L'Esprit selon Spinoza

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
Règles du forum
Cette partie du forum traite d''ontologie c'est-à-dire des questions fondamentales sur la nature de l'être ou tout ce qui existe. Si votre question ou remarque porte sur un autre sujet merci de poster dans le bon forum. Merci aussi de traiter une question à la fois et d'éviter les digressions.
Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 02 sept. 2011, 16:04

cher Bardamu

on conclut que l'"expliquer" s'exprime de deux manières, que la réalité est exprimable en ces deux explications.


En l’occurrence le problème est que la réalité de la relation entre l'esprit et le corps n'est pas bien expliquée . On ne va pas inférer du manque d' explication à l' absence de faits .

On a le même problème avec la vision . Ce que je vois est certes coréllé avec des images sur la rétine mais je ne vois pas ces images là .
Les explications par le système neurologique de la vision n' expliquent pas la vision du monde tel que je le vois .
On peut se demander si c’est le même objet qui est décrit par un neurophysiologiste et par Merleau Ponty dans sa phénoménologie de la perception .
Et pour moi ce n'est pas le même objet . Il y a en un qui m'est proche ( d' où la phénoménologie possible ), il y en a qui est éloigné (neurophysiologie ).
Le second est tributaire du premier .

Rapportées à la vérité ces deux régions de la connaissance ne sont pas à égalité . Il est bien évident que ce à quoi je crois le plus fortement c'est à la vison spontanée tout comme dans la pensée ce que à quoi je crois le plus fortement c'est que je pense et ce n'est pas que mon cerveau pense ( connaissance seconde et médiate ).

Tout ça dit au sujet de l' analogie de Spinoza sur les deux faces d' une même médaille .

Avatar du membre
bardamu
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 1024
Enregistré le : 22 sept. 2002, 00:00

Messagepar bardamu » 04 sept. 2011, 02:37

Bonjour Hokousai,
hokousai a écrit :Tout ça dit au sujet de l' analogie de Spinoza sur les deux faces d' une même médaille .

A vrai dire, entre vos réflexions et celles de Recherche, j'ai l'impression d'être dans la situation de quelqu'un essayant de montrer à l'un et à l'autre qu'on peut légitimement faire du "naturalo-matérialiste" et de la phénoménologie, que ces positions respectives sont tenables et complémentaires (et que donc ni l'un ni l'autre ne peut prétendre à une pré-éminence de principe...).

Sinon, concernant la correspondance de fonctionnement, la connaissance adéquate que nous en avons est affaire d'étude. Je suppose que vous ne croyez pas que le soleil est à la distance "apparente", je suppose que pour un mal de tête vous êtes prêt à prendre un cachet d'aspirine, que si on vous dit que E=mc2 exprime à sa manière la bombe d'Hiroshima vous l'admettez etc.

Alors, si ce dont parle Merleau-Ponty est différent de ce dont parle la physiologie de la vision, eh bien c'est peut-être qu'en effet ils ne parlent pas de la même chose, de même qu'en voyant les traces d'un cheval un guerrier pensera guerre et un laboureur pensera labour. Pour connaître les chevaux, autant s'intéresser à ce qu'en disent le guerrier et le laboureur, pour connaître la vision, autant s'intéresser ce qu'en disent Merleau-Ponty et les biologistes. En principe, ils partent de quelques faits communs, du genre ouvrir les yeux.

P.S. : dans la deuxième vidéo de cette page, Raphaël Enthoven dit des choses qui me semblent très justes sur Spinoza pour qui il ne s'agit pas de croire mais de savoir.

Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 04 sept. 2011, 15:23

cher bardamu

J' estime qu'il y a une prééminence de principe de la pensée telle qu'elle m’apparaît en première instance sur la description d' évènements physiologiques corrélés .
Mais il apparaît que la description neurophysiologiste n'est pas une curiosité . Elle fait plus que de satisfaire le désir d' une connaissance qui serait à compléter.

Il y a en effet des liaisons causales( ascendantes et descendantes) entre le cerveau et la pensée . On ne peut en rester à la description parallèle et éluder la question des causalités .

Avatar du membre
recherche
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 292
Enregistré le : 06 nov. 2010, 00:00

Messagepar recherche » 04 sept. 2011, 17:15

bardamu a écrit :Au cas où ce ne soit toujours pas clair : la synchronicité est assurée par construction puisqu'il ne s'agit que de développer plusieurs expressions d'une même série productive. La série est première, unique, elle est la causalité transitive elle-même, la production par génération.

recherche a écrit :Que faudrait-il selon vous étudier pour tenter d'accéder à cette cause première ?

Les sciences ne font que ça : déterminer l'ordre et la connexion des choses. La série est première plutôt au sens de matière première que de cause première, nous sommes en plein dedans.

Pourquoi n'envisagez-vous qu'au-delà de simples jeux parallèles d'"expression", il y ait une causalité entre l'idée et ce qui, physiquemenet, la sous-tend ?

bardamu a écrit :
recherche a écrit :Pour éviter la possible confusion, tenons-nous en à la supposition que nous comprenons et parlons la même langue, ok ? :)

Ca fait perdre la différence entre syntaxe et sémantique, entre traitement mécanique de signes et compréhension des signes. D'ailleurs, bien difficile de savoir si ce qu'on explique est compris et parfois, de savoir si la personne qui explique comprend elle-même ce qu'elle dit...

Nous nous comprenons si bien que cette distinction entre syntaxe et sémantique n'a vraiment, nous concernant, pas lieu d'être. :)

bardamu a écrit :
recherche a écrit :Soit, par exemple : une idée (= certaines activations/inhibitions de certaines zones cérébrales) causant (notamment) des mouvements (= certaines activations/inhibitions de certaines zones cérébrales).

Si on mettait donc en place une possibilité de traduction entre ce que connaît le cerveau physiquement à un instant t au niveau de régions cognitives, et, mettons, l'idée consciente sous-jacente à ce même instant, nous conserverions l'idée de deux "langages" (l'un se rapportant aux potentiels d'action... etc. (physique) / l'autre, à ce à quoi ceux-ci donnent lieu (mental)), acceptant du même coup pleinement l'idée de causalité [aussi bien du physique sur le mental (pour l'exemple précédent : tel "pattern" physique a pour conséquence telle "idée") que du mental sur le corps (telle "idée" a elle-même pour conséquence tels événements physiques (musculaires... etc.)).
Soit, in fine, causalité du physique sur le physique, via ce que nous appelons le mental...

Un premier point : si il s'agit de dire qu'on peut expliquer tout le fonctionnement des choses en termes physiques, Spinoza en est tout à fait d'accord, il le dit explicitement, et il aurait certainement suivi avec attention les avancées neurobiologiques pour étendre sa petite physique de E2p13 ou dans l'étude de la logique des affects.

hokousai vous démontrera allégrement le contraire, s'il le souhaite du moins...

Il m'avait expliqué qu'il existait deux Ethiques, une dans les démonstrations, et une dans les scolies.

Entre l'idée selon laquelle "les idées n'engendrent que des idées"/"le physique n'engendre que du physique" et "nul ne sait ce que peut le corps" (pourquoi pas, engendrer du physique l'on appellera "idées" !), il me semble que nous pouvons mettre en exergue quelque chose d'assez contradictoire.

bardamu a écrit :Donc oui, tout ce que nous faisons selon une idée, peut être décrit comme ce que nous faisons selon certains "pattern physiques" et particulièrement en patterns neurobiologiques dès lors que les idées que nous avons correspondent pour l'essentiel à l'activité cérébrale.

Pourquoi dès lors refuser le concept même de causalité de la "pensée" sur "l'étendue" (geste volontaire) ou de "l'étendue" sur la "pensée" (états mentaux induits par tels stimulis) ?

bardamu a écrit :Mais : pourquoi "ce à quoi ceux-ci (potentiels d'action, pattern physique etc.) donnent lieu" doit être appelé mental si on dit en même temps que idée = certaines activations/inhibitions de certaines zones cérébrales.

Peut-être bien par abus de langage !

bardamu a écrit :Par simple transposition, on a : ce à quoi les patterns physiques donnent lieu c'est certaines activations/inhibition de certaines zones cérébrales, c'est-à-dire d'autres patterns physiques.

Pourquoi tout d'un coup surgit ce terme de mental ? Est-ce que la description en terme de patterns physiques l'impose, est-ce que ces notions impliquent nécessairement ce domaine, et si ce n'est pas le cas, d'où vient-il ? Est-ce parce qu'il faut rejoindre l'expression commune, parce que la recherche se régule en fonction du langage subjectif, prend pour objet ces "je pense", "je sais", "je sens" ?
N'y aurait-il pas une sorte de cercle vicieux : je pense qu'un pattern physique est cause de l'expression "je pense qu'un pattern physique est cause d'un je pense que...".

Il me semble que la non-compréhension, en majeure partie toujours actuelle, de l'intimité fonctionnelle de ces patterns physiques impose ce double langage. Mais lorsque la "traduction" pourra être accomplie, plus rien ne nous empêchera me semble-t-il de tout concevoir par les termes physiques associés, et sans réduction.

bardamu a écrit :Et je dirais qu'avec Spinoza, constatant qu'on peut tout expliquer aussi bien en termes matériels qu'idéels, constatant que l'expérience, l'empirie, la sensation mène aussi bien a de l'idéalisme que du matérialisme purs, on conclut que l'"expliquer" s'exprime de deux manières, que la réalité est exprimable en ces deux explications.
Notre expérience est non seulement un déroulé de cause et d'effets, d'implication-explication, mais aussi une tension entre 2 dimensions qui ne s'impliquent-s'expliquent pas l'une par l'autre.

Tout expliquer de deux façons, certes, mais il est question ici de comprendre que l'une de ces deux façons (la physique) permet à l'autre d'émerger (l'idéel).

bardamu a écrit :P.S. : concernant Davidson, ça ne ressemble pas trop à du Spinoza qui ne fonctionne pas sur un couple pensée-liberté vs corps-déterminisme mais il faudrait peut-être creuser la distinction expliquer-comprendre. Les attributs comme manières de comprendre les explications complètes de l'ordre des choses ?

Ce qui m'avait paru important avec Davidson est l'idée que l'on ramène tout cela davantage à une question de langage, qu'à une question de "réalités" pouvant être conçues légitimement indépendamment sans se fourvoyer. Car le présupposé est bien sûr physicaliste.

bardamu a écrit :P.P.S. : Extrait de cet article, Sorti de 20 ans de coma :
"Dans le cas des états de conscience minimale, tel celui de T. Wallis, la situation de chaque patient est différente. Certains sont peut-être tout près de la conscience, d’autres en sont peut-être éloignés et sur une pente régressive. Il faudra trouver des moyens de mieux apprécier ce que signifie « minimale », dans cet état dit de conscience minimale. Pour l’instant, c’est très difficile car on ne peut évaluer la conscience qu’à partir des échanges verbaux que l’on a avec les patients, or ils sont souvent dans l’incapacité de parler."
Les neurobiologistes en viendront-ils un jour à décider qu'on peut se passer de l'échange verbal pour décider de l'état de conscience ? Plus besoin du "je pense" ?

Il me semble que l'état de conscience minimal peut être assimilé à un "je pense" amoindri.
Mais envisager serait-ce un résidu de "conscience" sans "je pense" me paraît de prime abord contradictoire, si la conscience est conçue comme une tension entre nous et nous-même (je m'interpelle !), en nous et l'autre (l'on m'interpelle !).

{C'est amusant : mon dernier stage a eu lieu dans ce labo liégeois !}

hokousai a écrit :cher bardamu

J' estime qu'il y a une prééminence de principe de la pensée telle qu'elle m’apparaît en première instance sur la description d' évènements physiologiques corrélés .
Mais il apparaît que la description neurophysiologiste n'est pas une curiosité . Elle fait plus que de satisfaire le désir d' une connaissance qui serait à compléter.

Il y a en effet des liaisons causales( ascendantes et descendantes) entre le cerveau et la pensée . On ne peut en rester à la description parallèle et éluder la question des causalités .

Pourquoi distinguez-vous le cerveau et la pensée, si ce premier est le support de cette seconde ?
Il me semble que vous entretenez par là même quelque part l'ambiguïté.

Merci

Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 05 sept. 2011, 00:31

à recherche

Pourquoi distinguez-vous le cerveau et la pensée, si ce premier est le support de cette seconde ?
Il me semble que vous entretenez par là même quelque part l'ambiguïté.

Bardamu parle de descriptions .
Effectivement il y a deux descriptions .
Je dis que les objets décrits ne sont pas égaux du point de vue de la certitude ( certitude est préférable à croyance ).
Quand je dis que "je pense" je suis plus certain de ce savoir que d' un autre qui est que le cerveau est le support de la pensée .
Le réductionnisme ( le cerveau produit de la pensée ) inverse l 'ordre de la certitude .
...........................................
Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt .
Le cerveau est pensé comme une combinaison d' atomes et molécules . C'est à dire qu'on imagine une machine dont aucun élément ne pense.

Spinoza pense ainsi et tous les réductionnistes aussi .
Sauf que Spinoza sauve la pensée .
Oui mais c'est au prix de l’absence de relations causales entre le corps et l'esprit .
............................................
Je pense que c'est la description mécaniste du cerveau qui est fausse .
Pour les objets inertes le mécanisme ne pose pas de problèmes ( pas trop ) mais pour le vivant et a fortiori pour l'homme ( pensant) il pose trop de problèmes .

Avatar du membre
bardamu
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 1024
Enregistré le : 22 sept. 2002, 00:00

Messagepar bardamu » 06 sept. 2011, 05:05

recherche a écrit :Pourquoi n'envisagez-vous qu'au-delà de simples jeux parallèles d'"expression", il y ait une causalité entre l'idée et ce qui, physiquemenet, la sous-tend ?

A la fac, j'étais parti dans un cursus de biologie, et à l'époque je faisais plus qu'envisager cette causalité, je le prenais comme une sorte de fait de base qui, à la limite, ne s'interrogeait même pas.
Seulement, quand on étudie la philo, la logique, l'informatique et les fondements de la physique, on s'aperçoit que "causalité" et "matérialité" recouvrent des réalités plus complexes que ce qui apparait dans la mécanique assez basique de la biologie.

Je ne vois pas, par exemple, comment un biologiste va expliquer les corrélations non-locales qui apparaissent en quantique à partir d'une physique classique qui reste dans les contraintes relativistes.
M. Bitbol que je citais plus haut est un spécialiste de l'épistémologie de la quantique et je n'ai rien à redire à ses analyses qui le conduise à un parallélisme épistémologique. Les physiciens en sont à tenter de distribuer le "matériel" et l'"informationnel" dans leurs théories, et pour l'instant, de tout ce que je sais de science, l'option la plus raisonnable est d'en rester à une distinction qualitative entre deux plans ou deux pôles, ce qui évite bon nombre de délires autour de la physique.

Et pour tout dire, à mon sens, si on prenait le point de vue de Spinoza, on appellerait "corporel" ce qui correspond à la Relativité Générale, c'est-à-dire tout ce qui s'explique en terme de forme d'espace-temps/densité d'énergie et le reste serait de l'"idéel" ou de l'informationnel, à expliquer par de pure relations logiques qui ne se soucient pas de prendre pour terme des éléments localisés et respectant les limites relativistes.

Parce que, in fine, c'est ça qu'il faut expliquer : comment considérer ces réalités qui n'entrent pas dans notre rapport "moteur" au monde, dans notre rapport au monde en terme de mouvement, d'espace, de durée, de masse ?

Ou pour parler en neurobiologiste : le système cognitif est capable d'accéder à des réalités qui échappent au système sensori-moteur, et aucune description en terme sensori-moteur (c'est ici ou là, ça pèse tant, c'est de telle couleur etc.) ne représente ces réalités. En droit, on peut produire des systèmes cognitifs accédant aux mêmes réalités, on peut produire de l'intelligence artificielle, mais voir fonctionner un cerveau ou un ordinateur n'est pas comprendre ce qu'il comprend.

D'autre part, ces réalités ne sont pas produites par le cerveau : ce n'est pas le cerveau qui produit une réduction de paquet d'onde en quantique ou des corrélations non-locales, elles ne sont pas dans notre tête. Une corrélation non-locale n'a de sens qu'en temps qu'elle n'a ni lieu ni temps défini, elle peut concerner en même temps un quasar à 12 milliards d'années-lumières et un instrument de laboratoire.
On peut vouloir tout "subjectiver", dire que "c'est dans la tête", que c'est nous qui sommes causes de tout cela, que ce n'est qu'une manière de voir, de "se faire des idées", de synthétiser des choses tout à fait locales et matérielles mais cette forme d'anti-réalisme a tendance à miner toute l'entreprise scientifique.

Le parallélisme de Spinoza a le grand avantage de saisir pourquoi les mathématiques fonctionnent en sciences, pourquoi nos modèles expriment des réalités physiques, pourquoi ce n'est pas juste le cerveau ou l'esprit qui se fait des idées : ces idées sont déjà coextensives aux choses. On pourra par exemple dire qu'il y a bien des corrélations non-locales dans la structuration des choses, que ce n'est pas qu'une "abstraction", une "illusion", le simple point de vue d'un petit homme qui s'invente un monde dans son petit cerveau/esprit.
recherche a écrit :Nous nous comprenons si bien que cette distinction entre syntaxe et sémantique n'a vraiment, nous concernant, pas lieu d'être. :)

Je me permets d'insister : c'est une difficulté essentielle en intelligence artificielle laquelle s'efforce de produire un système intelligent. C'est notamment ce qui fait qu'on en est à des artifices d'intelligence plutôt que de l'intelligence artificielle, comme disait un chercheur.
recherche a écrit :Entre l'idée selon laquelle "les idées n'engendrent que des idées"/"le physique n'engendre que du physique" et "nul ne sait ce que peut le corps" (pourquoi pas, engendrer du physique l'on appellera "idées" !), il me semble que nous pouvons mettre en exergue quelque chose d'assez contradictoire.

J'essaie autrement : faisons au moins la distinction aristotélicienne entre forme et matière.
Il y a tel triangle dessiné sur la table et la forme triangle qui se trouve aussi bien dans ce triangle-là que dans celui d'à côté, d'avant ou de plus tard. On peut éventuellement la dire aussi "encodée" dans le cerveau. Cette forme, cette structure n'a ni poids, ni lieu, ni temps. On ne considère pas que le dessin de triangle produit la forme triangle, la structuration triangulaire, puisque celle-ci existe en dehors de lui. On considère qu'il l'incarne, qu'il en est un exemplaire matériel.
Ca donne au moins des concepts opérationnels qui feront que pour caractériser la nature "être triangulaire", on ne sortira pas une balance pour peser le triangle dessiné.
recherche a écrit :Pourquoi dès lors refuser le concept même de causalité de la "pensée" sur "l'étendue" (geste volontaire) ou de "l'étendue" sur la "pensée" (états mentaux induits par tels stimulis) ?

Allez, je tente une présentation formelle :

Dans l'axiomatique logique de Spinoza la relation d'implication entre type de données suit la table de vérité de l'opérateur d'équivalence XNOR (cf la table des connecteurs logiques). :
Soit les événéments A et B, et les types x et y, indexant les événements
A - > B
Ax - > Bx, c'est-à-dire A - > B selon le type x (disons "idée)
Ay - > By, c'est-à-dire A - > B selon le type y (disons "corps")
Si on applique la table de vérité de l'opérateur XNOR à la relation d'implication, on obtient :
(Ax - > Bx) = vrai
(Ax - > By) = faux
(Ay - > Bx) = faux
(Ay - > By) = vrai

Le transtypage est une opération locale, n'ayant de valeur que dans des cas particuliers par correspondance analogique. Par exemple, le terme "1" peut signifier le nombre 1 ou la valeur booléenne "Vrai" dans des cas particuliers déterminé par le programme exécuté mais pas de manière générale. Parfois l'identification fonctionne et parfois ça fait planter le programme, ça marche pas, il faut un typage strict.

A défaut d'être convaincu par cette logique, elle a sa cohérence interne.
recherche a écrit :Tout expliquer de deux façons, certes, mais il est question ici de comprendre que l'une de ces deux façons (la physique) permet à l'autre d'émerger (l'idéel).

Et vice-versa pourrait dire un physicien invoquant la nécessité d'un observateur pour réduire la fonction d'onde, pour obtenir une réalité déterminée. On n'a qu'une superposition inobservable d'état sans cette réduction. Qui est premier, l'observateur ou l'observé ? Ni l'un ni l'autre peut-être, pas de science, pas de connaissance sans relation observé-observateur, le sens même de "représentation".

Avatar du membre
recherche
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 292
Enregistré le : 06 nov. 2010, 00:00

Messagepar recherche » 06 sept. 2011, 23:09

Bonjour,

hokousai a écrit :à recherche
Pourquoi distinguez-vous le cerveau et la pensée, si ce premier est le support de cette seconde ?
Il me semble que vous entretenez par là même quelque part l'ambiguïté.

Bardamu parle de descriptions .
Effectivement il y a deux descriptions .
Je dis que les objets décrits ne sont pas égaux du point de vue de la certitude ( certitude est préférable à croyance ).
Quand je dis que "je pense" je suis plus certain de ce savoir que d' un autre qui est que le cerveau est le support de la pensée .
Le réductionnisme ( le cerveau produit de la pensée ) inverse l 'ordre de la certitude .

Si le cerveau n'est pas le support de la pensée, qu'est-il ?

En postulant qu'il ne serait qu'une "antenne", nous rejoindrions Descartes.

Bardamu, qu'est-il selon vous ? Tel que vous le voyez, de quoi peut-il être le responsable ? De quoi ne peut-il l'être ?

hokousai a écrit :Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt .
Le cerveau est pensé comme une combinaison d' atomes et molécules . C'est à dire qu'on imagine une machine dont aucun élément ne pense.

Considérer des molécules ou des neurones séparément n'est pas suffisant.
La "pensée" ne pourrait a priori qu'être le fruit de réseaux de réseaux.

Donc, patience...

hokousai a écrit : Je pense que c'est la description mécaniste du cerveau qui est fausse .
Pour les objets inertes le mécanisme ne pose pas de problèmes ( pas trop ) mais pour le vivant et a fortiori pour l'homme ( pensant) il pose trop de problèmes .

Quels problèmes ?

Un professeur de physique s'intéressant à certaines questions biologiques nous montrait à quel point la physique semblait largement suffisante pour comprendre le dynamisme des épithéliums...
Un professeur de chimie s'intéressant à certains questions biochimiques nous expliquait à quel point la biochimie pouvait être embrassée par la chimie.

... etc.

La question de l'esprit me paraît constituer un obstacle conceptuel important, mais capital.
À titre personnel, j'ignore où d'éventuelles élucidations nous mèneront.

Peut-être découvrira-t-on une densité à tout ce qui se rapporte à la question de notre identité propre, "essence"... etc., que nous n'avions soupçonnée...

bardamu a écrit :
recherche a écrit :Pourquoi n'envisagez-vous qu'au-delà de simples jeux parallèles d'"expression", il y ait une causalité entre l'idée et ce qui, physiquemenet, la sous-tend ?

A la fac, j'étais parti dans un cursus de biologie, et à l'époque je faisais plus qu'envisager cette causalité, je le prenais comme une sorte de fait de base qui, à la limite, ne s'interrogeait même pas.
Seulement, quand on étudie la philo, la logique, l'informatique et les fondements de la physique, on s'aperçoit que "causalité" et "matérialité" recouvrent des réalités plus complexes que ce qui apparait dans la mécanique assez basique de la biologie.

Je ne vois pas, par exemple, comment un biologiste va expliquer les corrélations non-locales qui apparaissent en quantique à partir d'une physique classique qui reste dans les contraintes relativistes.
M. Bitbol que je citais plus haut est un spécialiste de l'épistémologie de la quantique et je n'ai rien à redire à ses analyses qui le conduise à un parallélisme épistémologique. Les physiciens en sont à tenter de distribuer le "matériel" et l'"informationnel" dans leurs théories, et pour l'instant, de tout ce que je sais de science, l'option la plus raisonnable est d'en rester à une distinction qualitative entre deux plans ou deux pôles, ce qui évite bon nombre de délires autour de la physique.

Et pour tout dire, à mon sens, si on prenait le point de vue de Spinoza, on appellerait "corporel" ce qui correspond à la Relativité Générale, c'est-à-dire tout ce qui s'explique en terme de forme d'espace-temps/densité d'énergie et le reste serait de l'"idéel" ou de l'informationnel, à expliquer par de pure relations logiques qui ne se soucient pas de prendre pour terme des éléments localisés et respectant les limites relativistes.

Je suis toujours assez gêné lorsque l'on renvoie à la physique quantique, parfois en dernier ressort.

Celle-ci regorge d'expériences "étonnantes". Sans en être un spécialiste, celle qui m'a le plus surpris est une expérience de pensée, confirmée il y a peu par l'expérimentation : "le choix retardé de wheeler"
http://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9r ... tard%C3%A9

C'est tout bonnement "vertigineux" (et donc, c'est bien de la mécanique quantique...)

De là, alors que les neurosciences balbutient encore, il me semble que si l'on opte d'emblée pour ce type de projections, on arrive rapidement à pas grand chose de saisissable intuitivement ; seulement du "fascinant", mais qui, quelque part, nous "dépasse"... Et à ce titre, j'y vois pour ma part comme une sorte "d'asile" imposé... mais bon, en rapport avec la conception spinoziste qui se verrait défendue ainsi, ce n'est pas très clean (l'arroseur arrosé...)

Et rien ne vous oblige à penser que le cerveau serait nécessairement tributaire de la physique quantique (pour exemple). Restons prudents en somme...

En matière de neurosciences computationnelles (pan physique des neurosciences), il me semble que l'on envisage surtout des modèles faisant appel à une physique classique, à défaut (et apparemment loin s'en faut) de les avoir tous éprouvés.

bardamu a écrit :Le parallélisme de Spinoza a le grand avantage de saisir pourquoi les mathématiques fonctionnent en sciences, pourquoi nos modèles expriment des réalités physiques, pourquoi ce n'est pas juste le cerveau ou l'esprit qui se fait des idées : ces idées sont déjà coextensives aux choses. On pourra par exemple dire qu'il y a bien des corrélations non-locales dans la structuration des choses, que ce n'est pas qu'une "abstraction", une "illusion", le simple point de vue d'un petit homme qui s'invente un monde dans son petit cerveau/esprit.

Le cerveau ou l'esprit "se fait tellement d'idées", que les théories qu'il conçoit sont en permanence revues.
Je ne vois pas de lien évident entre des réalités mathématiques coextensives aux choses, et l'idée que nous nous en faisons, laquelle peut être erronée (preuve, peut-être..., qu'elle est conçue par nous-même).

bardamu a écrit :
recherche a écrit :Nous nous comprenons si bien que cette distinction entre syntaxe et sémantique n'a vraiment, nous concernant, pas lieu d'être. :)

Je me permets d'insister : c'est une difficulté essentielle en intelligence artificielle laquelle s'efforce de produire un système intelligent. C'est notamment ce qui fait qu'on en est à des artifices d'intelligence plutôt que de l'intelligence artificielle, comme disait un chercheur.

Mais nous ne sommes pas des systèmes artificiels. Donc, passons-nous-en ! :)

bardamu a écrit :Allez, je tente une présentation formelle :

Dans l'axiomatique logique de Spinoza la relation d'implication entre type de données suit la table de vérité de l'opérateur d'équivalence XNOR (cf la table des connecteurs logiques). :
Soit les événéments A et B, et les types x et y, indexant les événements
A - > B
Ax - > Bx, c'est-à-dire A - > B selon le type x (disons "idée)
Ay - > By, c'est-à-dire A - > B selon le type y (disons "corps")
Si on applique la table de vérité de l'opérateur XNOR à la relation d'implication, on obtient :
(Ax - > Bx) = vrai
(Ax - > By) = faux
(Ay - > Bx) = faux
(Ay - > By) = vrai

Le transtypage est une opération locale, n'ayant de valeur que dans des cas particuliers par correspondance analogique. Par exemple, le terme "1" peut signifier le nombre 1 ou la valeur booléenne "Vrai" dans des cas particuliers déterminé par le programme exécuté mais pas de manière générale. Parfois l'identification fonctionne et parfois ça fait planter le programme, ça marche pas, il faut un typage strict.

A défaut d'être convaincu par cette logique, elle a sa cohérence interne.

Pas de problème ! Je conçois que l'on puisse avoir une cohérence interne, et se révéler un délire au regard d'une réalité que l'on tentait d'apprécier... Le délire aura été cohérent. :)

bardamu a écrit :
recherche a écrit :Tout expliquer de deux façons, certes, mais il est question ici de comprendre que l'une de ces deux façons (la physique) permet à l'autre d'émerger (l'idéel).

Et vice-versa pourrait dire un physicien invoquant la nécessité d'un observateur pour réduire la fonction d'onde, pour obtenir une réalité déterminée. On n'a qu'une superposition inobservable d'état sans cette réduction. Qui est premier, l'observateur ou l'observé ? Ni l'un ni l'autre peut-être, pas de science, pas de connaissance sans relation observé-observateur, le sens même de "représentation".

Et vice versa ici aussi : l'idéel (une pensée) agi(rai)t sur le physique (j'en pianote mon clavier !).

Pour revenir à la physique quantique : avez-vous réellement le sentiment, l'impression, la certitude d'en saisir quelque chose de rationnellement et intuitivement comestible (satisfaisant) ?

PS : par rapport à la comparaison hardware/software que vous évoquiez, tout est en la matière absolument compréhensible (possibilité de partir du programme du plus haut niveau jusqu'à la physique de l'unité arithmétique et logique : nos ordinateurs le font en permanence pour pouvoir fonctionner).

Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 07 sept. 2011, 00:27

à recherche

La science c'est une manière de penser de penser des chose supposées ne pas être de la pensée mais qui pourtant sont pensées et pensée actuellement.

(et de plus par une conscience de les penser )


En matière de certitudes , je me demande si la science ne nous apporte pas surtout une connaissance sur nos manières de penser plus que sur la réalité des choses .

Avatar du membre
bardamu
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 1024
Enregistré le : 22 sept. 2002, 00:00

Messagepar bardamu » 07 sept. 2011, 04:01

Bonjour recherche,
désolé, ma réponse est trop longue, y'a des redondances, mais je n'ai pas le temps de réorganiser. J'ai mis en gras quelques phrases clés pour faciliter les choses...
recherche a écrit :Bardamu, qu'est-il selon vous ? Tel que vous le voyez, de quoi peut-il être le responsable ? De quoi ne peut-il l'être ?

Je sens qu'on va avoir du mal vu que j'ai l'impression qu'on ne pose pas la même question.

Il n'y a pas de différence chez Spinoza entre se demander ce que peut faire le foie et ce que peut faire le cerveau, choses qu'ont à déterminer les biologistes dès lors qu'on est d'accord que par "foie" et "cerveau" on parle d'une approche corporelle des choses. Mais c'est là la question : savoir ce qu'on appelle "corporel".

Le cerveau produit des circuits neuronaux, des neurotransmetteurs, des hormones, régule des cycles temporels, des activations/inhibitions de mouvement etc., tout ce que veut la biologie, mais rien de tout cela n'est à appeler "idée" du simple fait que le concept d'idée n'implique ni masse, ni position, ni durée, ni intensité électrique etc., et que le concept de corps n'implique ni sentiment, ni connaissance, ni vérité, ni mensonge etc.
Comme dit Spinoza : "on ne dit pas que les corps se trompent ou sont dans l'erreur, mais seulement les esprits".
Quel "pattern physique" va-t-on faire correspondre à l'erreur ou la vérité ? Quel sens cela peut-il avoir ?
Il y a un pattern physique pour "2 + 2 = 4", un autre pour "2 + 2 = 5" et un troisième pour "vrai". Un neurobiologiste a sous les yeux les patterns d'un cerveau ayant "2 + 2 = 4" et "vrai" et ceux d'un autre cerveau ayant "2 + 2 = 5" et "vrai". Qu'en pense-t-il ? La vérité est plus chez l'un que chez l'autre ?


Mais à mon sens, il est normal que la biologie ne se pose pas le problème de la définition de la "matérialité" elle-même puisqu'elle n'y est pas confronté. Il n'y a pas en ce domaine de Bohr disant qu'une chose n'existe que si on la mesure, c'est-à-dire qu'on ne peut pas dire qu'un cerveau existe si on ne le voit pas, ou de Wheeler présentant l'existence comme une boucle ayant pour pôles l'information et le physique, voire même disant : "all things physical are information-theoretic in origin and that this is a participatory universe".
recherche a écrit :il me semble que si l'on opte d'emblée pour ce type de projections, on arrive rapidement à pas grand chose de saisissable intuitivement ; seulement du "fascinant", mais qui, quelque part, nous "dépasse"... Et à ce titre, j'y vois pour ma part comme une sorte "d'asile" imposé... mais bon, en rapport avec la conception spinoziste qui se verrait défendue ainsi, ce n'est pas très clean (l'arroseur arrosé...)

Pour revenir à la physique quantique : avez-vous réellement le sentiment, l'impression, la certitude d'en saisir quelque chose de rationnellement et intuitivement comestible (satisfaisant) ?

Pour moi, il n'y a là rien de mystérieux ou de vertigineux quand on étudie la question. C'est complexe, tout n'est pas encore clair, mais ça avance.

La quantique n'est pas à proprement parler qu'une "physique", c'est plutôt une modélisation de l'activité expérimentale elle-même, c'est-à-dire qu'elle met sous forme mathématisée la situation interactive sujet-objet pour parler comme Kant. On définit l'ensemble statistique de ce que peut nous dire une préparation expérimentale, quelles mesures elle produit, c'est-à-dire ce que nous observons en interagissant avec tel ou tel système, ensuite on met en marche le système, on applique une loi d'évolution temporelle calquée sur la mécanique classique, et on vérifie que ce que nous dit la préparation est bien ce qui était prévu par application de la loi d'évolution. C'est en fait une mathématisation du phénoménal, de ce qui apparaît à notre conscience dans l'interaction avec des systèmes, la conscience étant un point terminal, un pôle qui n'est pas analysé.

En fait, c'est 150 ans après Kant, la prise en compte par la physique de la situation de l'être connaissant.
Et pour moi, les expériences du type "choix retardé" ne pose problème que pour ceux qui restent dans le paradigme de la physique classique, qui n'attendent du discours de la physique que des résultats en termes spatio-temporels, en termes "einsteiniens", alors que le formalisme quantique est plus large que ça, qu'il inclut des termes qui par nature ne sont pas dans ce langage-là.


Et si il y a un travail de clarification à faire, c'est déjà dans la détermination des termes qui appartiennent au langage einsteinien (causalité physique "classique") et ceux qui sont autres. Par exemple, les recherches en logique ont montré que les corrélations non-locales n'étaient pas propres à la quantique et qu'il y avait même possibilité de corrélations non-locales plus fortes qu'en quantique, uniquement sur la base de considérations logiques ("no-signaling" est un bon mot clé pour une recherche sur Arxiv).

Au passage, le bouquin que tu mets en lien me fait un peu peur. Je ne sais pas trop ce qu'un psychologue compte tirer de la quantique mais je crains des analogies tout à fait inutiles d'autant plus si il utilise Penrose qui avait des vues très "spéciales" (euphémisme...). La glande pinéale de Descartes ça marche pas, alors Penrose va chercher le libre-arbitre dans des indéterminations quantiques au niveau des micro-tubules cellulaires. Ces vues de Penrose sont typiquement le genre de trucs qui hérissent mon poil philosophique tellement cela manque d'analyse épistémologique, comme si il ne voyait pas que le simple caractère probabiliste d'un formalisme (quantique ou pas) impliquait un "hasard". Tant qu'à faire, si on veut un libre-arbitre, autant invoquer un "chaos déterministe" dans le fonctionnement du cerveau, ça a l'avantage de respecter l'échelle biologique et on ne pourra pas faire la différence avec un présumé hasard ontologique.
recherche a écrit :Et rien ne vous oblige à penser que le cerveau serait nécessairement tributaire de la physique quantique (pour exemple). Restons prudents en somme...

Que le fonctionnement du cerveau ne soit guère concerné par la quantique, cela me semble plus que probable et c'est bien pour cela que les neurobiologistes ne se posent pas la question de la matérialité (c'est la question de Spinoza).
Si je parle de quantique, c'est que là on se pose la question, là on est confronté au concept même de matérialité.


En fait, pour moi, ça se rejoint : ce à quoi a été confronté la quantique, c'est au fait que le discours des sciences expérimentales part de la situation commune d'un gars qui pose des appareils dans une pièce et regarde ce qu'il se passe, la situation "phénoménale". C'est pour cela que Hokousai peut revendiquer la primauté de la conscience avant tout discours scientifique.
A la base de notre discours sur le réel, il n'y a pas une substance matérielle ou une substance idéelle, il y a l'entre-deux de la situation expérimentale, Mme. Michu dans son laboratoire. La substance, la base, l'origine, c'est Mme. Michu dans son laboratoire, un psycho-soma, un corps-connaissance.

Il faut bien saisir ce que ça signifie que de dire que matérialité et idéalité ne sont que des attributs, pas des substances. Si Spinoza ne fait pas de la phénoménologie parce qu'il ne privilégie pas la conscience, il fait sans doute du "phénoménisme", c'est-à-dire que son réel de base est celui d'une idée-ayant-pour-objet-un-corps.
Quand je disais à Hokousai que Spinoza conceptualisait la situation commune, cela signifiait que son réel originel était cette situation commune, qu'il ne s'épuisait ni dans d'interminables abstraction pour fonder une primauté du matériel où on ne savait pas comment faire émerger l'esprit, ni dans leur symétrique idéaliste où on s'en remettait en fin de compte à la volonté de Dieu pour expliquer qu'il y ait du corporel.

Et ce qu'il se passe en quantique, c'est que les habitudes "pythagoriciennes" de certains physiciens les poussent à appeler "réel" leurs équations probabilistes pour se demander ensuite comment retrouver l'expérience commune déterminée, d'où l'apparence magique de l'intervention de la conscience. Ils croient plus aux entités abstraites qu'à ce qu'ils voient.
Quand on appelle "réel" la situation expérimentale de base, c'est-à-dire les mesures tout à fait déterminées, alors on s'interroge plutôt sur la manière de construire le formalisme probabiliste. Il n'y a plus de magie, il n'y a que des questions de logique et d'épistémologie sur ce qu'on peut construire comme théorie dans les situations particulières à la quantique.
recherche a écrit :Je ne vois pas de lien évident entre des réalités mathématiques coextensives aux choses, et l'idée que nous nous en faisons, laquelle peut être erronée (preuve, peut-être..., qu'elle est conçue par nous-même).

Elle peut certes être erronée, mais elle peut aussi ne pas l'être. La preuve, c'est que ça marche et c'est pour cela que des physiciens ont ces tendances "pythagoricienne", cette foi parfois excessive dans leurs équations.

Avatar du membre
recherche
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 292
Enregistré le : 06 nov. 2010, 00:00

Messagepar recherche » 07 sept. 2011, 08:20

bardamu a écrit :
recherche a écrit :Bardamu, qu'est-il selon vous ? Tel que vous le voyez, de quoi peut-il être le responsable ? De quoi ne peut-il l'être ?

Je sens qu'on va avoir du mal vu que j'ai l'impression qu'on ne pose pas la même question.

Il n'y a pas de différence chez Spinoza entre se demander ce que peut faire le foie et ce que peut faire le cerveau, choses qu'ont à déterminer les biologistes dès lors qu'on est d'accord que par "foie" et "cerveau" on parle d'une approche corporelle des choses. Mais c'est là la question : savoir ce qu'on appelle "corporel".

Mais je vous ai demandé votre avis, pas celui de Spinoza ! :)

Sont-ils rigoureusement semblables ?

bardamu a écrit :Le cerveau produit des circuits neuronaux, des neurotransmetteurs, des hormones, régule des cycles temporels, des activations/inhibitions de mouvement etc., tout ce que veut la biologie, mais rien de tout cela n'est à appeler "idée" du simple fait que le concept d'idée n'implique ni masse, ni position, ni durée, ni intensité électrique etc., et que le concept de corps n'implique ni sentiment, ni connaissance, ni vérité, ni mensonge etc.
Comme dit Spinoza : "on ne dit pas que les corps se trompent ou sont dans l'erreur, mais seulement les esprits".

Je ne suis pas en mesure de récuser ce dualisme « des propriétés » autrement qu’en vous disant qu’il pourrait constituer une simple vue de l’esprit (cf. Davidson, Kim et sans doute bien d’autres), rendant incompréhensible l'interaction entre les deux types de propriétés.

Je pourrais en outre vous répondre que « le concept d’idée » implique bel et bien des « intensités électriques », des « fréquences de dépolarisation »… etc. Les traitements utilisés en neurologie et en psychiatrie sont aussi bien des stimulants que des inhibiteurs de telles ou telles synapses. Il est d’ailleurs à ce titre intéressant d'apprendre que certains anticonvulsivants (utilisés en neurologie / pan « somatique ») sont également utilisés en tant qu’anxiolytiques (psychiatrie / pan « psychique »).

Mais je vous concéderais qu’au regard des « désordres psychiques » tels que les qualifient les psychiatres, l’emprise qui est la leur me paraît infiniment trop faible pour sortir d’une logique assez grossière (empirisme encore très puéril) ; et pour cause, les neurosciences n’ayant élucidé le cœur de la question « esprit ».
{L’attitude des psychiatres consisterait à mon sens, devant une machine dont il ignorerait parfaitement le fonctionnement, à y « injecter » plus ou moins de courant via des portes d’accès (la recherche ayant engendré d'interminables listes d’agonistes et d’antagonistes). Bref : moduler de loin (et pourquoi pas tels des éléphants dans une boutique de porcelaine) l’alimentation d’un système dont on méconnaît ce qui le sous-tend, ce qui lui permet de donner lieu à ce à quoi il donne lieu. Si vous pensez que cela frise le pathétique, je vous rejoins.}

bardamu a écrit :Quel "pattern physique" va-t-on faire correspondre à l'erreur ou la vérité ? Quel sens cela peut-il avoir ?
Il y a un pattern physique pour "2 + 2 = 4", un autre pour "2 + 2 = 5" et un troisième pour "vrai". Un neurobiologiste a sous les yeux les patterns d'un cerveau ayant "2 + 2 = 4" et "vrai" et ceux d'un autre cerveau ayant "2 + 2 = 5" et "vrai". Qu'en pense-t-il ? La vérité est plus chez l'un que chez l'autre ?

Je ne sais ni vous répondre, ni si cela peut être vu d’une manière aussi tranchée (« un pattern physique pour la vérité » car il faut envisager la possibilité d’une multi-réalisabilité). Par ailleurs, j’ai bien conscience que ces affaires de « patterns » que chérit la neuro-imagerie fonctionnelle ne suffisent pas (si l'on vise une compréhension réelle de la chose, l'intégration de ceux-ci à des schémas physiques étant aussi parti de plus bas s'avère sans doute cruciale).

bardamu a écrit :
recherche a écrit :il me semble que si l'on opte d'emblée pour ce type de projections, on arrive rapidement à pas grand chose de saisissable intuitivement ; seulement du "fascinant", mais qui, quelque part, nous "dépasse"... Et à ce titre, j'y vois pour ma part comme une sorte "d'asile" imposé... mais bon, en rapport avec la conception spinoziste qui se verrait défendue ainsi, ce n'est pas très clean (l'arroseur arrosé...)

Pour revenir à la physique quantique : avez-vous réellement le sentiment, l'impression, la certitude d'en saisir quelque chose de rationnellement et intuitivement comestible (satisfaisant) ?

Pour moi, il n'y a là rien de mystérieux ou de vertigineux quand on étudie la question. C'est complexe, tout n'est pas encore clair, mais ça avance.

Vraiment, je ne vous rejoins pas.
En prenant connaissance de cette expérience de Wheeler, on pourrait croire à un tour de passe-passe ! Un choix retardé ayant des conséquences sur le passé ! ... Excusez du peu (et de ma naïveté...)

Pour le « vertigineux », cela n’a rien a priori de honteux : la référence (google books) jointe à mon précédent message était là pour une note apparaissant en bas de page, rappelant que l’on attribue à Bohr le critère « vertige » comme une preuve de compréhension (même minime) de ce dont il est question…

“Anyone who is not shocked by quantum theory has not understood it.”
“If you think you can talk about quantum theory without feeling dizzy, you haven't understood the first thing about it.”

(http://en.wikiquote.org/wiki/Niels_Bohr)

bardamu a écrit :La glande pinéale de Descartes ça marche pas, alors Penrose va chercher le libre-arbitre dans des indéterminations quantiques au niveau des micro-tubules cellulaires. Ces vues de Penrose sont typiquement le genre de trucs qui hérissent mon poil philosophique tellement cela manque d'analyse épistémologique, comme si il ne voyait pas que le simple caractère probabiliste d'un formalisme (quantique ou pas) impliquait un "hasard".

Hilarante cette affaire de micro-tubules !
Ne craignez-vous pas d’en arriver à quelque chose de proche en répondant au problème de la causalité par la façon dont on conçoit l’information dans certains modèles de la physique quantique ? N’est-ce pas au mieux prématuré ?

Mais cela ouvre pour moi des perspectives intéressantes… Si l’on vous dit vouloir étudier le cerveau pour ses capacités cognitives (supposées…), pensez-vous qu’il serait souhaitable de se plonger dans l’étude de la physique quantique ?

bardamu a écrit :
recherche a écrit :Et rien ne vous oblige à penser que le cerveau serait nécessairement tributaire de la physique quantique (pour exemple). Restons prudents en somme...

[b]Que le fonctionnement du cerveau ne soit guère concerné par la quantique, cela me semble plus que probable et c'est bien pour cela que les neurobiologistes ne se posent pas la question de la matérialité (c'est la question de Spinoza).
Si je parle de quantique, c'est que là on se pose la question, là on est confronté au concept même de matérialité.

Je me suis fait avoir… :)

Je reformule :

« Et rien ne vous oblige à penser que nos capacités cognitives seraient tributaires de la physique quantique. »

Merci !
Modifié en dernier par recherche le 07 sept. 2011, 14:50, modifié 2 fois.


Retourner vers « L'ontologie spinoziste »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 112 invités