L'Esprit selon Spinoza

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar hokousai » 08 juin 2011, 11:49

cher aldum

La partie où vous parlez de raison fait référence au sens hégélien de raison ( distingué d'entendement ) . Ce n'est pas le sens spinoziste de raison(ie second genre de connaissance ).
Correspond analogiquement à la Raison hégélienne c'est la connaissance du troisième genre .
Analogie formelle ,donc toutes proportions gardées .

Spinoza fait le travail dans l'entendement, il le reconnait comme tel capable d un travail d élucidation .
Hegel fait le travail dans ce qu'il décrète être une stade supérieur à l’entendement, celui de la raison .

A mon avis il y reste dans l’entendement. Je ne vois pas que sa spéculation en sorte .
L' entendement de Hegel produit la négation ou la différenciation de l’identique ( c'est penser le développement de la réalité, de la chose elle-même. Le mouvement d'une chose est d'être posée, puis de passer dans son contraire).
La manière de penser est subtile et a fort séduit .

Cette idée de contraire (drastiquement logique ) est à mes yeux contestable .Cette manière de penser l'altérité comme négation est assez horripilante .
La subtilité apparente de Hegel est fondée sur une vison polémique du monde . L'autre comme l' ennemi .
.......................................................

Donc chez Hegel exit d'une connaissance intuitive simple, quotidienne et dépouillée de l' historicité de la grande Raison .

Le troisième genre de connaissance spinoziste allège .

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Messagepar aldum » 09 juin 2011, 22:27

à Hokousai

Cette brève incursion dans la rhétorique hégélienne comme tentative de compréhension de la nature de l'esprit (comme aussi, en aparté entre nous, dans le matérialisme dialectique d'Engels, -remarquable tour de passe-passe langagier-) me laisse, sur cette question, (mais très probablement les ai-je l'un et l'autre mal compris) l'impression d'un discours qui tourne à vide, et s'enivre de sa propre puissance autoproclamée; d'accord avec vous pour un retour, avec bonheur, à la simplicité spinozienne du troisième genre.

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Messagepar bardamu » 13 juin 2011, 19:34

hokousai a écrit :(...)
Je partage les idées de Berkeley . C'est pourquoi je ne fais pas de distinction ontologique entre corps et pensée. Disons que je fais une distinction nominale .
C' est pourquoi pour moi ça circule entre les mondes tels que nous les comprenons , ie distincts ontologiquement, car il faut bien l'avouer la distinction esprit /matière est largement partagée).
Berkeley pense que c'est une illusion .


amicalement
hokousai

Bonjour,
je travaille à une présentation des positions contemporaines sur le problème corps-esprit et la place de Spinoza dans le débat mais comme ça risque d'être long et peu adapté au forum je vais me contenter d'évoquer une position qui me semble s'approcher de la vôtre par rapport à vos réticences sur l'ontologique.

Extrait de "Physique et philosophie de l'esprit", M. Bitbol, Flammarion, 2000, p. 256
Michel Bitbol a écrit :Il est assez facile de faire opérer ce parallélisme herméneutique comme instrument révélateur des confusions les plus fréquentes du débat en philosophie de l'esprit. Un bon témoin de ces confusions est l'inextricabilité de la controverse sur le caractère épiphénoménal ou non des qualia. Certains auteurs affirment, nous l'avons vu dès le paragraphe 2-8, que les qualia ne peuvent être que des épiphénomènes (c'est-à-dire être dénués de rôle causal) parce que la chaîne causale neurophysiologique est déjà complète par elle-même. D'autres répliquent en remarquant que dans le langage courant un quale est souvent dit être à l'origine d'un comportement (par exemple dans la phrase "Ayant vu que le fruit était vert, je ne l'ai pas cueilli"), et que cela ne soulève aucune difficulté particulière. La ligne de partage entre ceux qui prévilégient l'argument de la clôture de la chaîne causale physique, et ceux qui privilégient l'argument du statut causal des qualia dans le langage courant, passe à l'intérieur de chacune des deux grandes familles doctrinales antagonistes que sont le dualisme et le physicalisme.

Parmi les dualistes d'abord, la priorité accordée au premier argument conduit à soutenir diverses formes d'occasionnalisme. L'insistance sur le second argument pousse à chercher un lieu d'articulation efficiente entre l'entité (ou la propriété) physique et l'entité (ou la propriété) psychique, dont l'archétype est l'articulation cartésienne du corps et de l'âme dans la glande pinéale (433), et dont une version moderne, due à J.-C. Eccles (434), est l'articulation du cerveau et de la conscience par un processus quantique prenant place dans les vésicules synaptiques. Quant à la tentative de prendre en charge les deux arguments, elle se traduit par la forme de parallélisme des propriétés physiques et psychiques d'un même substrat qu'a proposée D. Chalmers. Car dans ce cas, attribuer un rôle causal à un moment expérientiel ne revient pas à nier la clôture de la chaîne causale décrite par la physique mais seulement à en redécrire un chaînon du point de vue de son envers de propriétés psychiques.

Parmi les physicalistes, ensuite, ceux qui attachent une importance exclusive à l'argument de la clôture causale tendent vers l'éliminativisme. Et ceux qui veulent prendre aussi en charge l'argument du rôle causal attribué aux qualia dans les modes d'expression courants en arrivent à énoncer l'identité du physique et du psychique, la réduction de l'un à l'autre, ou au moins la réduction de la totalité du psychique, y compris la conscience primaire, à un diagramme fonctionnel implémenté sur un support physique. Si l'on admet que les qualia "sont" quelque chose de physique, il est en effet facile (pour ne pas dire trivial) de concilier la croyance qu'ils ont un rôle causal et l'affirmation de la clôture causale de l'univers physique.

Le problème est ici de que d'un côté les deux arguments sur le rôle causal des qualia semblent solides, et que d'un autre côté, pourtant, toutes les tentatives, aussi bien dualistes que physicalistes, de faire droit tantôt à l'un des arguments tantôt aux deux, conduisent à des apories.
[...]
aucune de ces manières de réifier les qualia n'aboutit faute de certaines conditions minimales, et c'est cela qui rend les propositions qui les font intervenir aporétiques par construction. Choses, il faudrait pouvoir les montrer (user du schéma ostensif "augustinien") ; attributs de choses, il faudrait rendre indépendant leur être de leur être-vécu ; voies d'accès à quelque chose, il faudrait avoir les moyens de préciser en quoi consiste cette chose indépendamment des accès qu'on a à elle ; mode d'être autoréflexif d'une chose, on devrait indiquer au nom de quoi la chose, décrite comme de l'extérieur, se voit conférer de facto une priorité ontologique sur ce que l'on appelle "son" mode d'être autoréflexif. Par contraste, la variété herméneutique de parallélisme échappe à ces apories parce qu'elle reste complètement exempte de la tentation de réification.

Il est vrai que le parallélisme herméneutique est isomorphe aux versions dualistes ou physicalistes de parallélisme. C'est d'ailleurs cela qui permet de reprendre à son compte le principe de leur méthode de conciliation entre la clôture de la chaîne des causes physiques et l'attribution d'une fonction aux qualia dans le langage courant ; un principe qui consiste, rappelons-le, à rendre intersubstituables les descriptions d'un processus en termes de séquence d'événements physiques (par exemple neurophysiologiques) et en terme de séquence intentionnelle-expérientielle. Mais la raison de l'intersubstituabilité diffère profondément, selon qu'on a affaire à un parallélisme dualiste, physicaliste, ou herméneutique. Dans le cas dualiste, les deux descriptions sont intersubstituables parce qu'elles ont un référent commun en dépit de leurs deux sens distincts. Par contraste, dans le cas herméneutique, si les deux descriptions sont en principe intersubstituables, c'est qu'elles résultent de deux intérêts distincts dans l'ordonnancement du seul milieu vécu : l'intérêt d'extraction d'invariants interpositionnels et l'intérêt de participation au jeu des variations positionnelles. Rien n'empêche de basculer d'un intérêt à l'autre au cours d'une même séquence descriptive, ni de proposer plusieurs séquences descriptives équivalentes dans lesquelles la distribution des intérêts varie de cas en cas. Rien n'empêche par exemple de décrire les activités d'un homme en s'en tenant de bout en bout à l'intérêt objectivant (et par conséquent au plan exclusivement comportementale ou physiologique), mais rien n'interdit non plus d'intercaler dans la description des moments affectifs et intentionnels qui relèvent de l'intérêt participatif.

En d'autres termes, à la différence des versions dualistes ou physicalistes, la version herméneutique de parallélisme ne rapporte la distinction persistante entre les énoncés objectifs et les expressions d'expérience ni à une dualité des séries de propriétés d'une seule et même chose, ni à une dualité de mode d'accès à la série des propriétés physiques d'une seule et même chose. Elle l'attribue à une dualité d'attitudes dans le seul milieu de "ce qui va sans dire". Les énoncés objectifs résultent d'un travail de purification (précompris dans l'usage assertorique-descriptif du langage ou systématisé par les pratiques scientifiques) de ce qui, dans ce milieu, peut être traité comme une soruce commune d'impressions ou un but commun d'actions cohérentes. Les expressions expérientielles assument de leur côté les traits intersubjectivement partagés de ce que c'est, toujours dans ce milieu, d'avoir une impression ou d'entretenir l'intention d'atteindre un but.

Brève présentation de la question

A partir de l'expérience commune de la différence entre esprit et corps plusieurs systèmes à prétention ontologique se sont développés. Les uns se greffent sur les succès explicatifs des sciences pour tendre à ramener l'esprit à une configuration physiologique. Les autres insistent sur l'irréductibilité de l'expérience subjective pour nier toute réduction.
Les idéalismes à la Berkeley ne sont plus vraiment d'actualité mais on pourrait voir les phénoménologies comme en étant des héritiers : la matière est objet d'une idée, idée de matière. La position est d'ailleurs en accord avec celle de Bohr concernant la quantique pour qui les éléments de réalités ne sont pas affirmables en dehors de la procédure de mesure ce qui rejoint le "esse est percipi" de Berkeley.
Etrangement, Searle considère qu'on ne peut réduire l'expérience de conscience aux discours objectivant des sciences, qu'elle n'est pas représentable en de telles structures parce qu'elle est la condition même de la représentation, la représentation elle-même mais il tient à suivre les sciences d'où cette "émergence" à partir d'une matérialité qui serait "génétiquement", causalement première à défaut de l'être qualitativement, ontologiquement.

A côté des primautés accordés à l'un ou l'autre domaine, il y a les parallélismes qui poseraient un troisième terme comme élément de coordination. M. Bitbol propose un parallélisme méthodologique ou herméneutique plutôt qu'ontologique, c'est-à-dire un parallélisme qui ne substantifie pas de troisième terme, ne désigne pas de substrat comme origine de corps et esprit, mais se contente d'organiser les pratiques : selon les besoins, les intérêts, on travaille en mode "esprit" ou en mode "corps", on regarde ce qui se coordonne (neuro-phénoménologie de Varela), comment ça marche mais on ne se prononce ni sur une primauté d'un des domaines ni sur l'existence d'un substrat commun.

Mauvaise lecture de Spinoza ?

Dans son ouvrage, M. Bitbol semble traiter de Spinoza à partir de Cassirer parlant de N. Hartmann invoquant Spinoza. Il en résulte l'idée que Spinoza invoquerait une mystérieuse substance métaempirique (au-delà de l'expérience) origine des attributs, autant dire une substance transcendante. Bien entendu, on comprend que l'auteur disqualifie la position de Spinoza si il s'agit de dire que les difficultés du problème sont renvoyées au Mystère de la Substance Transcendante.
Et la plupart des spinozistes vont sursauter à cette idée que Spinoza serait adepte du Mystère et de la Transcendance.

Que propose réellement Spinoza, pourquoi un engagement ontologique ?

La Substance est ce qui a l'existence pour essence, c'est-à-dire que c'est l'existence elle-même, dans un langage wittgensteinien ce pourrait être "ce qui va sans dire", l'évidence existentielle et du point de vue "égotique" c'est notre vie même. Une existence va, une vie est une dynamique, une puissance, et l'Existence est à l'infini, va sans limite.

Dès lors que notre vie intellectuelle nous mène à ne pouvoir réduire le monde soit à une expérience de pensée soit à un exercice physique, alors c'est tout ce monde qui doit être vécu comme réellement fait de ces deux puissances. La vérité, la certitude, c'est vivre ses idées, être ses idées et non pas les considérer comme des objets. Le parallélisme proposé par M. Bitbol m'apparaît comme la position de quelqu'un admettant qu'il ne peut concevoir son monde autrement que comme deux puissances indépendantes (parallélisme heuristique), demandant qu'on le vive ainsi (parallélisme méthodologique à appliquer en sciences) mais se refusant à affirmer qu'il est ainsi. Les idées et les actes disent "c'est ainsi" mais sans doute parce qu'on est là dans une conception de la vérité comme représentation, il faudrait que ce ne soit pas pris comme affirmation sur l'être, comme position ontologique.

Spinoza me semble plutôt considérer qu'il n'y a pas de distance entre la vie de la pensée et la vie tout court, il affirme notamment un être-rationnel qui est engagé dans l'existence aussi par la Raison. Un parallélisme mis en idée et en acte, c'est en soi une affirmation sur l'être, c'est une position ontologique incarnée, c'est la manière d'être de celui qui vit ainsi, c'est l'être lui-même, la réalité elle-même.
L'homme est réellement constitué de deux attributs dès lors que c'est son mode d'existence au quotidien, sa vie, l'homme est réel, donc le réel est constitué d'au moins deux attributs. Toutes les théories qui veulent le réduire à un attribut deviennent abstraites, se coupent du mode d'existence quotidien, et c'est bien la force de Spinoza que d'affirmer que notre être constitue aussi l'Etre, que notre existence n'est pas fantomatique, que notre perception du monde, notre conception, est le monde dès lors que c'est notre vie, qu'il y a accord entre l'action et l'idée.

Donc, mon cher Hokousai, je sens chez vous une tension entre le désir de rester au plus près de l'expérience vécue, quotidienne, et le statut que vous accordez à la pensée. Comme chez M. Bitbol et peut-être dans toute la philosophie influencée par Wittgenstein, je sens une réticence à l'engagement ontologique, c'est-à-dire à l'affirmation que ce qu'on pense est la réalité dès qu'il s'agit de pensées élaborées, comme si on s'éloignait de la vie au fur et à mesure de la construction, comme si on ne pouvait prolonger la vie la plus concrète dans nos édifices intellectuels. A mon sens, l'Ethique se veut la proposition contraire, se veut l'affirmation more geometrico des puissances de vie les plus communes : affirmation d'un corps, d'un esprit, d'affects, d'une raison contre ceux qui conduisent au mépris du corps, de l'esprit, des affects, de la raison.

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Messagepar hokousai » 13 juin 2011, 23:59

à Bardamu



Dès lors que notre vie intellectuelle nous mène à ne pouvoir réduire le monde soit à une expérience de pensée soit à un exercice physique, alors c'est tout ce monde qui doit être vécu comme réellement fait de ces deux puissances.


Je suppose que vous entendez ici notre vie intellectuelle comme intelligence philosophique du monde .( vous ne la réduisez pas à cela, mais c’est ce dont on parle )

Le problème est bien que notre vie intellectuelle ne nous mène pas nécessairement à réduire le monde soit à l’un soit à l’autre, il n y aurait sinon pas de débat . Or il y en a un .

Partons donc des idées que vous vivez et qui ne sont pas considérée comme des objets .
Il y a donc comme certitude tout ce monde doit être vécu comme réellement fait de ces deux puissances .
Si je vous dis « souvent je pense telle ou telle chose, j’ anticipe sur mon acte , il y a de l’intentionnalité et je donne un ordre à mon corps .Je ne suis pas en contradiction avec ce que vous dites .

Là où il y a question c’est
1)sur la nature de ces deux « puissances « .

2) sur leur éventuelle relation causale . Relation causale qui je le rappelle est la donnée du sens commun .

Maintenant moi je veux bien QU’ IL N’ Y AIT AUCUN PROBLEME . Et c’est ce que je m’évertue à expliquer ( modestement )
Spinoza parle d’une UNION donc acte .
On ne sait pas de plus ce que peut le corps ( et soit dit en passant, je crois qu’il estimant que par l’entendement on ne le saura jamais )

Je soutiens en opposition aux dualismes divers ou réductionnisme ou aux occasionalismes ,une thèse sur l’indifférence ontologiques des mondes tels que nous les voyons et du monde tel que nous le synthétisons .
……………………………………………………………………………………………………
En ce sens les thèses de Bitbol mérite l’examen .
Je note ceci :Elle (la version herméneutique de parallélisme) l’attribue à une dualité d'attitudes dans le seul milieu de "ce qui va sans dire".
Bitbol a concentré son attention sur le comment nous comprenons le monde ,tantôt d’une manière, tantôt dune autre et les deux sont légitimes et intersubstituables .
Il s’agit bien d’un perspectiviste qui refuse l’ ontologie( la substance et les attributs ).
Mais si c’est un parallélisme ( fut- il herméneutique ) c’est une position sceptique sur la causalité me semble- t- il .
Causalité admise dans chaque interprétation mais pas interagissant .
On n’ a pas avancé sur la question .

Bitbol se défausserait-il de la question ? L’exemple choisi est assez troublant "Ayant vu que le fruit était vert, je ne l'ai pas cueilli"
Mais pourquoi éviter de donner l’exemple montrant l’éventuelle causalité du mental sur le corps » Ayant vu que le fruit était rouge , je l'ai cueilli"
………………………………………………….

Ma thèse refuse la distinction ( d’origine) entre la chose pensante et la chose étendue.
Elle est reprise par Spinoza, certes moins substantialiste que Descartes .

Je dis (et là Berkeley est tout à fait actuel !)
Que l’entendement est formé par les qualia (sensations ) mais qu il ne s’y résume pas ( puisque nous pouvons aussi abstraire ).
Que l’idée de matière est formée sur une expérience sensible .
Que nous avons de plus la mémoire.
Et puis à l’origine le Moi conscient et d’abord le Moi en effort .
Je dis à l’origine parce que sans le MOI vous n' avez plus ni corps propre, ni monde .
Sans doute continuerez- vous à agir mais tel l’étoile de mer vous ne le saurez plus .
Voila d’autres « puissances » explicatives.

Mais si on lit Spinoza celui-ci après avoir parlé d UNION ne cesse
1) de jeter le discrédit sur tout ce que je peux penser du monde à partir de l’expérience de mon incarnation .
2) me propose en échange une théorie qui fait fi de l’UNION et qui distingue deux attributs qui ne peuvent avoir de relation de causalité entre eux .
Je dis qu’ il y a des philosophes moins géométriques mais aussi moins contradictoires ( au moins sur cette question là ).
J’interroge donc un philosophe pour lequel j’ ai la plus grande estime sur une question où il me semble à la peine .

Cher Bardamu je vous remercie pour votre réponse, et pour ce texte de Bitbol .

Bien à vous
hokousai

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Messagepar recherche » 31 août 2011, 16:37

Bonjour,

bardamu a écrit :Sans aller dans ce genre d'expérience, Spinoza se contente d'évoquer des expériences communes comme le somnambulisme qui montrent combien le rapport entre la conscience volontaire et l'action est loin d'être la règle : tout ce qu'un corps fait avec conscience, il peut le faire sans conscience.

S'appuyer sur des actes ou comportements involontaires (somnambulisme ou pourquoi pas hérissement de poils...) pour tenter de limiter l'ampleur du problème me semble vraiment farfelu.
À titre personnel, la question me semble suffisamment épineuse pour que l'on mette de côté -pour le moment- tout ce qui relèverait du système nerveux autonome (*), du sommeil (paradoxal), des états de conscience altérés... etc.

De là, sur les différentes thèses abordées en philo de l'esprit (et vis-à-vis desquelles, je l'espère, les sciences cognitives permettront un jour de "sonner la fin de la récré", histoire d'y voir plus clair et "plus sûr"), le parallélisme est celle qui m'a paru la moins plausible. L'accepter supposerait d'accepter du même coup que "quelque chose" (sinon un "hasard", mais là, je ne pourrais pas même l'envisager) assure la superbe synchronicité...

Comment récuser la possibilité d'une causalité du mental sur le physique sans récuser du même coup que les mouvements musculaires nous permettant d'articuler des sons, ou de taper sur un clavier, nous permettent d'exprimer une partie du contenu de notre pensée ?! ...

bardamu a écrit :Pas sûr que cela te convainque ou même t'éclaire, mais ceci étant, on peut très bien vivre en croyant à l'action de l'esprit sur la matière et se contenter de dire comme Descartes "c'est un mystère, c'est magique". C'est ce que font la plupart des gens et certains essaient même de tordre des cuillères à distance en y pensant très fort (la Force, sent la Force, jeune padawan...)

C'est quant à moi l'idée de "corrélation" qui, à l'heure de l'émergence des neurosciences (cognitives), me paraît nous renvoyer inexorablement vers l'insondable. Pourquoi s'y accrocher ?! Spinoza lui-même y eût peut-être renoncé ! :)

Merci

(*) système nerveux autonome lequel entretient bien sûr des liens forts avec l'entité "esprit" (et dire qu'une une tristesse génère quelquefois des larmes...)

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Messagepar hokousai » 31 août 2011, 23:48

cher recherche

Spinoza lui-même y eût peut-être renoncé !


Mes lectures et nombreuses relectures m'incitent à penser que non il n'y aurait pas renoncé .
Pour lui l'essence de la pensée ce n'est pas du tout l'essence de l 'étendue .
Chaque attribut exprime une essence éternelle et infinie ( mais pas la même)

Qu' on ne viennent pas me soutenir que chez Spinoza il n'y a pas d 'essences . Il fait très bien la distinction entre existence et essence .

Que l'essence et l'existence soient indistinguables pour Dieu, certes , mais elles le sont pour les attributs lesquels existent mais chacun exprimant une essence éternelle et infinie .
D où l' absence de causalité transversale et le dit parallélisme .

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Messagepar bardamu » 01 sept. 2011, 02:28

Bonjour,
finalement, je crois que vais laisser tomber l'idée d'un fil synthétique parce que parti comme c'est, ça ressemble plus à une thèse de 300 pages qu'à une discussion de forum.
Je vais me contenter de réponses au coup par coup
recherche a écrit :S'appuyer sur des actes ou comportements involontaires (somnambulisme ou pourquoi pas hérissement de poils...) pour tenter de limiter l'ampleur du problème me semble vraiment farfelu.

Ce n'est pas pour limiter le problème, c'est pour donner un exemple simple qui en fait exprime le problème.
Dire "j'ai eu l'idée de bouger les jambes puis j'ai bougé les jambes donc mon idée est cause du mouvement" pourrait tenir du paralogisme : post hoc ergo propter hoc. Où est la cause efficiente ?
Le somnambule, qui vaut pour un être n'exprimant pas la volonté de bouger les jambes, montre qu'un même effet se produit sans la cause invoquée et que donc la succession de faits n'implique pas nécessairement leur liaison causale.

A ne pas oublier aussi : cum hoc ergo propter hoc.

Selon moi, le fond du problème est de concevoir en plus de l'ordre et de la connexion, en plus de la relation d'implication, une sorte de typage des données, pour parler un langage d'informaticien.
Soit l'ordre et la connexion A - > B, cet "algorithme" traite des données qualifiées d'"idées" et des données qualifiées de "mouvements". En gros, c'est comme rajouter un index aux termes pour indiquer dans quel type on évolue : Ai - > Bi, c'est-à-dire la production est traité comme idée, ou Am - > Bm comme mouvement.

L'erreur de catégorie serait à peu près comme demander à un ordinateur de sortir du son à partir de la photo de la joconde : il y aura certes une même structure de données mais on aura du mal à la saisir parce qu'on se trompe de sortie, de cadre interprétatif.
Il n'y a qu'un ordre et connexion, qu'une seule relation d'implication ( - > ) et plusieurs manière de l'appliquer, plusieurs sémantiques exprimant cette syntaxe.
On peut récuser cette logique si on montre comment la syntaxe ayant pour sémantique un langage de corps produit une sémantique d'idées ou vice-versa.
recherche a écrit :De là, sur les différentes thèses abordées en philo de l'esprit (et vis-à-vis desquelles, je l'espère, les sciences cognitives permettront un jour de "sonner la fin de la récré", histoire d'y voir plus clair et "plus sûr"), le parallélisme est celle qui m'a paru la moins plausible. L'accepter supposerait d'accepter du même coup que "quelque chose" (sinon un "hasard", mais là, je ne pourrais pas même l'envisager) assure la superbe synchronicité...

Au cas où ce ne soit toujours pas clair : la synchronicité est assurée par construction puisqu'il ne s'agit que de développer plusieurs expressions d'une même série productive. La série est première, unique, elle est la causalité transitive elle-même, la production par génération.
recherche a écrit :Comment récuser la possibilité d'une causalité du mental sur le physique sans récuser du même coup que les mouvements musculaires nous permettant d'articuler des sons, ou de taper sur un clavier, nous permettent d'exprimer une partie du contenu de notre pensée ?! ...

Justement, le contenu de pensée qu'on transmet est dans l'ordre et la connexion, lequel est indifférent au "support", qu'on le considère matériel ou idéel.
Si tu avais écrit en chinois, j'aurais dit sans problème que tes mouvements de doigt sont cause par de multiples intermédiaires (signal électrique, écran etc.) de mes "mouvements" de cerveau, mais je n'aurais pas eu l'idée vu que je ne comprends pas le chinois (cf la chambre chinoise de Searle).
Par métonymie, le mouvement exprime la pensée pour autant que la pensée est comprise.

Mais disons qu'on se balade en permanence avec une système d'imagerie fonctionnelle devant les yeux qui nous montre en temps réel l'activité du cerveau. On voit en direct tous les "mouvements" du cerveau. Quand on tape sur le clavier on voit le film de ces mouvements en même temps.
Va-t-on dire que la cause du mouvement des doigts est "je pense donc je tape" ou bien les libérations de neurotransmetteur, les potentiels d'action, les déclenchements neuro-musculaires etc. qu'on voit s'effectuer sous nos yeux, aller de tel ou tel centre cérébral jusqu'aux muscles des doigts ?

Concrètement, les neurosciences ne cessent d'utiliser un système paralléliste.
Exemple de procédure de théorisation :

Un neurobiologiste veut étudier la douleur.
Il prend des personnes souffrantes, c'est-à-dire des sujets disant "j'ai mal". Il établit par imagerie fonctionnelle les zones du cerveau activée, détermine les neurotransmetteurs en jeu, les récepteurs, etc. produit tout un schéma explicatif complet. Et comme il est membre du parti des "physicalistes éliminativistes radicaux", une fois qu'il a terminé, il dit : c'est bon, la douleur c'est ça, on n'a plus besoin que quelqu'un nous dise "j'ai mal" pour savoir qu'il a mal. Exit le Sujet.
Et puis un jour, un extra-terrestre débarque en disant "j'ai mal !". Surprise, rien dans sa configuration physiologique ne correspond au schéma établi sur l'humain. Va-t-on dire qu'il n'a pas mal ou bien va-t-on considérer que c'est le sujet qui qualifie l'état, que son système physique est dit douloureux parce qu'il correspond à un "j'ai mal" et pas seulement à une configuration de corps, que "j'ai mal" appartient à la catégorie idéelle et que dans ce cas-ci, c'est elle qui donne le sens à la configuration de corps, c'est la sémantique à utiliser dans l'optique du bien-être du sujet ?

On n'infère un sentiment ou une idée d'une configuration de corps que par analogie, parce qu'on a déjà pu faire une correspondance, pu établir un schéma fonctionnel parallèle entre les deux genres expressifs.

Il n'y a rien là de mystérieux, c'est juste une distribution claire des langages expressifs : que peut-on lier "mécaniquement" par la relation d'implication ? qu'est-ce qui excède cette relation ?

Là, dans ma manière de présenter les choses, on est dans un cadre plutôt épistémique ou méthodologique qui ne me semble pas trop difficile à accepter : organiser le champ du savoir en fonction de concepts de base hétérogènes ne doit pas être trop choquant.

De manière pratique, c'est ce que fait l'école neuro-phénoménologique issu de Varela en s'efforçant d'établir des constantes de "vécus" et de les relier à des états neurologiques. Ils obtiennent d'ailleurs des résultats concrets, par exemple des épileptiques qui apprennent à identifier quels ressentis signalent l'approche d'une crise et quel comportements permettent de l'éviter (cf "Un exemple de recherche neuro-phénoménologique : l'anticipation des crises d'épilepsie").

Et je suis d'avis que ce modèle pourrait être utile en physique dans l'analyse des corrélations non-locales, celles ne pouvant résulter de transmissions d'information classique, par causalité respectant les limites de la Relativité.

Ceci étant, l'affaire devient plus rude quand il s'agit d'affirmer cela sur un mode ontologique et c'est ce qui doit travailler Hokousai : pourquoi considérer que les attributs ne sont pas des idées comme les autres, ne sont pas des produits de la pensée et n'impliquant donc rien d'autre que de la pensée ? Ou en termes linguistiques : des sémantiques distinctes, soit, mais en quoi la sémantique du corps n'est pas un sous-domaine de la sémantique de la pensée dès lors que quand on parle on ne parle que d'idées de corps ? L'espace-temps-mouvement est-il autre chose qu'une forme d'organisation de la pensée, le sous-domaine de la sensation corporelle ?

Et en fait, le projet émergentiste "matérialiste" est la même chose en plus difficile : déterminer à quelles configurations particulières de corps correspondent l'attribution du terme "pensant", faire un sous-domaine de la physique correspondant à "corps pensant". C'est plus difficile parce qu'on sait déjà qu'une simple machine mécanique, une machine de Turing, est incapable de réaliser tout ce que fait l'esprit humain. Je remets le lien, machine de Turing avec oracle, avec un extrait : "L'oracle peut être vu comme un dieu (il vaut mieux ne pas le considérer comme une machine) qui est capable de résoudre un certain problème de décision en un temps nul. (...) Les oracles sont des outils purement théoriques, puisque ce modèle évite soigneusement de soulever la question de leur fonctionnement."
Il s'avère que nous, nous sommes capable de décider de l'"indécidable". Qui trouvera quelle structure physique correspond aux idées que nous formons absolument, comme dit Spinoza ?

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Messagepar recherche » 01 sept. 2011, 09:47

bardamu a écrit :Le somnambule, qui vaut pour un être n'exprimant pas la volonté de bouger les jambes, montre qu'un même effet se produit sans la cause invoquée et que donc la succession de faits n'implique pas nécessairement leur liaison causale.

Il suffit de constater, comme l'ont fait les psychanalystes, que le conscient n'est pas le seul maître à bord dans la maison "Esprit".

Au cas où ce ne soit toujours pas clair : la synchronicité est assurée par construction puisqu'il ne s'agit que de développer plusieurs expressions d'une même série productive. La série est première, unique, elle est la causalité transitive elle-même, la production par génération.

Que faudrait-il selon vous étudier pour tenter d'accéder à cette cause première ?

Justement, le contenu de pensée qu'on transmet est dans l'ordre et la connexion, lequel est indifférent au "support", qu'on le considère matériel ou idéel.
Si tu avais écrit en chinois, j'aurais dit sans problème que tes mouvements de doigt sont cause par de multiples intermédiaires (signal électrique, écran etc.) de mes "mouvements" de cerveau, mais je n'aurais pas eu l'idée vu que je ne comprends pas le chinois (cf la chambre chinoise de Searle).
Par métonymie, le mouvement exprime la pensée pour autant que la pensée est comprise.

Pour éviter la possible confusion, tenons-nous en à la supposition que nous comprenons et parlons la même langue, ok ? :)

Mais disons qu'on se balade en permanence avec une système d'imagerie fonctionnelle devant les yeux qui nous montre en temps réel l'activité du cerveau. On voit en direct tous les "mouvements" du cerveau. Quand on tape sur le clavier on voit le film de ces mouvements en même temps.
Va-t-on dire que la cause du mouvement des doigts est "je pense donc je tape" ou bien les libérations de neurotransmetteur, les potentiels d'action, les déclenchements neuro-musculaires etc. qu'on voit s'effectuer sous nos yeux, aller de tel ou tel centre cérébral jusqu'aux muscles des doigts ?

Je dirais qu'en présence, ce sont d'abord des aires propres au langage, à l'idéation... etc. qui sont mises en jeu. Nous les verrons s'activer, mais à ce stade, la distinction entre "corps" et "esprit" n'a même plus sa place (le postulat initial étant que l'esprit relève de la matière ; à moins que nous tenions à y voir autant de "glandes pinéales"...)
Si elle excelle dans le repérage empirique de "telle(s) tâche(s)" associée(s) à "telle(s) région(s)", la neuro-imagerie ne permet de comprendre ce qui sous-tend l'émergence des capacités associées aux aires ainsi mises en exergue. Mais c'est pour bientôt... ! :)

Soit, par exemple : une idée (= certaines activations/inhibitions de certaines zones cérébrales) causant (notamment) des mouvements (= certaines activations/inhibitions de certaines zones cérébrales).

Si on mettait donc en place une possibilité de traduction entre ce que connaît le cerveau physiquement à un instant t au niveau de régions cognitives, et, mettons, l'idée consciente sous-jacente à ce même instant, nous conserverions l'idée de deux "langages" (l'un se rapportant aux potentiels d'action... etc. (physique) / l'autre, à ce à quoi ceux-ci donnent lieu (mental)), acceptant du même coup pleinement l'idée de causalité [aussi bien du physique sur le mental (pour l'exemple précédent : tel "pattern" physique a pour conséquence telle "idée") que du mental sur le corps (telle "idée" a elle-même pour conséquence tels événements physiques (musculaires... etc.)).
Soit, in fine, causalité du physique sur le physique, via ce que nous appelons le mental...

Cela me fait penser à Davidson et son "anomie du mental", où l'anomie relève en fait du langage adopté.

(À propos de l'anomie du mental :
C’est l’idée que l’esprit n’est pas soumis aux lois de la nature en général, et surtout pas aux lois déterministes strictes, comme c’est le cas de la physique. « Anomie » : « absence de lois ». C’est une doctrine très traditionnelle : par exemple Kant la soutient.
En tant qu’être rationnel (moral pour Kant), nous ne sommes pas soumis aux lois de la Nature. Davidson argumente pour ce principe, contrairement aux deux précédents qui étaient présupposés.
C’est plausible : notre esprit nous semble libre de vagabonder.
2 et 3 ne sont pas paradoxaux (nous pourrions dire que l’esprit est une chose, le royaume de la causalité autre chose) ; 1 doit intervenir.
Paradoxe. On a interaction causale entre corps et esprit. Comme ce sont des interactions causales, elles doivent faire intervenir des lois déterministes strictes. Ce n’est pas possible selon la troisième proposition.
Davidson met donc en évidence une contradiction latente dans des considérations admises assez trivialement (en 1969).
La question monisme/dualisme est exprimée par Davidson en termes d’évènements : les évènements physiques sont-ils identiques aux évènements mentaux. Pour résoudre ce paradoxe, Davidson se demande si des lois (= liens nomiques) relient le mental et le physique indépendamment de la question monisme/dualisme. Il y a dès lors quatre possibilités, correspondant à quatre doctrines (2x2 possibilités, quatre positions selon MONISME/DUALISME ; NOMAL/ANOMAL). L’une d’elles est le dualisme nomologique : l’esprit et le corps sont distincts, mais les évènements mentaux sont liées aux événements neurophysiologiques (« quelles zones impliquées à tel ou tel moment ? »). Le dualisme anomal (très traditionnel) : les corps et l’esprit sont différents mais aussi indépendants. Le monisme nomologique : l’esprit est le cerveau, et il y a des lois liant deux manières de dire la même chose (il y a un événement), « corps et esprit » sont deux termes désignant la même chose (plusieurs vocabulaires : psychologiques, neurophysiologiques… etc.) ; les lois découvertes en neurosciences cognitives permettent de passer d’un vocabulaire à l’autre. Davidson invente le monisme anomal, a priori incohérent… : l’esprit est le cerveau (monisme) mais absence de lois liant le mental et le physique (anomal).
La solution du paradoxe revient à découvrir qu’il ne s’agit en fait pas d’un paradoxe… :
Trois propositions :
1. Principe d’interaction causale
Événement mental cause action physique.
2. Principe du caractère nomologique de la causalité
Cette causalité va de pair avec une loi déterministe stricte.
3. Anomie du mental
En tant qu’événement mental, il ne peut être soumis à une loi déterministe stricte, donc il doit en même temps être un événement physique. C’est la seule manière dont cet événement peut tomber sous une loi déterministe stricte compte tenu de l’anomie du mental.
Davidson va « sauver » l’anomie ("dignité humaine, nous ne sommes pas soumis à des lois déterministes"... etc.).
Il dit que l’événement mental doit être en même temps mental et physique (la décision est mentale et physique en tant que causalement liée au physique). Deux événements physiques interagissent (principe 1). Principe 2 : car tous les deux physiques. Principe 3 : en tant qu’événement mental, pas soumis à des lois. Pour Davidson, causalité relie des événements particuliers (c’est-à-dire occupant l’espace à des moments donnés) indépendamment de leurs descriptions. Distinction entre les événements et leurs descriptions : regard en psychologue ou en neurophysiologiste. Les lois ont affaire aux descriptions (événements sous une certaine description ou un certain prédicat). En tant que physique, nous sommes soumis aux lois ; en tant qu’être mentaux, cognitifs, nous ne sommes pas soumis aux lois déterministes. Assez proche de Kant : les êtres mentaux obéissent non aux lois physiques mais aux lois morales.
C’est une doctrine nominaliste (une loi relève du langage). Parler des événements mentaux en termes mentaux (psychologiques) ou physiques (neurophysiologistes) répond donc à un simple choix de langage. Il y a des lois en psychologiques (avec plein d’exceptions), mais pas déterministes strictes (pas des « vraies lois »).
Donc monisme anomal : avec le vocabulaire psychologique (mental), on ne trouve pas de lois permettant d’établir un lien avec le physique.
L’anomie est ce qu’il y a de plus traditionnel en philosophie : Davidson, Kant, Dilthey, Wittgenstein. Dilthey a introduit une distinction entre expliquer et comprendre, distinction fondamentale entre sciences humaines et sciences de la nature (critère de distinction par excellence, philosophique). Davidson va dans le sens de cette tradition, contre la plupart des physicalistes pour qui comprendre revient à expliquer, et expliquer revient à comprendre. Clivage fondamental entre sciences humaines et sciences de la nature (la psychologie étant entre deux). Wittgenstein : on explique une action par des raisons et non par des causes. Pour Davidson : mental (voire actions vues sous le prisme psychologique) : raisons (pas de loi). Les « causes » de Wittgenstein devraient être remplacées par « lois déterministes » chez Davidson.)

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Messagepar hokousai » 01 sept. 2011, 13:09

cher bardamu

Je prends en considération votre subtil propos ainsi que la réponse de recherche. Mais comme on est pas sur la même longueur d' onde je vais préciser mon point de vue .
......................................................................
Dire "j'ai eu l'idée de bouger les jambes puis j'ai bougé les jambes donc mon idée est cause du mouvement" pourrait tenir du paralogisme


Ce n'est pas exactement ce que je dis . Je dis que l'idée de cause vient de cette suite d 'évènements .
L'idée de causalité n'est pas causée par cet évènement de bouger la jambe car ma jambe peut bouger sans que j'attribue une causalité au mental.

Pourquoi (dans le cas de l'acte volontaire) est-ce que je lie à un antécédent? L’antécédent c'est l'idée de bouger la jambe .
La réponse est que ce genre d’évènement est suffisant pour générer l' idée de causalité . Ce genre d’évènement qui génère la causalité ne peut bien évidemment pas être compris lui même comme causé .Il est donc compris comme cause de soi .

Il n'y a que ce genre d’évènement qui peut faire que je ne perçoive pas les choses comme juxtaposées , sans liens entre elle ( donc sans lien de causalité )
.............................................................

Je ne peux pas savoir s'il y a un lien de causalité objectivement , je sais seulement que j' établis un lien de causalité qui va me servir à relier entre elles toutes les choses dans l'étendue .

Pourquoi cette cause de soi est- elle transposable en cause d' autre chose? .
Et bien parce que le soi en question, l'esprit, n'est pas UN mais idée de quelque chose ( en l’occurrence idée du corps )
C'est bien parce que l'esprit n'est pas compris comme juxtaposé au corps mais ayant puissance sur lui que la causalité est pensée .

On peut nier la réalité objective de cette puissance mais alors il faut nier la réalité objective de la CAUSALITE .
La causalité n'est alors qu'une idée issue d 'un évènement trompeur, idée donc qui tient du mirage .

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Messagepar bardamu » 02 sept. 2011, 03:02

Bonjour,
recherche a écrit :Que faudrait-il selon vous étudier pour tenter d'accéder à cette cause première ?

Les sciences ne font que ça : déterminer l'ordre et la connexion des choses. La série est première plutôt au sens de matière première que de cause première, nous sommes en plein dedans.
recherche a écrit :Pour éviter la possible confusion, tenons-nous en à la supposition que nous comprenons et parlons la même langue, ok ? :)

Ca fait perdre la différence entre syntaxe et sémantique, entre traitement mécanique de signes et compréhension des signes. D'ailleurs, bien difficile de savoir si ce qu'on explique est compris et parfois, de savoir si la personne qui explique comprend elle-même ce qu'elle dit...
recherche a écrit :Soit, par exemple : une idée (= certaines activations/inhibitions de certaines zones cérébrales) causant (notamment) des mouvements (= certaines activations/inhibitions de certaines zones cérébrales).

Si on mettait donc en place une possibilité de traduction entre ce que connaît le cerveau physiquement à un instant t au niveau de régions cognitives, et, mettons, l'idée consciente sous-jacente à ce même instant, nous conserverions l'idée de deux "langages" (l'un se rapportant aux potentiels d'action... etc. (physique) / l'autre, à ce à quoi ceux-ci donnent lieu (mental)), acceptant du même coup pleinement l'idée de causalité [aussi bien du physique sur le mental (pour l'exemple précédent : tel "pattern" physique a pour conséquence telle "idée") que du mental sur le corps (telle "idée" a elle-même pour conséquence tels événements physiques (musculaires... etc.)).
Soit, in fine, causalité du physique sur le physique, via ce que nous appelons le mental...

Un premier point : si il s'agit de dire qu'on peut expliquer tout le fonctionnement des choses en termes physiques, Spinoza en est tout à fait d'accord, il le dit explicitement, et il aurait certainement suivi avec attention les avancées neurobiologiques pour étendre sa petite physique de E2p13 ou dans l'étude de la logique des affects.
Donc oui, tout ce que nous faisons selon une idée, peut être décrit comme ce que nous faisons selon certains "pattern physiques" et particulièrement en patterns neurobiologiques dès lors que les idées que nous avons correspondent pour l'essentiel à l'activité cérébrale.

Mais : pourquoi "ce à quoi ceux-ci (potentiels d'action, pattern physique etc.) donnent lieu" doit être appelé mental si on dit en même temps que idée = certaines activations/inhibitions de certaines zones cérébrales.
Par simple transposition, on a : ce à quoi les patterns physiques donnent lieu c'est certaines activations/inhibition de certaines zones cérébrales, c'est-à-dire d'autres patterns physiques.

Pourquoi tout d'un coup surgit ce terme de mental ? Est-ce que la description en terme de patterns physiques l'impose, est-ce que ces notions impliquent nécessairement ce domaine, et si ce n'est pas le cas, d'où vient-il ? Est-ce parce qu'il faut rejoindre l'expression commune, parce que la recherche se régule en fonction du langage subjectif, prend pour objet ces "je pense", "je sais", "je sens" ?
N'y aurait-il pas une sorte de cercle vicieux : je pense qu'un pattern physique est cause de l'expression "je pense qu'un pattern physique est cause d'un je pense que...".

Sinon, que faut-il entendre par "ce que connaît le cerveau physiquement" ? Qu'est-ce qu'une connaissance physique ?
La configuration neuronale ? Les creux dans un CD sont "ce que connaît physiquement" un CD ? La forme des montagnes est "ce que connaissent physiquement" les montagnes ?

Ce qui peut apparaître comme pinaillages langagiers n'a guère de conséquence en neurobiologie puisque justement il s'agit d'y coller aux correspondances idée/corps, que c'est là que l'identification a le plus de sens, mais que se passe-t-il quand un prestidigitateur se met à mélanger les langages pour dire "je tord les cuillères par la pensée", quand un prêtre dit aux enfants que l'âme va au ciel ou que des physiciens invoquent les mystérieux pouvoirs de la conscience pour la "réduction du paquet d'onde" en quantique ou plus grave, quand un médecin décide que quelqu'un dans le coma ne ressent rien parce qu'il ne voit pas l'activité attendue sur ses instruments ?

On peut d'ailleurs faire le même genre de réduction dans le sens inverse, à la Berkeley, et tout renvoyer à un langage idéel, dire que les "patterns physiques" ne sont qu'une construction de sensations, que tout ce qu'on raconte est théorie, idée, qu'au fond il n'y a pas de matière, seulement des idées de matière.
Dans les deux cas, on part de l'empirique, la sensation, là où la correspondance corps et esprit est la plus manifeste, et on fait pencher la balance du côté correspondant à nos projets.

Et je dirais qu'avec Spinoza, constatant qu'on peut tout expliquer aussi bien en termes matériels qu'idéels, constatant que l'expérience, l'empirie, la sensation mène aussi bien a de l'idéalisme que du matérialisme purs, on conclut que l'"expliquer" s'exprime de deux manières, que la réalité est exprimable en ces deux explications.
Notre expérience est non seulement un déroulé de cause et d'effets, d'implication-explication, mais aussi une tension entre 2 dimensions qui ne s'impliquent-s'expliquent pas l'une par l'autre.

P.S. : concernant Davidson, ça ne ressemble pas trop à du Spinoza qui ne fonctionne pas sur un couple pensée-liberté vs corps-déterminisme mais il faudrait peut-être creuser la distinction expliquer-comprendre. Les attributs comme manières de comprendre les explications complètes de l'ordre des choses ?

P.P.S. : Extrait de cet article, Sorti de 20 ans de coma :
"Dans le cas des états de conscience minimale, tel celui de T. Wallis, la situation de chaque patient est différente. Certains sont peut-être tout près de la conscience, d’autres en sont peut-être éloignés et sur une pente régressive. Il faudra trouver des moyens de mieux apprécier ce que signifie « minimale », dans cet état dit de conscience minimale. Pour l’instant, c’est très difficile car on ne peut évaluer la conscience qu’à partir des échanges verbaux que l’on a avec les patients, or ils sont souvent dans l’incapacité de parler."
Les neurobiologistes en viendront-ils un jour à décider qu'on peut se passer de l'échange verbal pour décider de l'état de conscience ? Plus besoin du "je pense" ?


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