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Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Cette partie du forum traite d''ontologie c'est-à-dire des questions fondamentales sur la nature de l'être ou tout ce qui existe. Si votre question ou remarque porte sur un autre sujet merci de poster dans le bon forum. Merci aussi de traiter une question à la fois et d'éviter les digressions.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 25 déc. 2012, 12:59

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Gurevich Alexander, Baruch Spinoza, février 2006.

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http://www.jerusalemshots.com/gallery/Arts-en16-1469.html

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Messagepar Explorer » 25 déc. 2012, 21:32

Désolé de ne vous répondre que très rapidement, je suis très pris ces temps-ci.
A Vanleers :
Pour ce que vous dites à propos du poète, je vous suis.
A Hokusai :
Vous dites : "une essence n'est pas un mode", et vous ajoutez que je suis contraint de recourir à un attribut des essences. Ce n'est pas tout à fait cela.
Une essence n'est pas un mode, certes, mais elle s'exprime dans l'infinité d'attributs qui constituent Dieu. Je ne vois aucun soucis ici
Je fais remarquer simplement que Dieu n'est pas un mode non plus, cela n'empêche en rien qu'il est et s'exprime entièrement à travers une infinité d'attributs.
J'espère à bientôt le plus vite possible en ce qui me concerne.
JPC

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Messagepar hokousai » 26 déc. 2012, 01:56

à Explorer

Sur les essences il y a ce que je peux en penser et ce que je pense que Spinoza pouvait en penser. J' essaie si c'est possible de ne pas interférer.

Je pense que le voile des mots ( Berkeley !) oriente vers une voie sans issue puisque si l 'esssence avait une existence propre, l 'essence devrait avoir une essence... ad infinitum.

Ce qu'est la chose singulière ( que ce soit essentiellement ou accidentellement d'ailleurs ) n'a pas d' existence propre hors de la chose puisque c'est la chose elle même.
Il me semble que Spinoza critique les universaux , bien qu'il les utilisent. D 'où l'ambiguité dont je parlais.

Se pose la question des ressemblances ( des convenances entre ) ce qui a toujours posé un problème. Et ce qui est commun semble avoir une existence autonome. Donc l'essence du triangle ou du cercle ou de n'importe quelle chose identifiée comme élément d 'une espèce et puis d'un genre semblent avoir une existence propre.plus ou moins idéale (réalisme des universaux mais réalisme hors de la nature créée)
Et pourtant sans les choses pas de ressemblances ! Ce sont donc pour moi les choses existantes en acte qui justifient les genres et pas l'inverse.
..............................................................................
Quand vous dîtes :"Une essence n'est pas un mode, certes, mais elle s'exprime" peut -on, doit -on distinguer essence et expression ?
A mon avis non.
Deleuze comprend que l' attribut émane de la substance. Il voit l 'attribut comme un exprimé . Et puis les modes eux aussi comme exprimés et exprimés d' essences antérieures à l'expression. Ça se tient mais à mon avis c'est une mauvaise interprétation..
Puisque Deleuze tenait à l'expression( et il avait bien raison) il aurait pu penser que l' essence c'est l'expression.
Il n'y a que des expressions chacune d' un certain genre ( pensée ou étendue et puis une infinité)
Il n'y a pas existant une essence de la pensée( existant où d ailleurs ? )Pas existante hors de l'expression qui est la pensée.
La pensée n'est pas un exprimé de son essence elle est l 'expression qui s'exprime elle même.

Sur l'étendue Spinoza écrit à Tschirnhaus que la variété des choses ne peut être établi a priori en partant de la seule idée de l'étendue ( idée de l'essence de l'étendue )
........................................
Dans un de ses cours Deleuze dit ceci:

Deleuze a écrit :Je connais très mal Avicenne, je sais juste qu’il y a une thèse qui apparaît chez Avicenne et qui est très très insolite. Il dit : "voilà, il y a des Essences ". Jusque-là, rien de nouveau. les essences les philosophes ils ont beaucoup parlé des essences. Il dit par exemple, " l’animal, c’est une Essence". et il dit : « est-il possible de penser une essence pure ? » dit Avicenne l’arabe. il dit : « Oui, oui. Seulement il faut voir à quoi ça engage. l’Essence animale - une découverte philosophique ça a l’air de rien ; moi ça me plaît beaucoup ça -...
Deleuze parle aussi parfois de Duns Scot ...ce qui est symptomatique

Voir à ce sujet "l 'être et l'essence "d' Etienne Gilson (page 133, le livre est sur le net)
Spinoza peut être compris dans l' optique scottiste ou pas vraiment .

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Messagepar Explorer » 26 déc. 2012, 09:58

Je vois les choses ainsi : un faisceau de déterminations essence-rapport-ensembles infinis... C'est l'ensemble du faisceau qui s'exprime lorsque le mode existe, et lorsqu'il disparaît, l'essence et les rapports perdurent, comme de vieux plans rangés dans le tiroir d'un ingénieur, ces plans perdurent et peuvent tout à fait être réutilisés cent ans plus tard, car ce qui a fait qu'on a eu besoin des solutions d'ingénierie qu'ils comportent, fera qu'on en aura encore besoin plus tard, sous une forme ou une autre. Au passage, les constructeurs de ponts suspendus sont des spécialistes du recyclage de solutions anciennes dont on garde le principe, mais avec des matériaux et moyens nouveaux.
Reste à savoir comment essence et rapports perdurent, c'est-à-dire la question de leur codage. Spinoza n'en parle pas. Il conçoit que cela soit, mais il n'en parle pas. C'est à nous, quatre cents ans plus tard, de voir à quoi ce codage pourrait renvoyer. A ce stade, il faut se lancer, et lire des bouquins de physique... C'est surprenant ce qu'on peut y trouver.
JPC

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Messagepar Vanleers » 26 déc. 2012, 10:09

A Hokousai
Je vous remercie de m’avoir signalé l’article de Macherey qui analyse le livre de François Zourabichvili : Spinoza Une physique de la pensée.
Je cite un extrait de cet article, qui a un rapport avec les échanges récents à propos du poète espagnol d’E IV 39 sc. :
« Le fait même qu’un philosophe qui a entrepris de pénétrer ce système de pensée en profondeur se donne la mort, n’est-il pas un irréfutable démenti opposé à la validité de cette philosophie, dont l’impuissance se trouve alors révélée de la façon éclatante, alors même qu’elle a assigné la première place au critère de la puissance ? Si on regarde attentivement le passage dans lequel Spinoza a traité ce difficile problème, à savoir le scolie de la proposition 20 de la IVe partie de l’Ethique, on s’aperçoit que l’explication qu’il en propose, explication proprement stupéfiante, consiste en gros en ceci : pour que quelqu’un renonce à l’existence, il faut qu’il ait changé d’essence, c’est-à-dire en un sens qu’il soit déjà mort ; autrement dit, on ne meurt pas parce que, après avoir pris la décision de le faire, on s’est donné la mort, mais, si on s’est donné la mort, c’est parce que, de fait, on était pris préalablement par le mouvement de la mort, sur un plan où essence et existence sont entraînées simultanément. »
Cette citation de Macherey donnerait raison à une remarque qu’Explorer a faite en passant : la maladie avait déjà eu raison de lui et Deleuze était déjà mort lorsqu’il s’est suicidé.
Le chapitre IV de l’ouvrage de Zourabichvili me paraît intéressant quant à la question de l’essence et j’aurai sans doute l’occasion de vous en reparler.
Bien à vous

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Messagepar hokousai » 26 déc. 2012, 11:44

à Exolorer
C'est une manière de comprendre que j' ai partagée un temps. L' entendement de Dieu ( ou de la nature) comme ingénieur.
Il faudrait que Dieu pense abstraitement et puis antérieurement mais Spinoza nous dit que ce n'est pas ainsi .

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Messagepar Explorer » 26 déc. 2012, 17:49

Je ne pense pas en effet que Spinoza conçoive Dieu comme un ingénieur, et moi non plus d'ailleurs. Dieu, ou la substance infinie, est absolument tout ce qui est; il se trouve qu'au travers de l'un de ses attributs, celui de la pensée, il se donne à comprendre (et donc se comprend lui-même) par des idées, lesquelles ne sont que le stricte équivalent des étants dans l'attribut étendue, et au-delà dans tous les attributs, puisque chaque étant s'exprime en réalité d'une infinité de manières, dans une infinité d'attibuts, quoique deux seulement (attributs) soient accessibles à l'homme.
Dieu ne pense pas ex-nihilo, c'est simplement que ce qu'il est, ce qu'est la Nature, est compréhensible et donc compris par quelque uns, pas tous hélas, pas encore du moins. Long est le chemin.

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Messagepar Vanleers » 26 déc. 2012, 23:05

A Hokousai et Explorer
La question de l’essence chez Spinoza est très controversée et cela ne date pas d’aujourd’hui. Gabriel Huan, par exemple, dans son ouvrage : Le Dieu de Spinoza, publié en 1913, conteste l’interprétation de nombreux commentateurs de son temps. La situation ne semble pas avoir changé aujourd’hui
Pour ma part, la question de l’essence ne me paraît éthiquement intéressante que parce qu’elle est reliée à celle de l’éternité car je pense que l’Éthique se résume à ceci : le salut consiste à percevoir les choses sub specie aeternitatis.
Robert Misrahi exprime cela de façon très juste :
« L’éternité est […] une manière de se rapporter au monde et à soi-même : « […] nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels ». » (100 mots… entrée : « éternité » p. 170)
Spinoza lui-même a résumé son ouvrage dans les dernières lignes :
« [le sage est], par une certaine nécessité éternelle, conscient de soi, de Dieu et des choses […] ».
Je dirai aussi que Spinoza a dit l’essentiel dans les huit définitions de la partie I et que, si nos esprits étaient suffisamment aiguisés, nous n’aurions pas besoin de lire la suite. Spinoza vient au secours de nos faibles esprits par ses propositions qui explicitent ce qui est déjà implicitement contenu dans ces définitions.
La principale difficulté n’est pas de comprendre intellectuellement l’Éthique mais d’en vivre. Une façon de lutter contre l’oubli de la vision sub specie aeternitatis est de revenir à l’ouvrage, de le méditer et d’échanger à ce sujet avec d’autres.
Bien à vous

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Messagepar hokousai » 27 déc. 2012, 01:03

à Vanleers

Excusez-moi d'insister, mais je ne suis pas d'accord avec ce que pense Exlorer:"C'est l'ensemble du faisceau qui s'exprime lorsque le mode existe, et lorsqu'il disparaît, l'essence et les rapports perdurent, comme de vieux plans rangés dans le tiroir d'un ingénieur,"

Si les rapports perdurent c'est que les modes n' ont pas cessé d' exister. Explorer attribue à Dieu des intentions ( des projets en réserve ).

Ça c'est une projection de comment l' homme voit sa manière de vouloir les choses . Manière de voir critiquable.
L' homme voit ainsi : Je désire, je projette, j' ai l'intention et puis j' agis et l'intention est la cause de l'action.( intention = essence dans mon analogie )
Ce que l' homme ne voit pas c'est que l'intention est toujours présente , en acte , à tous les niveaux de la volition et de l' agir. Elle n'est pas un plan qu'on peut oublier en chemin.

L'essentialisme , "éthiquement", introduit une certaine désespérance face à notre incapacité à saisir les supposées " essences". Ce qui renvoie la béatitude aux calendes grecques , à tous le moins à de longues années de recherche.
Modifié en dernier par hokousai le 27 déc. 2012, 22:38, modifié 1 fois.

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Messagepar Vanleers » 27 déc. 2012, 22:08

A Explorer
Je reviens à votre message du 19/12/2012 dans lequel vous citez un extrait de votre livre. On y trouve la phrase suivante :
« Spinoza ne pouvait deviner l’essor qu’allaient prendre les sciences humaines et en particulier la psychologie, de la psychanalyse à la neuropsychologie en passant par la psychophysiologie. »
En quoi le développement des sciences l’aurait-il conduit à modifier l’Éthique ?
Spinoza « pose quelques prémisses concernant la nature des corps » dans un exposé qui se situe entre les propositions 13 et 14 de la partie II. Il y emploie les notions d’étendue, de mouvement et de repos.
Or, pour Spinoza, l’Étendue est un attribut de Dieu et le mouvement et le repos constituent le mode immédiat, infini et éternel, de cet attribut.
L’Étendue, ce n’est donc ni la matière-énergie ni l’espace-temps des physiciens.
Le mouvement et le repos ne sont pas ce qu’entendent les mécaniciens qui étudient les mouvements des corps dans le temps et l’espace ainsi que leur équilibre statique.
Certes, Spinoza s’inspire de la physique de son temps. Il s’agissait d’une physique géométrique, dépassée aujourd’hui, dans laquelle la matière c’est l’étendue, d’où l’on déduisait logiquement que la science des corps c’est la mécanique, c’est-à-dire la science des lois du mouvement et de l’équilibre des corps (le repos).
Mais, comme il le fait souvent, Spinoza réutilise dans un cadre différent les concepts qu’il trouve et on ne comprendrait pas, par exemple, qu’il empruntât telle quelle aux physiciens galiléens et cartésiens de l’époque, la notion de mouvement pour en faire une partie constituante d’un mode infini et éternel alors que cette notion de mouvement est liée à la notion de temps.
Spinoza n’est ni un physicien, ni un médecin, ni un psychologue et son but est de fonder une éthique sur une ontologie. Les propos qu’il tient entre les propositions 13 et 14 de la partie II et que l’on appelle parfois sa « petite physique » me paraissent relever de ce que l’on pourrait appeler une « physique ontologique ou, encore, méta-physique » très différente des sciences.
En tout cas, à supposer que le développement de ces dernières l’ait conduit à utiliser d’autres notions, cela n’aurait rien changé à la vision ontologique qui est la sienne.
A mon point de vue, le lien que vous tentez d’établir entre cette « éthique ontologique » et les sciences contemporaines est donc plutôt de nature à égarer le lecteur et à le détourner de la voie du salut que propose Spinoza qui consiste à percevoir les choses sub specie aeternitatis.
Bien à vous.


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