L'Esprit selon Spinoza

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar recherche » 29 mai 2011, 23:26

cher Hokousai, merci pour votre réponse !

hokousai a écrit :Pour Descartes il y a un sujet ( un ego ) qui décide et puis une action qui s' en suit . Il y a un possibilité infinie de décider oui ou non . Notre entendement est fini mais notre volonté est infinie .
Il y a un medium dans la relation de causalité entre l' âme et le corps, c'est la glande pinéale .Donc Descartes apporte une réponse .

Je voulais dire que la façon dont Descartes conçoit cette interaction est si problématique - la réfutation si prompte - qu'on en vient à dire que le pouvoir causal du mental sur la physique est, chez Descartes, tout autant problématique.

Je pense que Spinoza refuse le problème de la relation entre l' esprit et le corps .Il n'y a a pas chez lui de relation causale entre les attributs .
Ce qui contrarie le sens commun .
Pour Spinoza il n'y a pas de libre arbitre les idées s’enchaînent les actes du corps s' enchaînent en corrélation.


Wow ! je suis assez ahuri de lire cela ; je n'aurais jamais osé tirer une telle conclusion, quoique je m'y acheminais... (cf. : mon précédent post, posté une minute avant votre réponse).

Je comprends mieux pourquoi R. Misrahi m'avait écrit qu'il ajoutait au "sur-déterminisme" de Spinoza une doctrine de la liberté, car sinon, quel affront ! :-)

Quant à ce que vous écrivez sur le libre arbitre et Spinoza, je me dis que j'ai encore beaucoup à faire : la récusation de tout libre arbitre me paraît plus en adéquation avec une sorte de pessimisme brumeux (car nous avons la drôle de possibilité de pouvoir espérer - quoique faussement - "mieux" (impression de liberté)) qu'avec la "joie"... etc. Il me reste ici quelque chose à débroussailler, mais ce n'est pas le bon sujet.

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Messagepar hokousai » 30 mai 2011, 01:17

cher recherche

Comme le dit bardamu il y a péril à confondre corrélation et causalité .

Mais La question n'est pas si simple .

Et Spinoza le dirait lui même s' il faut avoir l'idée de la statue avant de la sculpter c'est que quelles que soient les corrélations ultérieures , au moment de prévoir une action sur le corps il n'y a pas encore de corrélation, du moins apparente .
L'idée de bouger mon bras ce n'est pas bouger mon bras .

Il y a alors une décision mentale (apparemment mentale) de le bouger .
Ce n'est pas encore bouger .
Et puis mon bras bouge . Ce qui est corrélé avec le sentiment qu' un ordre ( mental ) a été donné .

Tout comme si j'avais donné l' ordre à un enfant de se tenir droit .
Dans ce cas je suis la cause de ce que l'enfant bouge .
Ou alors on abandonne l'idée de cause .

Donc je peux être cause( mentale ) du mouvement d'un corps extérieur mais pas du mien .

Il y a quelque chose qui me chiffonne dans la théorie attribuée à Spinoza .

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Messagepar bardamu » 30 mai 2011, 01:38

recherche a écrit :Qui, quoi, serait ici, pour Spinoza, le garant de la parfaite adéquation, synchronicité, entre pensée et acte physique ?

Il n'y pas de parfaite adéquation, synchronicité entre idée d'un acte volontaire et l'acte lui-même. Une expérience célèbre en neurobiologie (expérience de Libet) montrerait même que l'acte est déclenché avant que les centres de conscience soient activés : le bras commence à bouger avant qu'on ait conscience de "je bouge mon bras" (cf notamment sur cette page http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_12 ... con.html#2 ).

Sans aller dans ce genre d'expérience, Spinoza se contente d'évoquer des expériences communes comme le somnambulisme qui montrent combien le rapport entre la conscience volontaire et l'action est loin d'être la règle : tout ce qu'un corps fait avec conscience, il peut le faire sans conscience. Il y a même certaines choses qu'on ne peut pas faire consciemment, ne serait-ce que conduire une voiture : si on se met à gérer consciemment tous nos gestes, alors on n'arrive à rien. Il faut agir machinalement, sans conscience, sans y réfléchir, pour réaliser la plupart des gestes du quotidien. De tout ce que fait le corps (digestion, battements du coeur, respiration, réflexes etc.) l'acte volontaire est l'exception et il est plus simple de considérer que la prise de conscience n'en est qu'une fonction de plus, optionnelle, accompagnant éventuellement le geste plutôt qu'une condition, une cause. C'est notamment plus cohérent avec les notions d'évolution animale : si on n'accorde pas la conscience aux animaux, alors leurs actes sont involontaires et notre réflexivité, notre perception secondaire de ce qu'on fait, n'est qu'une complexification venant en sus.

Mais de toute manière, la position de Spinoza est plus une question de logique, de définition, de clarification de ce dont on parle que d'expérience.
Descartes et tous ceux qui cherchent à trouver comment l'esprit ferait bouger la matière en sont réduits à invoquer une sorte d'effet magique tout simplement parce qu'ils tentent de concilier des choses qu'ils définissent d'emblée de manière incompatible, hétérogène.
Le corps se définit par la masse, l'énergie, le lieu, le temps alors qu'on n'accorde aucune de ces caractéristiques aux idées.
Soit on s'en tient à un matérialisme pur, on définit tout d'après les critères corporels et on ne parle même pas d'idée, on n'explique rien par les notions de volonté, affect, perception, information etc., soit on assume la disjonction logique entre les deux domaines et on ne cherche pas à les homogénéiser. Comment une idée bougerait un bras ne revient-il pas à se demander combien pèse une idée, combien de joules génère une volonté et cela a-t-il plus de sens que de se demander combien d'angles à un cercle ?

Ce que dit Spinoza, c'est que quand on explique les choses de manière matérialiste, corporelle, il faut rester dans ce domaine (explication du monde par la physique) et que quand on les explique d'un point de vue que je qualifierais de psycho-informationnel (l'information, le bit, sont-ils des notions matérielles ?), on doit rester dans ce domaine. Ou pour prendre une métaphore technologique : on peut expliquer le comportement d'un ordinateur du point de vue de son électronique, du matériel, ou du point de vue de sa programmation, son logiciel, mais il n'y a pas de sens à chercher comment une ligne de code générerait l'allumage d'un écran. Un même comportement, "allumage d'écran", est à la fois échange électronique du point de vue matériel et procédure d'un algorithme.

Pour ma part, je dirais que si on cherche l'axe autour duquel s'articule le corps et l'esprit, on le trouverait plutôt du côté de la notion de comportement. La philosophie de Spinoza est une éthique, une ontologie dont la notion principale serait l'ethos, la manière d'être, le comportement, lequel peut être légitimement conçut selon les critères du corps-matière-matériel et de l'esprit-information-logiciel, comme mouvement-énergie et sensation-perception-désir. La question de l'Ethique est "qu'est-ce que vivre en sage ? quel est cette manière d'être ? A quel corps et quel esprit cela correspond-il ? quel mouvement, quelle tendance, quelle orientation, quel désir ?".

Pour reprendre la métaphore informatique, la question de l'usager est de savoir si il fait du traitement de texte, de la navigation web etc. Il n'a pas à choisir entre savoir si c'est le programme (esprit) qui dirige par on ne sait quel moyen l'électronique (corps) ou la disposition d'éléments magnétiques sur un disque dur et de gravures sur un processeur qui déterminent ce qu'est le programme effectué. Naviguer sur le web c'est en même temps effectuer un programme, un algorithme, une logique et déplacer des électrons selon une structure matérielle, deux manières d'aborder un même acte, le même pli d'une feuille de papier vu d'un côté ou d'un autre.
La synchronicité est évidente puisque il s'agit du même pli, du même comportement, de la même manière d'être, de vivre, seul change la face qui nous sert à concevoir cela.

Pas sûr que cela te convainque ou même t'éclaire, mais ceci étant, on peut très bien vivre en croyant à l'action de l'esprit sur la matière et se contenter de dire comme Descartes "c'est un mystère, c'est magique". C'est ce que font la plupart des gens et certains essaient même de tordre des cuillères à distance en y pensant très fort (la Force, sent la Force, jeune padawan...)

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Messagepar hokousai » 30 mai 2011, 12:20

à recherche

Une expérience célèbre en neurobiologie (expérience de Libet) montrerait même que l'acte est déclenché avant que les centres de conscience soient activés : le bras commence à bouger avant qu'on ait conscience de "je bouge mon bras" LIbet me semble passer à coté de la question.


La décision de bouger mon bras est antérieure au mouvement du bras .
Ce que doit donc corréler Libet c'est du physiologique antérieur et qui serait donc corrélé à la conscience lors de la décision .

Lorsque je décide oui ou non il n'y a pas selon Descartes de causes antérieures apparentes et le libre arbitre est causa sui .

Il serait peut- être possible de montrer un enchaînement de causalité neurophysiologie antérieur et son actualité lors de la décision (dit libre arbitre )
Serait- on plus avancé ?

La théorie de la corrélation ( Spinoza) est assez puissante mais elle n 'explique pas que des émotions mentales ( des faits de connaissance mentaux émouvants ) semblent bien provoquer des faits physiques .

Il y a une question de chronologie .
J 'apprends une mauvaise nouvelles et puis mon corps réagit .
A l'inverse que mon coeur se mettent à battre violemment n 'est pas correllé du tout avec une idée de mauvaise nouvelle .

Voila pourquoi je pense à la causalité dans un sens ( causalité descendante ) et pas dans l'autre.
Je pense à la causalité et pas à la corrélation .

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Messagepar hokousai » 30 mai 2011, 23:21

si on n'accorde pas la conscience aux animaux, alors leurs actes sont involontaires et notre réflexivité, notre perception secondaire de ce qu'on fait, n'est qu'une complexification venant en sus.
(bardamu)


1) on accorde pas la conscience aux animaux
Moi qui ne suis pas un chien , je ne m'avance pas sur la question si me fallait absolument opter j' accorderais une conscience aux animaux .

2) mais ce n'est pas vraiment une question de conscience . La volonté c'est une question de décision .
Un chien hésite , examine la situation et puis décide . Alors il se met en mouvement .
............

Bardamu ironise sur les cuillers tordues d' Uri geller .
Mais il emploie le terme de synchronicité . Le concept a été développé par JUNG ( repris et illustré d’ailleurs par Koestler )
On a vivement reproché à ces deux là de faire fi de la causalité et on a alors invoqué des explications magiques .

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Messagepar bardamu » 31 mai 2011, 01:18

hokousai a écrit :Un chien hésite , examine la situation et puis décide . Alors il se met en mouvement .

Dans l'expérience de Libet, on a la chronologie :
1. "potentiel évoqué primaire"
2. indication consciente
3. mouvement du poignet.
Qu'appelez-vous "décision" ici ? Une idée pré-réflexive correspondant au potentiel primaire ? Avant l'indication de conscience ?

Quand un chien hésite, ne voit-on pas mieux que chez l'homme combien c'est accompagné simultanément de mouvements corporels ?
Le chien avance, recule, remue la queue, dresse les oreilles, renifle, il y a une tension, une agitation, et puis les tendances contradictoires se résolvent en un mouvement déterminé simple.

D'autre part, si on accepte l'action de l'esprit sur le corps, pourquoi se limiter à une causalité descendante ?
Dans cette logique, quelques verres de rhum ne permettent-ils pas d'expérimenter qu'un corps (l'alcool) agit sur l'esprit ?
hokousai a écrit : Bardamu ironise sur les cuillers tordues d' Uri geller .

Désolé... mais j'ai du mal à saisir ce qu'on entend par "esprit", "idée", "volonté", si cela doit mettre en mouvement de la matière.
hokousai a écrit :Mais il emploie le terme de synchronicité .

Synchronicité : caractère de ce qui est synchrone. C'est a priori dans ce sens que l'utilisait Recherche, sans référence à Jung.

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Messagepar QueSaitOn » 31 mai 2011, 12:14

Ne pourrait on construire une sorte de "troisième voie" qui consisterait à poser que l'acte de bouger le bras, dépendant également de l'habitus propre à chaque corps, de la disposition des corps dans l'espace, des multiple manières de bouger le bras ("bouger" ne reflétant pas la complexité de l'acte en situation), est l'effet de la causalité corps-esprit ou encore étendue-pensée ?

Ou encore que le processus de corrélation en soi, le "parallèlisme" en lui même est la cause de bouger le bras.

C'est à dire que dans ce cas précis, c'est la substance elle même qui est en jeu, au sens où il est impossible d'identifier précisément les causes relevant de chacun des attributs: c'est bien le corps et son histoire qui fait en sorte que mon bras bouge, même si j'entend l'ordre (et le son émis relève de l'attribut corporel).

La "magie" et le "mystère" dont parle Descartes, résiderait dans cette étroite corrélation des causes liées aux deux attributs. La corrélation corps-esprit devient la cause.

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Messagepar hokousai » 31 mai 2011, 15:03

cher Quesaiton

Spinoza parle d 'union (de l'esprit et du corps ).. et puis par ailleurs de désunion des attributs .
C' est là où est la difficulté du spinozisme .
...............................................................................

Pour moi il y a plus qu'union il y a un continuum .
Le neurophysiologie et le mental ne sont pas de deux substances hétérogènes, c'est pourquoi la causalité passe dans le continuum comme dans une même substance .

Ce qui fait le problème c'est l’interprétation (mentale) de phénomènes qui ne nous semblent pas de même nature .
Ils ne nous semblent de même nature parce que nous avons des canaux d'accès hétérogènes
Le visible et le tangible sont déjà hétérogènes et le pensé l 'est aussi par rapport au sensitifs .
Là dessus Spinoza à une théorie de l'interprétation : le corporel et le pensé sont les deux faces d 'une même réalité . Certes . Sauf que ce n'est pas de la même réalité .Pas point par point dans une sorte de bijection imaginaire .

Si vous voulez et pour faire bref et sans rentrer dans le point de vue radical de Berkeley ,
il peut y avoir du visuel réel qui ne soit pas tangible, de l'odorant qui ne soit pas visible ... et il y a donc du pensable qui n' est ni visible ni tangible , ni odorant.
Mai sce pensable n'est pas d un autre monde doublant le premier .

Et pourtant nous estimons , que le monde regroupé autour du visuel et du tangible( le matériel en gros) est à part du mental et (du point de vue Spinoziste) sans relation causale possible avec lui .
On admettra très bien qu'un tangible ( une flamme ) provoque du visuel mais pas que l idée de bouger le bras provoque un mouvement du bras .
Ce parce qu'on continue de distinguer les coprs de l'esprit .
On garde l' idée du dualisme en refusant l' action de l'esprit sur le corps .
............................................................

L'idée elle n'est pas matérielle au sens de sensoriellement perçue mais elle est de la même substance unique . On garde l' idée du dualisme en refusant l' action de l'esprit sur le corps .
En revanche en l'acceptant on peut ne pas être dualiste .Et je ne suis pas dualiste .
Je ne suis pas pour autant matérialiste .

bien à vous
hokousai

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Messagepar hokousai » 31 mai 2011, 15:26

à Bradamu
bonjour

Vous me dites de Libet ceci
montrerait même que l'acte est déclenché avant que les centres de conscience soient activés : le bras commence à bouger avant qu'on ait conscience de "je bouge mon bras"

Ce qui suggère que ce n'est pas la conscience que j' ai que mon bras bouge qui a causé le mouvement du bras .Je dis: évidemment . Evidemment ce n'est pas la prise de conscience que je pleure qui peut causer mes larmes .
La décision de bouger mon bras est antérieure ( manifestement ).Elle peut même précéder de plusieurs heures .
A telle heure, à 15h 14, je bougerai mon bras .
Dès que je vois s'afficher 15h 14 mon bras bouge .
....................................

Mon chien lorsqu'il hésite est parfaitement immobile .

....................................
Je ne me borne certainement pas à une causalité descendante comme je l'explique à Quesaiton .
J' affirme la causalité tant descendante qu'ascendante .

Certains neurocognitivistes persistent à croire en deux substances distinctes la matérielle et la spirituelle aussi ne parviennent- ils pas à expliquer la causalité descendante .
Les réductionnistes au neuronal ne parlent que d' ascendante .

bien à vous
hokousai

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Messagepar bardamu » 02 juin 2011, 12:56

hokousai a écrit :(...)

Ce qui suggère que ce n'est pas la conscience que j' ai que mon bras bouge qui a causé le mouvement du bras .Je dis: évidemment . Evidemment ce n'est pas la prise de conscience que je pleure qui peut causer mes larmes .
La décision de bouger mon bras est antérieure ( manifestement ).Elle peut même précéder de plusieurs heures .
A telle heure, à 15h 14, je bougerai mon bras .
Dès que je vois s'afficher 15h 14 mon bras bouge .

Bonjour,
je vais essayer de modéliser un tant soit peu comment je vois les choses et comment j'ai le sentiment que vous les voyiez.

De mon point de vue (spinoziste a priori...) :

On a E2p7 : L'ordre et la connexion des idées est le même que l'ordre et la connexion des choses.

J'appellerais "ordre et connexion" une série de comportement, c'est-à-dire un programme, un ordre de causalité efficiente A - > B. Il est essentiellement qualifié par des verbes.
Un programme est exprimé selon divers attributs logiquement disjoints, c'est-à-dire ne partageant pas les mêmes propriétés, le même "langage" (au sens logique), les mêmes termes, les "substantifs" :
- langage idées : {images, sensation, affects, notions communes...}
- langage corps : {mouvements, masse, lieu, temps...}

Programme du cas en question :
1. décider : production du programme en t1
- selon l'esprit : image chargée d'un affect pour "si perception horloge = 15h14 alors sensation "lever le bras"
- selon le corps : production du programme par des centres cognitifs supérieurs de simulation, et fixation du circuit en mémoire. Sont concernés : centres moteurs, visuels, affectifs.

2. voir : élément d'activation du programme, t = 15h14
- selon l'esprit : image d'une horloge indiquant 15h14
- selon le corps : activation de la rétine, des centres visuels etc.

3. agir : exécution du programme en t2
- selon l'esprit : conjonction de l'image actuelle et de l'image de la décision, l'image actuelle oriente la pensée dans le processus de l'image de la décision, on enchaîne l'idée "lever le bras" après l'image "horloge = 15h14"
- selon le corps : conjonction du circuit simulé (décider) et du circuit activé par la rétine (voir) et orientation des mouvements selon le circuit simulé.

Descartes dit : matériel et immatériel sont définis de manière antinomique mais l'ordre de la nature passe on ne sait comment de l'un à l'autre, on peut transformer de l'immatériel en matériel ;
Spinoza dit : l'ordre de la nature, les transformations s'expriment soit en termes matériels soit en termes immatériels définis de manière antinomique.

Concernant votre conception

Vous dites : "Le neurophysiologie et le mental ne sont pas de deux substances hétérogènes"
Pourriez-vous préciser quels sont vos critères de distinction ?
Avez-vous des critères pour qu'une chose soit typiquement physique ou typiquement mentale ?

Vous dites : "L'idée elle n'est pas matérielle au sens de sensoriellement perçue".
A priori, vous identifiez le matériel au sensoriel. Le mental serait alors l'intelligible par opposition au sensible ?
Au cas où, je précise que chez Spinoza le sensible est déjà du mental : une "image", une donnée sensorielle, est l'idée d'une affection du corps, son correspondant idéel. En aucune façon la distinction est entre le tangible et l'intelligible : il ne faut pas dire "une flamme provoque du visuel" mais "aux modifications du corps provoqués par la lumière correspondent des images".

En fait, mon sentiment est que vous distinguez le mental du physique par une sorte de niveau de complexité : les opérations de la sensibilité correspondraient au "physique", les opérations de représentation, de réflexion, de libre-choix, d'abstraction, de langage etc. seraient le mental. Un esprit émergent : un peu d'esprit chez le chien, beaucoup chez l'homme selon la capacité de représentation, d'abstraction etc.
Reviendrait alors la question de la distinction des deux : à partir de quoi, de quand, dit-on qu'on est dans le mental ?
Quark, proton, atome, molécule, ADN, bactérie, ver, chien, homme, ont-ils tous de l'esprit ? Si c'est non, où commence l'esprit ? Si c'est oui, qu'est-ce que l'esprit d'un quark ? Est-ce qu'on dira qu'un quark est une "matière formée" à la Aristote ? On distingue matière et forme ? Et alors, selon quel critère ? Les deux sont-elles homogènes en quelque chose ?

Pour l'anecdote, un mathématicien et un physicien ont établi le théorème du libre-arbitre (papier d'origine, technique) disant que si l'homme a un libre-arbitre alors les particules quantiques aussi.
hokousai a écrit :Mon chien lorsqu'il hésite est parfaitement immobile .

Question "wittgensteinienne" : comment savez-vous qu'il hésite ? Quelle différence entre un chien parfaitement immobile hésitant et non-hésitant ? L'humain peut dire "j'hésite" mais le chien ?


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