue vous permet juste de ne pas lire et de ne pas prendre en compte des notions qui touchent à votre psychologie. En les réfutant d'office vous ne faites pas le travail d'analyse qui pourrait vous amener à vous remettre en cause. Exactement comme tous ces prêtres qui ont réfuté les analyses psychologiques de Spinoza. Sauf que cela fait partie de sa méthode. Ne pas se critiquer à sa lumière, c'est ne pas avancer méthodiquement vers la Vérité.

Je reste persuadé que vous êtes une planquée, une femme de l'ombre qui n'a jamais osé se mettre en avant, et que vous tentez de justifier cet effacement par d'impuissants principes. Il est possible de dépasser cet état. Faut-il déjà l'admettre afin de donner à votre pensée des fondements plus puissants car plus méthodiques dans la subtilité de votre approche de la psychologie.

Et dernière chose, je n'ai jamais été insultant, et aucun de mes messages n'avait de raison d'être censuré. Il n'y a que votre bonne âme pour projeter sur des propos constructifs de vulgaires insultes.

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Messagepar Louisa » 07 janv. 2011, 00:19

Euh .. cher symbiose .. vous voulez (nous faire) croire que votre opinion correspond au spinozisme, mais vous ne référez point au texte de Spinoza, et ne réfutez pas non plus mes interprétations des passages que je viens de citer et qui contredisent cette opinion ... .

J'espère que vous comprendrez que cela m'étonne un peu ... ?

Comment discuter de Spinoza sans discuter du texte .. ?

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Messagepar symbiose » 07 janv. 2011, 11:18

Louisa, lisez "Spinoza, philosophie pratique" de Deleuze, et tentez d'y trouver des citations de Spinoza validant la moindre de ses affirmations. Si vous pensez que commenter un texte revient à en citer chaque ligne à chaque interprétation, j'aimerais savoir où l'on vous a appris de telles inepties. De plus, vous me faites un procès d'intention, en me supposant des libertés avec l'auteur, alors même que je vous ai toujours précisé les parties de textes concernées par mon analyse. Mais comme vous n'avez lu que la moitié de ce que je vous écris, et que vous oubliez au fil du temps l'autre, il faut se répéter en permanence. Mémorisez ou arrêtez de philosopher Louisa. C'est encore une question de méthode.

De toute façon, je n'ai pas besoin de citer Spinoza, puisque je reprends vos citations, pour leur en donner une autre interprétation que la vôtre. Mais peut-être pensez-vous être la seule capable de leur donner une interprétation pertinente. Dans ce cas là, sur quelle méthode vous basez-vous? Comment abordez-vous le commentaire de texte philosophique? La prétention à l'objectivité relevant d'un mythe scientiste depuis fort longtemps réfuté, quelle conception vous faites-vous des concepts, des théories, et la façon de les analyser. Comment mettez-vous un concept en perspective avec ceux de d'autres auteurs? Quelle est votre conception de l'historiographie philosophique?

Vous projetez sur Spinoza et sa notion de bienveillance et de "séduction" des attitudes qui vous sont propres. Je pense avoir agi avec assez de bienveillance pour vous avoir incitée à réagir sur ce lien, mais la rationalité exige à un moment donné que l'on accepte une méthode qui ne flatte pas toujours la conception du travail philosophique de l'interlocuteur. Spinoza ne m'aurait pas contredit. Vous, Louisa, vous tentez de flatter les mauvaises habitudes de lecture de vos interlocuteurs, en acceptant toutes les libertés, en espérant que la citation de chaque ligne de Spinoza vous aidera à finalement vous les accorder. A travers ce petit jeu, vous ne faites qu'entretenir votre addiction aux forums, et surtout entretenir des échanges creux et stériles, dont la finalité est de vous donner une place légitime et sans fin sur ces dits-forums. Ce n'est pas Spinoza ou la puissance de pensée qui vous importe, c'est de pouvoir au moins exister et échanger de façon virtuelle.

Alors que dans la vie réelle, notamment à l'Université, pour que les choses deviennent sérieuses à un moment donné, il faut se donner des règles strictes que je vous ai déjà exposées. Toutes les écoles philosophiques ne sont pas d'accord entre elles, elles s'opposent aussi sur ces bases. Vous, Louisa, vous voulez interdire le débat en ce domaine en prétendant que votre exercice psychotique de citation fait autorité, ce qui laisserait ensuite libre cours à toutes sortes de méthode ou de manque de méthodes d'analyse. Mais on ne peut pas se satisfaire d'un manque de méthode de l'interlocuteur, il faut donc l'inviter à évoluer ou continuer sa route sans lui. Tout comme Spinoza ne s'est pas entêté éternellement à communiquer avec les autorités religieuses, car sa méthode était trop exigeante pour eux.

Vous avez pris, sur vos forums philo, de bien mauvaises attitudes qu'une formation en philosophie à l'Université pourrait seule vous rectifier. Vous êtes bloquée dans ce mode d'expression virtuel dont vous entretenez les limites. Votre situation de replis derrière votre écran n'a rien d'une forme de puissance, mais incarne votre impuissance à vous exprimer et vous affirmer dans la vie réelle.

Je n'ai aucune envie de croupir comme vous sur tous les forums d'Internet. Je suis certes venu échanger à propos de Spinoza, par intérêt pour l'auteur, en espérant y rencontrer des personnes équilibrées et socialement affirmées, mais je n'avais pas idée en venant sur un forum d'y trouver des individus dont c'est le seul moyen d'expression philosophique, du fait de n'avoir pas su l'affirmer socialement.

J'ai encore la chance de poursuivre mes études et de participer activement et physiquement à l'affirmation de mon intellect. Je vous laisse donc à votre isolement que vous entretenez si bien.

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Messagepar Louisa » 07 janv. 2011, 15:15

symbiose a écrit :Louisa, lisez "Spinoza, philosophie pratique" de Deleuze, et tentez d'y trouver des citations de Spinoza validant la moindre de ses affirmations.


Pour info: il n'y a quasiment pas de page où Deleuze ne cite pas Spinoza pour valider ses affirmations, non seulement dans Spinoza pratique mais dans tout ce que Deleuze a écrit sur Spinoza (comme le fait d'ailleurs tout commentateur d'un texte philosophique lorsqu'il publie un article ou un livre).

Quant à la suite de votre message: si cela vous amuse d'écrire le roman de la vie de vos interlocuteurs au lieu de discuter de Spinoza, sur un forum de discussion, dès que vous constatez une différence d'interprétation, vous pouvez bien sûr le faire, mais je pense déjà vous avoir dit qu'en ce qui me concerne cela ne m'intéresse pas.

Si donc vous trouvez des arguments dans le texte qui à vos yeux montrent la pertinence des deux thèses principales que vous avez proposées (1. si vous ne doutez pas de votre interprétation du texte, l'interlocuteur qui l'interprète différemment doit être un "impuissant" et un "orgueilleux", et 2. dans ce cas la meilleure "pédagogie" c'est le "blâme"), je les lirai avec intérêt. Si vous ne savez pas faire cela ou si votre "méthode" vous interdit de faire cela, il faudra simplement constater que sur ces deux points, nous interprétons Spinoza différemment.


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