[Spinoza & Kant] Réfutation de l'argument ontologique

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Henrique
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Messagepar Henrique » 15 avr. 2012, 17:05

A Eckhartus et Recherche,
Il est entendu que Kant n'a pas cherché à détruire la croyance en Dieu mais la possibilité pour la raison d'en parler théoriquement :
Kant, dans la préface de la Critique de la raison pure a écrit :« Je ne saurais donc admettre Dieu, la liberté et l'immortalité selon le besoin qu'en a ma raison dans son usage pratique nécessaire, sans repousser en même temps les prétentions de la raison pure à des vues transcendantes, car, pour atteindre à ces vues, il lui faut se servir de principes qui ne s'étendent en réalité qu'à des objets de l'expérience possible et qui, si on les applique à une chose qui ne peut être objet d'une expérience, la transforment réellement et toujours en phénomène, et déclarent ainsi impossible toute extension pratique de la raison pure. J'ai donc dû supprimer le savoir pour lui substituer la croyance. Le dogmatisme de la métaphysique, ce préjugé qui consiste à vouloir avancer dans cette science sans commencer par une critique de la raison pure, voilà la véritable source de toute cette incrédulité qui s'oppose à la morale, et qui elle-même est toujours très dogmatique.»


Il faudrait étudier ce texte en détail mais on peut facilement y voir que pour Kant, la critique de la métaphysique dite dogmatique a un enjeu moral : la question de l'existence de Dieu comme celles de l'âme et de la liberté est posée comme objet de croyance pour permettre au final la justification philosophique de la morale protestante : nos actions doivent être libres pour qu'il y ait un choix entre le bien et le mal et dès lors il faut moralement qu'il existe un Dieu susceptible de récompenser les bons choix et punir les mauvais choix dans le règne des fins qui n'est qu'un nom philosophique pour désigner une vie de l'âme de l'être raisonnable après la mort du corps.

Ainsi le fait d'exclure Dieu de la connaissance théorique est un moyen d'éviter la discussion avec la théologie rationnelle qu'on trouve notamment chez Spinoza : en effet, si Dieu n'est pas objet de croyance mais objet de connaissance rationnelle alors il est impossible de croire qu'il est une personne morale qui aurait créé le monde et il n'est pas possible d'en tirer l'idée d'un règne des fins et d'une morale de la culpabilité.

Mais reprenons la discussion de l'existence de Dieu à travers le concept d'idée claire et distincte. Recherche cite l'exemple des anges dont nous pourrions avoir une idée claire et distincte tout en remarquant avec raison qu'on peut douter de leur existence. Kant ne fait pas autre chose avec son exemple de 100 thalers.

Rappelons que le doute est la possibilité de penser une chose aussi bien que son contraire, que la croyance est l'absence de doute sur une pensée dont nous pourrions toutefois douter et que le savoir est l'impossibilité de douter. On peut encore distinguer entre d'une part la croyance raisonnable, celle dont l'objet affirmé est cohérent avec ce que nous savons même si l'objet contraire pourrait être aussi cohérent avec cela, comme par exemple que le soleil se lèvera demain et d'autre part la croyance absurde, celle pour laquelle on ne doute pas de l'existence de quelque chose de pourtant impossible, comme par exemple si je crois que je pourrais trouver un jour une moitié de camembert plus grande que le camembert dont elle a été tirée.

Qu'est-ce donc que Spinoza appelle une idée claire et distincte ? C'est soit une idée dont le contenu peut être compris entièrement à partir de ses principes, que ceux-ci soient externes ou internes. Une idée obscure et confuse est une idée mutilée : elle affirme quelque chose sans qu'on sache clairement pourquoi et distinctement comment elle affirme. Si je dis que pour tout quadrilatère, il existe deux diagonales, ni plus ni moins, c'est une idée claire et distincte car le contraire (une seule ou plus de deux) est impossible sans contradiction interne. Ainsi, je n'ai pas besoin de vérifier empiriquement sur chaque quadrilatère que je peux concevoir (convexe, concave, trapèze, rectangle, losange etc.) qu'il en est bien ainsi. Bien sûr ici, il faut supposer l'existence du quadrilatère pour déduire l'existence nécessaire de ses diagonales mais le nombre de celles-ci est une idée claire et distincte dans le sens où il n'y a pas d'obscurité ni de confusion dans le passage de la considération du principe qui est ici en question, à savoir le quadrilatère, à celle d'une de ses propriétés. Dans ce cadre, il y a savoir et pas de doute possible.

Les figures géométriques demeurent toutefois des êtres forgés, car nous devons les construire à partir de notions que nous trouvons dans notre entendement ou notre mémoire. Seulement à la différence d'un ange ou de 100 thalers, ce sont des notions dont la simplicité permet de déduire en toute clarté les propriétés. Nous pouvons déduire l'existence des diagonales dans le quadrilatère comme propriété de cette figure mais nous ne pouvons déduire l'existence de cette figure d'elle-même parce qu'elle suppose par définition des causes qui la dépassent : un plan, des points, des lignes. Mais comme ces notions à partir desquelles on conçoit les figures géométriques sont simples également, il y a une idée claire et distincte de ces formes comme le quadrilatère à partir de leur principe. Ainsi je peux poser facilement l'existence d'un carré dès lors que j'ai le concept du plan.

Notons au passage que Kant reconnaît pour la géométrie une possibilité de connaître "sous l'aspect de l'éternité", ce qui selon lui viendrait de ce que le jugement synthétique a priori est possible à partir d'une supposée forme pure de la sensibilité que serait l'espace. Dès lors, cela resterait certes une connaissance de la chose pour nous dans le cadre de notre subjectivité et non comme chose en soi mais il y aurait en droit une vérité absolue possible et non pas celle qui est entachée par la particularité et la contingence de toute "intuition" sensible. Vérité qui qui pourrait correspondre à la connaissance même qu'un être omniscient pourrait avoir des mêmes objets. Quoique par manque de chance, la certitude théorique qu'il voit seulement dans les mathématiques et la physique repose sur une notion newtonienne de l'espace et du temps qui sera réfutée dans ses négations (l'espace et le temps ne peuvent être étendus ou contractés) par les mathématiques et la physique contemporaine.

En revanche, quand je forge un concept à partir d'éléments eux-mêmes complexes comme l'esprit dont j'ai immédiatement l'idée mais sans pouvoir la séparer de mon corps, et que je pose l'idée d'un esprit qui existerait sans corps, comme un fantôme ou un ange, je n'ai pas du tout une idée claire et distincte. De même, je peux essayer de concevoir le partenaire amoureux idéal : je prendrai dans ma mémoire certains éléments épars, tirés par hasard de mes rencontres agréables et soustrait aux rencontres désagréables. Mais, malgré mes efforts d'imagination, il s'agira en fait d'une idée obscure et confuse du point de vue de l'entendement car je ne saurai pas ici à partir de quoi l'existence d'une telle personne pourrait être nécessaire. A la limite, un boulanger qui connaît les ingrédients et les techniques pour faire un pain plaisant à la plupart de ses clients peut être dit avoir une idée à peu près claire et distincte de ce que c'est qu'un bon pain, il sait ce qui peut produire un bon pain comme il sait ce qui peut l'empêcher d'exister, tandis que les clients eux n'en auront qu'une idée mutilée : ils connaissent l'effet mais pas les causes qui rendent l'effet nécessaire.

En revanche, prenons l'idée de totalité de ce qui a existé, existe et existera, il n'y a donc rien de concevable en dehors d'un tel concept. Je n'ai à l'évidence pas la connaissance sensible d'une telle totalité mais j'en ai une idée claire et distincte : par définition, une telle totalité ne peut être due à autre chose qu'à elle-même puisqu'il n'y a, toujours par définition, rien en dehors d'elle tant pour la produire que pour empêcher son existence. Supposer qu'une telle totalité pourrait ne pas exister, cela reviendrait donc à changer le concept : on imagine par exemple quelque chose en dehors de cette totalité qui aurait été nécessaire pour qu'elle existe ou qui aurait pu empêcher qu'elle existe. Ce serait donc une supposition aussi absurde que celle qui consisterait à admettre qu'on pourrait trouver un demi-cercle plus grand que le cercle dont il est tiré.

Cette totalité nous pourrons donc l'appeler substance au sens de Spinoza puisqu'elle ne dépend que d'elle-même pour exister comme pour être conçue. Et si nous envisageons le concept d'étant absolument infini, c'est-à-dire d'être dont on ne peut absolument rien nier de positif et dont au contraire on doit affirmer tout ce qui peut être positif, nous y trouverons le même contenu que dans le concept précédent de totalité universelle : ce sera un étant donc le concept même implique l'existence puisqu'il ne pourra être que cause de soi.

Ce que Kant omet donc, c'est ce que signifie réellement la notion d'idée claire et distincte en ne voyant dans tout concept que la représentation d'une existence possible. Il confond en fait concept clair et distinct qui implique toujours une existence nécessaire (soit par soi, soit par autre chose) et abstraction tirée d'éléments épars de notre imagination et de notre mémoire qui en effet ne peuvent donner lieu qu'à des croyances raisonnables ou absurdes. Il y a l'inconcevable, il y a ce qui est concevable obscurément et confusément comme la plupart des êtres forgés par imagination ou tirés de notre mémoire, et il y a ce qui est concevable clairement et distinctement qu'on peut trouver dans notre entendement sans la médiation de notions a posteriori.

Quant au contenu intuitif de l'idée d'infini comme d'étant, on le trouve immédiatement dans l'entendement et préalablement à toute idée d'objet fini en tant que l'entendement est l'idée même de positivité et d'affirmation qu'il y a dans toute idée particulière. C'est une intuition intellectuelle qui n'a pas comme le croit Kant à produire immédiatement ses objets à partir de rien comme le pourrait un être mystérieux et tout puissant mais seulement à saisir de l'intérieur la nécessité par laquelle ils s'affirment et constituent alors des concepts clairs et distincts.

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Messagepar ECKHARTUS » 15 avr. 2012, 20:13

Henrique a écrit :
Notons au passage que Kant reconnaît pour la géométrie une possibilité de connaître "sous l'aspect de l'éternité", ce qui selon lui viendrait de ce que le jugement synthétique a priori est possible à partir d'une supposée forme pure de la sensibilité que serait l'espace. Dès lors, cela resterait certes une connaissance de la chose pour nous dans le cadre de notre subjectivité et non comme chose en soi mais il y aurait en droit une vérité absolue possible et non pas celle qui est entachée par la particularité et la contingence de toute "intuition" sensible. Vérité qui qui pourrait correspondre à la connaissance même qu'un être omniscient pourrait avoir des mêmes objets. Quoique par manque de chance, la certitude théorique qu'il voit seulement dans les mathématiques et la physique repose sur une notion newtonienne de l'espace et du temps qui sera réfutée dans ses négations (l'espace et le temps ne peuvent être étendus ou contractés) par les mathématiques et la physique contemporaine.

Bonjour Henrique,
non c'est totalement faux, il n'y a aucune connaissance possible sous un aspect de l'éternité car connaissance signifie chez kant construction dans le temps. L'espace lui-même comme forme du sens externe n'est possible que sous la condition du temps comme sens interne qui a un primat absolu. La finitude de l'intuition signifie la finitude temporelle qui est radicale et indépassable. L'idée selon laquelle il serait possible de connaitre des vérités telles que Dieu les pense ou les engendre est dénuée de sens dans l'entreprise critique. Rien ne permet de dire que Dieu est géomètre car il faudrait sortir de sa finitude, ce qui est impossible. L'ontologie elle-même n' a plus de sens et laisse place à une modeste théorie de l'objectivité. Le point de vue de l'éternité est perdu irrémédiablement chez Kant et c'est sans doute sur ce point qu'il n'y a aucun pont possible entre spinoza et kant que ce soit théorique ou éthique meme si certains on tenté via la querelle du panthéisme de rapprocher kant de spinoza par le rationalisme qui les anime.
Avec Spinoza, l'ouverture sur l'éternité est en même temps ouverture sur la béatitude, cette possibilité étant détruite par la CRP, il ne reste plus que l'espérance eschatologique, comment Kant pourrait-il espérer autre chose, et se sauver de l’inadéquation de la vertu et du bonheur sans le Dieu chrétien??
Cependant, le but de la CRP n'est pas de saper la métaphysique mais au contraire de la rendre possible comme science donc la "certitude théorique" n'est pas cantonnée aux maths et à la physique mais s'entend comme meta de la nature et meta des moeurs.
"La philosophie de la raison pure est ou une propédeutique qui examine le pouvoir de la raison par rapport à toute connaissance pure a priori, ou elle est, en second lieu, le système de la raison pure(la science), toute la connaissance philosophique (vraie aussi bien qu’apparente) venant de la raison pure dans un enchaînement systématique, et, elle s’appelle métaphysique" CRP, Architectonique

De mon point de vue, voilà ce que je peux dire:
Spinoza part de Descartes et de l'idée claire et distincte, conception qui est transfigurée par sa conception de la totalité ou de la substance qui doit être première ontologiquement et épistémologiquement. Si on admet les prémisses de Spinoza, selon laquelle Dieu est une substance constituée d'une infinité d'attributs qui DOIT (logiquement) exister nécessairement, alors on est conduit more geometrico à admettre selon Ethique II, proposition 45 que "Toute idée d'un corps ou d'une chose singulière quelconque existant en acte enveloppe nécessairement l'essence éternelle et infinie de Dieu."
L'existence de Dieu étant posée dès le début il est normal qu'on la retrouve dans chaque idée, dans chaque attribut, dans chaque mode, dans chaque existant.
Finalement, l’argumentation tourne autour de
-la clarté et distinction cartésienne transformée en stricte nécessité par le spinozisme avec la suprématie de la substance sur le cogito, je te cite:
"Je n'ai à l'évidence pas la connaissance sensible d'une telle totalité mais j'en ai une idée claire et distincte : par définition, une telle totalité ne peut être due à autre chose qu'à elle-même puisqu'il n'y a, toujours par définition, rien en dehors d'elle tant pour la produire que pour empêcher son existence."
Pour kant, le critère est de la clarté "est clairement"métaphysique s'il n'est pas testable empiriquement cad s'il n'est pas soumis aux intuitions SENSIBLES puisque aucune intuition intellectuelle n'est possible.
Or, il semble que spinoza est héritier de Descartes dans la mesure où la position de Dieu repose sur une intuition intellectuelle...
Personnellement, je ne comprends pas très bien cette idée selon laquelle quand on a une idée vraie on sait qu'elle est vraie c'est à dire complète or on ne pas pas savoir au moment où on la pense s'il n'y a pas une idée plus englobante qui rend, du coup, notre idée ou proposition incomplète cad inadéquate et donc fausse!

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Messagepar Henrique » 16 avr. 2012, 01:22

ECKHARTUS a écrit :non c'est totalement faux, il n'y a aucune connaissance possible sous un aspect de l'éternité car connaissance signifie chez kant construction dans le temps. L'espace lui-même comme forme du sens externe n'est possible que sous la condition du temps comme sens interne qui a un primat absolu. La finitude de l'intuition signifie la finitude temporelle qui est radicale et indépassable. L'idée selon laquelle il serait possible de connaitre des vérités telles que Dieu les pense ou les engendre est dénuée de sens dans l'entreprise critique.

D'accord j'ai un peu exagéré en disant que Kant reconnaît une connaissance de la pensée de Dieu mais il y a bien une vérité que Kant présente comme certaine avec les mathématiques et aussi il est vrai à titre formel avec la morale. Et si cette vérité est certaine, elle équivaut de fait à une connaissance de ce qui est éternellement au sens de Spinoza : ce qui existe nécessairement à partir d'une nécessité intemporelle. Que je sache, toute la philosophie de Kant est présentée comme vraie et donc en droit reconnaissable comme telle par tout esprit pensant.

Rien ne permet de dire que Dieu est géomètre car il faudrait sortir de sa finitude, ce qui est impossible.

Spinoza ne dit pas que Dieu est géomètre. Il dit seulement en suivant à sa façon Descartes que nul ne peut être géomètre s'il est athée (idée qu'on trouve dans les PM ou les PPD je crois, sinon au TRE§79) en disant en effet que puisque Dieu est la première idée claire et distincte, il ne peut y avoir d'idée certaine sans Dieu (sans pour autant faire de Dieu un créateur ou une personne, ni une garantie extérieure à l'entendement)

Pour kant, le critère est de la clarté "est clairement"métaphysique s'il n'est pas testable empiriquement cad s'il n'est pas soumis aux intuitions SENSIBLES puisque aucune intuition intellectuelle n'est possible.


Pas testable empiriquement, comme toute la philosophie de la CRP... Mais sérieusement, qui peut douter que la nature existe du fait qu'on en n'a pas l'intuition sensible ?

Personnellement, je ne comprends pas très bien cette idée selon laquelle quand on a une idée vraie on sait qu'elle est vraie c'est à dire complète or on ne pas pas savoir au moment où on la pense s'il n'y a pas une idée plus englobante qui rend, du coup, notre idée ou proposition incomplète cad inadéquate et donc fausse!


Que peux-tu concevoir de plus englobant qu'un étant absolument infini ?
Serais-tu de ceux qui disent que ce n'est pas parce qu'on ne peut le concevoir qu'aucun cercle carré n'existe ? Ou qui disent que ce n'est pas parce qu'on le conçoit nécessairement ou bien en mouvement ou bien au repos qu'un corps, considéré en même temps et sous le même rapport, pourrait être et en mouvement et au repos ou encore ni en mouvement, ni au repos ?

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Messagepar ECKHARTUS » 16 avr. 2012, 11:02

Henrique a écrit :D'accord j'ai un peu exagéré en disant que Kant reconnaît une connaissance de la pensée de Dieu mais il y a bien une vérité que Kant présente comme certaine avec les mathématiques et aussi il est vrai à titre formel avec la morale. Et si cette vérité est certaine, elle équivaut de fait à une connaissance de ce qui est éternellement au sens de Spinoza : ce qui existe nécessairement à partir d'une nécessité intemporelle. Que je sache, toute la philosophie de Kant est présentée comme vraie et donc en droit reconnaissable comme telle par tout esprit pensant.


Non, c'est mort, aucune chance d'atteindre le point de vue de Dieu. La certitude n'a aucun rapport avec l'intemporalité car le vrai signifie la catégorie intemporelle qui atteint une signification universelle par sa schématisation dans le temps, sans ce passage il n'y a pas d'objectivité mais un simple point de vue intérieur et a priori, monologique qui ne peut jamais a lui seul garantir une universalité intersubjective. Comment pourrais passer de ma certitude monologique à celle d'autrui sans recours à l'intuition sensible? Selon toi, le fait d'avoir une idée claire et distincte m'introduit dans la pensée de Dieu et donc dans celle d'autrui?

Henrique a écrit :Mais sérieusement, qui peut douter que la nature existe du fait qu'on en n'a pas l'intuition sensible ?

La question n'est pas de savoir s'il y a de l'etre , un grand Tout, ou une chose en soi mais de savoir si on peut la connaitre ou si on peut la penser comme une cause de la connaissance ou comme son objet. Au contraire est-ce qu'on ne doit pas penser la connaissance comme une construction humaine.
qu'est ce qui m'autorise à passer du point de vue humain, disons objectif, entendu comme intersubjectivement partagé, au point de vue de Dieu cad d'un point de vue temporel à un point de vue éternel?
Comme je te disais dans le dernier message, une fois que tu t'es donné cette possibilité, tu peux déduire la plus belle éthique qui soit cad la béatitude en Dieu mais personnellement, je ne suis pas convaincu par les premières prémisses, probablement parce que je n'ai pas compris ou que quelque chose résiste en moi, si on utilise un langage psychanalytique...
Henrique a écrit :Que peux-tu concevoir de plus englobant qu'un étant absolument infini ?
Serais-tu de ceux qui disent que ce n'est pas parce qu'on ne peut le concevoir qu'aucun cercle carré n'existe ? Ou qui disent que ce n'est pas parce qu'on le conçoit nécessairement ou bien en mouvement ou bien au repos qu'un corps, considéré en même temps et sous le même rapport, pourrait être et en mouvement et au repos ou encore ni en mouvement, ni au repos ?

évidemment qu'il n'y a rien de plus englobant que Dieu puisque c'est le concept du tout infini mais la question que je pose est de savoir si une idée vraie QUELCONQUE peut être elle-même son propre signe;

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Messagepar hokousai » 16 avr. 2012, 17:09

à Eckhartus

Comme je te disais dans le dernier message, une fois que tu t'es donné cette possibilité, tu peux déduire la plus belle éthique qui soit cad la béatitude en Dieu mais personnellement, je ne suis pas convaincu par les premières prémisses,


Effectivement difficile d'être convaincu en l'absence de l'idée.
Ou bien cette idée vraie vous ne l'avez pas .
Ou bien l' ayant mais ne savez pas la reconnaitre.

Car vous dîtes
La question n'est pas de savoir s'il y a de l'être , un grand Tout, ou une chose en soi mais de savoir si on peut la connaitre ou si on peut la penser comme une cause de la connaissance ou comme son objet.
Savoir s'il y a de l'être n' est pas une question, c'est une affirmation qui plus est une certitude.
Savoir si cet être est parfait ce qui signifie qu' il ne serait pas absolument être mais que le néant existerait aussi cela peut se discuter .
Mais le néant alors existerait .Et le néant serait réincorporé dans l'être.

Qu'un effet comme notre connaissance puisse échapper à l'être comme cause parait difficile à envisager puisque l être( ou Dieu ou la nature ) emplit tout le champ du possible.
Que l'être parfait puisse échapper à notre connaissance parait difficile à envisager puisque il est parmi les certitudes celle qui est la plus certaine ( certitude qu'il existe quelque chose autrement dit qu'il y ait de l'être )

je n emploie pas le vocabulaire de Spinoza mais peu importe les mots là
.......................................

Il faudrait aussi que vous connaissiez le traité de la réforme de l'entendement aussi bien que vous connaissez Kant .

Je cite le TRE
"" Ainsi <b>la fausseté</b> consiste en ceci seulement que nous affirmons d'une chose quelque propriété qui n'est pas contenue dans la conception que nous avons de cette chose, comme le mouvement ou le repos relativement à notre demi-cercle. De là il résulte que<b> les idées simples ne peuvent pas ne pas être vraies</b> : par exemple, l'idée simple de demi-cercle, de mouvement, de quantité, etc. Tout ce que ces idées contiennent d'affirmation est adéquat à la conception que nous en avons et ne s'étend pas au delà ; <b>il nous est permis de former à notre gré des idées simples</b>, sans que nous ayons à craindre de nous tromper.

amicalement
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Messagepar recherche » 17 avr. 2012, 21:55

Bonsoir,

Il me semble y avoir dans le propos de Henrique une possible contradiction ou difficulté.

À propos de l’idée claire et distincte : « une idée dont le contenu peut être compris entièrement à partir de ses principes ». Puis, à propos de la substance : « Je n'ai à l'évidence pas la connaissance sensible d'une telle totalité mais j'en ai une idée claire et distincte […] ».

La compréhension entière d’une chose n’inclut-elle sa connaissance sensible ? Ou, en supposant ces deux citations cohérentes, pour quelle raison la compréhension entière d’une chose n’inclurait-elle sa connaissance sensible ?

hokousai a écrit :Savoir s'il y a de l'être n' est pas une question, c'est une affirmation qui plus est une certitude.

Pourquoi cette certitude n'est-elle (de ce que j'en sais) partagée, en tant que certitude, par le bouddhisme ?

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Messagepar hokousai » 18 avr. 2012, 00:26

....mais enfin cher recherche le bouddhisme n'a jamais affirmé qui n'y avait pas d'être ( dans le sens d' exister quelque chose plutôt que rien ).

lisez wikipedia où apparaissent maints articles qui rectifient à chaque fois le tir

<b>La vacuité</b> ne vide pas les choses de leur contenu, elle est leur véritable nature (Philippe Cornu, citant le philosophe madhyamika qu'est Nāgārjuna, Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme, 2001, Seuil). Il ne s'agit donc pas de nihilisme. Nāgārjuna affirme : "nous appelons vacuité ce qui apparaît en dépendance" (Traité du Milieu, chapitre 24, §18)

http://fr.wikipedia.org/wiki/%C5%9A%C5%ABnyat%C4%81

Mon problème est de traduire ce qui peut être traduit du spinozisme dans le bouddhisme(et inversement ). Je ne dis pas que la traduction soit intégrale. Mais la traduction ne peut se faire sur une incompréhension de l'un et de l'autre.
Ce qui peut conduire comme je l'ai vu ici récemment à introduire de force du Zen dans le spinozisme, ce que je ne fais pas. Ou bien à introduire de la substance dans le bouddhisme, autre version que j ai vu apparaitre ici .

Il y a différence d'approche entre Spinoza* et le bouddhisme( et le taoisme aussi) mais des points fondamentaux de convergences.
On a parfois remarqué que Spinoza était quelque part un oriental dans la philosophie occidentale.
Ce qui n'a pas plu aux occidentaux . Le plus orientaliste présumé (Schopenhauer) l' a-t -il vu ... j'en doute

* essentiellement sur l'idée de "substance".
.


Là où ( pas seulement là ) on pourrait voir une énorme différence entre Spinoza et le bouddhisme c'est sur le CONATUS . Le conatus explique ce qui apparait comme phénomène . C' est une explication qui peut être vue comme celle de l'imaginaire persistance des choses singulières ( point de vue de la durée chez Spinoza ).
Le désir lui n'est pas illusoire ( ni chez Spinoza ni dans le bouddhisme ).Et le désir est directement rattaché par Spinoza au conatus prop 9 /3)
La différence est dans le traitement du désir dans les deux approches .
La différence n'est pas sur le fond théorique mais pratique .

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Messagepar recherche » 18 avr. 2012, 07:36

Bonjour,

hokousai a écrit :....mais enfin cher recherche le bouddhisme n'a jamais affirmé qui n'y avait pas d'être ( dans le sens d' exister quelque chose plutôt que rien ).

Je pensais que vous aviez associé "être" à "essence", supposant dès lors des essences singulières procédant d'une essence supposée "infinie", "éternelle"... etc.
Toute affirmation "essentielle" étant récusée par le bouddhisme, cela ne pouvait coller.
Et je comprends vos éclaircissements (être comme existant).

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Messagepar bardamu » 18 avr. 2012, 21:57

recherche a écrit :(...)

La compréhension entière d’une chose n’inclut-elle sa connaissance sensible ? Ou, en supposant ces deux citations cohérentes, pour quelle raison la compréhension entière d’une chose n’inclurait-elle sa connaissance sensible ?

Bonjour recherche,
ça dépend de quelle chose on parle.
Le rapport entre la circonférence et le diamètre d'un cercle est appelé Pi. Nous n'avons pas de connaissance sensible de Pi, sa mesure (quantification sensible) n'est qu'approchée, mais va-t-on dire qu'on n'en a pas la compréhension entière par sa seule définition ?
Spinoza sera d'accord qu'il n'y a pas de connaissance sensible de l'infinité d'attributs, il dira même que vouloir y placer on ne sait quelle créature imaginaire tirée de notre expérience sensible (anges, pizzas volantes ou autre) est absurde, contradictoire avec la nature de ce qu'on affirme du concept, mais ceci n'implique pas que celui-ci soit vide d'existence, qu'il n'y ait pas une forme de réalité associée à ce que produit la raison. Dès lors qu'on a une production conceptuelle et qu'on sait dans quelle mesure de celle-ci découle (ou pas) des effets sensibles, on est dans un usage raisonné, lucide, des effets de cette idée.
L'idée de Dieu ou d'une infinité d'attributs n'est pas là pour légitimer tous les fantasmes de l'imagination, au contraire, elle fonctionnerait plutôt comme élément régulateur de la raison dans les domaines excédant le sensible.

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Messagepar recherche » 18 avr. 2012, 22:02

Bonsoir,

bardamu a écrit :Nous n'avons pas de connaissance sensible de Pi, sa mesure (quantification sensible) n'est qu'approchée, mais va-t-on dire qu'on n'en a pas la compréhension entière par sa seule définition ?

Il ne me paraît pas impossible d'argumenter positivement.


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