Le « parallélisme » : une erreur de Spinoza ?

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar hokousai » 15 juin 2012, 15:04

Il me semble que Serge pourrait partager le point de vue de<b> Kant</b> qui fait de l'espace un a priori (a priori subjectif chez Kant mais pas subjectif ni chez Spinoza ni dans toute la tradition réaliste ).
On voit des étoiles de mer se comporter comme si l'espace existait ( pour elle ) et pourtant j' ai de fort doute sur la forme de la raison pure chez l'étoile de mer.

Pourquoi accordons nous une réalité objective à l étendue ? La réponse la plus simple est de dire que c'est parce que l'étendue existe objectivement. L'idée de l'étendue serait donc une idée adéquate et non une illusion ou une idée confuse.

Mais la question en entraine une autre: pourquoi ne percevons nous pas les idées comme étendues ? Sinon parce qu'elles ne sont pas visibles tangibles, audibles ou odorantes telles que les choses étendues le sont. D 'où la distinction de deux attributs .

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Messagepar Babilomax » 15 juin 2012, 19:07

hokousai a écrit :Pourquoi accordons nous une réalité objective à l étendue ? La réponse la plus simple est de dire que c'est parce que l'étendue existe objectivement.

Cela ressemble un petit peu à un parti pris, non ?

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Messagepar hokousai » 16 juin 2012, 00:30

à babilomax

Ce n'est pas un parti pris que d 'estimer que nous différencions les idées et les corps. C' est plutôt à l'idéalisme d' apporter la preuve que cette différenciation est une<b> illusion</b> et donc que les idées et les corps sont de même nature, en l'occurrence que les idées et les corps sont toutes des modes de la pensée .

Spinoza distingue le monde des idées claires et distinctes des images confuses des affections du corps, ce qui n'est certes pas assez pour contredire l'idéalisme.
Il lui faut aussi rendre compte d' un monde, celui de l'étendue qui nepense à l'evidence pas.( l'étendue pour Spinoza ne pense pas ).
Comme il n' y a pas deux substances mais une, les deux mondes sont donc l'expression de deux attributs d' une même substance.

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Messagepar sescho » 16 juin 2012, 12:17

Babilomax a écrit :Le point de vue que vous défendez, sescho, n'est-il pas le même que celui de Philippe Borrell (v. page des téléchargements) lorsqu'il affirme que l'Étendue n'est qu'une manière de penser ? Il en conclut que « la Substance est Idée ».

A la base, je m'interroge plus que je ne défends un point de vue particulier. Par ailleurs, le texte de Borrell me semble très intéressant - et en particulier sur le sujet de ce fil -, par sa charge de sens concentrée et sa vivacité (sans que pour autant on soit en droit de considérer a priori que Spinoza approuverait tout ce qu'il dit.) Mais je ne l'ai repris que très rapidement suite à votre question, et n'ai pas fait l'analyse profonde des implications particulières à l'auteur (qui mélange la restitution de Spinoza avec une approche personnelle, ce qui demande un examen précis pour juger de la cohérence du tout.)

Sinon, oui, à la base toute connaissance relevant de la Pensée, celle de l’Étendue en relève forcément. Et je suis parfaitement d'accord avec Borrell pour en déduire que le matérialisme (scientiste) est anéanti de ce seul fait. Pour autant, ce n'est pas une preuve de la vérité du spiritualisme (exclusif) selon moi. Le stoïcisme, dont Spinoza est pour moi l'aboutissement à beaucoup d'égards, considérait que l'âme était un corps.

La tendance qui me semble plutôt ressortir de ce qui a été dit jusque là (dont des phrases de Borrell, et les contributions de Hokousai) c'est que c'est une erreur de base que de séparer la pensée et l'étendue : la pensée, comme le dit Borrell me semble-t-il, devrait plutôt être prise comme pensée-de-l'étendue, indissociablement (j'esquisse juste une tendance : il y a des objections qui me viennent.)

Babilomax a écrit :Car si l'on peut expliquer la perception par la Pensée seule (idées confuses), l'inverse n'est pas vrai : on ne peut pas expliquer l'expérience consciente par l'Étendue.

C'est clair : on ne peut rien concevoir qui ne soit pas - par "concevoir" même - de l'ordre de la pensée. Et pourtant nous avons la certitude de l'étendue (d'où pensée = certitude de l'étendue comme tendance...) - et ceci me semble précisément interdire qu'il puisse s'agir d'attributs substantiels en parallèle...
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Messagepar hokousai » 17 juin 2012, 00:27

<b>Philippe Borell:(1890- 1915)</b> , le texte est publié en 1911. Borrell a 21 ans .Ce philosophe est "mort au champ d' honneur " (cf Liste gravée au Panthéon de Paris).
...........................................................
Sur ce que relève assez justement ce qu'en dit babilomax :
Philippe Borrell (v. page des téléchargements) lorsqu'il affirme que l'Étendue n'est qu'une manière de penser ? Il en conclut que « la Substance est Idée ».


Borrell dit d' abord que :" la pensée et l'étendue sont des manières de voir le tout ; des attributs de la substance" .
Puis il dit textuellement que que <b>l 'etendue n'est au demeurant qu'une manière de penser </b>.
Pire (si j ose dire ) il écrit:<b>Le Tout ou la Substance, c’est en somme la Pensée du Tout ; et ainsi il apparaît que la Substance est Idée : ce qui est une refutation du matérialisme.</b>
..................
De mon point de vue on est en plein idéalisme. Le parallélisme n' y a bien entendu plus aucun sens et il est balayé comme un pur non-sens.
....................
le problème est posé
1) ou bien les attributs ne sont que de manières de penser et de fait il n'y a que des manières de penser, une sorte de monisme idéaliste à double interprétations des choses ( voire de multiples interprétations ou une infinités, mais toutes pensées)
2) ou bien les attributs ont une réalité ontologique qui les fait distinguables et hétérogènes, voire incommunicables.

J' opte pour 2.
Spinoza écrit :<b>plus il ya de réalité ou d' être plus il y a d' attributs, dont chacun exprime une essence éternelle ou infinie précise</b> ( prop 10/1).


On peut ne pas être spinoziste mais il ne faut pas lui faire dire ce qu 'il ne dit pas

ainsi Borrell écrit:
"dire qu’il y a une Substance que nous percevons sous deux attributs et dans les modes de ces attributs, c’est simplement exprimer la manière dont nous pensons les choses."
A mon avis cest beaucoup plus . Pour Spinoza c'est comment<b> sont</b> les choses et non pas simplement(ou seulement ) comment nous les comprenons.

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Messagepar sescho » 19 juin 2012, 16:21

hokousai a écrit :Borrell dit d' abord que :" la pensée et l'étendue sont des manières de voir le tout ; des attributs de la substance" .
Puis il dit textuellement que que <b>l 'etendue n'est au demeurant qu'une manière de penser </b>.
Pire (si j ose dire ) il écrit:<b>Le Tout ou la Substance, c’est en somme la Pensée du Tout ; et ainsi il apparaît que la Substance est Idée : ce qui est une refutation du matérialisme.</b>
..................
De mon point de vue on est en plein idéalisme. Le parallélisme n' y a bien entendu plus aucun sens et il est balayé comme un pur non-sens.

Plus ou moins selon moi. La première phrase correspond à la définition de l'attribut. Borrell prend "entendement" comme étant l'entendement humain, et on peut difficilement penser que ce ne soit pas (au moins) le cas..., la question de savoir s'il y a un entendement divin - dont l'entendement humain adéquat serait donc une partie - n'étant pas explicitement réglée à ce stade (mais il est vrai que "constituer l'essence d'une substance" suppose néanmoins déjà qu'il s'agit avec un attribut de quelque chose pris en soi et conçu par soi.)

Par ailleurs, il reste que toute connaissance sans exception, y compris celle de l’Étendue, est forcément, par définition et par nature, de l'ordre de la Pensée. Donc, à ce titre, il n'y a rien de discutable à la base de ce que dit Borrell : c'est simplement incontestable. Et ceci réfute bien le matérialisme scientiste ou absolu. On ne peut pas passer outre ce point, et donc le problème de la nature de la liaison entre la pensée et la matière se pose forcément. Mais j'admets néanmoins que dire que la substance est Idée porte au sens commun une connotation spiritualiste (ou idéaliste), qui à l'extrême tendrait à nier toute objectivité à l’Étendue (qui n'en reste pas moins clairement soumise à une approche subjective / relative incontournable par les sens humains - qui serait différente avec une vision infrarouge, ou sonar, ou électromagnétique, ou beaucoup plus précise, etc.)

hokousai a écrit :le problème est posé
1) ou bien les attributs ne sont que de manières de penser et de fait il n'y a que des manières de penser, une sorte de monisme idéaliste à double interprétations des choses ( voire de multiples interprétations ou une infinités, mais toutes pensées)
2) ou bien les attributs ont une réalité ontologique qui les fait distinguables et hétérogènes, voire incommunicables.

J' opte pour 2.

Le fait qu'ils soient incommunicables interdit purement et simplement qu'il puisse y avoir une idée (Pensée) de l’Étendue, comme je l'ai indiqué plus haut ; c'est donc l'équivalent du spiritualisme pur. Et comme c'est bien ce que dit Spinoza, c'est une objection majeure à son système sur ce point précis.

Le 1) dit la même chose : tout n'est que dans la pensée (comme dans Matrix en version logicielle seule - ce qui est une très bonne illustration en passant : que peut-on déduire du caractère très "vivant" / "convaincant" d'une simulation "réaliste".) Mais rien que le "que" est, pris en soi, une contradiction performative (en passant, la détection de la contradiction performative est vraiment un outil d'une très grande puissance ; mais bon, cela va très naturellement avec la cohérence qu'implique la vérité - l'exhaustivité vis-à-vis de l'accessible en étant la seconde mamelle) : quand on dit "que" on suppose implicitement qu'il existe autre chose... Mais, ce peut être une formulation didactique provisoire pour dire finalement que le hors pensée est une illusion.

Mais il reste que tout est bien effectivement révélé par la pensée... (et donc DANS la pensée si on choisit de la considérer comme étant en soi).

Et c'est en particulier pourquoi dire "Je contiens le monde", "Je suis le monde", "rien n'est extérieur à Je" ou plutôt "Je EST le monde" (et donc Dieu : "Je est - Dieu est"), "sans conscience du monde il n'y a pas de monde", etc. ne peut pas être balayé avec un ricanement d'un revers de main. C'est tout le contraire : pas de philosophie fondamentale sans résoudre ce point pour le moins ardu.

Je vois pour ma part un 3) :

3) Cette distinction - toute irréductible soit-elle par nature - est un propre de l'homme (et autres animaux) mais il n'y a pas lieu d'en faire une propriété substantielle, et c'est même impossible.

hokousai a écrit : On peut ne pas être spinoziste mais il ne faut pas lui faire dire ce qu 'il ne dit pas

ainsi Borrell écrit:
"dire qu’il y a une Substance que nous percevons sous deux attributs et dans les modes de ces attributs, c’est simplement exprimer la manière dont nous pensons les choses."
A mon avis cest beaucoup plus . Pour Spinoza c'est comment<b> sont</b> les choses et non pas simplement(ou seulement ) comment nous les comprenons.

Oui, Borrell dit la même chose que le 3) ci-dessus, et il pourrait bien avoir raison... Et ce n'est pas ce que dit la base ontologique de Spinoza (mais pour le reste Spinoza reste pertinent, et à partir du moment où l'on absolutise la distinction entre pensée et matière son approche est la seule acceptable - mais pas infiniment acceptable cela étant, je pense...)

Mais concernant Spinoza, ce n'est pas si tranché au global, selon moi : la vérité ne vient pour Spinoza que des notions communes (axiomes, ...) et de ce que la logique en tire successivement, sublimé en connaissance intuitive dite "du troisième genre." L’être-étendu est (ou peut être assimilé à) une notion commune, comme évidemment l'être-pensé, le Mouvement (qui inclut la "finitude" et "le temps") aussi, et par dessus tout Dieu - Nature qui est l'Être hors duquel il n'y a pas d'être (l'Entendement infini c'est déjà nettement moins immédiat, mais à l'époque c'était très répandu ; et si le monde est entièrement dans la pensée, c'est forcément que le monde pense par nature...) Pour le reste ce n'est tout simplement pas adéquat. Note : on peut aussi se poser la question de ce qui donnerait la certitude de Dieu en face de deux attributs distincts (problème qui se posait concrètement à l'époque, l'ablation de l’Étendue à la divinité étant la mauvaise solution dominante.)

Remarque : je rappelle qu'après avoir passé des années à essentiellement tenter de restituer justement Spinoza ("ce que dit Spinoza") - que je considère acquis ici -, je suis passé sur ce fil à la discussion de ce que signifie Spinoza ("vérité du spinozisme".) Ce que dit Spinoza n'est donc pas en question per se ici.

Par ailleurs, je mets "je" ici juste parce que j'écris : le parallélisme, outre d'être une originalité de Spinoza (ce qui pour moi, qui ne crois pas au progrès continu en la matière, est par trop original et tardif), a été contesté d'une manière ou d'une autre par la majorité des commentateurs, anciens, modernes, actuels. Entre les remarques d'Appuhn sur le sujet - de mémoire -, les interprétations distordues visant à conclure à l'absence de Pensée en Dieu même chez Spinoza, et la majorité des intervenants sur ce sujet sur spinozaetnous, dont en particulier Henrique (voir les liens plus hauts, en particulier le deuxième...) le rejet de la notion d'attribut et du parallélisme qui va avec est nettement majoritaire selon moi... Il était donc clairement opportun d'essayer de trancher sur ce sujet, le reste de ce qu'a produit Spinoza étant de toute façon d'une telle richesse qu'il n'en est que marginalement affecté, le sujet lui-même étant en outre d'une grande richesse potentielle (Spinoza ne s'est pas orienté pour rien dans cette direction, c'est certain...)
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Messagepar hokousai » 19 juin 2012, 20:09

à Serge

Le fait qu'ils soient incommunicables interdit purement et simplement qu'il puisse y avoir une idée (Pensée) de l’Étendue, comme je l'ai indiqué plus haut ; c'est donc l'équivalent du spiritualisme pur. Et comme c'est bien ce que dit Spinoza, c'est une objection majeure à son système sur ce point précis.


Non ce n est pas ce que pense Spinoza . Il ne pense pas ce que lui reprochera Kant, que l' idée de substance n'est qu' une idée, parmi d' autres ( idem des attributs de la substance ). Spinoza estime que si j' ai l'idée de la substance c'est que la substance existe et indépendamment du fait que j en ai l' idée , c' est à dire indépendamment du fait que l' homme la pense ou pas, ce qui veut dire entre autre que la substance existe antérieurement à l apparition de l' homme sur terre .
L idée de de l'attribut étendue n 'est pas étendue, certes , tout comme l'idée d 'une table nets pas une table . Je ne voit pas l' idée que j' ai de voir néanmoins je vois.
....................
vous côtoyez <b>l' idéalisme </b>en maintenant néanmoins la matière à moins que vous la refusiez. En tout état de cause comme il est arrivé à Berkeley il faut bien rendre compte de la différence entre les phénomènes comme idées( chez B) et les idées (ou notions ) des phénomènes.( Berkeley va <b>réifier</b> les idées , ce qui est une manière de réhabiliter plus ou moins les corps étendus)
. je ferme la parenthèse sur Berkeley bien évidemment idéaliste ce que Spinoza n'est pas . Les deux sont néanmoins <b>monistes</b>. La comparaison entre les deux est un autre sujet .
....................

3) Cette distinction - toute irréductible soit-elle par nature - est un propre de l'homme (et autres animaux) mais il n'y a pas lieu d'en faire une propriété substantielle, et c'est même impossible.


La distinction est de tradition. Elle est faites par Descartes qui suit la tradition: substance matérielle /substance spirituelle.
Spinoza à la différence de la tradition ne substantifie pas les termes de la distinction. Les attributs , de plus, ne se causent pas les uns les autres .D où le parallélisme .
Lorsque vous voyez un objet que vous touchez c'est du parallélisme. Si vous pensez consciemment un objet que vous voyez et touchez, c' est du parallélisme . Spinoza regroupe en un seul ensemble tout ce qui est perçu par les sens et en distingue ce qui n' est pas sensible ( la pensée ) .
Ce qui ne me parait pas absurde .
D' autant moins absurde que pour l' homme<b> il parle d 'union de l'esprit et du corps.</b>
sur cette question je vous trouve plus systématique que lui

Pourquoi ne pas faire de ce qui est visible/ tangible une propriété de la nature ? Et après tout pourquoi ne pas la distinguer de ce qui dans la nature nous en informe et qui nest ni visible ni tangible . Nous avons des propriétés de la substance, et donc: <b>substantielles </b>.

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Messagepar sescho » 19 juin 2012, 21:57

hokousai a écrit :Non ce n est pas ce que pense Spinoza ...

Je me suis mal exprimé : je voulais dire que ce que dit Spinoza est que les attributs sont "incommunicables" et que si c'était réellement le cas on ne pourrait avoir d'idée de l’Étendue.

hokousai a écrit :vous côtoyez <b>l' idéalisme </b>en maintenant néanmoins la matière à moins que vous la refusiez.

Non, je considère que nous avons l'idée de l’Étendue, sinon telle qu'elle est du moins en tant qu'elle l'est distinctement, pour nous, de la pensée.

hokousai a écrit :Lorsque vous voyez un objet que vous touchez c'est du parallélisme. Si vous pensez consciemment un objet que vous voyez et touchez, c' est du parallélisme .

La notion de "parallélisme" renvoie aux attributs, qui sont des "faces" de la substance même. Le seul point que je conteste est le dernier : qu'il soit pertinent de placer au niveau de la substance même ce qui n'appartient qu'aux "modes conscients."
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Messagepar hokousai » 19 juin 2012, 23:51

cher Serge

Une substance sans attribut est inconcevable .
Donc c''est Un ou plusieurs .
Si c'est un , c'est me direz -vous la pensée puisqu'en première instance la substance est pensée . Mais du point de vu de Spinoza "un"" ce n'est pas la perfection.
De mon point de vue et peut être du sien la pensée n' a de priorité sur d'autres attributs .
Qu'en est-il des autres ? Certes nous <b>pensons l' étendue</b> ce qui laisse tout loisir à l idéalisme .( dit en passant nous la pensons mais aussi nous la voyons, la touchons, nous y agissons etc… tout cela du corps )
Mais
<b> quand nous ne pensons pas les objets sont ils encore là ou pas ?</b> Question cruciale posée à Berkeley ( figure emblématique de l'idéalisme ) . Berkeley est bien obligé de répondre que les objets sont encore là ( le cheval est dans l'écurie )
Il faut alors admettre que les corps ne sont pas ontologiquement dépendant des <b>modes conscients</b> .

C' est un pari . Mais je ne connait guère de philosophe sollipsiste au points d affirmer avec la plus grande certitude que quand il ferme les yeux ou ne pense plus au paysage qu' il voyait le paysage n' existe plus.
Qu il existe sous forme d idées, peut être, mais alors ces idées ressemblent fort aux corps .

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Messagepar sescho » 20 juin 2012, 15:06

hokousai a écrit :Une substance sans attribut est inconcevable .
Donc c''est Un ou plusieurs .

C'est juste un problème terminologique selon moi : vous avez raison si vous bornez le terme "substance" à "ce qui est en soi et conçu par soi", en posant en même temps que cela n'indique aucun "être-substrat" réel, ce qui en fait une définition purement théorique, n'autorisant pas à en affirmer l'idée comme vraie, et donc traduisant une essence réelle (ce qui est contraire à l'esprit des définitions de Spinoza, selon moi.) Pour moi, la notion d'attribut ne peut être justifiée que parce qu'il y en a plus d'un, sinon la notion est superfétatoire : la substance suffit, et il n'y a pas à en préciser les attributs. Donc "un" et "absolument infini" c'est la même chose (tout être est contenu "dedans"...)

Si je me contente (et je m'en contente pleinement) de "Par Dieu j'entends une substance absolument infinie", ou "Par Dieu j'entends un être qui est en soi et conçu par soi et est tout être" (ou "en dehors duquel il n'y a pas d'être" sous une forme négative, qui dérange un peu), je n'ai pas de difficulté sans introduire la notion d'attribut. Bien sûr, derrière il va falloir faire quelque effort supplémentaire... ;-) Et effectivement se profile un problème : autant je conçois bien la Pensée en soi et l’Étendue en soi (qui portent donc effectivement clairement chacun les caractères d'une substance), autant sorti de là il devient difficile de dire ce qui me donne l'idée claire et distincte de la nature de Dieu. Difficile, mais il faut essayer pour savoir...

hokousai a écrit :Si c'est un , c'est me direz -vous la pensée puisqu'en première instance la substance est pensée . Mais du point de vu de Spinoza "un"" ce n'est pas la perfection.

Je ne sais pas à quoi vous faites allusion... Comme je l'ai déjà dit "Un" est encore trop numérique pour être propre à Dieu ; je peux le remplacer aussi bien ici par "Tout," mais cela aussi n'est pas parfaitement propre à Dieu. L’Être, c'est mieux.

Pour le reste, je considère que la pensée est liée (mais pas comme le présente Spinoza) à l'étendue (dans la substance unique "PenMat"), que l'étendue est objectivement perçue et que ce nous voyons, même si ce n'est pas limité à comment nous le voyons, resterait en quelque chose si nous ne le voyions plus, etc. Ce n'est pas là que je vois un problème, comme déjà dit, mais uniquement dans le fait de faire essence première de la substance ce qui n'est qu'une propriété de la manifestation (comme la faim, la soif, etc.)

Par ailleurs, j'ai fait mention d'objections :

1) On peut concevoir une infinité de substances ayant une infinité d'attributs (parce que le cadre est de toute évidence celui d'ensembles discrets : les attributs se comptent), et donc l'équivalence contenue dans E1D6 est fausse, ainsi que la première phrase de E1P14Dm. Alterner les références à "absolument infini" et "une infinité d'attributs" en fonction de la nécessité est illégitime dans ce cadre.

2) La lettre 66 de Spinoza à Tschirnhaus (variante de "pourquoi ne percevons-nous que 2 attributs ?") indique par la voix de Spinoza lui-même que les attributs sont appariés. Outre que ceci ajoute une complication ad hoc suspecte, on doit en déduire que le parallélisme pur de Spinoza entre tous les attributs est déjà mort par cet appariement même. En outre, et corrélativement, si je fais une unité de chaque paire, qu'est-ce qui me pousserait à en postuler une infinité ?

3) On ne peut pas avoir l'idée d'un attribut dans un autre attribut dans le cadre du parallélisme spinozien, qui exclut la communication entre eux (dire que j'en ai l'intuition n'est pas une réponse adéquate à cette objection, éludant le problème tel que posé ci-dessus : nous parlons de la cohérence du système de Spinoza pris en lui-même ; il ne convient pas de changer de registre.)

Avez-vous des objections à ces objections ?

hokousai a écrit :De mon point de vue et peut être du sien la pensée n' a de priorité sur d'autres attributs .
Qu'en est-il des autres ? Certes nous <b>pensons l' étendue</b> ce qui laisse tout loisir à l idéalisme .( dit en passant nous la pensons mais aussi nous la voyons, la touchons, nous y agissons etc… tout cela du corps )

Pour Spinoza les attributs se valent parfaitement (c'est le parallélisme), mais il est un fait que toute connaissance relève de la pensée, y compris celle de l'étendue. La pensée est donc soit première soit concomitante. Si elle est première dans un système à base d'attributs, elle ne peut être que seule perçue (et donc le système à base d'attributs n'a pas de sens.) Donc elle est concomitante (d'où mon "pensée-de-l'étendue"), et il n'y a pas non plus d'attribut au niveau de la substance (puisqu'un attribut ne peut en percevoir un autre...)
Connais-toi toi-même.


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