Formalisation de la notion d'essence

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Shub-Niggurath
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Messagepar Shub-Niggurath » 19 févr. 2012, 20:57

Cher Hokousaï,

Je vous répondrais que, n'étant pas matérialiste, une idée est quelque chose de réel, autrement dit un mode singulier existant en acte dans la Nature. Car il n'y a pas moins d'existence dans les idées que dans les corps, et il y a même plus d'existence dans les idées que dans les corps, puisque certaines idées sont éternelles, alors qu'aucun corps ne l'est.

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Messagepar hokousai » 20 févr. 2012, 00:15

cher Shub-Niggurath

non mais d'accord avec tout ça .
Mais est- ce que l'idée de désir a un répondant corporel ?

C' est tout le problème des définitions, on ne parle du singulier qu' avec des mots qui expriment du général.( ex Pierre est grand ...grand s' applique à plus que Pierre )
C' est pourquoi Aristote pense que la quiddité ( singulière) échappe à la connaissance.( à l'intellection)
Il n'existe que des singuliers, oui mais on ne peut en parler qu'avec du général.
De l'existence de Pierre on ne doute pas, qu' il soit quelque chose on n' en doute pas. Mais de ce dont on dit de lui quelle est l' existence ?

C 'est la question de l'existence des essences ?

La question pourrait se poser ainsi: quelle est l'existence réelle des similitudes ? Réelle dans l'esprit et /ou hors de l'esprit .
Si un chat ressemble à un autre chat . Est- ce la ressemblance est une chose étendue?Une idée ? L un ou l'autre ou les deux ?
......................

Sur les idées éternelles j'ai posé la question ( parfois ou qq fois )

Est- ce l'ideé de l'éternité est éternelle ?
ou bien plus évident : est ce que l'idée d'infinie est infinie ?

Comment en acquérir la certitude ?

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Henrique
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Messagepar Henrique » 20 févr. 2012, 02:23

Restons ici sur l'essence. Cher Hokousai, vous revenez toujours avec vos questions dont vous estimez qu'elle n'ont pas encore reçu de réponse satisfaisante, vous dérivez à partir de l'exemple sur la nature de l'effort, sur la réalité de la substance, le rapport entre les attributs etc. Ne nous dispersons pas, svp. Je sais bien que tout est lié, mais quand même.

La question posée initialement est : que faut-il entendre par essence d'un point de vue strictement logique ? La question a reçu une réponse apparemment satisfaisante puisque vous n'y revenez pas.

J'ai donné pour éviter de perdre tout contact avec ce dont il est question des exemples généraux avec l'homme et le désir notamment, parce qu'on ne peut concevoir un homme sans ce que Spinoza appelle le désir, ni le désir sans l'homme. C'était le plus simple. Mais puisque la définition 2.2 parle "la chose", la question de ce qui peut être défini ainsi peut être pertinente.

Comment décrire le singulier avec des termes généraux ? demandez vous.
Vous auriez pu rappeler E2P37 : "Ce qui est commun à toutes choses, ce qui est également dans le tout et dans la partie, ne constitue l'essence d'aucune chose singulière." Mais quand Spinoza dit que l'essence de toutes choses est l'effort de persévérer dans son être, cela signifie-t-il qu'aucune chose singulière ne persévère dans son être ? Bien sûr que non car chaque chose persévère dans son être, c'est-à-dire l'ensemble des déterminations qui ont rendu son existence possible et qui la distinguent de tout autre. En conséquence cet effort sera singulier dans chaque cas.

Peut-on définir précisément tous les éléments qui distinguent un être donné de tout autre ? Non car ce serait une tâche infinie, mais on n'en a pas besoin.

Vous admettez qu'on peut dire Pierre existe et pourtant ce sont là des mots généraux, même le nom propre se trouve ici pouvoir convenir à un grand nombre d'objets. Mais si je connais quelqu'un qui s'appelle ainsi et que je me dis qu'il existe, je ne pourrai douter de son existence que fictivement, pas réellement parce qu'autrement il n'affecterait pas mon corps et le corps existe comme nous le sentons. Est-ce que Pierre est bien un homme et pas un ange ? Là cela relève des notions communes et sort de la question de l'essence du singulier. Je dis que ce que j'appelle Pierre existe et rien de plus.

De même Pierre a-t-il une essence ? Vous dites vous-mêmes que vous ne doutez pas qu'il est quelque chose. Alors comment pouvez vous prétendre douter qu'il ait une essence ? Dans la formule "effort de persévérer dans son être", "son être" ne signifie pas essence sans quoi ce serait circulaire : 'l'essence des choses est de persévérer dans leur essence'. La singularité de Pierre peut être approchée par des combinaisons de termes qui permettent d'éliminer nombre de confusions : "c'est un homme, né en 1966, à Marseille, il aime la peinture et les mathématiques, il boîte de la jambe droite etc." Mais dans ce genre de description policière, il n'y a pas grand chose qui caractérise son être, c'est-à-dire sa façon de vivre ou encore d'exprimer la substance, il faudra le connaître de plus près encore pour pouvoir donner des éléments de description qui caractérisent sa vie même. Et encore, on n'aura pas bien sûr jamais fini de le faire.

Mais je dis que ce n'est pas nécessaire pour connaître l'essence de Pierre qui n'est pas ce qu'il a de singulier et fait effectivement de lui une réalité unique parmi une infinité d'autres, mais qui est l'effort de persévérer dans cette réalité unique, réalité dont je peux avoir une connaissance limitée certes mais suffisante pour ne pas le confondre avec Paul ou Jacques. La connaissance de l'essence de Pierre, comme effort pour exister au maximum de sa puissance à lui, quelle qu'elle soit exactement, n'en sera pas moins claire, distincte et complète.

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Messagepar hokousai » 20 févr. 2012, 19:53

cher Henrique

Cher Hokousai, vous revenez toujours avec vos questions dont vous estimez qu'elle n'ont pas encore reçu de réponse satisfaisante, vous dérivez à partir de l'exemple sur la nature de l'effort, sur la réalité de la substance, le rapport entre les attributs etc. Ne nous dispersons pas, svp. Je sais bien que tout est lié, mais quand même.


Oui la question des essences me parait capitale . Ce n'est pas pour rien que les scolastiques se sont empoignés pendant plusieurs siècles et cela comme les grecs l' avaient fait .
Et actuellement ça continue. Husserl qui n'est pas si ancien ne parle que des essences. En fait tous les modernes rencontrent le problème ( différence et répétions dit Deleuze )
...................................

La question posée initialement est : que faut-il entendre par essence d'un point de vue strictement logique ?

Et bien si j 'y reviens .
Spinoza tourne autour du pot .
<i>L'essence d' une chose est constituée par ce qui étant présent la pose étant absent la supprime
ce sans quoi ou ce qui sans le chose ne peut ni être ni se concevoir.</i>

L' expression( le style de l'expression ) est remarquable mais ce n'est pas très différent d' Aristote .

On n' a pas avancé par rapport à Aristote ou plus exactement par rapport aux commentateurs arabes d Aristote et encore plus précisément par rapport à Avicenne.

https://docs.google.com/viewer?a=v&q=cache:CXTMpC9LhA8J:www.muslimphilosophy.com/sina/art/lka-Avcn3.doc+aristote+l+essence+d'une+chose&hl=fr&gl=fr&pid=bl&srcid=ADGEESiytA7XTNkqeehA_SYaTtnfRNGmtlNzHrGpzCfCgDARO2pOzwVaHNeQ15933pOblW1cyFiiFqNM-6ill7Cx6W_XKtW4XMnbh5nNOOnvK0u9cpnbwz58ab0Xr1we2C6p1EkAhIrT&sig=AHIEtbTnoe99Nn4j1CpsN_ZtbXJwGfzEBQ
Le texte n'est pas si long à lire . Si ça vous intéresse .

Je pense que par bien des aspects Spinoza reste scolastique .
Mais bref , supposons qu'il se soit rallié à sa propre doctrine, celle du <b>conatus</b> ( laquelle vous expliquez très bien, je n' ai rien à redire )
De mon point de vue chaque singulier n'a pas d '<b>être</b>. Pire il n'y a pas de singuliers sinon imaginés .

Je veux bien qu'il y ait une persévérance dans l' exister .. mais de quoi exactement ?

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Messagepar hokousai » 20 févr. 2012, 20:01

je n'ai pas voulu me mêler des affaires de formalisation logique mais il est à noter que Babilomax renvoie à un paradoxe logique .


Lorsqu'on dit « Tous les corbeaux sont noirs », cette phrase est logiquement équivalente à « Tous les objets non-noirs sont des non-corbeaux »,<b> conformément à la loi de contraposition : p → q est équivalent à non-q → non-p)</b>.
Soit l’affirmation « Tous les corbeaux sont noirs » ou, ce qui revient au même, « Si un être est un corbeau alors cet être est noir ». Conformément à la loi de contraposition, la proposition « Si un être est un corbeau alors cet être est noir » est logiquement équivalente à « Si ce n’est pas noir alors ce n’est pas un corbeau ». Ainsi, chaque fois qu'on voit un objet non noir qui n’est pas un corbeau (une vache blanche par exemple) cela confirme la proposition initiale « Tous les corbeaux sont noirs ». Hempel fait remarquer que cette conclusion est absurde.

Ce que met en évidence Hempel, c'est que le fait qu'il existe un être blanc qui n'est pas un corbeau ne confirme en rien que tous les corbeaux sont noirs. (copié de wikipedia)

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Messagepar Shub-Niggurath » 20 févr. 2012, 20:06

hokousai a écrit :Je veux bien qu'il y ait une persévérance dans l' exister .. mais de quoi exactement ?


Il y a persévérance dans l'existence d'un degré de puissance, qui est une partie de la puissance absolument infinie de Dieu. Les essences chez Spinoza sont des parties de la puissance de Dieu, quel que soit l'attribut sous lequel on les considère. Ce n'est qu'en faisant intervenir ce concept de puissance qu'on comprend réellement la pensée de Spinoza. On pourrait même tirer de ce concept de puissance celui de vie, et il n'y aurait pas de différence entre la vie d'une chose et l'essence d'une chose.

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Messagepar Babilomax » 20 févr. 2012, 20:37

Dans ce même article que vous citez, au paragraphe suivant, est donné la résolution de ce paradoxe qui n'en est pas un :
Ce que met en évidence Hempel, c'est que le fait qu'il existe un être blanc qui n'est pas un corbeau ne confirme en rien que tous les corbeaux sont noirs. C’est seulement incompatible avec le fait que cet être soit un corbeau. Le verbe "confirmer" n’a d’ailleurs pas de sens en logique.
[...]
Ce qui induit en erreur c’est que l’on fait dire à l’expression « Si un être est un corbeau alors cet être est noir » plus qu’elle ne dit en réalité. Elle signifie : « Il n’y pas d’êtres qui soient des corbeaux et qui soient non noirs », rien d'autre.

La loi de contraposition n'induit donc aucun paradoxe.

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Messagepar hokousai » 21 févr. 2012, 16:00

cher babilomax


"Une vache blanche n'est pas un corbeau" en dit moins sur les corbeaux que
"si c'est un corbeau il est noir ".
Formellement il y a rien à dire sur la loi de contraposition mais dans le langage ordinaire c' est moins évident.
…………………………………………………………….

J 'ai un peu tiqué sur la formalisation et surtout sur la symétrie .
Je vais essayer de vous expliquer pourquoi .

partons de la définition 2 partie 2

"ce dont la présence pose nécessairement la chose ."

Si B( l'étendue ) implique A ( la chose ) donc B( l'étendue ) appartient à l'essence de la chose
par contraposition .
Non A ( sans la chose ) implique non B (non étendue )

Par la première proposition on conclut que B appartient à l'essence de la chose
mais de la deuxième on ne conclut pas que non B appartient à l'essence de la non chose .
Non A implique non B nous dit simplement sans chose pas de propriété B.
Non A implique non B en dit beaucoup moins que B implique A.

Non existence de Dieu ( A /la chose ) implique la non existence de l'étendue ( B/la propriété )
certes ,mais cette proposition seule ne nous dit pas que s'il y a étendue alors il y a Dieu .

Si je vous dis dans le langage ordinaire : s' il n'y pas Dieu alors il n'y a pas d 'étendue !(contraposée vraie)
on ne peut conclure que nécessairement l'étendue est une propriété de Dieu .
Il peut y avoir Dieu sans étendue et étendue sans Dieu .L' absence de Dieu peut faire qu'il n'y ait pas d'étendue ,ce qui ne nous dit rien d'autre sur l'étendue.
C' est du négatif, c'est différent de la première proposition qui nous dit que "étendue implique Dieu ".
…………………………
L'étendue constitue l'essence de Dieu , certes et d'accord , mais PAS "Dieu constitue l'essence de l'étendue" .PAS Au sens ou l'étendue exprime une essence éternelle et infinie précise.Ou alors on refuse la distinctions des attributs car chaque attribut a une essence qui est d' exprimer une essence éternelle infinie précise .
Dans un sens Dieu constitue l' étendue mais pas par symétrie logique me semble- t-il .

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Messagepar hokousai » 21 févr. 2012, 16:10

cher Shub-Niggurath

J' avoue que cette idée de puissance n'est pas ma favorite ( nonobstant l'intérêt que j' ai toujours porté à Nietzsche )
On voit bien des puissances inégales dans la nature ... quand on la divise.

Ce serait admettre dans la nature des degrés infiniment faibles de puissance !! et pour tout dire nuls .
Puisque je pense que vous en admettez d' infiniment grands .

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Messagepar Shub-Niggurath » 21 févr. 2012, 16:47

Cher Hokousaï,

Je sais bien que par la proposition 13 de la partie 1 aucune substance ne peut être divisée. Mais cela n'interdit pas de distinguer dans la substance les modes selon leur degré de réalité ou de puissance. Les modes se distinguent même entre eux uniquement par leur quantité de puissance qu'ils impliquent, et qu'ils tirent tous de la puissance de la Nature entière.


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