Le conatus et le petit poisson

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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walidh
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Messagepar walidh » 10 janv. 2012, 17:25

L'homme des cavernes vivait en société. Il n'a rien d'un animal totalement instinctif. L'empathie n'a jamais empêché les guerres, mais elle a contribué à nous aider à faire société (bien qu'elle n'a pas été suffisante pour cela).

Les chimpanzés, qui vivent en société, font la guerre, et éprouve pourtant de l'empathie les uns pour les autres.

Spinoza estime que les hommes sont ennemis les uns les autres dans la mesure où leurs désirs, sans la lumière de la raison, les conduisent mécaniquement à l'affrontement. Dans un premier calcul, l'homme fait des associations particulières pour se protéger ou remporter les conflits. L'enjeu, dans un deuxième temps, est de comprendre que la meilleure association est celle de l'humanité entière. Dans une société d'abondance, on n'élimine pas les tensions, mais on limite fortement les conflits ce qui nous donne plus d'énergie disponible pour augmenter notre liberté, c'est à dire la diversité de nos rapports avec la Nature, notre capacité à affecter et à être affectés par des choses diverses.

Bien entendu, il n'existera jamais de société exempte de tensions, ce qui n'empêche pas de progresser dans la quête d'apaisement social.

Si A ne veut pas souffrir de l'attitude de B, il y a plusieurs niveaux :

1/ il faut que A comprenne que c'est dans une société apaisée qu'il y aura le moins de B possible. Par conséquent, si A se désintéresse par exemple, du problème des inégalités sociales, il aura l'air bien fin en se plaignant qu'il y ait des enragés pour l'agresser. De même, A pourrait commencer par agir pour que le plus de gens possible soient compétents et autonomes, maîtrisent les savoir de base qui leur permettent de satisfaire leurs besoins sans avoir besoin pour cela d'agresser les autres. Bref, regardons la société dans laquelle nous osons nous plaindre de la violence : on y cultive la vanité, le superflu, le goût du luxe et de l'excès, personne n'est autonome pour ses besoins primaires, on détruit l'école, la possibilité pour les gens de se soigner ou d'être suivis psychologiquement. N'est-ce pas stupide de s'étonner de la violence, et même de s'en plaindre ? La violence est le corollaire de notre mode de vie, on peut la constater, mais il faut l'accepter avec autant de constance qu'on accepte notre modèle.

2/ dans la mesure ou la société n'est pas idéale, les dispositions de protection ne le sont pas non plus. Néanmoins, à quoi cela sert-il d'enfermer des gens dans des prisons si d'une part ils n'en ressortent pas plus à même de faire société, et si d'autre part on y transforme des petits délinquants en criminels ? La seule utilité est bien entendu la crainte de la prison, qui prévient bien des méfaits : reste d'ailleurs à savoir si vraiment le nombre de délits évités n'est pas compensé par l'endurcissement des prisonniers qui ont fini de purger leur peine. Mais je vous pose une question : si vous viviez bien, serein et aimé, que la société ne vous commandait pas de posséder pour être digne, prendriez-vous le risque de la honte de commettre un délit en l'absence de prison ? Probablement pas non, ou pas des masses au pire ? Par contre, malgré la crainte qu'elle inspire, la prison n'empêche pas les gens de commettre des crimes. Et au fond, Spinoza ne dit pas autre chose quand il démontre qu'il est plus facile de gouverner par des affects joyeux que par des affects tristes. Certes, toute époque a ses possibilités particulières, mais je pense justement que notre époque, techniquement, pourrait se passer de prisons (il faudrait certes des centres d'aide, des techniques astucieuses de réinsertion et de reconstruction, et clairement, sortir de notre modèle criminogène). Simplement le système est configuré pour contrer toute possibilité de contentement (matériel ou spirituel) et donc de paix sociale.

L'obstacle à la paix n'est donc pas technique (comme si on ne pouvait pas produire assez de nourriture, d'habits et de logements), mais politique (croissance à tout prix, culte de la possession, naufrage éducatif, culturel, et même scientifique quand l'armée et les industries pilotent de plus en plus la recherche et que la recherche fondamentale est remise en cause).

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hokousai
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Messagepar hokousai » 10 janv. 2012, 19:28

à Walhid

excusez moi mais c'était B le bon et A le mauvais ... mais bref

Dans une société d'abondance, on n'élimine pas les tensions, mais on limite fortement les conflits

Je me souviens avoir entendu dire que les français furent particulièrement solidaires pendant l' occupation ( disons plus qu' après ).


Vous me dîtes que L'obstacle à la paix n'est pas technique.
Oui mais vous me dites aussi que techniquement nous avons les moyens de nous passer de prison.
Sur ce dernier point, je ne sais pas si nous avons ces moyens, de plus je me demande si le développement de moyens techniques sophistiqués de surveillance, à supposé que le crime l' induise ,n 'est pas contreproductif sur la société entière.
Je m' explique :
Nous aurions le moyens techniques de surveiller les criminels hors les murs ,certes, mais pour ce faire nous devrions surveiller tout ceux qu' ils approchent.

bien à vous
hokousai

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Messagepar walidh » 10 janv. 2012, 21:07

En fait de technique, je parlais des techniques de production de biens essentiels, couplées à une reconquête du pouvoir contre ceux dont l'intérêt réside dans la consommation de bien inutiles, la publicité, le culte du luxe, de l'ostentation : ces gens nous fatiguent en produisant des frustrés.

Mais pour ne pas épiloguer, puisque je n'ai pas grand chose à ajouter de nouveau, disons qu'il y a deux façons de voir les choses :

1/Faire en sorte qu'il y ait moins de criminels de sorte qu'on ait besoin du moins de répression possible.

2/Adapter la répression au niveau de violence de la société.

Bref, s'intéresser aux causes de la violence, ou ne pas s'y intéresser, combattre le modèle de société qui génère la violence, ou le justifier passivement, et sa violence avec.

Il me semble que Spinoza nous invite à nous intéresser aux causes, autant que possible, et le bon sens aussi d'ailleurs.

"Un homme s'agitait très fort, en essayant de boucher les trous du récipient où il avait versé son vin, quand un ami lui fit remarquer qu'il s'agissait d'une passoire."

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Conatus est plus qu'instinct de conservation !

Messagepar Lemarinel » 16 févr. 2012, 22:55

Votre raisonnement serait valable si vous aviez raison d'assimiler le conatus spinoziste au seul instinct de conservation, ou si vous préférez au seul "utile propre" ! Or, sur ces deux points vous me semblez avoir tort. D'une part, le conatus ou l'effort de chaque mode pour persévérer dans son être, exprime avant tout une puissance d'affirmation qui ne se réduit pas au seul instinct de conservation, même s'il le comprend. Par ailleurs, Spinoza établit la distinction entre l"'utile propre" et "l'utile commun" que vous semblez méconnaitre; or vous ramenez le conatus au seul utile propre, alors que pour Spinoza tous les conatus des hommes rationnels s'efforcent de tendre vers l'utile commun, dans la société civile en particulier, d'où l'insistance de Spinoza à assurer la concorde et la paix de l'Etat...


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