Existence de l'infini

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar Vanleers » 24 nov. 2012, 16:48

À Hokousai
1) La traduction de Saisset, comme assez souvent me semble-t-il, laisse à désirer. En la confrontant à des traductions plus récentes, on constate, entre autres, que Spinoza ne se réfère pas aux définitions 3 et 4 mais à la définition 3 et à l’axiome 6.
Spinoza, même s’il ne le dit pas explicitement, examine ici le cas de substances à un seul attribut. Dans ces traductions, on comprend clairement qu’il démontre que de telles substances, si elles avaient le même attribut A, ne pourraient être distinguées les unes des autres et, par conséquent, en vertu de la proposition 4, qu’il ne peut y avoir qu’une seule substance à un seul attribut ayant cet attribut A.
2) En poursuivant la réflexion sur la première démonstration d’E I 11, on peut, à mon avis, dire la chose suivante.
Spinoza démontre la proposition en ne retenant de la définition 6 que le seul fait que Dieu soit une substance, sans se référer à la suite de la définition, à savoir que cette substance consiste en une infinité d’attributs. La démonstration est très simple puisque la proposition 7 a déjà établi qu’ « A la nature de substance appartient d’exister ».
Mais on se dit alors que si nous pouvions concevoir une autre substance que Dieu, appelons-la B, c’est-à-dire une substance ne consistant pas en une infinité d’attributs, nous démontrerions de la même façon que cette substance existe.
Nous aurions alors démontré que Dieu existe et B aussi, ce qui serait une contradiction car il est clair que si B existe, on peut nier de Dieu les attributs de B, ce qui n’est pas possible en vertu de la définition 6.
La question est alors de savoir si nous pouvons concevoir une substance B, c’est-à-dire en donner une définition réelle et non pas nominale. Essayons, avec un cas très simple, une substance B à un seul attribut :
Définition 6’ : Par substance B, j’entends une substance consistant en l’attribut pensée
Pour le moment, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas une définition vraie.
Bien à vous

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Messagepar hokousai » 24 nov. 2012, 19:45

à Vanleers

Saisset fait une erreur sur Def 3 et axiome 6. J' ai cité Saisset parce que je le trouve lisible sur cette démonstration là.
( je dois reconnaitre que je n'ai pas comparé sur le coup Saisset et Pautrat, autant pour moi , là Pautrat c'est mieux. Mais comme def 3 et 4 ça collait aussi .....)

je vais tener une explication de cette erreur .
Dans la version latine de Hugo Ginsberg 1875
il est indiqué "par def 3, et 6"
sans précision de "axiome".
idem d' une traduction anglaise(Elwes) du latin datant de 1883 "that is truly (Def. 3. and 6)"

Saisset traduit lui en 1861 Je ne sais pas sur quel texte latin. J'ignore comment et pour quelle raison on est passé à axiome 6 dans l 'édition latine Gebhardt qui fait référence actuellement sinon qu' effectivement axiome 6 a plus de sens que def 6 ou que def 4 de Saisset

Il se peut que Saisset jugeant que def 6 ne correspondait pas au texte de la demons. il a dérivé vers def 4.( attribut)
................................................
Si vous allez là , version ancienne de l' Ethique,(1677) vous avez def 4 et 6
http://diglib.hab.de/wdb.php?dir=drucke/ac-343
.............................................


Mais on se dit alors que si nous pouvions concevoir une autre substance que Dieu, appelons-la B, c’est-à-dire une substance ne consistant pas en une infinité d’attributs, nous démontrerions de la même façon que cette substance existe.

La démonstration de la prop 14/1 envisage votre objection .

Spinoza a écrit : Si donc il existait une autre substance que Dieu, elle devrait s ' expliquer par quelqu'un des attributs de Dieu, et de cette façon, il y aurait deux substances de même attribut, ce qui est absurde (par la Propos. 5). Par conséquent, il ne peut exister aucune autre substance que Dieu, et on n'en peut concevoir ; aucune autre ;

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Messagepar Vanleers » 24 nov. 2012, 20:26

À Hokousai
1) Merci d’abord pour les explications sur l’histoire du texte latin et de différentes traductions de l’Éthique.
2) Permettez-moi de ne pas être d’accord sur votre analyse.
La proposition I 14 que vous citez démontre que « A part Dieu, il ne peut y avoir ni se concevoir de substance ». Mais la démonstration de cette proposition s’appuie sur la proposition 11 (et Spinoza y fait référence au début de la démonstration de I 14) qui a démontré l’existence de Dieu.
Or, précisément, notre discussion porte sur la première démonstration de la proposition 11, c’est-à-dire à un moment où Spinoza n’a pas encore démontré l’unicité de la substance.
Je signalais déjà ce point dans mon premier message en indiquant que si nous savions déjà qu’à part Dieu il n’y a pas d’autre substance, cette première démonstration de l’existence de Dieu ne me poserait aucun problème.
Bien à vous

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Messagepar hokousai » 24 nov. 2012, 22:34

à Vanleers

je ne vous dis pas que la 14rectifié explique la 11 mais que la 16 répond à votre objection qui est je pense :
Vanleers a écrit :Mais on se dit alors que si nous pouvions concevoir une autre substance que Dieu, appelons-la B, c’est-à-dire une substance ne consistant pas en une infinité d’attributs, nous démontrerions de la même façon que cette substance existe.

............................
Vous me dîtes
Vanleers a écrit : Or, précisément, notre discussion porte sur la première démonstration de la proposition 11, c’est-à-dire à un moment où Spinoza n’a pas encore démontré l’unicité de la substance.


Il l'a démontré à la prop 5. Comme je vous l' ai indiqué hier soir.

poursuivez, je suis tout ouïe .
hokousai
Modifié en dernier par hokousai le 25 nov. 2012, 12:39, modifié 1 fois.

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Messagepar Vanleers » 25 nov. 2012, 10:23

À Hokousai
1) Petite erreur de frappe : il s’agit de la proposition 14 et non pas de la 16.
A mon avis, c’est la proposition 14 qui démontre l’unicité de la substance. La proposition 5 démontre qu’il ne peut y avoir qu’une seule substance (implicitement à un seul attribut) ayant un attribut donné.
2) Je poursuis ma réflexion en posant, cette fois, trois définitions, la première reprenant, en la rendant plus précise, une définition déjà posée dans un précédent message.
Définition 6’ : Par B, j’entends une substance consistant en l’unique attribut Pensée
Définition 6’’ : Par C, j’entends une substance consistant en l’unique attribut Étendue
Définition 6’’’ : Par D, j’entends une substance consistant en les deux seuls attributs Pensée et Étendue
Il est clair que si ces trois définitions sont réelles, nous pouvons démontrer, sur le modèle de la première démonstration de I 11, que B, C et D existent. Or il est clair aussi que si B ou C existent, D n’existe pas.
Je ne vois que deux solutions à cette difficulté :
A) Ou bien la notion de substance est contradictoire, conduit à des incohérences et il faut l’abandonner
B) Ou bien les définitions de B, C et D ne sont pas des définitions réelles
Mon intuition, mais je ne la comprends pas clairement, c’est que la seule substance pouvant être conçue et définie au moyen d’une définition réelle, c’est Dieu, qui fait l’objet de la définition 6.
En comprenant la définition 6, nous aurions déjà compris, avant toute démonstration, que la substance est unique. Nous pourrions même préciser que nous l’avions déjà compris dès la définition 3, la 6 pouvant être considérée comme une explicitation de la 3.
Nous pourrions ajouter que nous avions également compris avant toute démonstration que cette substance existe.
Ceci rejoindrait la remarque que fait Spinoza dans le scolie 2 de I 8, à savoir que :
« si les hommes prêtaient attention à la nature de la substance, ils n’auraient pas le moindre doute au sujet de la vérité de la Prop. 7 ; bien plus, cette Proposition serait pour tous un axiome, et mise au nombre des notions communes. »
Sans cette compréhension préalable aux démonstrations, s’il faut avoir déjà démontré que la substance est unique (prop. 14) pour démontrer que Dieu existe (première démonstration de la prop. 11) et réciproquement, nous voilà au rouet, comme auraient dit les théologiens du temps jadis.
Bien à vous

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Messagepar hokousai » 25 nov. 2012, 13:28

à Vanleers

C' est 14 et non 16 j 'ai rectifié.
La prop 14 démontre l 'unicité de la substance ( amis le scolie 2 de la 8 aussi )
..........................................
Je suis d'accord avec votre message sur la prop 3. Je l'entends bien ainsi . Si nous comprenons la def 3 nous n'avons pas besoin de démonstration.C' est bien plutôt les démonstration qui s'appuient sur cette def 3. Il faut y ( def 3 ) comprendre que ce qui n'a pas besoin du concept d'autre chose exclut toute altérité.
La définition est en partie négative (ce qui n'a pas besoin ) c'est pour ça que je parle d' exclure toute altérité.

En revanche def la 6 nest pas une explication de la def 3. Il y a besoin d' en passer par la perfection pour avoir la def 6.( pour la justifier ), voir scolie de laprop 10/1.

Vanleers a écrit :s’il faut avoir déjà démontré que la substance est unique (prop. 14) pour démontrer que Dieu existe (première démonstration de la prop. 11)


C'est deux chose différentes de montrer qu' elle est unique et de montrer qu' elle existe. II faut d' abord montrer que dans l'idée de substance il y a l'existence ( sinon ce n'ets pas a une substance que nous pensons )
On se heurte aux objections sur l'argument ontologique .
Mais comme je vous l'ai dit ( c'est mon point de vue ) si on ne peut penser que quelque chose au moins existe alors on le nomme substance .
c'est donc la reconnaissance ou l'intuition qu'il existe quelque chose qui est fondamentale .
Dans le scolie 2 de laprop 8/1 Spinoza le fait dans l'ordre. Existence d'abord unicité ensuite.

.................
Définition 6’ : Par B, j’entends une substance consistant en l’unique attribut Pensée
Définition 6’’ : Par C, j’entends une substance consistant en l’unique attribut Étendue
Définition 6’’’ : Par D, j’entends une substance consistant en les deux seuls attributs Pensée et Étendue

vous pouvez entre B ou C (ou exclusif ), l'une ou l' autre .
mais pas B ET C.( existantes ensemble )
Vous pouves entendre D mais cette substance n'est pas parfaite .

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Messagepar Vanleers » 25 nov. 2012, 14:38

À Hokousai
1) Permettez-moi, ici aussi, de ne pas être d’accord sur la référence au scolie 2 de la proposition 8 comme démonstration de l’unicité de la substance.
Spinoza y démontre qu’« il n’y a qu’une seule et unique substance de même nature » (je souligne : de même nature), ce qu’il avait déjà démontré dans la proposition 5 où il précisait « de même nature ou attribut »
2) La solution du problème que je posais dans mon premier message résidant sans doute dans une compréhension plus approfondie des premières définitions de l’Éthique, il est sage d’arrêter ici nos échanges sur ce sujet.
Merci pour votre accueil et votre attention.
À une autre fois, peut-être

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Messagepar Vanleers » 26 nov. 2012, 10:16

À Hokousai
Je ne pensais pas m’adresser à vous aussi vite et sur le même sujet mais, ayant poursuivi ma réflexion, je pense que le problème posé a peut-être une solution simple, en écho d’ailleurs aux suggestions de vos précédents messages.
Ce problème est le suivant.
À mon point de vue, la première démonstration de I 11 n’est claire que si l’on suppose l’unicité de la substance, unicité que Spinoza démontre explicitement plus loin en I 14, en se référant à I 11.
Dans un précédent message, j’indiquais que nous pouvions sans doute avoir l’intuition de cette unicité en comprenant la définition 6, c’est-à-dire avant la démonstration de I 11.
J’envisage maintenant une autre solution qui s’appuie sur la proposition I 5 :
« Dans la nature des choses il ne peut y avoir deux ou plusieurs substances de même nature ou attribut »
Posons, comme hypothèse de travail, une autre substance que Dieu, en ajoutant une définition :
Définition 6 bis : J’entends par B une autre substance que Dieu
Ou bien B et Dieu ont des attributs en commun ou ils n’en ont pas.
S’ils n’en ont pas, c’est que certains attributs de B n’appartiennent pas à Dieu, ce qui, à mon point de vue, est en contradiction avec la définition 6 de Dieu : « substance consistant en une infinité d’attributs ».
Ils ont donc en commun au moins un attribut A, ce qui n’est pas possible compte tenu de I 5.
Il faut donc « enlever » l’attribut A, soit à B, soit à Dieu
Si nous l’enlevons à Dieu, Dieu ne sera plus Dieu tel que défini dans la définition 6.
Il faut donc l’enlever à B, c’est-à-dire prendre en considération B’, une substance constituée de tous les attributs de B à l’exception de l’attribut A.
Le même raisonnement s’applique à B’, B’’, B’’’…. et nous arriverons ainsi à une « substance » sans aucun attribut, c’est-à-dire à un néant de substance.
Je pense donc que si ce raisonnement logique très simple est valide, l’unicité de la substance est acquise dès la proposition I 5 et que la première démonstration de I 11 ne pose donc aucun problème.
Bien à vous

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Messagepar hokousai » 26 nov. 2012, 13:46

à Vanleers

Au niveau de 5/1 il n'y a pas encore Dieu. Dieu est en II/1 ( explicitement en 11/1, mais déjà en 1O/1.
Il me semble que la def 6 ne se comprend pas d' elle même pas au point que Spinoza puisse se priver de la démonstration de l'existence d un tel étant

Ce qui n'est pas le cas des définitions 1, 2 ,4 ,5.

Mais pour la def 3 il lui faut expliquer que substance telle qu'entendue (en def 3) a l'existence.

cordialement
hokousai

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Messagepar Vanleers » 26 nov. 2012, 16:53

À Hokousai
Poursuivant ma réflexion, je pense qu’on peut dire ce qui suit.
À partir des définition 3, 4 et 6 et avant toute démonstration, nous pouvons tenir le raisonnement suivant :
1) un attribut exprimant la réalité ou être de la substance (déf 4), les attributs d’une substance ne peuvent appartenir à une autre substance.
2) s’il y avait une autre substance que Dieu, ses attributs seraient autres que les attributs de Dieu
3) Dieu ne serait pas une substance consistant en une infinité d’attributs (déf. 6)
4) donc il n’y a pas d’autre substance que Dieu
Ce raisonnement, qui porte sur l’essence de la substance et non pas sur son existence, me paraît valide.
Dans la première démonstration de I 11, Spinoza démontre que Dieu existe car Dieu a été défini comme une substance et qu’il a démontré, par la proposition I 7, qu’ « A la nature de substance appartient d’exister ».
Nous n’avons pas à nous poser la question de l’existence d’une autre substance, ce qui viendrait troubler la démonstration de l’existence de Dieu, puisque le raisonnement précédent a montré qu’il n’y avait pas d’autre substance que Dieu.
Bien à vous


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