Connaissance du troisième genre

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Connaissance du troisième genre

Messagepar recherche » 28 sept. 2011, 18:37

Bonjour,

Relativement à la connaissance du troisième genre, "connaissance intuitive" et "amour intellectuel" sont-ils tout à fait assimilables ?

Merci

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Messagepar recherche » 04 oct. 2011, 15:37

"up" comme nous dirions plus volontiers en d'autres lieux virtuels...

:D

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Messagepar Henrique » 10 oct. 2011, 20:39

Salut Recherche,

Je dirais que l'intelligence intuitive et l'amour intellectuel sont indissociables, mais pas identiques. Parler de l'une, c'est parler de l'autre, au moins implicitement, mais cela n'empêche pas de les distinguer.

E5P32 : "Nous nous délectons de tout ce que nous comprenons selon le troisième genre de connaissance, et cela s'accompagne de l'idée de Dieu comme cause" En effet, lorsque nous avons l'intuition de la façon dont un être (corps et/ou esprit) s'inscrit nécessairement dans la nature (étendue et/ou pensée) des choses, nous en tirons aussitôt une certitude joyeuse dans laquelle nous nous sentons en harmonie avec ce que nous connaissons (le monde), de telle sorte que ce que nous voulons et faisons est soutenu par la nature entière. C'est ce que Spinoza appelle l'acquiescentia in se ipso qu'on peut traduire par paix intérieure ou confiance en soi, voire acquiescement intérieur. Mais ici nous sommes cause adéquate et formelle de cette espèce de joie (Prop. 31) tandis que Dieu est la cause immanente de cette cause (prop. 30). Ainsi, avoir la connaissance de quelque chose sous l'aspect de l'éternité, c'est nécessairement éprouver un amour intellectuel envers Dieu (cor. de la prop. 32).

Cet amour que nous éprouvons à l'égard de Dieu, c'est en même temps l'amour même dont on peut dire Dieu affecté envers les êtres qui le constituent (prop. 36, cor.), car il n'y a au fond qu'une seule connaissance du troisième genre.

Ainsi, on peut distinguer la science intuitive de l'amour intellectuel, comme la cause de l'effet, mais en précisant bien que la cause ici ne peut pas être sans l'effet et non pas seulement l'effet sans la cause.

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Messagepar recherche » 02 nov. 2011, 17:11

Salut,

Merci beaucoup pour ta réponse.

Henrique a écrit :En effet, lorsque nous avons l'intuition de la façon dont un être (corps et/ou esprit) s'inscrit nécessairement dans la nature (étendue et/ou pensée) des choses, nous en tirons aussitôt une certitude joyeuse dans laquelle nous nous sentons en harmonie avec ce que nous connaissons (le monde), de telle sorte que ce que nous voulons et faisons est soutenu par la nature entière.

Que signifie qu'un être s'inscrit nécessairement dans la nature des choses ? Tant de brindilles dont la constitution relève de l'aléatoire, et dont la "nature" aurait pu se passer... voici quelque chose dont j'ai l'intuition.

Henrique a écrit :Cet amour que nous éprouvons à l'égard de Dieu, c'est en même temps l'amour même dont on peut dire Dieu affecté envers les êtres qui le constituent (prop. 36, cor.), car il n'y a au fond qu'une seule connaissance du troisième genre.

Ainsi, on peut distinguer la science intuitive de l'amour intellectuel, comme la cause de l'effet, mais en précisant bien que la cause ici ne peut pas être sans l'effet et non pas seulement l'effet sans la cause.

Pourquoi Spinoza ne parle-t-il pas d'une "science intellectuelle" causant un "amour intellectuel" ? N'aurait-ce pas été plus cohérent ?
C'est la valeur que Spinoza semble accorder à "intuitive", dans "science intuitive" qui me pose problème.

Merci

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Messagepar Henrique » 05 nov. 2011, 19:21

Salut à toi recherche !

recherche a écrit :Que signifie qu'un être s'inscrit nécessairement dans la nature des choses ? Tant de brindilles dont la constitution relève de l'aléatoire, et dont la "nature" aurait pu se passer... voici quelque chose dont j'ai l'intuition.


L'existence même de la totalité de la nature est nécessaire au sens où elle n'aurait pas pu ne pas être. En effet, son essence enveloppe l'existence, càd qu'elle n'est pas suspendue à l'existence d'autre chose qu'elle-même pour exister comme ne pas exister, la nature étant le pur pouvoir d'exister et le néant ne pouvant être cause de rien, pas plus qu'il ne peut empêcher quoique ce soit.

Il y a une contingence au niveau des êtres particuliers si par là on entend que ces choses ne sont pas causes d'elles-mêmes, leur essence n'enveloppant pas l'existence. La nécessité ne s'oppose pas à cela : ce n'est pas parce qu'une chose n'est pas cause de soi qu'elle n'est pas nécessaire. Son existence s'explique non par une essence, mais par l'existence d'autres choses singulières. Et une fois les causes posées, les effets s'ensuivent nécessairement. Si tu prends une feuille de papier normale entre tes mains et que tu les refermes en maintenant la feuille entre elles, peux-tu obtenir autre chose que du papier froissé ? Bien sûr, "si" tu avais été manchot, ça n'aurait pas marché, mais comme je le suppose, tu ne l'es pas, l'effet "papier froissé" est implacable. Il n'y a pas autre chose que la nature, dans laquelle tout cela se passe, une sur-nature ou une sous-nature qui pourrait interférer dans ce rapport de cause à effet.

Il y a donc une contingence générale, celle qui consiste pour les êtres finis à ne pas être cause d'eux-mêmes, autrement dit à ne pas tirer leur nécessité d'eux-mêmes, mais pas une contingence particulière qui consisterait à pouvoir objectivement aussi bien être que ne pas être. Bien sûr, subjectivement, du fait que nous ignorons souvent les causes complètes des choses, nous pouvons imaginer qu'une chose aurait pu ne pas être, mais cela n'a aucune valeur objective.

Ainsi toutes les brindilles les plus infimes de l'univers sont le produit nécessaires de causes effectives qui elles-mêmes sont l'effet de causes de cet ordre et ainsi de suite à l'infini. Et ces brindilles sont elles-mêmes la cause d'autres effets non moins inévitables.

Ainsi nous pouvons savoir a priori que quand un être quelconque existe, il n'aurait pas pu ne pas exister. Mais il est vrai que le plus souvent nous ne savons pas précisément quelles sont les causes exactes qui font qu'un être naturel est nécessaire. C'est l'origine de l'illusion du libre-arbitre. Mais ce n'est pas parce que nous ignorons une chose qu'elle n'existe pas et qu'ainsi il y aurait un vide d'indétermination dans lequel pourrait s'insérer une contingence particulière.

Quant à avoir "l'intuition de la façon dont un être (corps et/ou esprit) s'inscrit nécessairement dans la nature (étendue et/ou pensée) des choses", il n'y a là aucune ignorance mais bien une connaissance intuitive, car ici ce n'est plus l'existence de cet être qu'on considère mais son essence, c'est-à-dire ce sans quoi elle ne peut ni être ni être conçue et qui sans la chose ne peut pas non plus être conçu. Si je trouve une feuille de papier froissée, je ne connais pas forcément la cause prochaine qui explique ce qu'elle est, néanmoins je sais sans l'ombre d'un doute que cette chose s'inscrit dans la nature en tant qu'elle est étendue, du simple fait que sans cette étendue, il n'y aurait non seulement pas d'existence de la feuille froissée mais pas non plus d'essence de celle-ci. L'intuition ici est connaissance immédiate d'une nécessité qui nous paraît tellement évidente que nous n'y sommes pas attentifs, alors qu'elle est en fait la clé de la béatitude.




Pourquoi Spinoza ne parle-t-il pas d'une "science intellectuelle" causant un "amour intellectuel" ? N'aurait-ce pas été plus cohérent ?
C'est la valeur que Spinoza semble accorder à "intuitive", dans "science intuitive" qui me pose problème.


La raison, connaissance du second genre, forme des idées générales à partir de ce que des êtres, notamment les corps, ont effectivement en commun : l'étendue, le mouvement, le repos, la figure ou configuration formée par le rapport de mouvement et de repos etc. Elle procède ainsi de façon discursive, par étapes, et non de façon intuitive. L'intellect est quant à lui la simple compréhension des idées (en l'occurrence le fait pour l'idée d'un corps qu'est l'esprit de rassembler des idées en une seule).

L'intellect quant à lui connaît l'unité des idées qu'il considère immédiatement. Et dans la connaissance du troisième genre dont nous parlons, une fois qu'on a compris que l'étendue est commune à tous les corps, on peut comprendre par la raison (mais aussi plus directement par l'intuition) qu'elle est infinie : aucun corps ne peut la limiter puisque les corps sont eux-mêmes étendus. Une fois cela compris, on a l'idée de l'étendue comme infinie d'un seul tenant, non pas d'abord l'étendue, puis par l'intermédiaire du fait que les corps sont eux-mêmes étendus, le rapport avec l'infini, mais l'étendue comme être singulier. L'intellect est alors simplement la saisie du fait que n'importe quel corps s'inscrit dans l'étendue, on le sait intuitivement aussi du fait que dès qu'on considère un corps, on considère en même temps l'étendue.
Modifié en dernier par Henrique le 10 nov. 2011, 00:10, modifié 1 fois.

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Messagepar recherche » 05 nov. 2011, 22:11

Merci pour ta réponse.

Quelle aurait été selon toi l'attitude de Spinoza face à l'émergence de disciplines scientifiques s'éloignant, "par nécessité", de lois déterministes (physiques statistique et quantique) ?
http://en.wikipedia.org/wiki/Determinis ... al_physics
Sans doute comparable à celle d'Einstein ?

Par rapport à "connaissance intuitive", je n'ai pas compris ta réponse (où tu sembles te focaliser sur "l'étendue" / pourquoi pas sur "l'esprit" ?!)
Pourquoi situer la connaissance intuitive au-delà (en aval) de la connaissance intellectuelle ?

Merci

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Messagepar Henrique » 10 nov. 2011, 08:58

recherche a écrit :Quelle aurait été selon toi l'attitude de Spinoza face à l'émergence de disciplines scientifiques s'éloignant, "par nécessité", de lois déterministes (physiques statistique et quantique) ?
http://en.wikipedia.org/wiki/Determinis ... al_physics
Sans doute comparable à celle d'Einstein ?

Les vulgarisateurs scientifiques mais aussi il faut bien le dire beaucoup de scientifiques ont souvent tendance à utiliser le vocabulaire d'origine philosophique et qui de fait concerne des questions d'ordre ontologiques ou métaphysique d'une façon peu rigoureuse. Ainsi on parle d'antimatière à propos d'amas de particules étendues dont la charge électrique est seulement opposée à celle de la matière que nous côtoyons habituellement. Or le préfixe "anti" devant matière devrait signifier quelque chose qui ne serait pas étendu ou qui n'aurait pas de masse, ce qui n'est pas du tout le cas. On confond avec ce vocabulaire une opposition ontologique et une simple opposition quantitative à l'intérieur d'une région de l'être. C'est un peu comme si on disait que la haine est une "antipassion" en partant de l'amour comme référentiel, alors qu'elle n'est que l'opposé de l'amour, non de l'affectivité passive en général. Ce n'est pas bien grave quand on parle entre gens qui savent clairement ce qu'ils mettent derrière les mots, mais pour le grand public cela peut induire des erreurs de jugement regrettables.

On est dans le même ordre de difficulté avec la soit-disant indétermination des phénomènes quantiques. On confond ici l'indétermination de la connaissance qu'on peut avoir des effets d'un phénomène subatomique avec une indétermination ontologique. Mais ce n'est pas parce qu'un phénomène n'est pas prévisible qu'il n'a pas de cause et qu'ainsi il ne serait pas nécessaire.

Quand Spinoza pose le déterminisme universel, dans E1P33, il ne fait qu'affirmer que rien dans la nature n'est contingent (ce qui là encore n'a pas à être confondu avec le hasard). Rien de ce qui existe à un moment donné n'aurait pu être autrement et ainsi également que ce qui existera est déjà contenu dans les causes en présence, voilà ce que dit le déterminisme de Spinoza et non que l'homme pourrait prévoir a priori tout ce qui se produira dans l'univers. C'est évident au niveau macroscopique : le verre en cristal qui s'est cassé en tombant sur le carrelage du haut de la table n'aurait pas pu rester intact étant données les conditions en présence.

Mais cela ne veut pas dire, même à ce niveau, qu'il serait possible, y compris avec un ordinateur surpuissant, de prévoir que ce phénomène se produira à coup sûr tel soir avec telles personnes autour de la table. Quant au niveau microscopique, aucun scientifique sérieux ne s'est aventuré à montrer que tel phénomène observé aurait pu ne pas se produire, car cela signifierait tout simplement que la cause qui l'explique serait à la fois existante et inexistante, ce qui n'a pas plus de sens en physique qu'en métaphysique, chat de Schrödinger ou pas.

Comme le dit le pendant français de l'article de Wikipédia que tu cites : "Le principe d'incertitude d'Heisenberg et la théorie du chaos remettent en cause la prédictibilité de certains systèmes, et non pas leur caractère déterministe. Ils ne contredisent en aucun sens le principe de causalité." ce qui est très juste.

(Entre parenthèses :
En revanche, la suite qui doit être due à un autre auteur qui a du croire utile de partager son ignorance l'est beaucoup moins : "Par contre, ils réduisent considérablement la possibilité de confirmer l'hypothèse du déterminisme, en rendant inaccessibles à l'expérience certaines validations." D'abord, l'utilisation de l'expression "par contre" n'est pas correcte, mais passons. Il est surtout ridicule de confondre une thèse d'ordre ontologique avec une hypothèse physique. En physique, les questions portent sur les phénomènes observables empiriquement en vue de les expliquer et de les prévoir par d'autres phénomènes ou classes de phénomènes, sous la forme de lois quantitatives. Pour cela, on ne peut pas faire autrement que de faire des hypothèses à partir des données fragmentaires de nos observations et de les vérifier empiriquement, avec le risque qu'elles soient falsifiées. L'ontologie ne porte pas quant à elle sur les phénomènes avec tout le foisonnement et la complexité qui les caractérise mais sur les conditions de tout phénomène, relevant à ce titre de la raison pure : on n'y parle pas de tels types de corps ou d'idées, mais de tous les corps et de toutes les idées possibles. Peut-on concevoir des corps qui ne sont pas étendus, des corps qui ne soient ni en mouvement, ni au repos ; des idées qui ne seraient ni simples, ni complexes ; ce qui est peut-il en même temps ne pas être etc. ? Voilà le genre de questions auxquelles seule la logique suffit pour répondre et que l'expérience sensible ne peut qu'illustrer. Vouloir traiter toute question avec la méthode qui s'impose en physique est tout simplement ridicule : qui a besoin pour s'assurer qu'il éprouve de la tristesse d'élaborer un protocole expérimental qui permettrait de vérifier cette "hypothèse" ? )

Donc, je ne sais pas ce qu'aurait dit Spinoza de ta question s'il avait pu vivre jusqu'au 20ième siècle, mais l'important est surtout de savoir ce que la logique nous enseigne.

Par rapport à "connaissance intuitive", je n'ai pas compris ta réponse (où tu sembles te focaliser sur "l'étendue" / pourquoi pas sur "l'esprit" ?!)
Pourquoi situer la connaissance intuitive au-delà (en aval) de la connaissance intellectuelle ?


Je me "focalise" sur les corps et l'étendue parce que c'est l'objet dont tout esprit est l'idée. Autrement dit, parler des corps, c'est parler de l'esprit et inversement. Pour le reste, n'hésite pas à me dire ce que tu ne comprends pas dans mon explication.

Mais réponds à ces questions si tu veux bien :
- N'as tu pas l'idée de l'étendue de ton corps, du sommet de ton crâne à la pointe de tes orteils ?
- Ne vois-tu pas que cette idée t'est donnée non au moyen d'un raisonnement discursif mais de façon immédiate, intuitive ?
- Pourrais-tu exister comme corps sans cette étendue ?
- Est-ce autre chose essentiellement que cette étendue que tu peux concevoir comme fondement de l'existence même de ton corps, comme de l'étoile, de la rose ou du proton ?
- Ne perçois tu donc pas l'unité de ton étendue et de celle de toute la nature ?
- Perçois tu cette étendue comme quelque chose de figé ou au contraire de dynamique ?
Si tu peux répondre positivement aux deux premières questions et négativement aux deux suivantes, tu sais ce que Spinoza appelle la science intuitive, la réponse aux deux dernières questions doit aller de soi et tu peux comprendre E2P47 : "L'esprit humain a une connaissance adéquate de l'infinie et éternelle essence de Dieu." et aussi que l'intuition n'est pas alors "en aval" de l'intelligence.

Il y a non pas intuition puis intelligence, mais intelligence intuitive.

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Messagepar recherche » 12 nov. 2011, 23:15

Bonjour,

Merci pour ta nouvelle réponse !

Le préfixe « anti » a peut-être été choisi en référence aux possibilités d’annihilations particule-antiparticule (dont certaines donnent lieu à des photons, particules sans masse). Mais nous restons bien sûr dans l’horizon « étendue ».

Sur le déterminisme/indéterminisme et réalité causale sous-jacente, les choses me semblent plus compliquées au regard de ce que j’en ai lu.
Le pendant français n’est franchement pas terrible. Je t’invite à te référer plus volontiers à ce paragraphe (depuis « Some (including Albert Einstein) argue that our inability to predict any more than probabilities is simply due to ignorance »), ainsi qu’à cet article, portant sur le débat Bohr-Einstein ( « – Dieu ne joue pas aux dés. – Ne dites pas à Dieu ce qu’il doit faire ! »), ou encore à celui-ci, sur les « variables cachées ».

Henrique a écrit :Je me "focalise" sur les corps et l'étendue parce que c'est l'objet dont tout esprit est l'idée.

Où est passée « l’idée de l’idée » ? Toute idée s’inscrit-elle nécessairement dans l’étendue ? (s’inscrire au sens de « viser »).

Henrique a écrit :- N'as tu pas l'idée de l'étendue de ton corps, du sommet de ton crâne à la pointe de tes orteils ?
- Ne vois-tu pas que cette idée t'est donnée non au moyen d'un raisonnement discursif mais de façon immédiate, intuitive ?
- Pourrais-tu exister comme corps sans cette étendue ?
- Est-ce autre chose essentiellement que cette étendue que tu peux concevoir comme fondement de l'existence même de ton corps, comme de l'étoile, de la rose ou du proton ?
- Ne perçois tu donc pas l'unité de ton étendue et de celle de toute la nature ?
- Perçois tu cette étendue comme quelque chose de figé ou au contraire de dynamique ?

- J’en ai bien l’idée !
- Cette idée m’est aujourd’hui immédiate, mais je ne doute pas qu’elle a requis un apprentissage.
- Si physique et étendue sont synonymes, non.
- Non.
- J’en prends conscience plus volontiers encore devant une table de Mendeleïev.
- Comme quelque chose de dynamique, ce dont je prends conscience devant un phénomène tel que celui présenté ici. J’y vois davantage un savoir intellectuel (relevant du 2nd genre de connaissance) qu’une intuition, possiblement erronée.

PS - http://www.langue-fr.net/spip.php?article71

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Messagepar hokousai » 14 nov. 2011, 00:18

L' étendue abordée à partir du corps présente quelques difficultés .

Si l’étendue est indivisible une étendue infiniment petite( si elle existe ) n'est pas la partie d'une étendue plus grande .

On a quelques problèmes avec une étendue infiniment petite .
Avec une étendue infirment grande c'est plus facile et c'est pourquoi on parle aisément d' étoiles, de galaxies .
Mais avec une étendue infiniment petite on est tenté de n 'y intuitionner que: "plus d 'étendue du tout".

Un corps infirment petit quant au mesurable est- il encore étendu ? A- t -il de l’étendue à l'intérieur de lui ? Si oui il n'est pas le corps infiniment petit .

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Messagepar Henrique » 23 nov. 2011, 18:19

recherche a écrit :Sur le déterminisme/indéterminisme et réalité causale sous-jacente, les choses me semblent plus compliquées au regard de ce que j’en ai lu.
Le pendant français n’est franchement pas terrible. Je t’invite à te référer plus volontiers à ce paragraphe (depuis « Some (including Albert Einstein) argue that our inability to predict any more than probabilities is simply due to ignorance »)


Encore une fois, ou bien je ne l'avais pas dit assez clairement la dernière fois, le déterminisme dont parle Spinoza n'implique nullement que nous puissions savoir systématiquement ce qui se produira dans toutes les régions de l'être à partir d'une situation donnée. Ce que contredit le déterminisme de Spinoza, ce n'est pas qu'il y aurait des événements imprédictibles, mais c'est qu'il y aurait de la contingence dans la nature, c'est-à-dire qu'un phénomène accompli aurait pu ne pas se produire. Que l'incertitude d'un effet à venir ne découle pas que de notre ignorance mais aussi de la position de l'observateur ou de ce que l'on voudra n'implique nullement l'indétermination au sens strict, c'est-à-dire le caractère non nécessaire de l'effet, c'est-à-dire encore le fait que cet effet découlerait non d'une cause positive mais d'une non cause, d'un néant de cause qui seul pourrait expliquer quoique de façon absurde et irrationnelle comment l'effet pourrait à la fois être et ne pas être.

Henrique a écrit :Je me "focalise" sur les corps et l'étendue parce que c'est l'objet dont tout esprit est l'idée.

Où est passée « l’idée de l’idée » ? Toute idée s’inscrit-elle nécessairement dans l’étendue ? (s’inscrire au sens de « viser »).


Elle ne s'est pas envolée, pour tout corps, il existe une idée de ce corps dont la nature est la seule substance. Et pour toute idée d'un corps, il existe une idée de cette idée, autrement dit une conscience. Donc parler des corps et de l'étendue qui leur est commune, implique la pensée.

[Ce qui distingue l'homme de la pierre ou de la bête, sans les opposer comme expressions de la substance, c'est que l'homme a conscience d'être vivant, pas seulement des différents états de son corps, et ainsi de s'efforcer de persévérer dans l'être et pas seulement d'avoir tel ou tel désir.]

Henrique a écrit :1 - N'as tu pas l'idée de l'étendue de ton corps, du sommet de ton crâne à la pointe de tes orteils ?
2 - Ne vois-tu pas que cette idée t'est donnée non au moyen d'un raisonnement discursif mais de façon immédiate, intuitive ?
3 - Pourrais-tu exister comme corps sans cette étendue ?
4 - Est-ce autre chose essentiellement que cette étendue que tu peux concevoir comme fondement de l'existence même de ton corps, comme de l'étoile, de la rose ou du proton ?
5 - Ne perçois tu donc pas l'unité de ton étendue et de celle de toute la nature ?
6 - Perçois tu cette étendue comme quelque chose de figé ou au contraire de dynamique ?

1 - J’en ai bien l’idée !
2 - Cette idée m’est aujourd’hui immédiate, mais je ne doute pas qu’elle a requis un apprentissage.
3 - Si physique et étendue sont synonymes, non.
4 - Non.
5 - J’en prends conscience plus volontiers encore devant une table de Mendeleïev.
6 - Comme quelque chose de dynamique, ce dont je prends conscience devant un phénomène tel que celui présenté ici. J’y vois davantage un savoir intellectuel (relevant du 2nd genre de connaissance) qu’une intuition, possiblement erronée.


J'ai numéroté ci-dessus les 6 questions qui peuvent t'amener à saisir ce que Spinoza appelle connaissance du troisième genre. Comme tu réponds avec certaines restrictions aux questions 2, 3, 5 et 6, je vais essayer de répondre à tes préventions en supposant que tu désires effectivement comprendre ce dont nous parlons, qu'à mon sens tu connais déjà mais sans l'apercevoir très clairement.

Sur la question 2 d'abord.
Tu dis que tu as du apprendre à reconnaître que ton corps était étendu. En effet, il a fallu apprendre le sens des mots pour cela, ce n'est pas complètement immédiat. Mais avant même d'apprendre le sens du mot "mouvement", ne savais-tu pas ce que c'était ? Je dis que si tu ne l'avais pas su, tu n'aurais jamais pu comprendre ce qu'on voulait indiquer en utilisant ce mot. Il en est de même pour l'étendue, condition de possibilité du mouvement. Le mot apporte une clarification de notre conscience, en séparant par sa puissance propre une totalité inséparable d'étendue de mouvement et de repos, il ne la produit pas. Comme on passe de l'obscurité à la clarté, on peut avoir l'impression que ladite conscience n'existait pas avant, comme si le lapin qui sort du chapeau du magicien n'existait pas avant qu'il l'en ait tiré !

Ce qui fait par ailleurs que l'idée de ton corps est intuitive et non discursive, c'est que tu y accèdes directement et ainsi concrètement, alors que pour avoir par exemple l'idée de l'humanité, tu dois passer par l'idée de plusieurs hommes, en en tirant de façon plus ou moins obscure et confuse des caractères généraux, que tu ne connais donc pas concrètement mais abstraitement. Si donc c'est concrètement, intuitivement et immédiatement dans le sens que j'ai indiqué que tu peux avoir conscience de l'étendue de ton corps et que par ailleurs tu ne peux rien penser de différent en ce qui concerne les autres corps, tu as l'idée de ce qui unit substantiellement tous les êtres de la nature.

Passons cependant à la question 3.
Je ne sais pas ce que tu mets derrière le mot "physique" mais pour moi c'est l'étude des phénomènes étendus et partant de leurs mouvements et des effets de ces mouvements. Cette étude s'appuyant nécessairement sur l'observation de phénomènes qu'on ne peut déduire des seuls principes de la raison suppose acquise l'intuition que nous avons de l'étendue desdits phénomènes pour élaborer sur cette base une connaissance plus détaillée, en essayant de mettre de l'ordre dans la profusion des phénomènes qui peuvent être observés. La physique n'est donc ni l'étendue, ni même l'intuition de l'étendue.

Aussi, quand je te demande si tu pourrais exister comme corps sans l'étendue que tu perçois pour ton corps, à la différence par exemple d'avoir un bras ou même un cœur qui bat, je te pose une question à laquelle tu dois pouvoir répondre même si tu n'as aucune connaissance en physique : pas besoin d'avoir lu Galilée, Newton ou Einstein pour savoir si oui ou non l'étendue est essentielle à ton corps. La question est peux-tu concevoir ton corps, mais aussi un corps quelconque sans étendue, c'est-à-dire sans ce qu'on appelle aussi des dimensions : longueur, largeur etc. (mais qui en fait supposent aussi l'intuition de l'étendue plutôt qu'elles ne la posent) ? Je dis que si tu prétends le pouvoir, alors tu ne risques pas pouvoir comprendre grand chose à toute la physique qui en découle. L'étendue est l'essence de ton corps au sens où sans elle, ton corps ne pourrait ni être, ni être conçu, et où sans corps, il n'y aurait ni étendue ni concept d'étendue.

A ce stade, et si tu comprends les précisions que j'apporte (ce qui je l'admets suppose que ce soit compréhensible), tu peux comprendre au moins intellectuellement ce que Spinoza entend par science intuitive : saisir intuitivement l'unité de ce qui est infini (ici l'étendue puisque rien ne peut en limiter l'affirmation) et de ce qui est fini (ton corps et les autres) et ainsi jouir de "l'union de l'esprit et de toute la nature" : quand tu es attentif à l'étendue de ton corps, tu connais la substance de toutes choses, il ne peut plus y avoir de sentiment de séparation, de division, de conflit entre toi et le monde (mais tu peux vite revenir à cet état d'esprit en étant conduit à l'oublier à cause de tes passions naturelles).

Mais pour bien y arriver il faut peut-être encore que je réponde à tes restrictions pour les questions 5 et 6.

La question 5.
Une table de Mendéléïev peut certainement renforcer la conscience que tu as de l'unité de la nature, confirmant ainsi la prop. 24 d'Ethique V, mais chacun de ces éléments chimiques supposent en effet des outils conceptuels complexes pour pouvoir être conçus dans leur spécificité puis dans leur cohérence globale. La connaissance du second genre qui intervient ici peut permettre d'intensifier l'intuition de l'unité de la nature, mais elle ne la produit pas. Chacun de ces éléments suppose la connaissance de ce que signifie l'étendue. Un atome d'hydrogène est étendu, un atome d'hélium aussi et l'étendue ici n'est qualitativement rien de différent. Il y a donc une unité plus profonde et beaucoup plus simple à saisir qui caractérise toutes choses pour peu qu'on y prête attention.

Question 6.
Si tu as besoin de l'astrophysique pour comprendre le caractère dynamique de l'étendue, cela relève en effet du second genre de connaissance, mais Spinoza qui n'avait pas ces connaissances et sans même se référer à celles de son époque l'affirmait pourtant avec le conatus dont on peut avoir l'intuition, comme de l'étendue. L'étendue dont mon corps est une expression n'est pas inerte, elle s'affirme et tend à s'étendre, elle est une force de persévérer dans mon être.
Modifié en dernier par Henrique le 23 nov. 2011, 18:35, modifié 1 fois.


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