Failles spinozistes

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Cette partie du forum traite d''ontologie c'est-à-dire des questions fondamentales sur la nature de l'être ou tout ce qui existe. Si votre question ou remarque porte sur un autre sujet merci de poster dans le bon forum. Merci aussi de traiter une question à la fois et d'éviter les digressions.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 21 mars 2011, 00:19

cher ami

Très exactement, Spinoza dit que les choses ne sont pas en elles mêmes .Seule la substance est en elle même .
Il a l'idée de la substance et ma foi penser qu'elle n'existe pas c'est de son point de vue ne pas avoir l'idée de substance.

On peut penser que toutes les choses existent par autres choses et cela indéfiniment . Ainsi "A aucune chose qui dépend d'une cause il n'appartient d' exister par la vertu de sa propre essence "( lettre 22 sur l' infini)
Spinoza poursuit ainsi:
"donc il n"existe dans la nature aucune chose à l"essence de laquelle il appartient d' exister nécessairement .Mais cette conclusion est absurde".
................................................................
Critiquer Spinoza en refusant les principes fondamentaux de la logique !! Comment penser illogiquement ?
Shopenhauer les réintègre d'ailleurs tous .

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QueSaitOn
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Messagepar QueSaitOn » 24 mars 2011, 12:02

En relation avec les deux attributs dont parle Spinoza, dans quelle mesure l'existence de l'attribut "Pensée" n'est il pas aujourd'hui une donnée "indépendante" du "sujet" pensant, de part la multiplicité des productions relevant de la vie de l'Esprit. Le fait par exemple que l'informatique par exemple emagasine la mémoire du monde, que la "nature" elle même soit un jardin, c'est à dire pour une part une oeuvre de l'esprit ? Bien sur tout cela reléverait de l'attribut "étendue" en tout cas le seul qui se présente à portée de main, mais cette inter-pénétration de plus en plus forte, ne remet-elle pas cette idée au hgout du jour ?

Sinon, en effet, le pensée ne peut d'une part se concevoir elle même, et d'autre part concevoir ce que peut le corps. L'enfermement est double et nois n'avons aucune chance de nous en sortir, sauf à agir sur le réel, c'est à dire, non pas adopter le point de vue contemplatif, mais précisément, actif. La dualité se cache trop souvent ici, dans cette approche "contemplative" du monde, non ?

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Messagepar hokousai » 24 mars 2011, 23:09

à QueSaitOn

La bibliothèque de Babel ne pense pas, du moins me semble-t- il. Je veux dire que je ne vois pas de différence ontologique entre la bibliothèque de Babel (cf Borges ) et une collection infinie d’ordinateurs connectés.

Spinoza croit que la nature pense. Or nous ne le croyons plus. Ou bien si nous le croyons, alors nous sommes appelés( ou nommés )religieux.

Spinoza accorde le même statut ontologique à l’étendue et à la pensée et certains disent même qu'il accorde plus à la pensée ). Nos contemporains accordent tout à l'étendue et ne concèdent à la pensée qu'un statut d'émergence ( ou de survenance ) datée. La pensée y est une production contingente de la nature matérielle.

Puisque le sujet de ce fil concerne les failles, je dis qu'il y a là non pas une faille, le mot est comminatoire, mais un angle d' attaque .
Je ne sais plus ce qu'il reste du Spinozisme si la nature ne pense qu’aléatoirement et pour tout dire par hasard .

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Messagepar aldum » 25 mars 2011, 08:47

la préférence, et donc le choix entre un monisme matérialiste et un monisme spiritualiste, procède d'un pur verbalisme; si les attributs se distinguent bien comme expressions de la substance, ils restent ontologiquement confondus, en une unicité d'être; professer un monisme spiritualiste, peu dans l'air du temps il est vrai, traduirait plutôt, selon le joli mot de Grimaldi, « une nostalgie insurmontée du dualisme théologique »; quant au monisme matérialiste, davantage en vogue, et manifestation, quelquefois, d'un athéisme énervé, il permet à ceux qui le professent, du moins l'espèrent-ils, en désubstantialisant la pensée, en en faisant un simple mode de la matière, en la lui subordonnant, en lui retirant en quelque sorte une part de sa dignité, d'évacuer autant qu'il se peut toute idée du divin;
au final, il me semble que discourir sur l'antériorité ontologique de l'une sur l'autre,(matière ou pensée) et leur dépendance réciproque, présente un intérêt de même genre que tenter de déterminer si le zèbre est un animal dont le pelage est rayé blanc sur fond noir, ou noir sur fond blanc...

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Messagepar hokousai » 25 mars 2011, 15:28

à Aldum

Vous faites le tour de la question, certes, mais pas exactement de la question que je me pose .
Pour Spinoza ( après Bruno) la nature pense de toute éternité.
Il faut avoir une idée assez particulière de la pensée pour penser ainsi .
La pensée déborde ( infiniment ) les strictes frontières de l'individualité pensante.
Ce à quoi s'opposent les théories dominantes de l' émergence de la pensée dans l'individu singulier ( causée par ou corrélée à l' activité cérébrale ) et dans le temps ( évolution ).

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Messagepar Henrique » 25 mars 2011, 18:45

Ce que Spinoza pourrait répondre à la théorie émergentiste, c'est qu'elle confond ce qu'il appelle en héritier de Descartes la pensée avec ses expressions sur le plan de l'étendue ; aussi le fameux mind/body problem (d'où vient la conscience ?) est plus un faux problème au sens bergsonnien qu'un véritable problème. Un écrit, une parole et même les images ou sons que nous formons au moyen de notre cerveau ne sont pas de l'ordre de la pensée au sens spinozien. Je ne vais pas rentrer dans le fond du débat, il faudrait pour cela au moins un autre fil.

D'une façon générale, les remarques qui ont été faites relèvent plus d'objections, de sujets de débat ou à la limite de points obscurs du spinozisme que de failles. Une faille serait un élément clé du système dans lequel il y a manifestement une incohérence par rapport à l'ensemble, quelque chose qui pourrait le faire s'écrouler sur lui-même et non des objections qu'on pourrait faire à partir d'un autre système de pensée qu'on juge plus apte à rendre compte de l'ensemble de nos idées. Je pense notamment à <i>Contrairement </i>qui semble reprocher à Spinoza de ne pas avoir tenu compte des présupposés kantiens.

Le sujet de ce fil risque par nature de nous amener à des débats allant dans tous les sens. Restons en à cette tentative de recension de ce que pourraient être les "failles" du spinozisme et créons de nouveaux sujets pour en débattre de façon plus approfondie si besoin.

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Messagepar hokousai » 25 mars 2011, 20:15

Un écrit, une parole et même les images ou sons que nous formons au moyen de notre cerveau ne sont pas de l'ordre de la pensée au sens spinozien.


à Henrique

Je vous prie de croire que le sens spinozien n'est pas évident pour tout le monde . A supposé qu' on ait le sentiment de l'avoir compris (ce sens), il n'est pas évident non plus de l'expliquer.

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Messagepar Henrique » 25 mars 2011, 20:34

Pour comprendre ce sens, il faut repartir de Descartes : la pensée est tout ce qui peut être pour nous objet de conscience. De tels objets ne sont en tant que tels rien d'étendu. Une chose est le cercle, autre chose est l'idée du cercle : l'une a une circonférence, pas l'autre. Il se forme probablement dans votre cerveau une image de vous même en train de lire ce qui est inscrit sur votre écran, mais si vous considérez maintenant la conscience que vous avez de lire, vous pourrez apercevoir que ça n'est pas la même chose qu'une image quelle qu'elle soit. Il y a une différence, assez subtile à se représenter intuitivement, je vous l'accorde.

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Messagepar hokousai » 25 mars 2011, 23:46

à Henrique


Je focalise en fait, depuis quelques messages, sur une question plus précise.

Nous avons une idée assez claire de l'immensité de l'étendue. Quelle que soit la nature de l'espace nous le concevons comme existant hors de nous infini et éternel. Disons que nous pouvons le concevoir ainsi et probablement autant ainsi que comme un espace fini ayant été créé à un instant t du temps ).
Mais pour la pensée il n'en est pas de même. La pensée nous semble individualisée, ainsi sommes- nous conduits à la comprendre comme une émergence de la chose étendue.

Contrairement à ce que dit Spinoza, nous ne pouvons pas concevoir facilement un être pensant infini .(prop1/2)

(excusez- moi de me faire l'avocat du diable )

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Messagepar Henrique » 26 mars 2011, 11:25

Cher Hokousai,
Vous confondez l'étendue avec l'espace. L'étendue est toujours l'étendue d'un corps, il n'y a pas d'étendue sans corps. Et au passage aussi l'immensité n'est pas l'infinité.

La démonstration allusive de l'infinité de l'étendue, c'est-à-dire du fait que l'étendue soit un attribut de Dieu (E2P2) est la suivante :
Les corps singuliers sont autant de modes qui expriment la nature de Dieu d'une certaine façon déterminée (les choses singulières étant des modes des attributs de Dieu, E1P25). Il faut donc que cet attribut dont tous les corps singuliers enveloppent le concept, et par lequel tous sont conçus, convienne nécessairement à Dieu (un mode étant une affection de la substance, E1D5). L'étendue est donc un des attributs infinis de Dieu, lequel exprime son infinie et éternelle essence (E1D6) ; en d'autres termes, Dieu est chose étendue.

Ici on ne part pas comme vous semblez le faire de l'idée relativement confuse quoique claire d'un espace infini, mais bien des corps singuliers qui à titre de modes de la substance doivent exprimer un attribut absolument infini. Rien n'empêche dès lors de faire de même pour la pensée. En revanche, par exemple, on ne peut pas faire la même chose pour l'entendement, car si on peut concevoir un entendement infini (et tout ce qu'on peut concevoir sans qu'aucune raison ne puisse l'empêcher d'exister doit exister comme le sous-entend le scolie d'E2P1, qui aurait pu citer E1P35), cet entendement infini reste nécessairement une affection de la puissance de penser.

Mais si vous voulez vous faire une idée qui puisse vous paraître plus intuitive de l'infinité de l'étendue, remarquez qu'un corps peut être limité par un autre et ainsi pour tous les corps singuliers, mais que l'étendue qui les constitue tous, elle, ne peut être limitée par aucun corps, puisque chacun est étendu. Comme aucune pensée, au sens cartésien, ne peut limiter un corps, l'étendue ne sera pas limitée par la pensée non plus. Une fois cette démonstration comprise, soyez attentif à l'intuition que vous pouvez avoir de cette étendue : l'étendue s'étend infiniment.

Faites de même pour la pensée : une idée peut être limitée par une autre mais pas la pensée dont elles sont des expressions. Comme vous aurez beau ensuite et par exemple forcer physiquement à dire une chose contraire à sa conscience, cela ne l'empêchera pas de continuer de penser comme bon lui semble tout en vous disant ce que vous voulez au besoin, aucun corps et par conséquent l'étendue ne peuvent limiter la pensée. La pensée pas plus que l'étendue n'ayant de raisons de se limiter soi-même, est donc infinie. La pensée pense infiniment.

Cela signifie donc qu'elle existe par delà le nombre limité d'hommes qui ont existé et existerons dans l'univers. Mais pas plus que l'étendue n'existe en dehors des corps, qui eux doivent exister en nombre infini dans la nature, la pensée n'existe en dehors des idées qui sont l'expression de la pensée. Il y a donc une infinité d'idées. Et l'infinité des idées + l'infinité des corps = la même infinité, puisqu'idées et corps sont une seule et même chose.


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