[Spinoza & Kant] Réfutation de l'argument ontologique

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Re: [Spinoza & Kant] Réfutation de l'argument ontologique

Messagepar Vanleers » 02 avr. 2015, 10:21

A Miam

Je n’ai jamais parlé d’« englober » mais je suis plus précis en soutenant que, selon Spinoza, (B enveloppe A) signifie (B implique A), au sens de l’implication logique classique.
La signification de l’implication logique est très simple et se résume à : il est exclu que l’on ait, à la fois, B vrai et A faux (le vrai ne peut impliquer que le vrai, quant au faux, il peut impliquer soit le vrai soit le faux).
Appliquons ceci, par exemple, à l’axiome 4 de la partie I de l’Ethique qui vous sert d’argument :

« La connaissance de l’effet dépend de la connaissance de la cause et l’enveloppe »

Spinoza énonce donc que la connaissance de l’effet enveloppe la connaissance de la cause.
Posons B = la connaissance de l’effet et A = la connaissance de la cause.
Spinoza énonce (B enveloppe A), ce qui signifie (B implique A).
Il est donc simplement exclu que l’on ait B vrai et A faux, c’est-à-dire que l’effet soit connu et que la cause ne le soit pas.
Autrement dit, si l’effet est connu, la cause l’est nécessairement aussi (mais il est possible que la cause soit connue sans que l’effet le soit).

« Et tout le reste est littérature »

Je ne doute pas que vous arriviez à comprendre ces choses. Le contraire serait bien dommage.

Bien à vous

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Re: [Spinoza & Kant] Réfutation de l'argument ontologique

Messagepar Vanleers » 03 avr. 2015, 12:18

1) Soutenir que, selon Spinoza, (B enveloppe A) signifie (B implique A), au sens de l’implication logique classique, est corroboré par la démonstration d’E II 49 dans laquelle Spinoza écrit :

« Car cela revient au même de dire que A enveloppe nécessairement le concept de B, ou que A ne peut se concevoir sans B. » (traduction Pautrat)

« En effet, il est identique d’affirmer que A doit envelopper le concept de B ou que A ne peut être conçu sans B. » (traduction Misrahi)

Nous sommes, au préalable, devant une difficulté de lecture car il est d’abord question de poser A et de concevoir B puis de concevoir A et de poser B, ce que l’on peut comprendre en disant que Spinoza ne fait pas de différence entre poser et concevoir.

(A enveloppe le concept de B) signifie (A implique le concept de B).

On ne peut donc être (c’est cela la signification de l’implication logique) dans la situation où A serait posé sans que le concept de B le soit, c’est-à-dire où A serait conçu sans que B le soit.
Or, c’est bien ce que dit Spinoza, dans le deuxième membre de l’équivalence, en écrivant que A ne peut être conçu sans poser B, c’est-à-dire sans que B soit conçu.

2) Entendre « envelopper » (involvere) comme signifiant « impliquer » au sens de l’implication logique, nous dispense de procéder à l’analyse sémantique du terme. Lorsque Spinoza écrit que B enveloppe A, il dit simplement que l’on ne peut être dans la situation où l’on aurait B vrai et A faux.
Ajoutons que cela ne nous dit rien sur la relation entre A et B. Nous savons seulement que si B est vrai, alors A est vrai aussi mais rien de plus.

3) On pourrait alors se demander pourquoi Spinoza emploie « involvere » et non « implicare ».
Une réponse possible serait de dire que Spinoza entend les expressions « B vrai » ou « A faux », de façon très large. Par exemple « B vrai » est entendu comme « B posé » dans la démonstration d’E I 7 :
« L’essence d’une substance enveloppe nécessairement l’existence »

On ne peut pas être dans la situation où l’essence d’une substance est posée et son existence n’est pas posée. Autrement dit, si l’essence d’une substance est posée, alors son existence est posée (nécessairement, précise Spinoza).

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Re: [Spinoza & Kant] Réfutation de l'argument ontologique

Messagepar Lechat » 11 avr. 2015, 18:29

D'accord Vanleers avec votre précédent post, mais j'ai une objection pour E2P16 : "l'idée de l'affection [...] doit envelopper la nature du corps humain". Ici, si on voulait se faire comprendre autrement qu'en utilisant "envelopper", on n'utiliserait ni "impliquer", ni (comme dans votre 3) quand l'affection est posé alors le corps est posé. Peut-être que pour une fois "englober" est le plus clair. Ou en reformulant complètement différemment. Moi je comprends cette affirmation comme "tout changement dans la nature du corps affecté a des répercussions sur l'idée de l'affection" (mouais, bof...)

Peut-être que les différents qu'il y a eu sur le forum viennent du fait qu'on veut trouver dans le langage courant un synonyme unique à "envelopper" alors que ça dépend du contexte. Dans la plupart des cas "impliquer" ne me semble pas un énorme contre sens.

PS :
Pour trouver toutes les occurrences d'envelopper http://ethicadb.org/search.php?lanid=2&str=envelopp%2A

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Re: [Spinoza & Kant] Réfutation de l'argument ontologique

Messagepar Vanleers » 11 avr. 2015, 20:30

A Lechat

1) Sur E II 16, voyez la démonstration qui se réfère principalement à l’axiome 1 après le corollaire du lemme 3 :

« Toutes les modalités dont un corps est affecté par un autre corps suivent de la nature … »

Ceci est de la forme (B suit de A) et est repris dans la démonstration d’E II 16 sous la forme (B enveloppe A)
Je soutiens que ces deux formes signifient (B implique A) au sens de l’implication logique.
Il me paraît clair, en effet, que si l’on prend en considération les modalités dont un corps est affecté par un autre corps, donc si on pose B, alors on doit prendre nécessairement en considération la nature du corps affecté et celle du corps affectant, donc poser A.

2) Compte tenu de la rigueur de Spinoza, il ne me paraît pas soutenable de dire que la notion d’« envelopper » peut avoir plusieurs sens, selon le contexte.
Je pense avoir suffisamment montré la pertinence de l’équivalence : « envelopper » = « impliquer, au sens de l’implication logique », notamment en étudiant la démonstration d’E II 49 dans laquelle Spinoza définit lui-même le sens qu’il donne à « envelopper ».

La définition qu’en donne Miam à partir de l’axiome 5 de la partie I de l’Ethique est, à mon avis, boiteuse car elle associe ce qui relève de la prémisse de l’axiome (quelque chose de commun) avec ce qui relève de sa conséquence.
C’est une faute que Dieu pardonne peut-être mais que la Logique ne pardonne pas.

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Re: [Spinoza & Kant] Réfutation de l'argument ontologique

Messagepar hokousai » 11 avr. 2015, 23:37

="Spinoza"cette affirmation se rapporte à l'essence de l'idée du triangle, et n'est absolument rien autre chose.

Elle n'implique pas l' essence. Elle se rapporte à l'essence.


Spinoza a écrit :Cette affirmation enveloppe le concept ou l'idée du triangle, c'est-à-dire ne peut être conçue sans l'idée du triangle ; car c'est même chose de dire : A doit envelopper B, ou bien : A ne peut pas être conçu sans B.
Proposition 49/2

Je ne vois pas d' implication logique.
Dan l'implication logique classique ( celle de Spinoza !)
p ⇒ q est vraie lorsque p est fausse et q vrai.

Sans entrer dans le détail de ce paradoxe, l'implication suppose deux termes qui peuvent être vrai ou faux indépendamment l'un de l'autre .
Ce qui ne peut être le cas dans ce que dit Spinoza. Ce n'est pas une implication, c'est une relation d' identité.

L'idée qui se rapporte à l'essence EST l' essence du triangle .

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Re: [Spinoza & Kant] Réfutation de l'argument ontologique

Messagepar Vanleers » 12 avr. 2015, 11:40

A Lechat

Je soutiens que (B enveloppe A) signifie (B implique A) au sens de l’implication logique.
Ne serait-il pas plus naturel de dire que cela signifie que (A implique B) ?
Prenons le cas où B est un effet et A une cause.
Dire que (l’effet B enveloppe la cause A) ne devrait-il pas signifier, plus clairement, que (la cause A implique l’effet B) au sens de l’implication logique ?
Il n’en est rien.
En effet, dans ce cas, il ne serait pas exclu que l’on puisse avoir l’effet B sans avoir la cause A (« le faux peut “ impliquer ” le vrai ») et on ne voit plus pourquoi on dirait que l’effet B enveloppe la cause A.
Restons-en donc à (B implique A) qui exclut cette éventualité et notons que B est l’impliquant et A l’impliqué.
Ceci rejoint le commentaire de Pierre Macherey d’E II 16, proposition que vous avez citée.
Il explicite le terme « involvere » qu’il traduit, lui aussi, par « impliquer » :

« Ce terme, qui connaît en tout 116 occurrences dans l’Ethique, dont 58 dans le de Mente, et est le plus souvent traduit en français par le synonyme « envelopper », exprime un rapport de dépendance qu’il présente en remontant de l’impliquant à l’impliqué, de manière à indiquer que le premier ne peut être ni être conçu sans le second. Expliquer, c’est dérouler ce rapport d’implication pour en mettre en évidence, en expliciter la nécessité, en lui ôtant son caractère implicite » (Introduction… II p. 172 note 1)

Ceci confirme, à mon sens, que c’est bien B qui doit être l’impliquant et A l’impliqué.

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Re: [Spinoza & Kant] Réfutation de l'argument ontologique

Messagepar Lechat » 12 avr. 2015, 21:44

Vanleers a écrit :il ne me paraît pas soutenable de dire que la notion d’« envelopper » peut avoir plusieurs sens

Oui, et ce n'est pas ce que je voulais dire. J'essayais de trouver des formules alternatives à envelopper qui seraient plus dans le langage courant. Et je disais que dans le cas d'E2P16, dire que "envelopper" est une implication logique n'était pas la manière la plus éclairante d'expliciter pédagogiquement la proposition.

Reflexion faite, je pense maintenant que "impliquer" est adapté à E2P16, mais moins dans le sens logique que dans le sens "engagement". Dans ce cas, l'emploi d'impliquer sous sa forme passive est plus claire. Comme dans la phrase : "La cia est impliquée dans l'assassinat de JFK". On retourne rarement ce genre de formule, mais ça donne : "L'assassinat de JFK implique la cia". Et de même "la nature du corps est impliquée dans l'idée de l'affection" est plus claire que "l'idée de l'affection => nature du corps".

De même "la cause est impliquée dans l'effet" ( et de façon équivalente "la cause explique l'effet" ) n'a rien de choquant. Contrairement d'ailleurs (et pourtant c'est pareil) à "l'effet implique la cause" qui nécessite de regarder à la loupe avec les outils de la logique.

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Re: [Spinoza & Kant] Réfutation de l'argument ontologique

Messagepar Vanleers » 13 avr. 2015, 10:29

A Lechat

1) Répondant à votre souci pédagogique d’éclairer la notion d’« envelopper », on peut dire que (B enveloppe A) signifie que A est une condition nécessaire (pas forcément suffisante) de B.
C’est ce à quoi se résume également l’implication logique.
En effet, si l’implication (Si B alors A) est vraie, alors sa contraposée (Si non A alors non B) est vraie également.
Or, (Si non A alors non B) ne signifie ni plus ni moins que (A est une condition nécessaire de B).

2) Vous paraissez soutenir que (B enveloppe A) est équivalent à (A explique B), ce qui est une erreur.
En effet (A est une condition nécessaire de B) ne peut être assimilé à (A explique B).

3) Revenons maintenant à la démonstration d’E II 16 qui commence ainsi :

« En effet, toutes les modalités selon lesquelles un corps quelconque est affecté suivent simultanément de la nature du corps affecté et de la nature du corps qui l’affecte (par l’Ax. 1, après le Corol. Du Lemme 3). C’est pourquoi leur idée (par l’Ax. 4 Part. I) enveloppera nécessairement la nature des deux corps ; » (Misrahi)

Or l’axiome 4 de la partie I s’écrit :

« La connaissance de l’effet dépend de la connaissance de la cause et l’enveloppe ».

En E II 16, la connaissance de l’effet, c’est l’idée des modalités selon lesquelles un corps quelconque… etc.
Mais où est la connaissance de la cause que cette idée enveloppe ? Ce devrait être l’idée de la nature du corps affecté et de la nature du corps qui l’affecte mais il n’en est rien : ce n’est pas cette idée mais, comme l’écrit Spinoza, la nature elle-même des deux corps.
Nous sommes, comme dans la démonstration d’E II 49, dans le schéma (connaissance de B enveloppe A), qui signifie que B ne peut pas être connu sans A, c’est-à-dire sans que A soit posé.
Ceci apporte une justification supplémentaire à l’idée émise dans un post précédent qu’il faut entendre l’implication logique (B implique A) en quoi consiste, selon nous, l’expression (B enveloppe A) dans un sens très large.
B et A peuvent prendre les valeurs « vrai » et « faux », comme dans l’implication logique stricto sensu, mais aussi « posé » et « non posé », « connu » et « non connu », etc.

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Re: [Spinoza & Kant] Réfutation de l'argument ontologique

Messagepar Lechat » 13 avr. 2015, 22:19

1) ok. D'ailleurs on peut dire aussi B est condition suffisante de A comme contraposée de A condition nécessaire de B.

2) Expliquer est en tous cas (selon jgautier) l'inverse d'impliquer si on en croit la discussion que vous avez déjà mentionnée : http://www.spinozaetnous.org/forum/viewtopic.php?f=16&t=966. Mais c'est bien sur à condition qu'on tienne compte aussi des explications partielles c'est à dire nécessaires (et non suffisantes).

3) Là dessus c'est assez confus pour moi. J'imagine que ce troisième point répond à l'objection de Miam qui disait plus haut :
Miam a écrit :Ou encore que l'idée d'une affection du Corps engloberait la nature de ce corps (E II 16), de sorte que nous aurions immédiatement connaissance de la nature de notre corps, ce qui est évidemment un contre-sens

Si la nature du corps est seulement posée, elle n'est donc pas forcément connue. Mais l'axiome 4 parle de connaissance. Est-ce-qu'il ne faut pas faire une distinction entre "connaissance" et "idée"? (La connaissance étant une idée adéquate)

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Re: [Spinoza & Kant] Réfutation de l'argument ontologique

Messagepar Vanleers » 14 avr. 2015, 14:50

A Lechat

1) Vous avez raison : si l’implication logique (B implique A) est vraie, c’est que B est une condition suffisante de A… et c’est fort gênant !
Je me suis focalisé sur l’idée que (B enveloppe A) signifie que l’on ne peut avoir B sans avoir A et j’ai pensé que l’implication logique (B implique A), qui a bien cette propriété, était un équivalent de (B enveloppe A).
Je n’ai pas fait suffisamment attention à une autre propriété de l’implication logique, pourtant évidente, qui conduit à rejeter cette équivalence.
Reprenons, par exemple, l’axiome 4 de la partie I :

« La connaissance de l’effet dépend de la connaissance de la cause et l’enveloppe »

Il est clair que, pour Spinoza, la connaissance de la cause est une condition nécessaire pour qu’il y ait connaissance de l’effet (il ajoute même que celle-ci dépend de celle-là).
A l’inverse, on ne peut soutenir que la connaissance de l’effet suffise pour connaître la cause (Miam a raison dans sa remarque que vous citez au point 3).

J’abandonne donc l’idée que (B enveloppe A) signifie (B implique A), au sens de l’implication logique pour ne retenir que ceci : (B enveloppe A) signifie que (A est une condition nécessaire de B).
On garde ainsi la propriété caractéristique de l’implication logique (A est une condition nécessaire de B) mais en évitant de poser que B est une condition suffisante de A.
J’espère, cette fois, que l’équivalence est correcte.

2) J’avais bien noté que dans la discussion que vous rappelez, certains considéraient qu’expliquer était le contraire (aldum) ou l’inverse (jgautier) d’impliquer.
Je serais plutôt d’accord avec Pierre Macherey lorsqu’il écrit :

« Expliquer, c’est dérouler ce rapport d’implication pour en mettre en évidence, en expliciter la nécessité, en lui ôtant son caractère implicite » (déjà cité)

3) Je pense que connaître x, pour Spinoza, c’est avoir une idée de x, cette idée pouvant être adéquate ou inadéquate. Je donne un extrait du commentaire de P. Macherey d’E II 16 :

« L’idée d’une affection du corps est ainsi rapportée immédiatement, non à la représentation idéelle de la cause dont elle dépend effectivement, mais à la nature même de cette cause qu’elle « implique » de manière confuse et, peut-on dire, « enveloppée », donc implicitement : et c’est la raison pour laquelle, dans la démonstration de la proposition 16, Spinoza renvoie à l’énoncé de l’axiome 4 du de Deo en en détournant la formulation, et ainsi en quelque sorte à contre-emploi. Ceci signifie que, dans le cas envisagé par la proposition 16, la connaissance de l’effet, c’est-à-dire l’idée de l’affection du corps, connaissance qui implique celle de la cause de cet effet, se produit néanmoins en l’absence de cette connaissance de la cause, qui est l’idée de l’association circonstanciellement effectuée entre le corps humain et le corps extérieur qui l’affecte, et non cette association elle-même. Comment s’explique cette lacune ? Par le caractère parcellaire et instantané de cette perception qui est seulement idée d’une affection du corps et rien d’autre, sans que cette idée comprenne distinctement l’idée du corps lui-même ni celle du corps avec lequel il est en contact, et ceci parce qu’elle présente les natures auxquelles correspondent ces deux idées comme coexistantes (1). »

(1) […] Une idée peut donc impliquer la nature d’une chose sans l’expliquer, c’est-à-dire sans faire connaître la nature de cette chose par ses causes. C’est ce rapport ambigu qui est exprimé par le terme « indiquer » (indicare) utilisé par Spinoza dans le second corollaire de la proposition 16 du de Mente : indiquer, c’est donner, de manière nécessairement confuse, une connaissance des effets en l’absence d’une connaissance claire de la cause dont dépendent ces effets. L’idée de représentation, sous-jacente à tout ce développement, exprime cette fonction purement indicative de la perception, qui « implique » la nature de la chose perçue sans la faire connaître. (op. cit. p. 173)

Bien à vous


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