L'essence des choses singulières.

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar hokousai » 02 nov. 2004, 19:36

cher Sescho

.""""""""""" L'alternative c'est effectivement de prendre cela au figuré et de dire que tout existe en acte de toute éternité """""""""

" l'intellect en acte qu'll soi fini ou infini ..ainsi que la volonté ...doivent être rapportés à la nature naturée et non à la naturante (prop31 partie 1)"
.
Ce que vous dîtes est une manière de penser l 'intellect en actes ou les choses en actes ,mais l'intellect en acte doit êtrerapporté à la nature naturée . C'est à dire à des modes des attributs .( scolie prop 29 partie 1)

Mais les modes sont éternels et infini(prop 21) il me semble qu 'on peut dire ce que vous dîtes et pas au figuré .


on précise" en acte "parce que cela concerne les modes .
......................................................................................

sur l'essence formelle comme cause de ...
je reviens (je confirme ) sur ce que j'ai dit hier

Spinoza dit à propos des choses"""" leur essence ne peut être cause de leur existence et de leur durée (corrol prop 24 partie 1)"""

.et aussi coroll prop 6 partie 2 "" ce sont les choses dont il y a idée qui s'ensuivent et qui se concluent de LEURS attributs """

......................................................................................
re Sur l'essence de la chose

Vous dîtes """toute essence formelle peut s’ « actualiser """
pas d' accord

l'essence formelle est de l'intelect en acte elle est de facto en acte . Elle n'a pas à être actualisé .

ce qui est l'essence de la chose ce n'est pas l'essence formelle qui est "" "ce sans quoi la chose ne peut ni être ni se concevoir """"

MAIS c'est ce qui SANS la chose ne peut ni être ni se concevoir "" ( c’est ce dont la présence pose la chose et dont la suppression supprime la chose ""
ce qui est l'essence de la chose ce n'est pas "l’essence formelle "..

(à moins qu 'essence formelle recouvre chez vous un sens qui m'échappe )

amicalement

Hokousai

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Messagepar sescho » 03 nov. 2004, 23:47

hokousai a écrit :" l'intellect en acte qu'll soi fini ou infini ..ainsi que la volonté ...doivent être rapportés à la nature naturée et non à la naturante (prop31 partie 1)"
.
Ce que vous dîtes est une manière de penser l 'intellect en actes ou les choses en actes ,mais l'intellect en acte doit êtrerapporté à la nature naturée . C'est à dire à des modes des attributs .( scolie prop 29 partie 1)

Le sujet m'intéresse beaucoup mais je le réserve pour un nouveau fil et pour plus tard.

hokousai a écrit :Mais les modes sont éternels et infini(prop 21) il me semble qu 'on peut dire ce que vous dîtes et pas au figuré .

E1P21 ne parle, je pense, que des modes infinis (le mouvement dans l'Etendue, l'entendement infini dans la Pensée), lesquels sont seuls pouvoir être dits découler des Attributs pris absolument. S'agissant des modes finis, E1P28 en parle :

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E1P28 : Tout objet individuel, toute chose, quelle qu’elle soit, qui est finie et a une existence déterminée, ne peut exister ni être déterminée à agir si elle n’est déterminée à l’existence et à l’action par une cause, laquelle est aussi finie et a une existence déterminée, et cette cause elle-même ne peut exister ni être déterminée à agir que par une cause nouvelle, finie comme les autres et déterminée comme elles à l’existence et a l’action ; et ainsi à l’infini.

Démonstration : Tout ce qui est déterminé à exister et à agir, c’est Dieu qui l’y détermine (par la Propos. 26 et le Coroll. de la Propos. 24). Or, une chose finie et qui est a une existence déterminée n’a pu être produite par la nature absolue d’un des attributs de Dieu ; car tout ce qui découle de la nature absolue d’un attribut divin est infini et éternel (par la Propos. 21). Par conséquent, cette chose a dû découler de Dieu ou d’un de ses attributs, en tant qu’on les considère comme affectés d’un certain mode, puisque au delà de la substance et de ses modes, il n’y a rien (par l’Axiome 1 et les Déf. 3 et 6), et que les modes (par le Coroll. de la Propos. 25) ne sont que les affections des attributs de Dieu. Or, la chose en question n’a pu découler de Dieu ou d’un attribut de Dieu, en tant qu’affectés d’une modification éternelle et infinie (par la Propos. 22). Donc elle a dû découler de Dieu ou d’un attribut de Dieu, en tant qu’affectés d’une modification finie et déterminée dans son existence...


hokousai a écrit :on précise" en acte "parce que cela concerne les modes .

Pas pour Spinoza, je pense. Autant on peut douter - contrairement à ce que disait une de mes "propositions" hypothétiques d'introduction - que "existence certaine et déterminée" veuille dire dans tous les cas "existence en acte", autant il me semble clair à moi que "en acte" veut dire pour Spinoza "appartenant au monde phénoménal, "réel", commun,..." Spinoza utilise en outre "actuelle" pour l'existence en acte, et "formelle" pour la forme (dans un sens selon moi proche du sens commun), c'est-à-dire l'essence de l'être. Par exemple :

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E2P8 : Les idées des choses particulières (ou modes) qui n’existent pas doivent être comprises dans l’idée infinie de Dieu, comme sont contenues dans ses attributs les essences formelles de ces choses.
Démonstration : Cette proposition résulte évidemment du scholie qui précède.
Corollaire : Il suit de là qu’aussi longtemps que les choses particulières n’existent qu’en tant qu’elles sont comprises dans les attributs de Dieu, leur être objectif, c’est-à-dire les idées de ces choses n’existent qu’en tant qu’existe l’idée infinie de Dieu ; et aussitôt que les choses particulières existent, non plus seulement en tant que comprises dans les attributs de Dieu, mais en tant qu’ayant une durée, les idées de ces choses enveloppent également cette sorte d’existence par laquelle elles ont une durée.

E2P11 : Le premier fondement de l’être de l’âme humaine n’est autre chose que l’idée d’une chose particulière et qui existe en acte.

Démonstration : Ce qui constitue l’essence de l’homme (par le Corollaire de la Propos. précédente), ce sont certains modes des attributs de Dieu, savoir (par l’Axiome 2, partie 2) des modes de la pensée, entre lesquels l’idée est (par l’Axiome 3, partie 2) de sa nature antérieure à tous les autres, de façon que si elle est donnée, tous les autres modes (ceux auxquels l’idée est antérieure de sa nature) doivent se trouver dans le même individu (par l’Axiome 4, partie 2). Ainsi donc, l’idée est le premier fondement de l’être de l’âme humaine. Mais cette idée ne peut être celle d’une chose qui n’existe pas actuellement ; car alors (par le Corollaire de la Propos. 8, partie 2) l’idée elle-même n’existerait pas actuellement. Ce sera donc l’idée d’une chose actuellement existante, mais non pas d’une chose infinie ; car une chose infinie (par la Propos. 21 et la Propos. 23, Schol. 1), doit toujours exister nécessairement ; or ici, cela serait absurde (par l’Axiome 1, part. 2). Donc, le premier fondement de l’être de l’âme humaine, c’est l’idée d’une chose particulière et qui existe en acte. C. Q. F. D.

Pour la suite, je ne sais trop si nous sommes d'accord ou non et je réserve donc ma réponse. Une remarque : si il y a ET (équivalant à une intersection), on n'a pas le droit de séparer les deux propositions copulées, à mon sens.

Amicalement

Serge

P.S. : un extrait où le nécessaire me semble être inscrit par Spinoza dans la succession "temporelle" (effectivement légalement nécessaire) des existences :

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E1P17C2S : je crois avoir assez clairement montré (voyez la Propos. 16) que de la souveraine puissance de Dieu, ou de sa nature infinie, une infinité de choses infiniment modifiées, c’est-à-dire toutes choses ont découlé nécessairement ou découlent sans cesse avec une égale nécessité, de la même façon que de la nature du triangle il résulte de toute éternité que ses trois angles égalent deux droits ; d’où il suit que la toute-puissance de Dieu a été éternellement en acte et y persistera éternellement ; et de cette façon, elle est établie, à mon avis du moins, dans une perfection bien supérieure.
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Messagepar bardamu » 06 nov. 2004, 11:43

sescho a écrit :Spinoza utilise en outre "actuelle" pour l'existence en acte, et "formelle" pour la forme (dans un sens selon moi proche du sens commun), c'est-à-dire l'essence de l'être.

Bonjour,
tu pourrais préciser ce que tu appelles "formel" ?

Pour moi, "formel" correspond à la logique du nécessaire. Ce n'est pas une abstraction, une description ou une image, mais le fait que toute chose qui est, a été ou sera dans la durée est toujours-déjà impliquée par ce qui l'a précédé, ce qui la suit, l'Univers entier.

Sur le fil concernant l'Amour, j'ai employé "logique" et Hokousaï l'a considéré comme un terme idéel, comme un être de pensée, ce qu'il est difficile de ne pas faire si on prend "logique" au sens technique.
En y réfléchissant, le terme qui me semble le plus adéquat serait "implicite". L'essence d'une chose qui n'est pas là, ici et maintenant, est néanmoins implicitement là. L'attribut enveloppe son existence éternelle et implique son existence dans la durée.

Le spinozisme est un existentialisme : l'essence de l'être, c'est la réalité, c'est l'existence. (EIP20 : L'existence de Dieu et son essence sont une seule et même chose )
La distinction formel-actuel serait une distinction par rapport à ce qu'on connaît d'une chose : existence implicite - existence explicite.

L'essence formelle exprime une existence (E1P20 Dem. : (...) chacun des attributs de Dieu exprime l'existence) mais une existence qui peut être implicite.
Et bien que chaque chose singulière existe implicitement, nous aurons principalement (uniquement ?) la connaissance générale des choses implicites.
Ex. : on pourra conclure de manière générale qu'à tout pommier a correspondu un pépin de pomme, que le pépin existe implicitement dans le pommier.

La connaissance singulière, la connaissance de l'essence actuelle, ne concernera que les choses explicites, ce que l'on connaît dans un vécu ici et maintenant.

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Messagepar hokousai » 06 nov. 2004, 18:05

Cher Bardamu

pour remettre le compteur à zéro :

« « « "il n y a dans l'esprit aucune faculté absolue de comprendre . d' où il suit que ces facultés sont purement fictive ou des étants métaphysiques """ »

suit une démonstration où Spinoza va réduire la volonté à l'Idée .
( scolie prop 48 et 49 partie 2)

,Une fois les" facultés" écartées, que reste t-il ? il reste l'Idée .
L'idée qui n'est donc pas une image (i e le produit d' une faculté )est un concept de la pensée .
Quelle est l'essence d' un concept ?
.C'est l'affirmation ( et c'est tout....pas plus pas moins ).
l'essence d'une idée c'est l'affirmation .

et ce qui existe c’est l’affirmation et (je suppose) ce qui est affirmé c’est à dire l’ Idée
………………………………………………….

.Moi je pense qu'il est extrêmement difficile à Spinoza de sortir de l Idée . C'est à dire de se démarquer de l'idéalisme .
Je vous le dis parce que vous me disiez qu'il était périlleux de lier Spinoza et Berkeley .
Je prends l’ exemple du cercle
Un cercle dans la nature n’est pas du tout un cercle dans la pensée .Il faudrait déjà s’entendre là- dessus .
Dans l’intellect un cercle c’est selon une logique géométrique, dans la nature c’est selon la nature et d' ailleurs il n'y existe pas de cercle ..

Mais où je veux en venir est que dans la nature ,c'est encore un cercle « dans la pensée « .Non plus dans la pensée -de la pensée mais dans la pensée- de la nature .

On peut appeler cela un rationalisme(cf Henrique ) mais à mes yeux cela frôle l’idéalisme ..
Le coprs( ses mouvements ) , l’ affect ( l amour )cela n’est pas « en idée » . Cela est conscient certes ,mais pas » en idée »,.pas toujours et pas nécessairement .
C’est aussi que je distingue la conscience de la pensée .

Hokousai


excusez moi mais je ne peux éviter de prendre ce ton plus personnel . Je n’ai plus de plaisir sinon.
Pour le style haché et laconique( sans doute ), je ne sais pas bien faire autrement .Cher Bardamu

pour remettre le compteur à zéro :

« « « "il n y a dans l'esprit aucune faculté absolue de comprendre . d' où il suit que ces facultés sont purement fictive ou des étants métaphysiques """ »

suit une démonstration où Spinoza va réduire la volonté à l'Idée .
( scolie prop 48 et 49 partie 2)

,Une fois les" facultés" écartées, que reste t-il ? il reste l'Idée .
L'idée qui n'est donc pas une image (i e le produit d' une faculté )est un concept de la pensée .
Quelle est l'essence d' un concept ?
.C'est l'affirmation ( et c'est tout....pas plus pas moins ).
l'essence d'une idée c'est l'affirmation .

et ce qui existe c’est l’affirmation et (je suppose) ce qui est affirmé c’est à dire l’ Idée
………………………………………………….

.Moi je pense qu'il est extrêmement difficile à Spinoza de sortir de l Idée . C'est à dire de se démarquer de l'idéalisme .
Je vous le dis parce que vous me disiez qu'il était périlleux de lier Spinoza et Berkeley .
Je prends l’ exemple du cercle
Un cercle dans la nature n’est pas du tout un cercle dans la pensée .Il faudrait déjà s’entendre là- dessus .
Dans l’intellect un cercle c’est selon une logique géométrique, dans la nature c’est selon la nature et d' ailleurs il n'y existe pas de cercle ..

Mais où je veux en venir est que dans la nature ,c'est encore un cercle « dans la pensée « .Non plus dans la pensée -de la pensée mais dans la pensée- de la nature .

On peut appeler cela un rationalisme(cf Henrique ) mais à mes yeux cela frôle l’idéalisme ..
Le coprs( ses mouvements ) , l’ affect ( l amour )cela n’est pas « en idée » . Cela est conscient certes ,mais pas » en idée »,.pas toujours et pas nécessairement .
C’est aussi que je distingue la conscience de la pensée .

Hokousai


excusez moi mais je ne peux éviter de prendre ce ton plus personnel . Je n’ai plus de plaisir sinon.
Pour le style haché et laconique( sans doute ), je ne sais pas bien faire autrement ..Quant à ouvrir un autre débat, je ne sais,‘c’est à vous de voir ,j hésite … :oops: .. et puis nous sommes trop peu pour multiplier les débats .

amicalement
jean- luc hokousai
.Quant à ouvrir un autre débat, je ne sais,‘c’est à vous de voir ,j hésite ….. et puis nous sommes trop peu pour multiplier les débats .

amicalement
jean- luc hokousai

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Messagepar sescho » 18 nov. 2004, 23:16

Quelle que soit la façon dont on les associe, il y a bien pour Spinoza, distinguées (dans l’entendement), une Nature naturante et une Nature naturée ; il y a bien clairement distinguées la cause et l’effet (même si l’on ajoute « causes de choses qui sont en lui-même ») ; il y a bien clairement distinguées l’essence formelle et l’existence, sauf pour la Nature naturante : 1) une essence formelle qui est éternelle et contenue dans les attributs et donc dans la Nature naturante (qu’on accepte ou non le mot, il s’agit bien d’êtres finis « en puissance », si l’on se place du point de vue de l’existence en acte ; et comme, par ailleurs, la Nature Naturante existe en acte : « cette puissance existe en acte » et donc « l’essence formelle de quoi que ce soit entrant dans l’ordre de la Nature existe en acte » de toute éternité), et 2) une essence actuelle qui est celle de l’étant – chose finie et qui a une existence déterminée – et qui consiste dans la persistance dans une certaine essence formelle qui ne lui appartient pas (c’est mon interprétation aujourd’hui : le conatus est uniquement une essence d’étant – essence « actuelle », ce qui est évidemment directement lié à « en acte » –, c’est-à-dire de chose existant en acte, en tant seulement qu’elle est en acte ; l’essence de l’existant en tant qu’existant – à discuter : non même en tant qu’existant en une certaine forme -, si l’on peut dire…). Par exemple, Spinoza dit bien que Dieu est cause non seulement de l’essence mais encore de l’existence des choses singulières.

À partir du moment où l’on admet l’existence, en tant seulement que naturante, de la Nature naturante, la notion d’existence devient délicate à manier. Il me paraît injustifiable de dire que la Nature n’existe chez Spinoza qu’en tant que naturée (soit : que la Nature n’existe que par l’existence en acte des choses singulières) : que voudrait dire alors « chose singulière qui n’existe qu’en tant que contenue dans son attribut » ?

Toutefois, rien de ce qui est identifiable dans la Nature naturée ne peut être conçu sans la naturante : l’essence formelle appartient à la Nature naturante et l’existence en acte lui appartient aussi (l’existence étant prise cette fois indistinctement, c’est-à-dire à la fois pour le naturant et le naturé), laquelle n’aurait pu être autre chose que ce qu’elle a été, est et sera, le tout évoluant (à l’intérieur de la Nature même, sans que la Nature change) selon les lois imprescriptibles de cette même Nature. Finalement tant l’essence formelle de quoi que ce soit que la Nature naturée en tant que naturée sont éternelles ; seul est impermanent la « figure » de la nature naturée, mais cette impermanence s’ordonne suivant des lois éternelles. Malgré ce changement que nous percevons, vers où qu’on se tourne en amont, on trouve de l’éternel (éternel voulant dire : sans aucune référence au temps, fut-il même conçu comme n’ayant ni début ni fin). Autrement dit, ce qui n’est pas par soi doit être compris par sa cause, et tout indique que la cause en question est éternelle…

Encore une fois, nous tournons toujours autour d’Héraclite et de Parménide, de l’impermanence des modes et de l’éternité de la Nature, de cette « image mobile de l’éternité » de Platon. Je crois, comme je l’ai déjà dit, qu’il est impossible à l’esprit humain (qui n’est qu’un mode particulier - pour faire court - de la Nature qui ne peut l’embrasser totalement) d’établir une logique là-dedans : la Nature est éternelle et ne change pas : le changement est DANS la Nature. En tant qu’humain, Spinoza ne peut aller au-delà de ce mystère indépassable par l’homme. Il nous amène au maximum atteignable : l’essence formelle est éternelle et tout ce qui change change en vertu de lois éternelles de la Nature : tout s’est passé d’une façon qui n’aurait pu être autre, puisque tout se passe nécessairement en vertu des lois imprescriptibles de la Nature. Finalement, nous avons beau percevoir du changement, lorsque nous examinons les causes, nous ne voyons que de l’éternel : formes, existence en acte, lois. Ce que Spinoza n’explicite pas mais qui est implicite (E1P28) est que de toute éternité la Nature existe en particulier en tant que « modale ». Si les modes en acte sont changeants, l’existence modale elle-même est éternelle.

Note : pour les corps, Spinoza place en premier mode infini le mouvement. On peut se demander : mouvement de quoi ? Mais si on a admis « mouvement » a priori sans rechigner, on peut en venir à ce que le mode fini de l’Étendue est juste alors un « certain rapport de mouvement et de repos ».

Par ailleurs, on le sent bien comme juste : que quoiqu’il advienne dans la Nature naturée en tant que formé, il est dans l’ordre éternel de la Nature que cela advienne, tant à l’existence que par la forme. La forme de ce point de vue ne peut donc être conçue que comme éternelle. Autrement dit, tout ceci est « dans l’ordre des choses ». Malgré tout, dit « sec », que les essences formelles des choses singulières sont éternelles – contenues dans les attributs infinis - peut laisser dubitatif. Spinoza, par E1P16, introduit la puissance en acte avec « l’intelligence infinie » de l’infinité des « possibles », puissance à la fois éternelle et actuelle, indépendamment de l’existence en acte. « En puissance » contient bien « puissance », qu’on ne peut admettre ici qu’en acte… Nous en revenons ici une nouvelle fois à cette « idée infinie de Dieu » qui apparaît explicitement avec E2P3, en miroir, précisément, de E1P16…

Amicalement

Serge
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Messagepar Miam » 19 nov. 2004, 09:19

Je ne comprend pas très bien comment l'essence formelle d'un mode peut faire partie de la nature naturante. Tout ce qui concerne les modes ne ne fait-il pas partie de la nature naturée ?

E I, 29s : "Avant de poursuivre je veux expliquer ici ce qu'il faut entendre par Nature Naturante et Nature Naturée ou plutôt le faire observer. Car déjà par ce qui précède (ndlr: l'exposition de l'autoconstitution infinitaire de la Nature Naturante), il est établi, je pense, qu'on doit entendre par Nature Naturante ce qui est conçu par soi, autrement dit ces attributs de la substance qui expriment une essence éternelle et infinie (...) Par Nature Naturée, j'entends tout ce qui suit de la nécessité de la nature de Dieu, autrement dit de celle de chacun de ses attributs, ou encore tous les modes des attributs de Dieu, en tant qu'on les considère comme des choses qui sont en Dieu et ne peuvent sans Dieu ni être ni être conçus."

Cela me semble assez clair.
Pour le reste, il sagit de votre lecture qui (ici) découle de cette discutable assertion . On ne va pas y revenir, même si, selon moi, une lecture platonicienne passe à côté de l'essentiel du spinozisme.


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