L'Esprit selon Spinoza

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar hokousai » 07 sept. 2011, 12:55

à Bardamu

Si Spinoza ne fait pas de la phénoménologie parce qu'il ne privilégie pas la conscience, il fait sans doute du "phénoménisme", c'est-à-dire que son réel de base est celui d'une idée-ayant-pour-objet-un-corps.

d'accord avec vous ( c'est la prop 13 /2)

Mais où je ne suis pas d'accord avec Spinoza c'est sur la seconde partie de la démonstration laquelle dit

"" ensuite s'il y avait outre le corps encore un autre objet de l'esprit, comme il n'existe rien d' ou ne suive quelque effet, il devrait nécessairement y avoir une idée de cet effet dans notre esprit
il n y en nulle idée""

Or dans l'esprit il y a la conscience de soi comme esprit ( comme moi pensant ) Spinoza lecteur de Descartes passe sur le cogito .
Sans même parler de l'effet .
Car il y a un effet lorsque le moi pensant pense non pas à son corps mais à la décision de le bouger .
Il pense à des modifications du corps qui donc n’existent pas encore ( l esprit a des visées intentionnelles) .

L' effet qui est une idée de bouger ma jambe je ne l'attribue pas à mon corps mais à mon esprit .
Comment mon corps qui n'est pas affecté par ce mouvement ( il est immobile ) pourrait- il être la cause de l' idée de mouvement ?

( ce n'est pas le cas des mouvements réflexes , automatiques ou sans conscience)

Il y a donc de mon point de vue un autre objet de l'esprit qui est l’esprit lui même et plus précisément le moi conscient de lui même .

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Messagepar recherche » 07 sept. 2011, 13:02

Je viens de poster un nouveau message, dernier message de la page précédente (http://www.spinozaetnous.org/ftopicp-15950.html#15950).

Il s'agit d'une édition, peut-être éclipsée par le message que vient de poster hokousai (d'où cette note).

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Messagepar hokousai » 07 sept. 2011, 17:40

Mais non mais non vous n' êtes pas éclipsé !
Vous êtes sur la page précédente .
Remarquez bien que je ne vais pas tarder moi à m 'éclipser .

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Messagepar bardamu » 09 sept. 2011, 05:32

Bonjour recherche,
recherche a écrit :Mais je vous ai demandé votre avis, pas celui de Spinoza ! :)
Sont-ils rigoureusement semblables ?

Sur les principes, oui, ils sont identiques.
Si je synthétise le rapport cerveau-pensée chez Spinoza (cf E1 appendice et E2p48 scolie pour des occurrences de "cerveau"), avec des références à des notions plus contemporaines, ça donnerait :

Les idées du 1er genre de connaissance ("imagination", sensation, mémoire etc.) sont uniquement "dans le cerveau", sont locales.

Les idées du 2n genre (notions communes) doivent être considérées de manière non-locale du fait même qu'elles sont communes. Pour se calquer sur un langage de physicien, on peut concevoir chaque notion commune comme un champ. L'idée-champ "2 + 2 =4" est excitée une fois dans tel cerveau, une fois dans une calculatrice etc. L'identité, l'essence de l'idée est portée par le champ, sa manifestation ici et maintenant en est une "particule", un mode d'excitation.

Les idées du 3e genre font voir le non-local dans le local, font saisir ces idées coupées de leur cause, semblant n'être que "dans le cerveau" comme exprimant en fait une globalité.
recherche a écrit :Je pourrais en outre vous répondre que « le concept d’idée » implique bel et bien des « intensités électriques », des « fréquences de dépolarisation »… etc.

Oui, si on accepte d'emblée que pensée se résume à ce qu'il y a "dans le cerveau", alors on peut assez facilement identifier les idées à ce qu'il se passe dans le cerveau. Si on considère que "2 + 2 = 4" est aussi dans un boulier ou une calculatrice, l'idée n'est pas limitée à son expression cérébrale.
recherche a écrit :Vraiment, je ne vous rejoins pas.
En prenant connaissance de cette expérience de Wheeler, on pourrait croire à un tour de passe-passe ! Un choix retardé ayant des conséquences sur le passé ! ... Excusez du peu (et de ma naïveté...)

J'allais me lancer dans une reformulation de l'expérience pour réduire le côté "spectaculaire" mais je me contenterais de recommander "Mécanique quantique, une introduction philosophique" de M. Bitbol. C'est l'ouvrage que je mets toujours en avant pour abaisser le taux de mystère dans les esprits.
Un mot quand même : en dépit de formulations discutables, n'oublions pas que l'article se conclut par "Il n'y a donc aucune transmission d'une information du futur vers le passé". La physique quantique respecte la causalité einsteinienne pour tout ce qui concerne l'agir, l'action par transmission de quantum d'énergie ou son équivalent informationnel (1 bit pour un quantum).
recherche a écrit :Mais cela ouvre pour moi des perspectives intéressantes… Si l’on vous dit vouloir étudier le cerveau pour ses capacités cognitives (supposées…), pensez-vous qu’il serait souhaitable de se plonger dans l’étude de la physique quantique ?

Se plonger dans la physique quantique elle-même, je dirais non.
Tout le formalisme est développé pour des variables de physicien : la description des systèmes, les lois d'évolution (équation de Schrödinger), les observables concernent l'énergie, l'impulsion, le spin etc., l'échelle énergétique des phénomènes en jeu (de l'ordre de la constante de Planck) est en deça de l'échelle biologique, pas grand chose qui à mon sens soit pertinent avec la pratique biologique.

Mais c'est peut-être par la discipline intermédiaire qu'est l'informatique que neurosciences et quantique peuvent se rejoindre : d'un côté elle touche à la quantique et en épure la logique, la libère des spécificités physiques, de l'autre elle touche aux neurosciences (modèles de réseau de neurone et autre).
Et je me suis parfois dit que dans les neurosciences on devrait jeter un oeil aux travaux que j'indiquais sur les corrélations non-locales, ne serait-ce que pour avoir une perception nouvelle sur les effets possibles de processus synchrones. Une corrélation non-locale, ça peut se réaliser avec un simple élastique.
Quels effets peuvent résulter d'un traitement parallèle d'inputs ?
Des effets de sens peut-être (syntaxe et sémantique...).

Ceci étant, il y a eu des tentatives pour "affaiblir" (au sens logique) le formalisme et pouvoir en faire un usage dans d'autres domaines que la physique. Par exemple, dans cette thèse l'auteur tente une reformulation de la quantique en termes d'information et dans les pistes de recherche il évoque les sciences cognitives (cf le chapitre 10). Mais en pratique, il n'est pas évident qu'un neurobiologiste voit quoi faire de l'étude des C*-algèbres, d'un espace de Hilbert et autre.
recherche a écrit :Je reformule :

« Et rien ne vous oblige à penser que nos capacités cognitives seraient tributaires de la physique quantique. »

Je crois avoir saisi la nuance.
La physique quantique retombe sur la tension corps-esprit, sur le caractère "phénoménal" de l'expérience scientifique, qui était suffisamment masqué en physique classique pour mener à un matérialisme "dogmatique" très XIXe siècle, oublieux notamment des enseignements de Kant.
Donc, en effet, quelqu'un voulant produire une théorie de l'origine des capacités cognitives à partir de quelque chose où elles ne sont pas encore (matérialité sans pensée), doit douter de la quantique comme théorie de la matière. Ce n'est pas pour moi un problème parce qu'effectivement je ne considère pas la quantique comme étant uniquement une théorie du matériel (au sens einsteinien).
Par contre, l'"immatériel" que je vois dans cette théorie, je ne le fais certainement pas dépendre de l'organisation du cerveau. Il n'a pas fallu attendre nos facultés cognitives pour que l'idée "2 + 2 = 4" existe sous une forme ou une autre. Je ne fais pas "émerger" la pensée tout simplement parce que je ne considère pas que les structures qu'exprime notre cerveau ont le cerveau pour condition nécessaire.
L'identité d'une idée ne se définit pas par sa position spatio-temporelle, c'est bien la même et unique idée qui est à la fois ici et là, chose qui ne pose problème que tant qu'on reste dans la conception physique où position et temps sont des variables déterminantes de l'identité, de l'essence de la chose.
Un neurobiologiste peut donc montrer comment se forme dans le cerveau une structure correspondant à telle ou telle idée, comment ce cas particulier émerge, mais il ne peut pas dire que le cerveau a créé l'idée laquelle s'exprime par d'autres moyens ailleurs. L'idée de Dieu est partout parce que Dieu est partout, tout existant enveloppe l'Existence.

Et pour tout dire, une chose que je n'aime pas trop dans cette idée d'émergence de la pensée par le cerveau, c'est son côté anthropocentré, comme si sans l'homme (ou équivalent) le monde tombait dans un néant ou un chaos, sans ordre puisque personne n'y penserait "2 + 2 = 4".

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Messagepar hokousai » 09 sept. 2011, 13:23

cher bardamu

j' ai du mal à comprendre ça
Il n'a pas fallu attendre nos facultés cognitives pour que l'idée "2 + 2 = 4" existe sous une forme ou une autre.

A quelle forme ( ou une autre) pensez -vous ?

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Messagepar recherche » 09 sept. 2011, 19:36

Bonjour,
bardamu a écrit :Bonjour recherche,
recherche a écrit :Mais je vous ai demandé votre avis, pas celui de Spinoza ! :)
Sont-ils rigoureusement semblables ?

Sur les principes, oui, ils sont identiques.

Était-ce le cas avant que vous n'approfondissiez vos connaissances en physique quantique (si je puis me permettre) ?

Au fond, je ne suis pas opposé par principe à ce que vous suggérez. Simplement, en tant qu'étudiant en neurosciences, je vois en le physicalisme, devrait-il s'avérer in fine un réductionnisme, un présupposé nécessaire pour avancer autant que possible dans cette immense discipline.
M. Bitbol indique qu'il s'agit d'un présupposé simplificateur utile pour la résolution de questions simples, mais qu'il finit par se heurter à des questions telle celle des qualia. Mais la plupart des neuroscientifiques et philosophes de l'esprit contemporains, quoique conscients de ces difficultés, ne renoncent pour autant au présupposé moniste physicaliste (quelques pistes (bien que peut-être insatisfaisantes) existent pour traiter la question de la conscience phénoménale, et nous sommes loin d'avoir épuisé les limites de l'approche prévalant actuellement pour pouvoir nous y prononcer franchement).

Voilà mon credo.

bardamu a écrit :Si je synthétise le rapport cerveau-pensée chez Spinoza (cf E1 appendice et E2p48 scolie pour des occurrences de "cerveau"), avec des références à des notions plus contemporaines, ça donnerait :

Les idées du 1er genre de connaissance ("imagination", sensation, mémoire etc.) sont uniquement "dans le cerveau", sont locales.

Les idées du 2n genre (notions communes) doivent être considérées de manière non-locale du fait même qu'elles sont communes. Pour se calquer sur un langage de physicien, on peut concevoir chaque notion commune comme un champ. L'idée-champ "2 + 2 =4" est excitée une fois dans tel cerveau, une fois dans une calculatrice etc. L'identité, l'essence de l'idée est portée par le champ, sa manifestation ici et maintenant en est une "particule", un mode d'excitation.

La multi-réalisabilité ne me paraît pas réfuter l'idée qu'une certaine indépendance ait permis à ces différents systèmes cognitifs d'aboutir aux mêmes conclusions ("2 + 2 = 4", opération de base mais dont le résultat ne nous est accessible avant plusieurs mois de vie, me paraît être le corolaire d'une démarche "réflexive" menée à l'échelle individuelle, par chacun ; en cela, même des "notions communes" pourraient devoir être considérées de manière locale (comme "oeuvres" de tout un chacun) / j'ignore si je suis clair).

Ne voyez-vous aucun lien (aucune voie) entre "imagination" (connaissance du 1er genre) et constitution de théories scientifiques (2ème genre de connaissance / avec tout ce que cela suppose en amont, et sans que l'expérimentation n'y soit forcément de mise) ?

Vous évoquez l'idée d'un "champ", porteur de "l'essence de l'idée" (notions communes).
Pensez-vous que nos cerveaux "captent" un tel champ, pour que nous puissions, grâce à lui, "écrire", par exemple, les idées sous-jacentes ?
Pensez-vous qu'un tel "champ" soit scientifiquement étudiable, comme l'est le champ magnétique ?

bardamu a écrit :
recherche a écrit : Vraiment, je ne vous rejoins pas.
En prenant connaissance de cette expérience de Wheeler, on pourrait croire à un tour de passe-passe ! Un choix retardé ayant des conséquences sur le passé ! ... Excusez du peu (et de ma naïveté...)

J'allais me lancer dans une reformulation de l'expérience pour réduire le côté "spectaculaire" mais je me contenterais de recommander "Mécanique quantique, une introduction philosophique" de M. Bitbol. C'est l'ouvrage que je mets toujours en avant pour abaisser le taux de mystère dans les esprits.
Un mot quand même : en dépit de formulations discutables, n'oublions pas que l'article se conclut par "Il n'y a donc aucune transmission d'une information du futur vers le passé". La physique quantique respecte la causalité einsteinienne pour tout ce qui concerne l'agir, l'action par transmission de quantum d'énergie ou son équivalent informationnel (1 bit pour un quantum).

Je ne suis pas assez connaisseur pour pouvoir m'y prononcer davantage ; tout ce que j'avais retenu est mon effarement devant une vulgarisation de l'expérience, où il était clairement question d'une "action rétroactive", vue comme omnisciente (http://www.futura-sciences.com/fr/news/ ... sse_10413/).

La conclusion de l'alter-ego anglais semble par ailleurs moins tranchée (http://en.wikipedia.org/wiki/Delayed_ch ... tum_eraser)

Wikipedia a écrit :Some have interpreted this result to mean that the delayed choice to observe or not observe the path of the idler photon will change the outcome of an event in the past. However, an interference pattern may only be observed after the idlers have been detected (i.e., at D1 or D2).

Peut-être pourriez-vous vous référer à l'article où est retracée la mise en oeuvre du protocole expérimental (http://www.sciencemag.org/content/315/5814/966.abstract) ; compte tenu de vos connaissances en physique quantique, vous y comprendriez sans doute mieux que moi au cas où vous auriez quelques doutes à propos de cette expérience.

bardamu a écrit :
recherche a écrit : Mais cela ouvre pour moi des perspectives intéressantes… Si l’on vous dit vouloir étudier le cerveau pour ses capacités cognitives (supposées…), pensez-vous qu’il serait souhaitable de se plonger dans l’étude de la physique quantique ?

Se plonger dans la physique quantique elle-même, je dirais non.
Tout le formalisme est développé pour des variables de physicien : la description des systèmes, les lois d'évolution (équation de Schrödinger), les observables concernent l'énergie, l'impulsion, le spin etc., l'échelle énergétique des phénomènes en jeu (de l'ordre de la constante de Planck) est en deça de l'échelle biologique, pas grand chose qui à mon sens soit pertinent avec la pratique biologique.

Mais si notre cerveau devait être (sans "post-scriptum"...) à l'origine de notre pensée (hypothèse sous-tendant la constitution même de milliers de laboratoires de neurosciences), pourquoi parler avec autant de poigne de physique quantique en rapport avec notre pensée ? Pourquoi ne pas considérer que la nôtre, éventuellement tributaire d'une structure à vous lire non concernée par les paradigmes de la physique quantiques (le cerveau), échapperait à ce que suggère cette physique quant à l'information ?

bardamu a écrit :Ceci étant, il y a eu des tentatives pour "affaiblir" (au sens logique) le formalisme et pouvoir en faire un usage dans d'autres domaines que la physique. Par exemple, dans cette thèse l'auteur tente une reformulation de la quantique en termes d'information et dans les pistes de recherche il évoque les sciences cognitives (cf le chapitre 10). Mais en pratique, il n'est pas évident qu'un neurobiologiste voit quoi faire de l'étude des C*-algèbres, d'un espace de Hilbert et autre.

Le lien semble mort.

bardamu a écrit :
recherche a écrit :Je reformule :

« Et rien ne vous oblige à penser que nos capacités cognitives seraient tributaires de la physique quantique. »

Je crois avoir saisi la nuance.
La physique quantique retombe sur la tension corps-esprit, sur le caractère "phénoménal" de l'expérience scientifique, qui était suffisamment masqué en physique classique pour mener à un matérialisme "dogmatique" très XIXe siècle, oublieux notamment des enseignements de Kant.
Donc, en effet, quelqu'un voulant produire une théorie de l'origine des capacités cognitives à partir de quelque chose où elles ne sont pas encore (matérialité sans pensée), doit douter de la quantique comme théorie de la matière. Ce n'est pas pour moi un problème parce qu'effectivement je ne considère pas la quantique comme étant uniquement une théorie du matériel (au sens einsteinien).
Par contre, l'"immatériel" que je vois dans cette théorie, je ne le fais certainement pas dépendre de l'organisation du cerveau. Il n'a pas fallu attendre nos facultés cognitives pour que l'idée "2 + 2 = 4" existe sous une forme ou une autre. Je ne fais pas "émerger" la pensée tout simplement parce que je ne considère pas que les structures qu'exprime notre cerveau ont le cerveau pour condition nécessaire.
L'identité d'une idée ne se définit pas par sa position spatio-temporelle, c'est bien la même et unique idée qui est à la fois ici et là, chose qui ne pose problème que tant qu'on reste dans la conception physique où position et temps sont des variables déterminantes de l'identité, de l'essence de la chose.
Un neurobiologiste peut donc montrer comment se forme dans le cerveau une structure correspondant à telle ou telle idée, comment ce cas particulier émerge, mais il ne peut pas dire que le cerveau a créé l'idée laquelle s'exprime par d'autres moyens ailleurs. L'idée de Dieu est partout parce que Dieu est partout, tout existant enveloppe l'Existence.

Cher Bardamu,

Je pense que vous êtes bien plus croyant que je ne pourrai jamais l'être. :)

bardamu a écrit :Et pour tout dire, une chose que je n'aime pas trop dans cette idée d'émergence de la pensée par le cerveau, c'est son côté anthropocentré, comme si sans l'homme (ou équivalent) le monde tombait dans un néant ou un chaos, sans ordre puisque personne n'y penserait "2 + 2 = 4".

J'ignore si "2 + 2 = 4" a le moindre sens autrement que pour l'homme.
Mais, comme suggéré plus haut, de telles acquisitions "cognitives", partagées ou non (et avec "qui" (et "quoi") que ce soit), peuvent à mon sens être conçues comme l'aboutissement d'une réflexion personnelle (interrogez un bambin, vous verrez, ça carbure).

PS : pour revenir à M. Bitbol, mais sans vouloir sombrer dans l'argument d'autorité, juste pour info (en craignant de ne rien vous apprendre) : d'autres philosophes de l'esprit, eux aussi chargés de recherche du CNRS (etc.), ne partagent son point de vue ni en matière de philosophie de l'esprit, ni en philosophie générale des sciences (à la base de son interprétation de la physique quantique). J'en connais un (pour l'avoir eu comme prof) qui me l'a explicitement confirmé aujourd'hui (et ses copains doivent être majoritaires dans le milieu).

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Messagepar hokousai » 11 sept. 2011, 01:17

à Bardamu

mais il ne peut pas dire que le cerveau a créé l'idée laquelle s'exprime par d'autres moyens ailleurs. L'idée de Dieu est partout parce que Dieu est partout, tout existant enveloppe l'Existence.


Que tout existant enveloppe l’existence, je veux bien, mais c'est assez tautologique.

Vous avez un relatif mépris pour la vision( ce sont des images dans le cerveau) .
L'images rétinienne n'est pas à proprement parlé dans le cerveau .
Dans le cerveau on n a jamais vu d 'images .
Peut -on dire que le cerveau à crée l' image qui s’exprime par d'autres moyens ? L'expression par d' autres moyens c'est le monde extérieur tel qu'il est vu .

Si je vous suis bien: quels sont les autres moyens d' expression de l' idée dont on ne peut pas dire que le cerveau l' a crée ?
Je ne vois pas d' autres moyens qui soient extérieurs à la pensée .
C' est à dire que la pensée du monde est cet "autre moyen" d' expression .
Ce qui signifie qu'il n'y a aucune idée dans le monde étendu ( vu et touché )
Les organismes vivants peuvent voir le monde et le toucher mais seuls des animaux supérieurs /sapiens peuvent penser le monde . D' où cette idée d 'émergence de la pensée .

La question de l' émergence de la pensée est du même ordre que celle de l' émergence de la vision ou de l' ouïe ou du touché . Et on ne confond pas ces accès au monde extérieur !
On en revient à la thèse " c'est quand l'organe est là , oeil et cerveau que le mode est vu ... mais on retrouve néanmoins la question .
Est ce que l' oeil et le cerveau suffisent à expliquer la vision du monde ?
.........................................................

Berkeley a tort en attribuant le même mot aux choses vues et aux choses pensées. Car nolens volens un triangle dessiné vu ce n'est pas un triangle pensé et même si la pensée a besoin d'une image d'un triangle quelconque .
Spinoza a tort en estimant que la vision du monde extérieur relève d'images peintes dans le cerveau . Mais il a raison contre Berkeley lequel ne distingue pas suffisamment l'idée de la cerise de la vision de la cerise .
..............................................................

Je vous signale que vous, vous mettez l 'idée dans le monde vu et tangible ( le monde des corps ). Vous y mettez entre autres les mathématiques .
Moi dans un monde vu, touché, senti, entendu , goûté qui est le monde étendu , le monde des corps, je ne mets pas les idées mathématiques .

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Messagepar recherche » 14 sept. 2011, 00:23

(Petite mise à jour :

Je me procurerai prochainement le livre de M. Bitbol, en espérant qu'il m'aidera à y voir plus clair.

Merci de m'y avoir renvoyé !)

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Messagepar bardamu » 15 sept. 2011, 04:53

recherche a écrit :(Petite mise à jour :

Je me procurerai prochainement le livre de M. Bitbol, en espérant qu'il m'aidera à y voir plus clair.

Merci de m'y avoir renvoyé !)

Bonjour Recherche,
je n'ai pas trop le temps en ce moment mais après réflexion, je crois que je vais changer d'optique pour me rapprocher des problématiques des sciences cognitives.

Un mot conclusif sur la quantique : les recherches conceptuelles sur la quantique ont bougé dans les années 60 notamment par les travaux de Bernard d'Espagnat.
Il y a d'ailleurs son "Traité de physique et de philosophie" qui peut être intéressant, où il passe en revue toutes les interprétations de la quantique. Mais pour tout dire, je trouve l'ouvrage un rien confus, accumulant les "-ismes" pour désigner chaque interprétation (réalisme proche, réalisme einsteinien etc.) sans tellement faire apparaître les logiques sous-jacentes.
Bitbol a une approche plus critique au sens kantien, plus "transcendantale", il met en évidence les conditions de possibilité de telle ou telle idée (peut-on penser ceci dès lors qu'on part de cela ?), ce qui pour moi rend la compréhension bien plus aisée.
Ceci étant, sa tendance kantienne associée à une influence wittgensteinienne fait qu'à mon goût il minimise un peu trop les avancées purement physiques qui vont dans le sens d'une naturalisation des problèmes.
Il faut dire aussi que je me positionne presque 20 ans après son "Mécanique quantique" et depuis, l'approche informationnelle s'est bien développée et donne d'autres vues pour une approche naturaliste.

Mais en réfléchissant à la multiréalisabilité, je me suis repenché sur l'approche fonctionnaliste en sciences cognitives (cf par exemple Fonction et causalité, par Joëlle Proust). Il y a quelques temps déjà, j'avais signalé un rapprochement possible avec Spinoza.

En fait, comme avec l'idée d'un champ comme déterminant la nature d'une particule, la fonction est définie d'après un tout et détermine un particulier (fonction digestive qui s'exprime par tels ou tels organes en digestion amibienne, humaine ou autre), et c'est cette logique qu'il faut voir chez Spinoza. N'oublions pas que Spinoza défend l'idée qu'il faut partir du tout, non seulement quand il part de Dieu, mais même pour la simple conception d'une ligne ou d'une surface : on ne crée pas l'idée d'une surface (dimension 2) en accumulant des lignes (dimension 1), la dimension 1 n'implique pas la 2, il y a au mieux un passage à la limite, passage a-causal. On reconstruit la surface en lignes parce qu'on l'a d'abord découpée ainsi.

Et pour faire une métaphore, de même que c'est dans le même mouvement qu'un cerveau exprime une fonction intellectuelle et une fonction "digestive" (consommation d'énergie), la Nature exprime dans le même mouvement une fonction cogitative et une fonction extensive. Elle pense comme elle respire, si j'ose dire.

Le côté "fonctionnaliste" apparaît mieux quand Spinoza en reste à un individu, un humain.
E5p39 scolie (trad. Saisset) : "un corps propre à un grand nombre de fonctions est joint à une âme qui possède à un très haut degré, considérée en soi, la conscience de soi et de Dieu et des choses."

Saisset traduit "aptus", aptitude, par fonction, ce qui tombe bien en l'occurrence.

J'y reviendrais quand j'aurais un moment, mais ce sera sans doute plus simple de partir sur la logique de cette représentation "biologiste" que sur une représentation physique que je serais seul à avoir étudié.

En tout cas, non, il ne s'agit pas de capter les idées comme on capte la radio, il s'agit de distribuer des relations cohérentes dans le Réel, dans le Tout-Existence, de définir ce qui est en disjonction, en conjonction, en implication etc., ce qui a quelque chose en commun (ET logique, intersection) et forme un tout pour un particulier (être mode de...), ce qui dans le commun est produit par une autre chose (implication, être cause efficiente de...), ce qui se conçoit par soi (OU exclusif), ce qui se compose (mélange, superposition) etc.
Je traduis en langage moderne, mais pour moi c'est l'état d'esprit de Spinoza dans son entreprise : organiser ce que l'on sait sur l'existence et non pas affirmer qu'une quelconque cause ou raison partielle explique l'existence elle-même des choses. Au niveau de Dieu ou la Nature, il y a d'emblée une infinité de choses infiniment modifiée, toujours-déjà existantes, et parler de cause n'est qu'expliciter un ordre local, partiel, entre tels et tels existants. Il s'agit ensuite de savoir comment on l'explicite, quelles divisions sont légitimes, comment elles se reconnectent etc.

P.S. : chez moi, le lien vers la thèse dont je parlais précédemment fonctionne, mais je le remets en clair : http://www.imprimerie.polytechnique.fr/ ... inbaum.pdf

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Messagepar recherche » 26 sept. 2011, 23:54

Bonjour bardamu,

bardamu a écrit :je n'ai pas trop le temps en ce moment mais après réflexion, je crois que je vais changer d'optique pour me rapprocher des problématiques des sciences cognitives.

Puis-je t'en demander la raison ?

bardamu a écrit :Bitbol a une approche plus critique au sens kantien, plus "transcendantale", il met en évidence les conditions de possibilité de telle ou telle idée (peut-on penser ceci dès lors qu'on part de cela ?), ce qui pour moi rend la compréhension bien plus aisée.
Ceci étant, sa tendance kantienne associée à une influence wittgensteinienne fait qu'à mon goût il minimise un peu trop les avancées purement physiques qui vont dans le sens d'une naturalisation des problèmes.
Il faut dire aussi que je me positionne presque 20 ans après son "Mécanique quantique" et depuis, l'approche informationnelle s'est bien développée et donne d'autres vues pour une approche naturaliste.

Je suis plutôt surpris par ton revirement, dans la mesure où tu semblais avoir fondé ta position sur des bases solides (m'échappant certes en grande partie, d'où l'idée de me rapprocher de la pensée de Bitbol).

Merci beaucoup pour toutes les précisions apportées


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