sous une espèce d’éternité

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Cette partie du forum traite d''ontologie c'est-à-dire des questions fondamentales sur la nature de l'être ou tout ce qui existe. Si votre question ou remarque porte sur un autre sujet merci de poster dans le bon forum. Merci aussi de traiter une question à la fois et d'éviter les digressions.
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sous une espèce d’éternité

Messagepar hokousai » 07 janv. 2011, 02:02

Cher Serge

je vous ai répondu précisément à cela
Je n'ai pas de problème avec la dernière phrase, si ce n'est son ordre. La nécessité éternelle ne vient en fait QUE de la connaissance de Dieu, lequel est cause de tout (tout est en lui) - et donc de moi et des choses - et éternel. Cette connaissance est nécessairement - dans le vrai -antérieure aux deux autres. Sinon, de quel "soi" s'agit-il pour ce qui n'a pas d'en-soi ? C'est en les voyant clairement et distinctement causés par Dieu que je suis véritablement conscient de moi et des choses (et peu importe leur détails, et presque leur forme même.


Si vous voulez une connaissance première vous avez la substance comme causa sui cause libre .
IL n’y a pas de nécessité pas de déterminisme dans cette idée de substance ..
Dieu est un étant absolument infini et jusqu’à corollaire de la prop 17/1 il est cause libre .
Le déterminisme n’ apparaît qu’ avec les prop 27 et 28/1
Il apparaît avec les choses ( tout singulier qui est fini etc … prop28/1)
Par exemple le corps( mon corps)

Mais s'agit- il bien de déterminisme dans cette nécessité éternelle des choses .

Partie 5
L’esprit ne conçoit rien sous une espèce d’éternité qu’en tant qu’il conçoit l’essence de son corps sous une espèce d’éternité
C’est à dite qu’en tant qu’il est éternel
Et par suite en tant qu’il est éternel il a la connaissance de Dieu .
Et partant en tant qu’il est éternel l’esprit est apte à connaitre tout ce qui peut suivre de cette connaissance de Dieu une fois qu’elle est là .

( Loin de partir de Dieu comme vous le faites Spinoza part de la compréhension de son corps sous une espèce d’éternité .)

Mais qu’est- ce que concevoir son corps par cette deuxième manière (scolie prop 29/5 )qui n’est pas en relation avec un temps et un lieu précise ?
Les choses( mon corps en premier )sont conçues comme vraies autrement dit réelles .
Donc concevoir les choses sous une espèce d’éternité c’est concevoir les choses en tant quelles se conçoivent par l’essence de la nature comme des étant réels autrement dit en tant qu’elles enveloppent par l’essence de la nature l’existence .

( Je remplace volontairement le mot Dieu par Nature et je ne pense pas abuser .)
Pour Spinoza la réalité du corps réel existant suffit a le concevoir comme par l’essence de la nature c’est à dire enveloppant l’existence .

Pour faire simple Le fait d exister réellement est pensé hors du temps et d’un lieu précis .
Mon corps existe comme la nature existe ou parce que la nature existe (versus mon corps existe seul , isolée, et même si la nature n’ existe pas ,ce qui est inconcevable pour Spinoza .Là le fond de la pensée de Spinoza est que le corps n’est pas seul , c’est un antisollipsiste )

Spinoza me semble inverser l’ordre de penser que vous proposez .
Dans la 5eme partie il propose une généalogie de l’idée de Dieu ( ou de nature) à partir de son corps réel .
Mais parce que l’objet de l’idée constituant l’esprit humain est le corps il n' y a rien de surprenant .

Hokousai

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Messagepar hokousai » 07 janv. 2011, 21:31

Je complète par un extrait de la lettre50 à Jarig Jelles
.
""""" Une chose ne peut être appelé que très improprement seule et tunique à l’égard de l’essence mais seulement à l’égard de l’existence ….(suit l’exemple du sou et de l'écu )

Mais l’existence de Dieu étant son essence même il est certain que dire que Dieu est seul et unique montre qu’on a pas de lui une idée vraie,ou que l’on parle de lui improprement .

….la pure matière considérée comme indéfinie ne peut avoir de figure et qu’il n’y a de figures que dans les corps finis et limités .
Cette dénomination( la figure ou forme ) n’appartient pas à la chose en tant qu’ elle est elle indique au contraire à partir d’où la chose n’est pas . """"""

Commentaire : percevoir mon corps comme figure ( forme dans le temps et la durée ce n’est pas le concevoir en tant qu’il est .Ce n’est pas le concevoir sous une espèce d’éternité . Le concevoir sous une espèce d’éternité avec une nécessité éternelle c’est le concevoir par l’essence même de Dieu laquelle est l’existence . L existence de mon corps est comme l’existence de la nature dans laquelle il est contenu , indifférente au temps
( par éternité j’entends l’existence même def 8/1)

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Re: sous une espèce d’éternité

Messagepar sescho » 08 janv. 2011, 17:38

hokousai a écrit :Si vous voulez une connaissance première vous avez la substance comme causa sui cause libre .
IL n’y a pas de nécessité pas de déterminisme dans cette idée de substance ..
Dieu est un étant absolument infini et jusqu’à corollaire de la prop 17/1 il est cause libre .
Le déterminisme n’ apparaît qu’ avec les prop 27 et 28/1
Il apparaît avec les choses ( tout singulier qui est fini etc … prop28/1)
Par exemple le corps( mon corps)

Oui, le saut ontologique entre la substance / l'attribut (dimension de l'Être) et les modes infinis a toujours causé quelques problèmes...

Seule la substance est en soi et conçue par soi, donc sans les modes infinis. Mais Spinoza fait bien découler les modes infinis de la nature absolue de la substance (E1P21.) Ils sont infinis et éternels (ou sempiternels) - autrement dit, ils ont toujours été là, seront toujours là, n'ont jamais changé et ne changeront jamais -, ceci DANS les attributs, et aucunement à l'extérieur.

Les choses singulières sont introduites comme étant DANS les attributs par E1P25C ; c'est dit à plusieurs reprises ensuite. Elles sont en outre clairement dites causées par les modes infinis par l'ensemble (E1P28S, CT1Ch8-9.)

Quand Spinoza parle - à de nombreuses reprises encore - des "lois de la nature divine" ou "décrets divins", je ne vois pas que ce soit attribuable aux attributs sans forme. Non ? Il y a bien l'adjectif "divin" pourtant...

C'est la même problématique qui fait distinguer, EN brahman, nirguna brahman et saguna brahman. Mais c'est toujours brahman. De même, shunya et les formes.

Donc Dieu c'est la Nature, et celle-ci est naturante d'abord, naturée ensuite, d'un point de vue ontologique dans l'ordre de l'entendement. C'est bien là l'esprit de Spinoza (Henrique l'a en outre toujours dit), qui en même temps garde la distance - transcendance dans l'immanence de ce qui est conçu par soi par rapport à ce qui est conçu dedans -, résumé dans E1P29S.

Notons en passant dans ce scholie : "... par Nature naturante il nous faut entendre... Dieu considéré en tant que cause libre." 1) "En tant que" marque une approche partielle des choses ; il y en donc au moins une autre. 2) "Cause" ne saurait être utilisé simplement pour la formule - discutable - "cause de soi..." qui convient à la substance...

Mais cela interdit rigoureusement de poser les choses singulières en premier et de plaquer Dieu dessus. L'ordre est : les choses singulières sont causées (immanent) par les modes infinis dans les attributs. Il n'y a qu'une distinction de Raison entre les deux, mais pas d'être ou d'essence : il n'y a pas de réelle différence de nature (c'est aussi un mot qui peut remplacer "essence") entre l'Etendue en mouvement et l'ensemble des corps et mouvements de corps possibles. (Et ceci alors que la première est éternelle et infinie, et que les seconds n'apparaissent ni l'un ni l'autre : voilà qui indique la vraie nature des choses singulières.)

Pour reprendre l'analogie de l'eau et des ondes de pression (que je préfère à "l'océan et la vague", mais c'est le même esprit) : on conçoit l'eau per se et donc sans ondes - immobile - , mais de fait il y a des ondes de pression dans l'eau, il y en a toujours eu et il y en aura toujours ; que certaines naissent, que d'autres semblent stationnaires, que d'autres enfin disparaissent n'est que l'apparence de ce mouvement éternel. Et ces ondes ne sont rien en dehors de l'eau : elles sont des manifestations éternelles - ou sempiternelles - de l'eau. Les ondes sont dans l'eau de toute éternité et non concevables hors de l'eau. Si je m'intéresse aux ondes, je n'ai pas à revenir sans fin sur la distinction entre l'eau sans mouvement et le mouvement ondulatoire dans l'eau : ils sont toujours ensemble et ensemble causent les ondes en eux.

Encore une fois, si en outre j'admets matière = énergie en termes de Etendue = Mouvement, il y a identité entre l'attribut et son mode infini : plus de "saut ontologique", et Dieu - la Nature est naturant-naturé d'entrée. Cela ne change rien à la suite.

Une fois ceci bien compris, à part pour se charger inutilement, à quoi cela sert-il de réintroduire la distinction entre la substance et ses modes infinis (de toute façon introduits sans démonstration, et par ailleurs éternels et infinis comme les attributs dans lesquels ils sont) ?

Dieu est la Nature, qui se conçoit par soi et est éternelle, et en outre cause de tout ce qui est, qui est en elle.
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Messagepar hokousai » 08 janv. 2011, 17:51

Mais cela interdit rigoureusement de poser les choses singulières en premier et de plaquer Dieu dessus.


Mais je ne le fais pas .
Si je pense mon corps comme existant réellement tel que la nature infinie existe réellement , je ne plaque pas la nature sur mon corps .N 'y a t-il pas deux idées unies en une seule intuitivement ?

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Messagepar AUgustindercrois » 08 janv. 2011, 23:37

@hokusai
Tu réponds à la question par le mot "intuitivement".

La question est donc la nature de l'intuition philosophique ou troisième genre de connaissance (3GC).

Le 3GC est paradoxal, puisqu'il fait exploser les catégories rationnelles du 2e genre.

Pourquoi? Parce qu'il est intuition.

L'intuition philosophique fait éclater toute notion temporelle ou spatiale.

Tu écris:" Le fait d exister réellement est pensé hors du temps et d’un lieu précis.", et c'est évident puisque la Nature te pense.

Mais moins tu penses la Nature, plus tu la penses, comme l'écrit Spinoza à partir de 522-523: "nous sentons et nous faisons l'expérience que nous sommes éternels."

Dans cette expérience, il y a fusion de la goutte d'eau dans l'océan naturel.

C'est un sentiment qu'ont tous les artistes, les philosophes: l'intuition de l'universel dans le singulier et réciproquement.

Et toi qui connais bien la vague d'Hokusai, c'est précisément ce qu'il a voulu dire en figurant sa Grande vague, qui figure aussi bien un basculement existentiel, et qui peut figurer un passage du 2e au 3e genre.

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Messagepar Pourquoipas » 09 janv. 2011, 00:45

En voici une, d'expérience d'éternité, ressentie et par le corps et par l'âme :
http://www.youtube.com/watch?v=nY2PUxuD5v0&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=HtRAs77uyts&feature=watch_response

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Re: sous une espèce d’éternité

Messagepar sescho » 09 janv. 2011, 12:55

hokousai a écrit :... s'agit- il bien de déterminisme dans cette nécessité éternelle des choses .

Tout est en Dieu et Dieu est éternel, et donc immuable. La nature de Dieu ne change jamais et tout ce qui est (reste à savoir ce qui est en réalité) entre dans la nature de Dieu. Tout est donc déterminé par la nature de Dieu à exister et agir d'une certaine façon. C'est une autre façon de dire qu'il n'y a rien en dehors de Dieu, la nature duquel est éternelle et donc immuable.

hokousai a écrit :Partie 5
L’esprit ne conçoit rien sous une espèce d’éternité qu’en tant qu’il conçoit l’essence de son corps sous une espèce d’éternité
C’est à dite qu’en tant qu’il est éternel
Et par suite en tant qu’il est éternel il a la connaissance de Dieu .
Et partant en tant qu’il est éternel l’esprit est apte à connaitre tout ce qui peut suivre de cette connaissance de Dieu une fois qu’elle est là .

( Loin de partir de Dieu comme vous le faites Spinoza part de la compréhension de son corps sous une espèce d’éternité .)

Pas vraiment. Spinoza dit que c'est par le médium du Corps que l'âme a connaissance de Dieu. Et nous sommes bien d'accord avec lui. La sensation est première dans l'ordre de la réalité relative, temporelle, mais pas dans l'ordre de l'intelligible, auquel Dieu appartient.

Concevoir l'éternité et concevoir Dieu c'est la même chose. Or vous séparez les deux, puis les mettez dans l'ordre vers lequel vous penchez... On ne conçoit dans l'éternité que quand on conçoit en Dieu, qui est éternel.

Spinoza a écrit :E5P23Dm : ... ce qui est conçu par l’essence de Dieu avec une éternelle nécessité est quelque chose, ce quelque chose, qui se rapporte à l’essence de l’âme, est nécessairement éternel (par la Propos. précéd.).

Scholie : ... nous sentons, nous éprouvons que nous sommes éternels. L’âme en effet, ne sent pas moins les choses qu’elle conçoit par l’entendement que celles qu’elle a dans la mémoire. Les yeux de l’âme, ces yeux qui lui font voir et observer les choses, ce sont les démonstrations. Aussi, quoique nous ne nous souvenions pas d’avoir existé avant le corps, nous sentons cependant que notre âme, en tant qu’elle enveloppe l’essence du corps sous le caractère de l’éternité, est éternelle, et que cette existence éternelle ne peut se mesurer par le temps on s’étendre dans la durée. Ainsi donc, on ne peut dire que notre âme dure, et son existence ne peut être enfermée dans les limites d’un temps déterminé qu’en tant qu’elle enveloppe l’existence actuelle du corps ; et c’est aussi à cette condition seulement qu’elle a le pouvoir de déterminer dans le temps l’existence des choses et de les concevoir sous la notion de durée.

E5P29Dm : ... comme il est de la nature de la raison de concevoir les choses sous le caractère de l’éternité (par le Coroll. 2 de la Propos. 44, part. 2), et qu’il appartient aussi à la nature de l’âme de concevoir l’essence du corps sous le caractère de l’éternité (par la Propos. 23, part. 5), et comme enfin, hormis ces deux choses, rien de plus n’appartient à l’essence de l’âme (par la Propos. 13, part. 2), il s’ensuit que cette puissance de concevoir les choses sous le caractère de l’éternité n’appartient à l’âme qu’en tant qu’elle conçoit l’essence du corps sous le caractère de l’éternité. C. Q. F. D.

Scholie : Nous concevons les choses comme actuelles de deux manières : ou bien en tant que nous les concevons avec une relation à un temps ou un lieu déterminés, ou bien en tant que nous les concevons comme contenues en Dieu et résultant de la nécessité de la nature divine. Celles que nous concevons de cette seconde façon comme vraies ou comme réelles, nous les concevons sous le caractère de l’éternité, et leurs idées enveloppent l’essence éternelle et infinie de Dieu, ainsi que nous l’avons montré dans la Propos. 45, part. 2 ; voyez aussi le Scholie de cette Proposition.

Vous ne pouvez pas remplacer Dieu par "Nature" si dans votre esprit "Nature" est autre chose que les attributs assortis de leurs modes infinis et éternels.

Pour faire simple et direct : nous sommes d'accord si vous n'accordez aucune essence ni existence en soi aux choses singulières, votre corps compris. Sinon c'est ce que j'appelle poser les choses singulières d'abord et plaquer Dieu dessus (y compris en prétendant alors le mettre en amont de tout.)

En aucun cas la connaissance de Dieu ne peut venir que de la connaissance (inadéquate) du corps dans le monde temporel, c'est-à-dire selon le mode commun.

hokousai a écrit :Pour Spinoza la réalité du corps réel existant suffit a le concevoir comme par l’essence de la nature c’est à dire enveloppant l’existence .

Oui, mais il faut pour cela d'abord savoir ce que Nature est, et l'ordre ontologique des choses. Votre corps pris comme continuité dans le temps d'un mode fini en acte n'est de toute évidence pas éternel. L'éternité ne peut se voir QUE si vous abandonnez totalement d'assimiler continuité et identité. L'identité (l'essence) n'existe qu'en Dieu, et il n'y a pas d'entité "mon corps" en fait.

hokousai a écrit :Spinoza me semble inverser l’ordre de penser que vous proposez .
Dans la 5eme partie il propose une généalogie de l’idée de Dieu ( ou de nature) à partir de son corps réel .
Mais parce que l’objet de l’idée constituant l’esprit humain est le corps il n' y a rien de surprenant .

La généalogie de l'Éthique se prend à partir du début du Livre I, pas du V...

La partie I pose Dieu en amont de tout.

Le corps, les choses extérieures et les sensations se trouvent dans la Partie II :

Spinoza a écrit :E2P29S : Je dis expressément que l’âme humaine n’a point une connaissance adéquate d’elle-même, ni de son corps, ni des corps extérieurs, mais seulement une connaissance confuse, toutes les fois qu’elle perçoit les choses dans l’ordre commun de la nature ; par où j’entends, toutes les fois qu’elle est déterminée extérieurement par le cours fortuit des choses à apercevoir ceci ou cela, et non pas toutes les fois qu’elle est déterminée intérieurement, c’est-à-dire par l’intuition simultanée de plusieurs choses, à comprendre leurs convenances, leurs différences et leurs oppositions ; car chaque fois qu’elle est ainsi disposée intérieurement de telle et telle façon, elle aperçoit les choses clairement et distinctement, comme je le montrerai tout à l’heure.

E2P38 : Ce qui est commun à toutes choses et se trouve également dans le tout et dans la partie, ne se peut concevoir que d’une façon adéquate.

E2P39 : Ce qui est commun au corps humain et à quelques corps extérieurs par lesquels le corps humain est ordinairement modifié, et ce qui est également dans chacune de leurs parties et dans leur ensemble, l’âme humaine en a une idée adéquate.

E2P40S1 : Je viens d’expliquer la cause de ces notions qu’on nomme communes, et qui sont les bases du raisonnement. ...

Note : "Notion commune" est synonyme d'"axiome". On doit a priori y ajouter les notions qui apparaissent dans les axiomes et définitions et ne sont pas elles-mêmes définies.
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Messagepar hokousai » 09 janv. 2011, 14:38

à Sescho

La sensation est première dans l'ordre de la réalité relative, temporelle, mais pas dans l'ordre de l'intelligible, auquel Dieu appartient.


C'est à dire que là Spinoza inverse l'ordre de la causalité cartésienne qui a l'idée innée de Dieu )
L'idée de l'Esprit humain étant le corps c'est à partir du l'idée du corps que les autres idées s 'ensuivent .
Disons que la première idée dans l'existence ce humaine ce n'est pas l'idée de Dieu .
A tel point que certain vivent toute leur vie sans l'avoir .
En revanche ne pas avoir une idée de son corps est plutôt rédhibitoire .

( enfin moi j'en dis ce que j' en pense , ça se discute , on va pas se fâcher là dessus )

au plaisir de vous lire
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Messagepar sescho » 09 janv. 2011, 21:33

hokousai a écrit :... là Spinoza inverse l'ordre de la causalité cartésienne qui a l'idée innée de Dieu )

Oui, mais chez Spinoza la connaissance claire de Dieu est quand-même "immédiate" à la sensation : E2P44C2 à E2P47. La fin de E2P46Dm renvoie bien à ce sujet à E2P38 (ce qui est commun à toute chose et n'est l'essence d'aucune chose singulière...) son corollaire et l'entame de E2P40S1 y associant clairement de leur côté les notions communes. Ceci convient à l'assimilation de Dieu à une notion commune (la seule preuve par le texte n'y plaçant que les axiomes ) ; en revanche que Spinoza dise dans E2P47S que la connaissance de Dieu n'est pas aussi immédiate que celle des notions communes tend au contraire... Quoiqu'il en soit E2P44C2-E2P47 affirme bien l'immédiateté (et E2P31, qui clos au contraire la liste "noire" d'inadéquations de la sensation à tout point de vue modal, avant de passer à la possibilité de la connaissance vraie, n'est pas loin.)

Encore une fois, la sensation porte 3 choses simultanément, pas 2 :

1) Suis! (Je) suis (pensant.)
2) Il y a des corps en dehors de suis!
3) Suis et ces corps appartenons à un même monde.

L'idée de Dieu est portée par le 3 ; et c'est ce qui est le plus vaste, rassemblant les deux autres, mais sans doute aussi le plus susceptible d'être masqué par des imaginations sur ces deux autres.

Donc de "innée" à "immédiate à la sensation" - la sensation étant immédiate sur le plan temporel - il n'y a pas non plus un monde... mais effectivement il y a alors les 3 ci-dessus, pas seulement le 3.

hokousai a écrit :L'idée de l'Esprit humain étant le corps c'est à partir du l'idée du corps que les autres idées s 'ensuivent .

Là j'ai peur quand-même que vous confondiez le sensible et l'intelligible... L'ordre de l'entendement est très nettement et très explicitement distingué par Spinoza de l'ordre commun de la Nature. Les idées adéquates ne suivent que des notions communes par l'enchaînement de la démonstration. L'intuition qui caractérise le troisième genre est un saut qualitatif - en terme de vérité ressentie - par rapport au deuxième.

Mais d'accord pour dire que ceci est contenu dans la sensation (encore que cette façon de dire privilégie une approche de mode à mode sur l'approche globale.)

hokousai a écrit :Disons que la première idée dans l'existence ce humaine ce n'est pas l'idée de Dieu .
A tel point que certain vivent toute leur vie sans l'avoir.

Ou plus probablement l'ont-ils, mais si enfumée par les idées inadéquates qu'ils ne la voient plus vraiment : elle est recouverte de scories.

Spinoza dit bien que l'objet premier de l'âme humaine est le corps (E2P11-13.) Il dit aussi que nous ne connaissons le corps que par la sensation (E2P19) et s'ensuit la collection des inadéquations qui se termine avec E2P31...

La vérité n'est donnée que par l'ordre de l'entendement, qui n'a pas grand chose à voir avec l'ordre commun de la Nature, tout en s'inscrivant pleinement dans la Nature et son ordre.

Toutefois, en examinant de plus près notre échange précédent, je me demande si vous n'avez pas raison : Spinoza semble ajouter quelque chose à E1-E2 avec E5P23 (qui d'ailleurs fait référence uniquement, avec E5P22 associée, à des propositions - éloignées - de ces parties.) En effet, E5P29Dm ajoute à "il est de la nature de la raison de concevoir les choses sous l'aspect de l'éternité" (ce qui est l'ordre de l'entendement, en parfaite cohérence avec l'ensemble de ce qui précède) : "et qu'il appartient aussi à la nature de l'Esprit de concevoir l'essence du corps sous l'aspect de l'éternité" (suivant E5P23...) Suit "... ces deux choses..." Spinoza semble effectivement donc y dire, sans préciser de quoi il s'agit exactement, que ce qui du corps est perçu, par l'essence de Dieu, éternel, est une idée éternelle (manière de penser précise appartenant à l'essence de l'Esprit), et qu'elle est distincte de ce que dégage l'ordre de la raison. Ceci toutefois est largement contredit par E5P23S lorsqu'il dit "Et néanmoins nous sentons et savons d'expérience que nous sommes éternels. Car l'esprit ne sent pas moins les choses qu'il conçoit en comprenant, que celles qu'il a en mémoire. En effet, les yeux de l'Esprit, par le moyen desquels il voit les choses et les observe, ce sont les démonstrations elles-mêmes." Ceci est toujours pleinement de l'ordre de la raison. E5P30 : « … concevoir les choses sous l’aspect de l’éternité est concevoir les choses en tant qu’elles se conçoivent par l’essence de Dieu comme des étants réels. » E5P31S : « … l’Esprit, en tant qu’il est éternel, est apte à connaître tout ce qui peut suivre de cette connaissance de Dieu une fois qu’elle est là… c’est-à-dire à connaître les choses par le troisième genre de connaissance… »

A suivre…
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Messagepar Louisa » 09 janv. 2011, 22:24

Sescho a écrit :Spinoza semble effectivement donc y dire, sans préciser de quoi il s'agit exactement, que ce qui du corps est perçu, par l'essence de Dieu, éternel, est une idée éternelle (manière de penser précise appartenant à l'essence de l'Esprit), et qu'elle est distincte de ce que dégage l'ordre de la raison. Ceci toutefois est largement contredit par E5P23S lorsqu'il dit "Et néanmoins nous sentons et savons d'expérience que nous sommes éternels. Car l'esprit ne sent pas moins les choses qu'il conçoit en comprenant, que celles qu'il a en mémoire. En effet, les yeux de l'Esprit, par le moyen desquels il voit les choses et les observe, ce sont les démonstrations elles-mêmes." Ceci est toujours pleinement de l'ordre de la raison.


Quelques remarques en passant (sans avoir tout lu).

Je ne suis pas certaine qu'il s'agit vraiment d'une contradiction.

N'oublions pas que le "savoir d'expérience" en principe fait partie du premier genre de connaissance. Et en effet, comme il Spinoza dira dans l'E5, nous savons tous que nous sommes éternels, mais confondons d'habitude l'éternité avec l'immortalité. De même, nous avons tous une idée adéquate de l'essence divine, mais non pas en tant que notion commune.

Dès lors, ne pourrait-on pas dire que le "savoir " de l'éternité de l'essence du Corps est quelque chose que nous possèdons "toujours déjà", même avant toute opération de la raison, seulement ce savoir, appartenant au premier genre de connaissance, reste confus aussi longtemps que nous ne construisons pas une idée de Dieu à l'aide de la raison?

Dans ce cas, Hokousai a raison de dire que tout commence par la connaissance de l'existence actuelle de mon propre Corps, pour construire, sur base de cette connaissance "vague" et inadéquate (comme le montre l'E2), une idée adéquate et consciente de Dieu.

Alors qu'il est tout aussi exacte de dire que toute connaissance du troisième genre découle de cette idée adéquate de l'essence divine, car une fois atteint l'idée de cette essence, la forme "supérieure" de la connaissance (déduire l'essence de chaque chose singulière des attributs de Dieu) consiste à "combiner" l'idée de l'essence divine et l'idée de l'essence de telle ou telle chose singulière.

L'ordre pour l'entendement serait donc un ordre qui se base sur la sensation du corps singulier (sensation qui inclut déjà une connaissance de notre éternité et de l'essence divine; mais il ne s'agit que d'une connaissance "vague" (1e genre de connaissance)), pour aller de là le plus vite possible (comme Spinoza le dit au début du TRE) à la connaissance adéquate de l'essence divine, et de là à la connaissance des essences des choses singulières par le troisième genre de connaissance.

L'un n'exclurait donc pas l'autre, seulement Hokousai prend le processus de la connaissance du début à la fin, en partant par le premier genre de connaissance, alors que Sescho ne commence qu'au "stade" de la connaissance adéquate, qui elle se construit d'abord par la raison, puis par l'intuition (une fois qu'on a rationnellement déduite l'idée de l'essence divine)?


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