sous une espèce d’éternité

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 10 janv. 2011, 00:53

Chers amis

L’idée qui exprime l’essencedu corps humain appartient àl’essence de l’esprit humain .
Cette idée qui exprime l’essence du corps humain est une manière précise qui appartient à l’essence de l Esprit ,et qui nécessairement est éternelle .

J’insiste sur essence
Spinoza ne dit pas "apparient à l’existence temporelle de l’Esprit" mais à l’essence de l’Esprit .
Oui mais l’essence de l’Esprit se conçoit par l’Essence de Dieu laquelle est l’existence .
axiome 4/1 la connaissance de l’effet dépend de la connaissance de la cause et l’enveloppe .

en résumé:
La connaissance de l’essence(de l’Esprit ) dépend de l’essence de Dieu et l’enveloppe
Or l’essence de Dieu c’estl’existence .
………………………………………………………..
Maintenant il y a deux explications de l’essence du corps sous une espèce d’éternité( prop 29/5)
1) parce qu’il est de la nature de la raison de concevoir les choses sous une espèce d’éternité

2)et parce qu’il appartientaussi à la nature de l’esprit humain de concevoir les chose sous une espèce d’éternité ( cf prop23) nous sentons que notre esprit en tant qu’il enveloppe l’essence du corps sous une espèce d’éternité est éternel .
…………………………………………………
Mais qu’est ce que nous sentons de l’essence du corps ?

Que signifie ce « sous une espèce d’éternité ? »Pour un corps dont je sais qu’il est périssable .
Que signifie l’idée que l’essence de mon corps est éternelle ?
Autrement dit qu’est ce qui à partir d’un corps périssable conduit à l’idée d’essence éternelle ?
Est- ce que c’est sa forme , ses tribulations , sa naissance, sa mort ? A mon avis non .

Pour moi* ce n’est pas l’existence actuelle (ou passée ou future ) du corps mais l’existence tout court
Parce que l’existence actuelle renvoie à la série temporelle alors que l’existence tout court renvoie à Dieu .
C est donc Pourquoi Spinoza parle de comprendre le corps comme un être réel .

* ça peut se discuter .

hokousai
Modifié en dernier par hokousai le 27 avr. 2011, 00:36, modifié 1 fois.

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Messagepar sescho » 26 avr. 2011, 15:06

J’ai enfin trouvé l’occasion de faire sérieusement retour sur le sujet…

Remarque préalable : il est inconcevable, outre les autres ouvrages, que dans une proposition du Livre V, Spinoza, après avoir traité de l’Être (I), de la Connaissance (II), des Passions (III), du fondement naturel (mécanique) des passions et de la tendance asservissante qui en résulte (IV), en vienne au moment d’aborder la Liberté (et autres sujets corollaires à tout ce qui précède, outre la conclusion), sans même parler de contredire, à faire une révélation majeure concernant les livres précédents, en particulier ici le Livre II (et en particulier E2P37-46.)

Or le livre II est très clair : nous ne connaissons le Corps en premier lieu QUE par les sensations (idées d’affection du Corps) et celles-ci sont en l’état inadéquates (« impures ») à tout point de vue de la connaissance vraie, étant « à cheval » sur deux natures différentes du point de vue modal. Toutefois, ce qui est commun à tout, et en particulier au Corps percevant et au Corps perçu, se dégage comme base de la connaissance vraie : Dieu et les notions communes, ou axiomes. La Logique permet alors d’en déduire nombre de propriétés, ou lois, vraies, en conséquence (ce dont l’Ethique est un développement, en toute auto-cohérence.)

Spinoza a écrit :E5P4 : Il n’est pas d’affection du Corps dont nous ne puissions former un certain concept clair et distinct.

Démonstration : Ce qui est commun à tout ne se peut concevoir qu’adéquatement (par la Prop. 38 p. 2), et par suite (par la Prop. 12 et le Lemme 2 qui se trouve après le Scol. Prop. 13 p. 2) il n’est pas d’affection du Corps dont nous ne puissions former un certain concept clair et distinct. CQFD.

Corollaire : De là suit qu’il n’y a pas d’affect dont nous ne puissions former un certain concept clair et distinct. Car l’affect est l’idée d’une affection du Corps (par la Défin. génér. des Aff.), et pour cette raison (par la Prop. précéd.) il doit envelopper un certain concept clair et distinct.

« Un certain concept clair et distinct » a déjà fort peu de chance d’être bêtement une représentation « formelle » du corps physique…

Ce qui est clairement établi et sur-déterminé par ailleurs est que le troisième genre de connaissance porte sur les mêmes choses que le deuxième, et ce dans tout le cheminement qui part de Dieu et des premiers principes jusqu’à l’essence de choses (mais dans un mode de « compréhension » très différent et supérieur : la science intuitive, non verbalisée.)

Or la partie éternelle de notre Esprit se confond précisément avec les connaissances du DEUXIEME et du troisième genre (comment pourrait-il en être autrement dans l’Ethique, qui développe le deuxième genre) :

Spinoza a écrit :E5P9Dm : … l’essence de l’Esprit, c’est-à-dire (par la Prop. 7 p. 3) sa puissance, consiste dans la seule pensée (par la Prop. 11 p. 2) …

E5P10Dm : … la puissance de l’Esprit, par laquelle il s’efforce de comprendre les choses (par la Prop. 26 p. 4), et par suite … il a le pouvoir de former des idées claires et distinctes, et de les déduire les unes des autres (voir le Scol. 2 Prop. 40 et le Scol. Prop. 47 p. 2)

E5P12Dm : Les choses que nous comprenons clairement et distinctement, ou bien sont des propriétés communes des choses, ou bien se déduisent d’elles (voir la Défin. de la raison dans le Scol. 2 Prop. 40 p. 2)

E5P31 : Le troisième genre de connaissance dépend de l’Esprit, comme cause formelle, en tant que l’Esprit est lui-même éternel.

E5P38Dm : L’essence de l’Esprit consiste dans la connaissance (par la Prop. 11 p. 2) ; donc, plus l’Esprit connaît de choses par les deuxième et troisième genres de connaissance, plus grande est la part de lui qui subsiste (par les Prop. 23 et 29 de cette p.), et par conséquent (par la Prop. précéd.) plus grande est la part de lui que ne touchent pas les affects qui sont contraires à notre nature, c’est-à-dire (par la Prop. 30 p. 4) qui sont mauvais. Donc, plus l’Esprit comprend de choses par les deuxième et troisième genres de connaissance, plus grande est la part de lui qui reste indemne, et par conséquent moins il pâtit des affects, etc. CQFD.

E5P40C : … la part éternelle de l’Esprit (par les Prop. 23 et 29 de cette p.) est l’intellect, par lequel seul nous sommes dits agir (par la Prop. 3 p. 3)...

La part éternelle de l’esprit est identique à la connaissance du (ou des deuxième et) troisième genre, laquelle rapporte, avant tout autre chose, tout à Dieu (et est dressée telle selon le deuxième genre par l’Éthique même – en toute et unique cohérence.) Toutefois, comme cette connaissance passe forcément en premier lieu par le Corps, il faut nécessairement que l’Esprit en puisse « tirer » la base de cette connaissance, et c’est cela le « certain concept clair et distinct… »

Il est donc déjà très clair que ce n’est certainement pas le Corps pris en détail et en l’état qui est vu (forcément clairement s’agissant d’éternité) « ensuite » (« a posteriori ») éternellement en Dieu (notons que comme le Corps change en permanence, c’est à chaque instant que cette idée « éternelle » du Corps changerait alors de nature, ou se changerait en une autre idée « éternelle » d’une autre nature, ce qui sans être inacceptable d’emblée, contredit l’immuabilité de l’idée vraie / éternelle.)

Cela contredirait par ailleurs que la connaissance du troisième genre, partie éternelle de l’Esprit, et intimement associée à l’Amour envers Dieu, soit commune à tous les hommes. Par exemple (entre plusieurs autres passages qui en attestent clairement) :

Spinoza a écrit :Cet Amour envers Dieu est le souverain bien, auquel nous pouvons aspirer sous la dictée de la raison (par la Prop. 28 p. 4), et il est commun à tous les hommes (par la Prop. 36 p. 4), et nous désirons tous que tous en tirent contentement (par la Prop. 37 p. 4)…

Ceci à son tour implique que soit très explicitement exclu de cette partie éternelle de l’Esprit tout ce qui concerne la mémoire et l’imagination qui en découle, ainsi que tout ce qui inscrit le Corps dans le temps. Et c’est effectivement ce que répète Spinoza (E5P21, E5P23, E5P29, E5P34, E5P38S, E5P39S…) Autrement dit, tout ce qui concerne l’histoire personnelle, le nom, les souvenirs, les passions de tous ordres, etc. et encore les sensations particulières du Corps, … sont exclues.

Que reste-t-il alors? :

La perception de soi-même et des choses singulières en acte, et Dieu, et les premières dans le second, qui est en fait premier (il y a bien « soi, Dieu et les choses », mais dans l’ordre de l’intellect, qui est la partie éternelle de l’Âme, l’ordre est forcément : Dieu d’abord.) Puisque la raison est distinguée dans E5P29Dm de cette « conception de l’essence du Corps sous l’aspect de l’éternité, » il ne peut s’agir pour la seconde que des principales prémisses, dont la plus fondamentale est Dieu, naturant puis naturé.

Ce n’est en fait lié à aucune forme particulière quelle qu’elle soit, mais à l’inscription de n’importe quelle forme – perçue en acte en tant que forme, point, mais sans égards pour les détails – dans la substance, Dieu.

Spinoza a écrit :E5P14 : L’Esprit peut faire que toutes les affections du Corps, autrement dit les images des choses, se rapportent à l’idée de Dieu.

Démonstration : Il n’est pas d’affection du Corps dont l’Esprit ne puisse former un concept clair et distinct (par la Prop. 4 de cette p.) ; et par suite il peut faire (par la Prop. 15 p. 1) qu’elles se rapportent toutes à l’idée de Dieu. CQFD.

E5P27Dm : … La suprême vertu de l’Esprit est de connaître Dieu (par la Prop. 28 p. 4), autrement dit, de comprendre les choses par le troisième genre de connaissance (par la Prop. 25 de cette p.)

E5P29S : Nous concevons les choses comme actuelles de deux manières, selon que nous les concevons soit en tant qu’elles existent en relation à un temps et à un lieu précis, soit en tant qu’elles sont contenues en Dieu, et suivent de la nécessité de la nature divine. Et celles qui sont conçues de cette deuxième manière comme vraies, autrement dit réelles, nous les concevons sous l’aspect de l’éternité, et leurs idées enveloppent l’essence éternelle et infinie de Dieu, comme nous l’avons montré par la Proposition 45 de la deuxième Partie, dont on verra également le Scolie.

E5P30Dm : L’éternité est l’essence même de Dieu, en tant qu’elle enveloppe l’existence nécessaire (par la Défin. 8 p. 1). Donc concevoir les choses sous l’aspect de l’éternité est concevoir les choses en tant qu’elles se conçoivent par l’essence de Dieu comme des étants réels, autrement dit en tant qu’elles enveloppent, par l’essence de Dieu, l’existence ; et par suite notre Esprit, en tant qu’il se conçoit ainsi que le Corps sous l’aspect de l’éternité, a en cela nécessairement la connaissance de Dieu, et sait, etc. CQFD.

E5P31Dm : L’Esprit ne conçoit rien sous l’aspect de l’éternité qu’en tant qu’il conçoit l’essence de son Corps sous l’aspect de l’éternité (par la Prop. 29 de cette p.), c’est-à-dire (par les Prop. 21 et 23 de cette p.) qu’en tant qu’il est éternel ; et par suite (par la Prop. précéd.), en tant qu’il est éternel, il a la connaissance de Dieu, connaissance qui assurément est nécessairement adéquate (par la Prop. 46 p. 2), et partant l’Esprit, en tant qu’il est éternel, est apte à connaître tout ce qui peut suivre de cette connaissance de Dieu une fois qu’elle est là (par la Prop. 40 p. 2), c’est-à-dire à connaître les choses par le troisième genre de connaissance (voir sa Défin. dans le Scol. 2 Prop. 40 P. 2), dont l’Esprit est pour cette raison (par la Défin. 1 p. 3), en tant qu’il est éternel, la cause adéquate ou formelle. CQFD.

E5P36S : … Car, quoique j’aie montré de manière générale dans la Première Partie que tout (et par conséquent aussi l’Esprit humain) dépend de Dieu selon l’essence et selon l’existence, pourtant cette démonstration, toute légitime qu’elle soit et sans risque de doute, n’affecte pourtant pas autant notre Esprit que quand on tire cette conclusion de l’essence même d’une chose singulière quelconque que nous disons dépendre de Dieu.

E5P38S : … la mort est d’autant moins nuisible que l’Esprit a une plus grande connaissance claire et distincte, et, par conséquent, que l’Esprit aime plus Dieu. Ensuite, parce que (par la Prop. 27 de cette p.) du troisième genre de connaissance naît la plus haute satisfaction qu’il puisse y avoir, de là suit que l’Esprit humain peut être de nature telle que ce qui, de lui, comme nous l’avons montré, périt avec le Corps (voir la Prop. 21 de cette p.) soit insignifiant au regard de ce qui subsiste de lui. Mais nous allons y revenir plus amplement.

E5P39Dm : Qui a un Corps apte à faire un très grand nombre de choses, est très peu en proie aux affects qui sont mauvais (par la Prop. 38 p. 4), c’est-à-dire (par la Prop. 30 p. 4) aux affects qui sont contraires à notre nature, et par suite (par la Prop. 10 de cette p.) a le pouvoir d’ordonner et d’enchaîner les affections du Corps selon un ordre pour l’intellect, et par conséquent de faire (par la Prop. 14 de cette p.) que toutes les affections du Corps se rapportent à l’idée de Dieu, par où il se fera (par la Prop. 15 de cette p.) que l’affecte un Amour pour Dieu qui (par la Prop. 16 de cette p.) doit occuper ou constituer la plus grande part de l’Esprit, et partant (par la Prop. 33 de cette p.) il a un Esprit dont la plus grande part est éternelle. CQFD.

Il n’y a rien au sujet de la connaissance vraie / éternelle dans ce Livre V qui ne soit déjà exprimé dans la dernière partie du Livre II (propositions 37 et suivantes ; d’ailleurs E5P22Dm fait à peu près référence aux mêmes propositions que E2P45Dm), si ce n’est d’insister sur l’éternité de la connaissance vraie, en rapport avec le concept de l’éternité de l’Âme, mais évidemment pas – comme en tout avec Spinoza – selon son imagination vulgaire / superstitieuse :

Spinoza a écrit :E5P34S : Si nous prêtons attention à l’opinion commune des hommes, nous verrons qu’ils sont, certes, conscients de l’éternité de leur Esprit ; mais qu’ils la confondent avec la durée, et l’attribuent à l’imagination ou à la mémoire, qu’ils croient subsister après la mort.

E5P41S : Le vulgaire, communément, semble persuadé d’autre chose. … s’ils croyaient … que les esprits meurent avec le corps, et qu’il ne reste aux malheureux, épuisés par le fardeau de la Piété, pas de vie au-delà, ils reviendraient à leur tempérament, et ils voudraient soumettre tout à la lubricité, et obéir à la fortune plutôt qu’à eux-mêmes. Ce qui n’est à mes yeux pas moins absurde que si quelqu’un, pour la raison qu’il ne croit pas pouvoir nourrir son Corps de bons aliments pour l’éternité, préférait s’assouvir de poisons et de choses mortifères ; ou bien, parce qu’il voit que l’Esprit n’est pas éternel, autrement dit immortel, aime mieux être fou, et vivre sans raison : choses tellement absurdes qu’elles méritent à peine d’être relevées.

En rien, donc, tout cela ne justifie de considérer qu’on connaît d’abord clairement le Corps et l’Esprit, et qu’ensuite ceci devient éternel par la magie du fait qu’on les rapporte à Dieu (ce que j’appelle « plaquer Dieu a posteriori, » qui serait si pratique si c’était vrai, et certainement pas si rare de fait comme le souligne E5P42S…) Certes le Corps est le premier médium, au travers des sensations, et pour qu’il y ait conscience de Dieu, il faut qu’il y ait « déjà » – simultanément, plutôt – conscience incarnée, mais la connaissance vraie n’est pourtant pas à son endroit (E2P23-31) mais commence seulement et uniquement avec Dieu, qui est concept premier et non pas dernier (E2P10CS, à méditer en profondeur, mais au-delà l’Ethique même est structurée – en toute cohérence performative – ainsi.)

Je suis donc d'accord avec vos dernières propositions, cher Hokousai...
Connais-toi toi-même.

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Messagepar QueSaitOn » 29 avr. 2011, 11:52

Bonjour,

Je ne sais pas si je suis dans le sujet, mais je voulais faire part de mon expérience personnelle.

Mon père a été enterré - civilement - cette semaine, et à cette occasion, j'ai lu un texte inspiré de la philosophie spinoziste concernant "l'éternité", c'et à dire cette expérience dont parle Spinoza, en la replaçant au coeur de la vie vécue. Sans le lier, donc, à une quelconque idée religieuse.

Cette idée d'un Tout dont nous faisons partie, a plu à l'assistance.

Nous avons besoin d'un spiritualisme athée, et Spinoza peut nous en donner des clés.

Spinoza peut aussi, malgré la proposition de la partie 4 où il mentionne que l'homme libre ne pense pas à la mort, nous assister face à cette principale angoisse humaine.

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Messagepar sescho » 29 avr. 2011, 19:54

Bonjour,

Une spiritualité athée... qui fait constante référence à Dieu... Et c'est aussi le Dieu-Nature des stoïciens et du Védanta, des amérindiens, de Jésus de Nazareth, etc. (et même du Bouddhisme - qui n'a apparemment pas de Dieu - : le Non-né, la Vacuité qui est aussi Forme ; il est de toute façon très proche du Védanta.)

En fait, c'est LA Spiritualité. La vraie, qui est à la fois universelle, universellement répandue... et vécue de fait par fort peu. Je crois que l'opposition religion / athéisme n'est décidément pas la bonne ("nominalement.") La bonne est entre connaissance ultime et superstition, c'est-à-dire imagination selon Spinoza (qui, je l'accorde, est majoritaire au sein de ce qu'on appelle couramment "religion", mais les scientistes et autres "matérialistes" de bas niveau ne sont vraiment pas en reste de leur côté, voire...)

En fait, Spinoza n'est pas du tout athée, mais le seul véritable Dieu n'a pas grand chose à voir avec ce qu'en dit la superstition (laquelle l'a précisément sévèrement attaqué en son temps pour cela, sous le label diffamatoire d' "athéisme", alors que c'est sa propre impiété de fait - les véritables blasphèmes - qui est mise en relief par Spinoza...) : c'est la Nature éternelle dans laquelle tout phénomène se produit, et ne peut être correctement conçu sans elle comme cause (immanente.)

La mort n'est rien : juste le dernier instant d'une existence particulière, qui ne s'oppose pas à la Vie même - qui est éternelle - mais à la naissance : ce qui nait meurt. Sans mort, pas de naissance...

Tout ce qui est vraiment est éternel, car inscrit dans la nature éternelle de la Nature, Dieu. C'est toujours vrai pour tout, mais n'est en même temps vécu en conscience que par fort peu : seule la conscience de Dieu - Nature fait du mode humain, alors largement débarrassé du particulier "contingent", une éternité qui se vit comme telle, dans l'instant éternel. Elle est alors vaste comme le Monde, où rien n'est plus étranger, vaste comme Dieu même, du moins autant que les limites humaines le permettent...

Rien de ce qui est vraiment ne disparaît...
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Messagepar QueSaitOn » 02 mai 2011, 15:42

"Ce qui EST vraiment", c'est à dire ce qui est nécessaire ?

Le contraire de la mort, est ce bien la naissance ? Dans la mesure où mort et naissance sont imbriqués à l'échelle d'une espèce, cela ne me parait pas pertinent.

La mort est la marque du temps (du moins ce que l'imagination nous présente comme tel, d'après Spinoza), de la flêche du temps, qui recompose et décompose localement, et à l'échelle de l'univers global augmente l'entropie.

Le contraire n'est ce pas alors l'éternité, au sens spinoziste du terme ?

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Messagepar sescho » 03 mai 2011, 12:44

QueSaitOn a écrit :"Ce qui EST vraiment", c'est à dire ce qui est nécessaire ?

Ce qui est vraiment est ce qui est éternel : l'Étendue, le Mouvement et ses Lois (soit Dieu naturant et naturé), lesquels "produisent en eux-mêmes" tous les phénomènes / modes. Les phénomènes sont éternels par la vertu de leur cause, qui est éternelle, mais pas pris en soi. En fait, ils ne peuvent surtout et tout simplement PAS véritablement être pris en soi, car nécessairement en autre chose, Dieu (et interdépendants avec les autres phénomènes dans ce cadre.) Ce qui n'est pas vraiment est par exemple le moi (avec son histoire, sa mémoire, etc.), vu comme une constante, une chose en soi, et non comme un phénomène (agrégat complexe) passager.

Les phénomènes (y compris l'agrégat complexe précédent) sont pourtant aussi vraiment, mais en l'instant (et toujours pas par eux-mêmes.) C'est pourquoi on parle de l'éternel présent. L'instant présent n'est effectivement pas soumis au temps... Il est présent, le présent, ce qui est manifesté. Maintenant.

QueSaitOn a écrit :Le contraire de la mort, est ce bien la naissance ? Dans la mesure où mort et naissance sont imbriqués à l'échelle d'une espèce, cela ne me parait pas pertinent.

Je ne vois pas le sens de l'objection... Tout dépend du sens que l'on prête à "contraire." Dans mon esprit, les contraires s'assemblent. "Réunir les contraires" donne le juste milieu, comme matière et antimatière génère du rayonnement. Le contre-pôle ambivalent d'une passion (p. ex. "faire par amour de soi plus de cas qu'il n'est juste" / "faire par haine de soi moins de cas qu'il n'est juste", soit le complexe d'infériorité-supériorité : "je ne me sentirais pas inférieur si je n'imaginais pas être supérieur") est appelé "contraire" par Spinoza dans E3 sauf erreur, mais il s'agit en fait quasiment de la même chose, comme avec un négatif photographique.

Ce qui naît meurt, ce qui apparaît (et, en passant, rien ne vient de rien) disparaît : le Mouvement est la vie, la vie Mouvement. Rien n'est contraire à la vie. En fait, les phénomènes étant impermanents, c'est à chaque instant qu'il y a naissance et mort. C'est pourquoi aussi il n'y a pas naissance sans mort (ce qui change considérablement la perspective, non ?) Quant au Mouvement dans l'Étendue, il est éternel. C'est pourquoi en essence - au fond - rien n'apparaît ni ne disparaît.

QueSaitOn a écrit :La mort est la marque du temps (du moins ce que l'imagination nous présente comme tel, d'après Spinoza), de la flêche du temps, qui recompose et décompose localement, et à l'échelle de l'univers global augmente l'entropie.

Le contraire n'est ce pas alors l'éternité, au sens spinoziste du terme ?

La naissance est tout aussi la marque du temps dans ces conditions (concernant l'entropie croissante de l'Univers, et la flèche absolue du temps qu'elle semble indiquer - Prigogine, Stengers, ... -, le lien me semble trop faible pour en discuter utilement ici. Que le soleil doive pâlir un jour n'empêche pas la vie humaine sur Terre actuellement...)

Comme dit, suivant la perspective supérieure, tout ce qui est vraiment est éternel, sans exception (et entropie croissante ou pas, la nature de la Nature ne change pas ; on peut par exemple penser à des retournements entropiques dans des conditions extrêmes, et donc à des univers cycliques.)
Connais-toi toi-même.


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