Existence de l'infini

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar hokousai » 26 nov. 2012, 20:35

1) un attribut exprimant la réalité ou être de la substance (déf 4), les attributs d’une substance ne peuvent appartenir à une autre substance.

2) s’il y avait une autre substance que Dieu, ses attributs seraient autres que les attributs de Dieu

3) Dieu ne serait pas une substance consistant en une infinité d’attributs (déf. 6)

4) donc ce que j' entends par Dieu (Def 6)n 'existe pas.

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Messagepar Vanleers » 26 nov. 2012, 22:02

À Hokousai
Par le raisonnement dans lequel vous avez modifié le point 4, vous soulevez la question : comment comprendre l’expression « consistant en une infinité d’attributs » ?
Spinoza explique la définition 6 en disant qu’ « à l’essence de ce qui est infini absolument appartient tout ce qui exprime une essence et n’enveloppe aucune négation »
Pierre Macherey, dans son Introduction à l’Ethique de Spinoza, commente cette explication en écrivant :
« Ainsi Dieu est absolument infini parce que, ne pouvant rien en nier, on doit tout en affirmer : il est donc constitué de tous les attributs ou essences de substance sans en exclure aucun »
Un peu avant, en commentant la définition 6 elle-même, il a écrit :
«  […] Dieu est l’Être absolument infini, c’est-à-dire la substance en tant qu’elle est constituée absolument de toutes les essences ou natures possibles que l’intellect perçoit d’elle et en elle : il consiste en cette totalité de genres d’être ou essences de substance dont chacun l’exprime spécifiquement selon l’ordre qui lui est propre […] »
Je suis P. Macherey dans son commentaire et comprends « consistant en une infinité d’attributs » comme « constituée de tous les attributs possibles », ce que j’avais déjà indiqué dans mon tout premier message.
Si tous les attributs possibles sont en Dieu, « il n’en reste pas » pour une hypothétique substance distincte de Dieu, c’est ce que veut exprimer le point 3 du raisonnement (si vous voyez une façon plus claire de rédiger ce point, merci d’avance)
Et, bien entendu, s’il n’y a aucun attribut possible pour cette autre substance, il n’y a pas d’autre substance que Dieu.
Mais, au point où il en est, c’est-à-dire au stade des définitions, Spinoza n’a pas encore démontré que Dieu existe.
Bien à vous

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Messagepar Vanleers » 26 nov. 2012, 22:15

À Hokousai
1) un attribut exprimant la réalité ou être de la substance (déf 4), les attributs d’une substance ne peuvent appartenir à une autre substance.
2) s’il y avait une autre substance que Dieu, ses attributs seraient autres que les attributs de Dieu
3) or Dieu est une substance consistant en une infinité d’attributs (déf. 6), c’est-à-dire constituée de tous les attributs possibles
4) aucun attribut ne peut donc appartenir à cette substance
5) donc il n’y a pas d’autre substance que Dieu
Cela me paraît plus clair

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Messagepar Vanleers » 27 nov. 2012, 10:35

À Hokousai
Pour essayer d’être encore plus clair et plus apte à la discussion, je formule le raisonnement précédent comme suit :
1) un attribut exprimant la réalité ou être de la substance (déf 4), les attributs d’une substance ne peuvent pas appartenir à une autre substance.
2) si j’entends par B une autre substance que Dieu, alors j’entends par B une substance constituée par des attributs autres que les attributs de Dieu
3) or j’entends par Dieu une substance consistant en une infinité d’attributs (déf. 6), c’est-à-dire constituée de tous les attributs possibles
4) donc j’entends par B une substance constituée par aucun attribut
5) donc je n’entends pas par B une substance
Je concède que ce raisonnement n’est convaincant qu’à la condition de comprendre, sinon d’admettre, que la définition 6 est une définition réelle (voir, sur ce site, ce qu’il faut entendre par « définition réelle »). En effet, ce que montre en fait le raisonnement, c’est que si la définition 6, c’est-à-dire la définition de Dieu, est réelle, la définition d’une autre substance que Dieu ne l’est pas.
A l’inverse, quel est le statut de la définition 6 si est réelle la définition suivante :
Par B, j’entends la substance constituée par les deux seuls attributs pensée et étendue.
Comment se prononcer alors que nous ne connaissons que ces deux seuls attributs et que nous ignorons donc s’il y en a d’autres ?
Bien à vous

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Messagepar hokousai » 27 nov. 2012, 15:17

dans Posté le: 26/11/2012 23:02
Par le raisonnement dans lequel vous avez modifié le point 4, vous soulevez la question : comment comprendre l’expression « consistant en une infinité d’attributs » ?
Spinoza explique la définition 6 en disant qu’ « à l’essence de ce qui est infini absolument appartient tout ce qui exprime une essence et n’enveloppe aucune négation »


Votre raisonnement implique que la def 6 n'est pas justifiée .
La def 6 n'est pas un axiome.
Or vous l'utilisez comme un axiome.
Effectivement on ne voit plus l'utilité des démonstrations .
Spinoza justifie la DEf 6 (sur l'infinité des attributs ) dans le scolie de prop 10/1.

..................................
Dans le second message
Posté le: 26/11/2012 23:15

Vous écrivez
1) un attribut exprimant la réalité ou être de la substance (déf 4), les attributs d’une substance ne peuvent appartenir à une autre substance.

Ceci n 'a rien dévident avant démonstration .A preuve Leibnitz ne l'entend pas du tout comme ça. Vous l'entendez comme ça parce que vous avez étudié et admis les preuves de Spinoza.
Spinoza savait que ce n'était pas facilement admissible.
Vous voulez me montrer qu'il n' y a pas besoin des démonstrations .

bien à vous
hokousai

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Messagepar Vanleers » 27 nov. 2012, 16:22

A Hokousai
1) Je n’ai pas compris ce que vous entendiez par :

« Le raisonnement implique que la def 6 n'est pas justifiée .
La def 6 n'est pas un axiome.
Or vous l'utilisez comme un axiome. »

Je ne peux donc pas vous répondre sur ce point

2) L’expression « un attribut exprimant la réalité ou être de la substance » que j’utilise au point 1 du raisonnement est empruntée au scolie de I 10 :
« sed unumquodque realitatem, sive esse substantiae exprimit »
Il me paraît évident que si un attribut exprime la réalité ou être d’une substance A et, aussi, exprime la réalité ou être d’une substance B, c’est qu’il s’agit de la même substance.
Il me paraît évident également que cette expression ne dit rien de plus que ce que contient la définition 4 : « Par attribut, j’entends ce que l’intellect perçoit d’une substance comme constituant son essence. »

3) Comme je l’ai expliqué dans le précédent message, le raisonnement en 5 points que je développe, se situe au niveau des définitions, c’est-à-dire avant les démonstrations de la partie I de l’Ethique. Il consiste en effet, je ne fais que me répéter, à montrer que si la définition 6 est réelle, alors la définition d’une substance autre que Dieu ne l’est pas.
Ce point étant acquis, la première démonstration de I 11 ne me pose plus aucun problème.
Tous mes messages (et celui-ci est le douzième - il va bientôt falloir s’arrêter -) n’ont visé qu’à cela : comprendre clairement cette démonstration (qui, je le rappelle, a fait l’objet de nombreux échanges avant mon arrivée sur ce forum)
Et, bien entendu, je pense que toutes les démonstrations de l’Ethique sont nécessaires.
Bien à vous

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Messagepar hokousai » 27 nov. 2012, 23:04

à Vanleers

A Hokousai
1) Je n’ai pas compris ce que vous entendiez par :
« Le raisonnement implique que la def 6 n'est pas justifiée .
La def 6 n'est pas un axiome.
Or vous l'utilisez comme un axiome. »
Je ne peux donc pas vous répondre sur ce point


J'ai conclu par
4) donc ce que j' entends par Dieu (Def 6)n 'existe pas.
en place de
4) donc il n’y a pas d’autre substance que Dieu

Parce que Dieu est défini mais attend qu' on en démontre l'existence. Ce n'est pas un axiome.

Dans Def 6 Spinoza entend quelque chose qui n'est pas directement compréhensible et/ou admissible de ses contemporains.
Peut être que pour vous il est d 'emblée admissible qu' un étant absolument infini c' est à dire une substance consistant en une infinité d attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie existe.
Ce n'était pas du tout évident aux scolastiques de l' époque de Spinoza. Et Spinoza écrit face à des contemporains susceptibles de le critiquer. Il renonce à faire publier l' Ethique .


Les def 3 et 4 sont trop générales pour impliquer sans explications et/ou démonstrations la Def 6.

L 'explication de Def 6 passe par l' idée de perfection.(le plus de réalité ou d 'être )
………………………………..
Il me paraît évident également que cette expression ne dit rien de plus que ce que contient la définition 4 : « Par attribut, j’entends ce que l’intellect perçoit d’une substance comme constituant son essence. »
Gueroult critiquant Leibnitz dit comme vous. Ah Leibnitz n' a pas compris la def 4!
Pour Gueroult la def 64(corrigé) dit que l'attribut constitue à) lui seul toute lessence de la substance, lui est de ce fait réellement identique "
Sans doute que Spinoza le comprend comme cela, mais est-ce si évident ? Pas dans un monde intellectuel où les substances ( aux pluriel ) peuvent avoir des attributs en commun .
Ne serait ce que les substance chez Descartes ( les substances corporelles sont toutes étendues les substances spirituelles sont toutes pensantes )
Donc Spinoza doit démontrer ( prop 5/1)
……………………………………

3) Comme je l’ai expliqué dans le précédent message, le raisonnement en 5 points que je développe, se situe au niveau des définitions, c’est-à-dire avant les démonstrations de la partie I de l’Ethique. Il consiste en effet, je ne fais que me répéter, à montrer que si la définition 6 est réelle, alors la définition d’une substance autre que Dieu ne l’est pas.

La def 6 est la définition d'un étant réel. On peut en avoir l'intuition de cette réalité avant les démonstrations, mais c'est une intuition.

Je ne sais plus ce qui a été dit des définition réelles. J'ai du mal à intégrer cette affaire de définition réelle dans notre discussion.
Modifié en dernier par hokousai le 28 nov. 2012, 16:11, modifié 1 fois.

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Messagepar Vanleers » 28 nov. 2012, 12:00

À Hokousai
1) Dans la première formulation de mon raisonnement, celle que vous avez critiquée, je concluais en effet par :
« 4) donc il n’y a pas d’autre substance que Dieu »
ce qui, à tort dans mon esprit, pouvait être interprété par « Dieu existe »
Pour lever cette ambiguïté, j’ai reformulé ce raisonnement qui se conclut maintenant par :
« 5) donc je n’entends pas par B une substance »
Ainsi formulé, ce raisonnement laisse entière la question de l’existence de Dieu.

2) J’ai écrit dans un autre message :
« En comprenant la définition 6, nous aurions déjà compris, avant toute démonstration, que la substance est unique. Nous pourrions même préciser que nous l’avions déjà compris dès la définition 3, la 6 pouvant être considérée comme une explicitation de la 3. »
Je parlais, non pas d’explication mais d’explicitation. Je concède que cette explicitation n’est peut-être pas très évidente et c’est pourquoi j’employais le conditionnel. En tout cas, ma réflexion ne s’appuie pas là-dessus.

3) Les contemporains de Descartes ont peut-être eu du mal à comprendre la notion de substance selon Spinoza et celui-ci évoque ce point dans le scolie 2 de I 8.
Ils ont sans doute eu du mal aussi à concevoir une substance à plusieurs attributs, ce à quoi fait allusion Spinoza dans le scolie de I 10.
D’où il apparaît que l’Ethique est difficile à comprendre, surtout du fait des préjugés des lecteurs (aussi géniaux soient-ils). Ce que dit Guéroult, que vous citez, à propos de la définition 4 (et non pas 6), me paraît facilement acceptable par tout esprit non prévenu. Bien entendu, la proposition I 5 va rendre explicite ce qui était implicite dans la définition 4 : par ses démonstrations, Spinoza vient, au secours de nos faibles esprits.

4) Vous écrivez :
« La def 6 est la définition d'un étant réel. »
Qu’entendre ici par « réel » ? Pas que cet étant existe car Spinoza ne le démontrera que plus loin. C’est ici que la notion de « définition réelle » est utile et je vous renvoie à l’article paru sur le site. On y parle de définition réelle ou nominale, de définition génétique pour les « choses créées » et de définition absolue pour les « choses incréées »…etc.
Je cite seulement le passage suivant :
« Ainsi, en définissant Dieu comme "substance consistant en une infinité d'attributs, dont chacun exprime une essence infinie et éternelle", Spinoza ne prétend d'abord que poser une notion cohérente, propre à expliquer globalement l'ordre de la nature. »
Si nous comprenons clairement ou, à défaut, si nous admettons que cette définition de Dieu est cohérente, j’ajouterai solide, fiable, sur laquelle nous pouvons nous appuyer, alors il est clair que nous ne pouvons pas concevoir, c’est-à-dire donner une « vraie » définition d’une autre substance que Dieu.
Bien à vous

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Messagepar hokousai » 28 nov. 2012, 16:36

Sur Guéroult
Oui c'est def 4 et pas 6 ( j ai corrigé )
Décidément je fatigue un peu et vous avez la jeunesse pour vous.
Spinoza vient, au secours de nos faibles esprits.
Sauf que Guéroult est carrément excessif , Leibnitz n'était pas un faible d'esprit du tout, plutôt un pur génie , Leibnitz voyait autrement les choses.
Guroult écrit quand même que l' objection de Leibnitz est aberrante.
...........................
C’est ici que la notion de « définition réelle » est utile et je vous renvoie à l’article paru sur le site.
Pouvez-vous être plus précis.
Je ne comprends toujours pas cette affaire de définition réelle.

Sinon Il me semble avoir bien compris votre demarche. Mais je vais en prendre le contre pied. Avec les seules définitions de 1 à 6, ne peut -on pas imaginer deux étant absolument infinis.
Deux substances absolument identiques, indiscernables mais néanmoins distinctes ?

ce qui renvoie à Leibnitz( je le cite )
« Poser deux choses indiscernables est poser la même chose sous deux noms... Il n’y a point deux individus indiscernables. Un gentilhomme d’esprit de mes amis, eu parlant avec moi eu présence de Mmc l’Elcctricc dans le jardin de Herrenhausen, crut qu’il trouverait bien deux feuilles entièrement sem- blables. Mme l’Eleclricc l’en défia, et il courut longtemps en vain pour en cher- cher. Deux gouttes d’eau, ou de lait, regardées par le microscope se trouveront discernables. C’est un argument contre les atomes, qui ne sont pas moins com- battus que le vide par les principes de la véritable métaphysique. Ces grands principes de la Raison suffisante et de l’Identité des Indiscernables changent l’état de la métaphysique, qui devient réelle et démonstrative par leur moyen; au lieu qu’autrefois elle ne consistait presque qu’en termes vides. » (Lettres entre Leibniz et Clarke, quatrième écrit de Leibniz, 4, 5 et 6.)

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Messagepar Vanleers » 28 nov. 2012, 17:54

À Hokousai
1) Ne peut-on concevoir qu’un génie, tellement absorbé dans la vision du monde qu’il est en train de créer, ait du mal à entrer dans une autre vision du monde et à la comprendre ?

2) Je ne vois pas, pour le moment, comment être plus précis à propos de la « définition réelle ». Je n’ai cité qu’une phrase de l’article mais celui-ci serait à lire dans sa totalité. J’ai essayé d’illustrer cette phrase en parlant de définition solide ou fiable.

3) Si on utilise les définitions 1 à 6, on prend déjà en considération une première substance : Dieu.
Votre question : peut-on imaginer une deuxième substance, identique à Dieu, indiscernable de lui et pourtant distincte ?
Dites-moi comment on pourrait distinguer ces deux substances.
Bien à vous


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