Le « parallélisme » : une erreur de Spinoza ?

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar hokousai » 22 juin 2012, 19:36

je reviens un peu en arrière
La phrase est tellement explicite qu'il est difficile de la rendre mieux : pour une chose particulière, il y a une infinité de "représentations" dans l'entendement de Dieu. Ces "représentations", ces "âmes" ou "idées" en nombre infini, correspondent à autant d'attributs différents.


L' idée de<b> représentation </b> ne semble pas convenir. L'idée ne représente pas la chose ( le mode de l'étendue dont elle est l' idée ) comme une image représente un objet et lui ressemble.
Si l'idée est une <b>représentation</b> alors je ne vois pas le monde ( un monde extérieur et objet de la pensée ) mais je vois des représentations, c' est à dire des idées . Je suis alors enfermé dans la pensée et à la limite dans MA pensée .
Schopenhauer écrit
<b>« Aucune vérité n’est donc plus certaine, plus absolue, plus évidente que celle-ci : tout ce qui existe, existe pour la pensée, c’est-à-dire, l’univers entier n’est objet qu’à l’égard d’un sujet, perception que par rapport à un esprit percevant, en un mot, il est pure représentation. »</b>
Spinoza ne le voyait certainement pas ainsi ( il est antérieur à Kant ). Les opinions de Schopenhauer sont proches de celles de Berkeley mais Berkeley est un scandale pour le 17eme siècle . Schopenhauer est d' ailleurs plus radical que Berkeley. S. dit "<b>je suis et en dehors de moi il n 'y a rien. Car le monde est ma représentation</b>"

Je me borne à vous dire que Spinoza ne pensait pas tel que vous l'interprétez.
Maintenant libre à vous de le critiquer.

Pour ma part je partage le "réalisme" de Spinoza .
Si je vois et touche le monde je pense en parallèle le monde . Je veux dire que les affections du corps ( chères à Spinoza ) ne sont pas des <b>représentations.</b>
Qu' elles ne nous disent pas tout des objets, certes . Seule les affections infinies d' un corps infini seraient parallèlement pensées par une infinité d' idées dont ce corps affecté serait l' objet

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Messagepar hokousai » 23 juin 2012, 01:08

je vous recopie une partie d 'un texte intéressant sur Malebranche
versus Spinoza (Syliane Charles
Horizons philosophiques, vol. 9, n° 1, 1998, p. 33-49)

"Chez Spinoza, les modes finis que sont les choses particulières (dont les corps), sont en Dieu, elles sont Dieu d'une certaine manière, en tant que modifications de sa substance : les corps peuvent tirer leur
substance de la Nature Naturante sans que la substance soit
divisible en parties comme le sont ses déductions modales,
périssables. Pour Malebranche, c'est là une idée inconcevable.
<b>L'étendue intelligible n'est pas, pour lui, la substance dont les
corps seraient des modifications, mais l'idée de cette substance
elle-même créée, c'est-à-dire extérieure à Dieu, et ensuite
découpée en parties par la sensation des êtres individuels, ou
encore Vidée infinie qu'a Dieu de la substance étendue dont le
monde matériel est composé.</b> C'est donc, en quelque sorte une idée de la substance étendue à la seconde puissance, tandis que chez Spinoza, selon la terminologie de Malebranche, ce serait une idée de ce qu'est la substance étendue à la puissance un, à un même niveau ontologique, qui
resterait celui de la chose créée : d'où, évidemment, lereproche de confondre les idées des choses avec les choses mêmes. Malebranche exprime cette critique, et, bien qu'en langage spinoziste, comme nous l'avons vu, elle soit injustifiée pour les raisons que donne Malebranche, elle est tout de même juste.
La raison pour laquelle la critique de Malebranche envers Spinoza ne peut être comprise par Dortous de Mairan est tout simplement que Spinoza n'entend pas le terme «idée» dans la même acception que lui, comme l'explique clairement Joseph Moreau dans son introduction à la correspondance entre Malebranche et Dortous de Mairan :

Le terme d'idée n'a pas chez Malebranche et chez
Spinoza le même sens [ . . . ]. La vision en Dieu s'accorde, ainsi que le note Mairan, avec le spinozisme, pour autant que les corps y sont conçus par des déterminations de l'étendue, attribut divin.<b> Mais dans le spinozisme, ces déterminations de l'étendue ne sont pas les idées qui nousreprésentent les corps; elles ne pas des réalités créées extérieures aux attributs divins; elles sont les corps eux-mêmes érigés
ainsi en modifications d'un attribut divin [...]</b>. Si en un sens le spinozisme, en nous représentant les corps comme des modifications de l'étendue infinie ellemême, nous enseigne comme Malebranche que nous
les voyons en Dieu, d'autre part, en identifiant ces corps aux déterminations de l'étendue infinie elles-mêmes, en faisant de celles-ci un idéat, c'est-à-dire la réalité même des corps,<b> il implique que nous les voyons cependant en eux-mêmes, c'est-à-dire directement et sans intermédiaire</b> ce que Malebranche ne saurait accepter
etc......"

http://www.erudit.org/revue/hphi/1998/v9/n1/801090ar.pdf

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Messagepar hokousai » 27 juin 2012, 00:27

<b> il implique que nous les voyons cependant en eux-mêmes, c'est-à-dire directement et sans intermédiaire</b>
Cette thèse me parait d'une extrême importance . Je ne sais si je la comprends bien .Voyons -nous le monde directement ou bien voyons nous une représentation mentale du monde ? Je mesure l'actualité de Spinoza à ce genre de problème soulevés. Spinoza nous permet d' enjamber l'idéalisme allemand ( Kant Hegel ), tentative irréaliste et pour le coup sceptique.

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Messagepar sescho » 28 juin 2012, 22:16

Outre d'augmenter ma bibliothèque en textes de Schopenhauer, j'ai fait un parcours rapide mais assez large sur le traitement de la (dualité / non-dualité) (Pensée / Matière.) Le sujet occupe la Philosophie depuis l'origine, et n'est (évidemment...) pas encore considéré clos aujourd'hui. Beaucoup des grands noms de la Philosophie, sinon tous, en ont traité...

Il n'est pas pour l'instant dans mes objectifs d'en traiter "moi-même"... ;-)

J'en suis certain : le "parallélisme" est une option fausse de Spinoza. Cela dit, il y autre chose dont je suis certain, et qui domine largement cela : la vision de Spinoza de l'Univers est pour l'essentiel la seule juste. Il ne suffit pas de dire quelque vérité au détour d'une phrase, entre de très nombreuses autres phrases, encore faut-il mettre l'essentiel à la place qui lui revient et les conséquences ensuite, ce que fait Spinoza. Par ailleurs, Spinoza rectifie l'essentiel, une fois absolutisé le dualisme Pensée / Matière (et de poser vrai ce qui est intuitivement clair et distinct est incontournable en matière de vérité, et tend par conséquent à cela) : l'unicité de la substance (et Schopenhauer me semble lui rendre grâce de cela, au-delà des critiques - il ne retient manifestement pas le parallélisme.) Par ailleurs, il revient totalement ensuite - même si c'est au prix de diverses contorsions de mon point de vue - à une base empirique (E2P19 et suivantes) de sensations, inadéquates en toute chose per se.

hokousai a écrit :Si l'idée est une <b>représentation</b> alors je ne vois pas le monde ( un monde extérieur et objet de la pensée ) mais je vois des représentations, c' est à dire des idées . Je suis alors enfermé dans la pensée et à la limite dans MA pensée .
Schopenhauer écrit
<b>« Aucune vérité n’est donc plus certaine, plus absolue, plus évidente que celle-ci : tout ce qui existe, existe pour la pensée, c’est-à-dire, l’univers entier n’est objet qu’à l’égard d’un sujet, perception que par rapport à un esprit percevant, en un mot, il est pure représentation. »</b>

Schopenhauer écrit aussi : « L'idéalisme transcendantal ne conteste nullement la réalité empirique du monde présent devant nous. Au contraire, il dit simplement qu'il n'est pas inconditionné, puisqu'il a pour condition nos fonctions cérébrales, d'où naissent les formes de la perception intuitive, à savoir temps, espace et causalité ; en conséquence, cette réalité empirique elle-même n'est que la réalité d'une apparence phénoménale. » (Parerga et Paralipomena, Fragments sur l'histoire de la philosophie)

Il le dit en outre on ne peut plus clairement dans De la quadruple racine du principe de raison suffisante ("De la loi de causalité découlent deux corollaires importants qui lui doivent leur caractère authentique de connaissance a priori, qui sont placés par conséquent hors de tout doute et qui ne comportent aucune exception : ce sont les lois d'inertie et de permanence de la substance [plus loin : la matière.]" Etc.

Wikipedia (Idéalisme) : Schopenhauer, idéalisme volontariste : le monde est à la fois ma représentation, et un principe non rationnel dépourvu de connaissance, la Volonté, qui parvient à se "connaître" par la représentation dans le monde phénoménal.

Encore une fois : il y a alternative au tout ou rien : on peut avoir certitude qu'il existe quelque chose qui n'est pas assimilable à la pensée qui le pense, et pour autant n'est pas réductible à ce que la pensée en pense (mais j'admets que cette phrase même est discutable, et porte plus ou moins tout le problème...)

Quelques liens glanés en passant :

Wikipedia : Querelle du panthéisme

Durckheim : http://durkheim.uchicago.edu/Texts/1884a/71.html

Plotin : http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/plotin/enneade56.htm

Lavelle : http://sophia.free-h.net/spip.php?article407

Sur Lange à propos de Kant : http://www.cairn.info/revue-de-metaphysique-et-de-morale-2002-3-page-363.htm

Et au passage, ceci : http://jeanericbitang.wordpress.com/2010/10/03/la-pensee-est-elle-materielle/
Connais-toi toi-même.

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Messagepar hokousai » 29 juin 2012, 00:15

cher Serge

<b>Schopenhauer écrit aussi : « L'idéalisme transcendantal ne conteste nullement la réalité empirique du monde présent devant nous.</b>
peut être, sauf que si la réalité empirique <b> a pour condition nos fonctions cérébrales</b>, elle n' a pas de réalité hors de ces conditions.


La question est extrêmement simple.
Et Berkeley a qui on posait la question de l'existence des objets hors de la perception répondait que"" Le cheval est dans l'écurie, les livres sont dans le cabinet de travail comme auparavant." ( quand nous sommes ailleurs et percevons autre choses ).
L'immatérialsime de Berkeley ne pose pas vraiment de problème son phénoménisme non plus
Berkeley dit <b>Quand nous nous évertuons à concevoir l'existence des corps extérieurs, nous ne faisons, pendant tout ce temps, que contempler nos propres idées.</b>. Le problème de Berkeley est le suivant :comment sait il que ces idées sont à l'intérieur de l'esprit ? Puisqu' il n'y a pas d'objets extérieurs, comment peut- il y avoir un intérieur ?
Mais bref sur Berkeley lequel je révère cependant, en ce quil est très stimulant et a en partie raison.

Kant est passé par là et l' idéalisme solipsiste fortement imprégné de Kantisme de <b>Schopenhauer</b> pose un sérieux problème . Autant chez Berkeley le monde est ouvete ne fut- il composé que d idées autant chez Schopenhauer il est fermé ,fermé à tout accès et pout tout dire plus ou moins réduit à ce que moi /ego j' en pense .
Ce que Spinoza n' aurait pas admis du tout .

Quant au <b>parallélisme</b>
La forme spinoziste est sans doute un peu trop mathématique et fait penser à une relation de bijection avant la lettre. A ne pas mettre donc entre les mains des mathématiciens.
Ce nest pas ainsi que je le comprends. Car je souscris au parallélisme de Spinoza.
Je m'explique
je vois un objet .Si je ferme les yeux cet objet est toujours visible. Le monde n a pas changé, il est visible de par sa constitution. Je ne vois pas une représentation. Je vois ce que le monde a (de par sa constitution) de visible . Je ne vois pas une image dans le cerveau .
Le monde et mon corps sont affectés . Si le monde par sa constitution est tangible, je le touche, je ne touche pas une représentation du monde.

Maintenant en plus de voir et de toucher, je pense.
Je ne pense pas une représentation du monde. Je pense le monde comme je vois ou touche le monde, directement.

Je vois j' ai conscience de voir. La cause de la conscience n'est pas dans le monde étendu mais dans l' esprit apte à être conscient.
La conscience ne cause pas le monde étendu et inversement .

S' il y a des sensations simultanées c'est grâce à l'étendue.
S 'il y a des idées des corps c'est
1) grâce à la pensée
2) grâce à l'étendue .
les deux simultanément .
............................................

Maintenant quand je ne pense pas ou que je ne perçois pas le monde ...celui ci existe.
Spinoza estime qu'il y a une puissance infinie de penser, les pensées particulières qu' elle forme s enchainant de même manière que les parties de la nature qui est l objet dont elle est l idée .

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Messagepar sescho » 01 juil. 2012, 16:21

Oui, tout cela est frappé de bon sens.

Autre illustration, mais vu par le petit bout de la lorgnette : si la pensée est assimilable à un signal électrique, alors tout signal électrique est assimilable à de la pensée (aussi rudimentaire et différente de la nôtre soit-elle), et au-delà toute l'énergie cosmique est assimilable à de la pensée : donc Dieu-Nature pense...

Maintenant, je rappelle le problème tel que personnellement je le pose ici : il ne s'agit plus de "traduire" Spinoza (je pose ici qu'on a préalablement perçu sa vision ; encore que nous ne sommes pas tombés d'accord sur la lecture de la lettre 66...), mais de le critiquer (pour ou contre), et ceci sur un point très particulier, loin de résumer tout Spinoza : le concept d'attribut de la substance et le parallélisme qui va avec. Ceci ne met pas en cause l' "âme" d'une chose singulière, mais uniquement de faire de la dualité Pensée / Matière la nature même de Dieu-Nature (d'ajouter que c'est en fait la même chose tout en étant totalement distinct n'est pas vraiment recevable), ni même toutes les excellentes raisons qui tendent à poser le parallélisme des attributs (distinction de nature d'être Pensée/Matière claire et distincte, ou du moins très convaincante, unicité de Dieu-Nature posée a priori et incontestable, etc.)

La question que je pose est donc : est-il légitime de faire des attributs de Dieu-Nature même ce qui apparaît comme des dimensions différentes de l'être à la conscience humaine ?

Et je réponds : non. Outre que je le ressens intuitivement - comme beaucoup d'autres ; voir encore ci-dessous - comme faux, et comme forcé chez Spinoza, je pense avoir relevé plus haut des raisons logiques qui contredisent cette option à partir du texte de Spinoza même.

Note : pour la lettre 66 c'est pour moi très clair : logiquement, il n'y a aucune raison que l’Étendue ait son parallèle objectif la Pensée et que les autres attributs formels n'aient pas de parallèles objectifs eux-mêmes (et ne seraient donc pas dans l'Entendement infini de Dieu) : donc les attributs sont forcément appariés formel-objectif et l'infinité des attributs objectifs constituent l'Entendement infini de Dieu (Spinoza ajoute "entendement absolument infini" dans la lettre 64, au moins.)

Lettre 4 à Oldenburg : ... Vous paraissez accorder que si la pensée ne se rapporte point à la nature de l’étendue, alors l’étendue ne sera point terminée par la pensée ; car votre doute ne porte que sur cet exemple particulier. Mais remarquez ceci, je vous prie : si quelqu’un vient dire que l’étendue n’est point terminée par l’étendue, mais par la pensée, n’est-ce pas comme s’il disait que l’étendue n’est point infinie absolument, mais seulement infinie sous le point de vue de l’étendue ? En d’autres termes, celui qui parle ainsi ne m’accorde point que l’étendue soit absolument infinie, mais il m’accorde qu’elle l’est sous le point de vue de l’étendue, c’est-à-dire dans son genre. Mais, dites-vous, la pensée est peut-être un acte corporel ? Soit, bien que je reste tout à fait convaincu du contraire ; mais vous ne nierez pas toujours ce point, que l’étendue, en tant qu’étendue, n’est point la pensée ; ce qui suffit pour expliquer ma définition et pour démontrer ma troisième proposition. ...

Lettre 9 à Simon de Vries : ... Vous dites que je ne démontre pas que la substance (ou l’être) puisse avoir plusieurs attributs ; c’est que vous n’avez pas regardé de près mes démonstrations. J’ai donné deux preuves de la proposition que vous contestez : la première, c’est qu’il n’y a rien de plus évident que ce principe, que tout être est conçu par nous sous un certain attribut, et que plus il a de réalité ou d’être, plus il a d’attributs ; d’où il suit que l’être absolument infini doit être défini, etc. Ma seconde preuve et à mon avis la principale, c’est qu’à mesure que j’assigne à une chose un plus grand nombre d’attributs, j’en suis d’autant plus forcé de reconnaître son existence, c’est-à-dire de la concevoir comme vraie. Or, ce serait tout le contraire si j’avais imaginé une chimère ou quelque chose de semblable.
Vous dites encore que vous ne concevez la pensée que par les idées, à cause que si l’on ôte les idées, la pensée n’est plus. Cela vient de ce qu’en faisant abstraction des idées, vous qui êtes une chose pensante, vous faites abstraction de toutes vos pensées et de tous vos concepts. Or ce n’est pas merveille qu’après avoir retranché toutes vos pensées, il ne vous reste plus rien à penser ensuite. Mais quant au fond de la chose, je crois avoir démontré, avec toute la clarté et l’évidence désirables, que l’entendement, quoique infini, se rapporte à la nature naturée et non pas à la nature naturante. Du reste, je ne vois pas en quoi tout cela peut servir à l’intelligence de la troisième définition, ni quelle difficulté vous y trouvez. La voici telle que je crois vous l’avoir communiquée : Par substance, j’entends ce qui est en soi et est conçu par soi, c’est-à-dire ce dont le concept n’enveloppe pas le concept d’une autre chose. Par attribut, j’entends exactement la même chose, avec cette seule différence que l’attribut se rapporte à l’entendement, en tant qu’il attribue à la substance telle nature déterminée. Cette définition, je le répète, explique assez clairement ce que je veux entendre par substance et par attribut. Vous désirez toutefois que j’explique par un exemple comment une seule et même chose peut être désignée par deux noms. Pour ne point vous sembler avare, au lieu d’un exemple, je vais vous en donner deux. Je dis d’abord que par Israël j’entends le troisième patriarche ; et je n’entends pas autre chose par le nom de Jacob, ce patriarche ayant été appelé Jacob parce qu’il tenait en naissant le pied de son frère. Secondement, j’entends par plan ce qui réfléchit tous les rayons de la lumière sans aucune altération, et par blanc [n'est sans doute pas la bonne traduction], j’entends la même chose, avec cette différence que le blanc se rapporte à l’homme qui regarde un plan, etc.

Lettre 63 de Meyer à Spinoza : ... Je voudrais savoir, premièrement, si nous pouvons connaître d’autres attributs de Dieu que la pensée et l’étendue. Et sur ce point, veuillez me donner une démonstration directe, et non pas une preuve par l’absurde. Supposé que nous ne connaissions que les deux attributs dont je viens de parler : s’ensuit-il que les créatures qui sont constituées par d’autres attributs ne puissent concevoir aucune étendue ? Il résulterait de là qu’il faudrait admettre autant de mondes qu’il y a d’attributs en Dieu ; et alors, autant notre monde aurait d’étendue, autant on en devrait donner aux autres mondes, constitués par d’autres attributs. Or, de même que nous ne percevons, outre la pensée, que la seule étendue, les créatures de chacun de ces mondes ne percevraient avec la pensée que les attributs de leur monde particulier.
Voici ma seconde difficulté : L’entendement de Dieu différant, selon vous, du nôtre, tant par l’essence que par l’existence, il n’y a donc entre eux rien de commun ; et par conséquent (en vertu de la Propos. 3, part. 1, de l’Éthique) l’entendement de Dieu ne peut être cause du nôtre.
Vous dites (c’est ma troisième objection), dans le Scholie de la Propos. 10 de l’Éthique, part. 1, que s’il y a une chose claire dans la nature, c’est que chaque être se doit concevoir sous un attribut déterminé (jusque-là j’entends parfaitement), et qu’à mesure qu’il a plus de réalité ou d’être, un plus grand nombre d’attributs lui conviennent. II paraît suivre de là qu’il y a des êtres qui possèdent trois, quatre attributs, ou un plus grand nombre ; et cependant on a le droit de conclure des démonstrations qui précèdent que chaque être est constitué par deux attributs seulement, savoir, par un attribut déterminé de Dieu et par l’idée de ce même attribut.
Ma quatrième demande serait d’avoir des exemples de choses produites immédiatement par Dieu, et de choses produites par l’intermédiaire de quelque modification infinie. La pensée et l’étendue, ce me semble, appartiennent à la première catégorie ; l’entendement dans la pensée, le mouvement dans l’étendue, à la seconde.

Lettre 64 à Meyer, en réponse à la précédente : ... Il est donc évident que l’âme humaine, ou l’idée du corps humain, n’enveloppe ni n’exprime d’autres attributs de Dieu que la pensée et l’étendue. Or, de ces deux attributs et de leurs affections, il est impossible (par la Propos. 10, part. 1) de déduire aucun autre attribut. Je conclus donc que l’âme humaine ne peut connaître que les attributs de l’étendue et de la pensée ; ce que je me proposais de démontrer.
Vous demandez s’il faudra reconnaître autant de mondes différents qu’il y a d’attributs de Dieu. Je vous renvoie pour cela au Schol. de la Propos. 7 de l’Éthique, part 2. Du reste, cette proposition pourrait se démontrer plus aisément par l’absurde ; et quand il s’agit d’une proposition négative, je préfère ce genre de démonstration à la preuve directe, comme plus analogue à son objet. Mais puisque vous ne voulez que des démonstrations positives, je n’insiste pas et j’arrive à votre seconde objection.
Vous doutez qu’il soit possible, quand deux choses diffèrent entre elles tant sous le rapport de l’essence que sous celui de l’existence, que l’une d’elles produise l’autre, n’y ayant rien de commun entre des choses si différentes. Mais veuillez remarquer que tous les êtres particuliers, hormis ceux qui sont produits par leurs semblables, diffèrent de leurs causes tant par l’essence que par l’existence ; ce qui ôte tout sujet de doute à cet égard.
Quant au sens précis où j’ai dit que Dieu est la cause efficiente des choses, de leur essence comme de leur existence, je crois m’être suffisamment expliqué dans le Scholie et le Corollaire de la Propos. 25 de l’Éthique, part. 1.
Le principe renfermé dans le Scholie de la Propos. 10, part. 1, est fondé, comme je l’ai dit à la fin de ce même Scholie, sur l’idée que nous avons de l’Être absolument infini, et non point sur ce qu’il y a ou peut y avoir des êtres doués de trois, quatre, cinq attributs.
Voici les exemples que vous me demandez : pour les choses de la première catégorie, je citerai, dans la pensée, l’entendement absolument infini ; dans l’étendue, le mouvement et le repos ; pour celles de la seconde catégorie, la face de l’univers entier, qui reste toujours la même, quoiqu’elle change d’une infinité de façons. Voyez, sur ce point, le Scholie du Lemme 7, avant la Propos. 14, part. 2.

Je crois qu'on peut vraiment dire que cette option tout-à-fait originale de Spinoza ne convient à personne, ou presque... Et les explications de Spinoza ne me semblent guère convaincantes. Je note aussi que ses réponses à Oldenburg et à de Vries - qui avaient donc en main la version de l’Éthique de 1663 - sont quand-même plutôt "tolérantes" vis-à-vis de l'option alternative d'origine "purement" humaine / modale de la dualité Pensée/Étendue...

Par ailleurs, comme je l'ai déjà dit plus haut, Spinoza ne fait finalement rien de particulier du concept d'attribut et du parallélisme en Dieu-Nature (à part se compliquer un certain nombre de démonstrations) : avec E2P19 et suivantes il "repart" d'une vision purement empirique (sensations) à la base de la connaissance. Ceci combiné aux fortes raisons dites (unicité de Dieu-Nature et dualité Pensée / Matière au niveau de l'entendement humain) ne touche finalement que peu l'ensemble de l’œuvre (même si l'impact psychologique est fort s'agissant des premières définitions et corrélativement de la base ontologique de première importance.)

En tout état de cause, on peut au titre d'exercice - potentiellement fructueux et fort intéressant - voir ce que donnerait l’Éthique en ôtant le concept d'attribut et le parallélisme...

Il me semblerait en revanche être une trahison de Spinoza (et plus que cela) de repartir d'une optique purement empiriste d'emblée (ce qui a historiquement accompagné la scission Physique / Philosophie, l'accent mis sur l'épistémologie des sciences en Philosophie, etc.) L'enjeu spirituel, bien réel et essentiel, tend dans un tel contexte à passer au second plan, voire à la trappe, et il n'y a pas plus haute trahison. Spinoza ne nie nullement, de mon point de vue, les a priori de la sensibilité et de l'entendement (autrement dit de l'arsenal sensitif et conceptuel inné : la perception selon la durée et l'espace, la nature de l'entendement, etc. ) mais il part en toute logique non de cette décomposition duale mais de ce qui est le plus fondamental : l'idée claire et distincte de Dieu-Nature qui est la synthèse directe et intuitive de tout cela. Et si la substance PenMat est elle-même "en partie" vue par elle-même "en partie", elle reste d'emblée et non par une quelconque déduction le commun cohérent et immédiat à ces "parties" d'elle-même. Un tel fondement ne peut être remis en cause. Mais cela nous renvoie vers beaucoup plus difficile encore : une vision juste autant que possible du monde par l'homme.
Modifié en dernier par sescho le 01 juil. 2012, 20:51, modifié 1 fois.
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Messagepar sescho » 01 juil. 2012, 20:34

hokousai a écrit :je vois un objet .Si je ferme les yeux cet objet est toujours visible. Le monde n a pas changé, il est visible de par sa constitution. Je ne vois pas une représentation. Je vois ce que le monde a (de par sa constitution) de visible . Je ne vois pas une image dans le cerveau .
Le monde et mon corps sont affectés . Si le monde par sa constitution est tangible, je le touche, je ne touche pas une représentation du monde.

On pourrait vous objecter que si tout le monde conscient ferme les yeux, il n'y aura plus rien pour voir et donc que le terme "visible" aura perdu son sens : pour qu'il soit du visible il faut qu'il y ait vision : il n'est pas visible per se. C'est par extension de cela que certains peuvent dire que le monde n'existe que s'il existe une conscience pour le voir, sinon exister ne veut plus rien dire... Nous pouvons certes imaginer, nous qui avons conscience, un monde duquel la conscience aurait disparu, mais cela reste une imagination de quelqu'un qui de fait est conscient...

Mais je suis d'accord : je ne doute pas une seconde que quelque chose de similaire quelque part à ce que vois ou touche ou même entend ou sent ou goûte serait quand-même sans conscience pour le voir. De ce que j'ai compris, Schopenhauer l’admet tout à fait : la matière est une réalité... au travers de la représentation relative que j'en ai. C'est pourquoi je dis que le tout ou rien ne convient pas : cela peut être à la fois perçu comme réel, et néanmoins perçu d'une façon subjective en quelque part. Une question subsidiaire est évidemment en inversé : comme je ne peux absolument pas sortir de mon mode de représentation, qu'est-ce qui me permet de poser que les choses peuvent être autrement que je me les représente (sans en rester à ce que l'aspect microscopique ne m'est pas accessible, etc.) ?

hokousai a écrit :Je ne pense pas une représentation du monde. Je pense le monde comme je vois ou touche le monde, directement.

Certes, mais cela ne veut pas dire que ma perception du monde est coextensive au monde réel. Je suis même persuadé du contraire. Le fait que je pense le monde est synonyme de représentation.

hokousai a écrit :Je vois j' ai conscience de voir. La cause de la conscience n'est pas dans le monde étendu mais dans l' esprit apte à être conscient.
La conscience ne cause pas le monde étendu et inversement .

S' il y a des sensations simultanées c'est grâce à l'étendue.
S 'il y a des idées des corps c'est
1) grâce à la pensée
2) grâce à l'étendue .
les deux simultanément .

C'est cela, mais cela ne veut pas dire qu'il faille en faire des attributs de la substance ; cela peut très bien en rester au niveau modal.
Connais-toi toi-même.

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Messagepar hokousai » 01 juil. 2012, 23:43

cher Serge

Le fait que je pense le monde est synonyme de représentation.
J'insiste sur le parallélisme parce que ce n'est pas une idée secondaire chez Spinoza .( voir les prop de la partie 2 jusqu à prop 29 au moins )

<b>Sur le réalisme de Spinoza</b>.
On est là dans l'enchaînement des affections du corps humain pour le distinguer de l' enchaînement des idées qui se fait suivant l'ordre de l'intellect grâce auquel l'esprit perçoit les choses par leurs premières causes ( scolie prop 18/2)
Spinoza dit que j' ai les idées des affections du corps. Que ces idées renseignent sur les affections du corps plus que sur la nature des objets extérieurs.
Ce qui ne contrarie pas le parallélisme.

Maintenant, effectivement, plus d'affections du corps nous donnerait un plus de connaissance des objets extérieurs. Oui mais où est la limite ?
Pour la nature ( Dieu) à il n 'y a pas de limites. La chose en soi c' est la substance une et indivisible infiniment modifiée
.
On n'a pas une représentation dans l'esprit, on a les affections du corps et les idées qui ont pour objets ces affections du corps. Sans qu'il y ait causalité entre étendue et pensée ( et inversement )
L' inversement est d'ailleurs couramment admis encore que pour Spinoza si vous n'avez rien qui exclut dans la pensée l'existence d' un corps vous posez l'existence de ce corps en votre présence.

.........................................

On pourrait vous objecter que si tout le monde conscient ferme les yeux, il n'y aura plus rien pour voir et donc que le terme "visible" aura perdu son sens


Le problème ( s' il ya ) n'est pas là car <b>il y a</b> effectivement vision. Il faut être positif et enregistrer ce qu' il y a comme expression de la nature. La nature est visible non parce que je la vois mais puisque je la vois. Donc la nature est visible par soi , de par sa nature.
De par sa nature, la nature est exprimée selon une infinité d'attribut. Vous commenceriez par douter de la plus evidente expression du monde naturel à savoir qu' il est visible du moins pour les voyants .
Ne l'est -il pas?
Voila parmi l'infinité des expressions une expression certainement pas plus négligeable que le fait que le monde soit pensable .
<b>je vois que vous n'en doutez pas</b>.
.............................................

Schopenhauer (que je connais moins bien que Berkeley ) me semble douter de la réalité hors la réalité mentale. Il accorde une existence en soi à la volonté.
On ne connaît, selon Schopenhauer, « ni le soleil, ni la terre, mais seulement l’œil qui voit le soleil et le doigt qui touche la terre ; [on sait] que le monde qui [nous] entoure n’est présent que comme idée — c’est-à-dire seulement par rapport à autre chose, à celui-là même qui conçoit l’idée. »
Moi qui suis profondément réaliste je ne peux admettre cet idéalisme. Le monde peut être un ensemble d' idées, certes, mais des idées qui sont visbles, tangibles, qui sentent et s' entendent<b> ressemblent fort à des corps</b>.

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Messagepar hokousai » 02 juil. 2012, 12:37

cher Serge
Le terme de <b>représentation</b> implique que nous ne percevons pas la chose mais une image de la chose . Sans preuve que cette supposée image soit ressemblante beaucoup , un peu ou pas du tout .
On est dans l' impossibilité de prouver un accès à quelque réalité du monde .

qu'est-ce qui me permet de poser que les choses peuvent être autrement que je me les représente (sans en rester à ce que l'aspect microscopique ne m'est pas accessible, etc.) ?


Une cerise vue rouge là sur la table est une chose ? Si vous la goûtez elle est une autre chose .
Là c'est la cerise vue, là c 'est une cerise goûtée . <b>Est ce la même ?</b>
Si on pose que c'est la même effectivement on peut se demander s'il n' y a pas une cerise en soi .
Mais Spinoza pose- t- il le problème ainsi ?
<b>Le corps existe tel que nous le sentons .</b> Que peut bien signifier une telle formulation? Laquelle nest pas dite au hasard et sans raison .

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Messagepar sescho » 02 juil. 2012, 16:00

hokousai a écrit :J'insiste sur le parallélisme parce que ce n'est pas une idée secondaire chez Spinoza .( voir les prop de la partie 2 jusqu à prop 29 au moins )

Là où le parallélisme n'est pas secondaire c'est quand il corrige l'essentiel par rapport à Descartes, savoir rétablit l'unicité de l'être en tant que Dieu-Nature. C'est logiquement tout au début. Ensuite, c'est plus un boulet qu'autre chose, selon moi, et si il y est fait référence ensuite c'est plutôt pour en sortir vers la base empirique de la connaissance (E2P19 et suiv.)

hokousai a écrit :La nature est visible non parce que je la vois mais puisque je la vois. Donc la nature est visible par soi , de par sa nature.

Pas vraiment. Il y a de la vision concomitante à du vu en Dieu-Nature (ce qu'uniquement j'entends, comme Spinoza, par "la nature"), mais Dieu-Nature étant tout ce qui est, il n'y a rien d'extérieur pour le voir. Par ailleurs, en l'absence de vision en acte il y a absence de visible en acte. C'est parce que je vois que je dis que le visible resterait sans vision, mais en fait le visible n'est vu que s'il y a effectivement vision. Tout l'enjeu de la discussion globale est porté dans cet exemple.

hokousai a écrit :Schopenhauer (que je connais moins bien que Berkeley ) me semble douter de la réalité hors la réalité mentale. Il accorde une existence en soi à la volonté.
On ne connaît, selon Schopenhauer, « ni le soleil, ni la terre, mais seulement l’œil qui voit le soleil et le doigt qui touche la terre ; [on sait] que le monde qui [nous] entoure n’est présent que comme idée — c’est-à-dire seulement par rapport à autre chose, à celui-là même qui conçoit l’idée. »

Je ne connais pas assez Schopenhauer pour en discuter vraiment, et je n'ai l'intention de le faire qu'en fonction de réelles nécessités, en conservant fermement à la base l'approche de Spinoza. De ce que j'ai lu, il m'a semblé qu'il ne contestait nullement la réalité du monde perçu (et donc une réelle objectivité, mais dans une relation sujet-objet qui fonde en même temps la subjectivité, comme leurs noms l'indiquent.) Par ailleurs, que la connaissance soit idée c'est tout simplement évident, et j'ajoute : que cette connaissance s'établisse par une relation en rapport à autre chose aussi. Par contre qu'on dise qu'on ne connaît que l’œil ou le doigt, je le conteste. Spinoza est plus conséquent de ce point de vue, non par le parallélisme, mais quand il en est revenu (venu...) à la base empirique de la connaissance, par E2P19 et suivantes.

Nous pouvons de toute façon légitimement poser que le percevant faisant partie du monde, il serait bien surprenant qu'il n'ait rien à voir avec le perçu, qui en fait aussi partie... On pourrait reprendre la maxime : altérité, oui, séparation, non. Il y a perception de l'altérité, mais il n'y a pas séparation mais au contraire communauté dans l'altérité même, dans la "distinction entre modes de l'unique substance".

Il me semble que Schopenhauer conserve la notion de "noumène" de Kant. Or ce concept est parfaitement incompatible avec un idéalisme pur : pour parler de noumène il faut forcément avoir la certitude que la chose existe hors de soi (dans l'altérité), et en outre qu'elle est "différente en tant que prise in extenso" de ma perception (alors même que quelque part elle existe bien néanmoins conformément à ma perception.) S'il n'y a que des idées, elles se suffisent à elles-mêmes : elles sont tout, en fait, et comparables à rien. Même pas de "ne sont QUE des idées", qui trahit qu'en fait on voit précisément autre chose que des idées... sinon le "QUE" est sans sens. Idée et être sont un, et aussi le vrai, puisqu'il n'y a rien d'autre. Notre idée de nous s'associe à l'idée de manger une idée d'aliment... Cela ne tient pas la route... Tout système manichéen me semble irrémédiablement voué à l'échec.

Mais si Schopenhauer retient le noumène, alors c'est bien ce que j'en ai compris : il admet parfaitement le monde extérieur dans l'altérité, tout en considérant que la perception de ce monde est limitée par la nature du percevant. C'est assez évident d'ailleurs : les animaux perçoivent le monde aussi, et pourtant on ne leur accorde pas - surtout pour les plus simples - de voir le monde avec l'acuité de l'homme.

hokousai a écrit :Moi qui suis profondément réaliste je ne peux admettre cet idéalisme. Le monde peut être un ensemble d' idées, certes, mais des idées qui sont visbles, tangibles, qui sentent et s' entendent<b> ressemblent fort à des corps</b>.

D'accord. Mais il n'y a pour autant pas de quoi poser le parallélisme - au niveau substantiel, donc - par-là...
Connais-toi toi-même.


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