Le « parallélisme » : une erreur de Spinoza ?

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar hokousai » 20 juin 2012, 19:35

à Serge

hokousai a écrit:
Si c'est un , c'est me direz -vous la pensée puisqu'en première instance la substance est pensée . Mais du point de vu de Spinoza "un"" ce n'est pas la perfection.

Je ne sais pas à quoi vous faites allusion...

je voulais dire que si c' est UN seul attribut on accordera de préférence que c'est la pensée ( Dieu pense et d'ailleurs Spinoza commence par la pensée ).Si c'est un seul attribut ce n' est pas le maximum de perfection donc pas celui de réalité
.Je n'ai fait aucune allusion à la remarque de Spinoza précisant que de Dieu on ne peut pas dire qu' il est UN .
.......................................
Ce n'est pas là que je vois un problème, comme déjà dit, mais uniquement dans le fait de faire essence première de la substance ce qui n'est qu'une propriété de la manifestation (comme la faim, la soif, etc.)
Vous êtes proche de Berkeley . De fait il ne veut pas distinguer ontologiquement les phénomènes et il les ramène à la pensée .( le chaud, le froid, le pesant, la faim la soif ce sont chez lui des idées )
............................
sur les objections
1) si vous concevez une infinité de substances, il faut les concevoir dans un milieu substantiel qui n'est pas le néant . Et ce milieu est une substance .
2) les attributs ne sont pas appariés ( au sens d'allant par paires )
3) Dans une âme humaines les idées se rapportent à un attribut ( l' étendue )
..................................

(puisqu'un attribut ne peut en percevoir un autre...)

Spinoza ne dit pas que la pensée ne puisse être la pensée d' un corps . Certains philosophes vous diraient que la pensée ne peut se reconnaitre comme pensée que parce que justement elle pense ce qui n'est pas elle ( à savoir les corps étendus )

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Messagepar sescho » 21 juin 2012, 12:07

hokousai a écrit :je voulais dire que si c' est UN seul attribut on accordera de préférence que c'est la pensée ( Dieu pense et d'ailleurs Spinoza commence par la pensée ).Si c'est un seul attribut ce n' est pas le maximum de perfection donc pas celui de réalité

Cela me semble être l'équivalent du fait que "un" ne convient pas parfaitement à Dieu... Mais si, comme je le dis, on n'introduit purement et simplement pas la notion d'attribut, qui n'a alors aucune justification, il ne reste que "la substance" (alors considérée comme réelle et donc s'exprimant en tant qu'être d'une manière ou d'une autre.) Non content d'éviter le "un", on évite aussi le "deux", etc. jusqu'à l'infini dénombrable, qui conviennent encore moins à Dieu... S'il n'y a que la pensée, il n'y a que la pensée : il n'y a aucune raison de la placer en premier, puisqu'il n'y a rien d'autre. C'est aussi pourquoi, la pensée étant première dans toutes les hypothèses, elle ne peut finalement pas avoir idée de l'étendue dans l'hypothèse attributs / parallélisme.

hokousai a écrit :Vous êtes proche de Berkeley . De fait il ne veut pas distinguer ontologiquement les phénomènes et il les ramène à la pensée .( le chaud, le froid, le pesant, la faim la soif ce sont chez lui des idées )

Encore une fois : la pensée est première dans tous les cas de connaissance ; c'est indiscutable et ne peut donc être oublié. Mais si la pensée est liée à la matière d'une façon concomitante, alors une certaine objectivité de l'étendue peut être admise. La température, le poids, etc. ne sont pas de la catégorie des contraires (chaud/froid, lourd/léger, etc.) et donc pas seulement des ressentis.

Le problème, encore une fois, est situé selon moi à un niveau plus subtil : est-il légitime de faire du lien Pensée/Étendue un aspect de la substance même, ou non ? Ma réponse est non.

hokousai a écrit :sur les objections
1) si vous concevez une infinité de substances, il faut les concevoir dans un milieu substantiel qui n'est pas le néant . Et ce milieu est une substance .
2) les attributs ne sont pas appariés ( au sens d'allant par paires )
3) Dans une âme humaines les idées se rapportent à un attribut ( l' étendue )

Mon bon hokousai, faites-moi s'il vous plait la grâce de penser que, même si je peux très bien me tromper, je n'écris pas quelque chose sans quelques raisons réfléchies.

1) Il n'y a rien qui impose de faire une substance unique de plusieurs substances si ce n'est une définition a priori de Dieu, de l’unicité de l’Être (et c’est une question importante, très importante même, de savoir ce qui nous donne la certitude de cela.) Or je peux avoir une infinité de substances qui ont chacune une infinité (dénombrable par nature) d'attributs distincts. Si Dieu est défini comme absolument infini, alors il y a bien une substance unique, mais si Dieu est défini comme une substance ayant une infinité d'attributs, alors il peut y en avoir une infinité qui coexistent. L'équivalence contenue dans E1D6 est donc fausse, comme la première phrase de E1P14Dm, pour la même raison.

2) Relisez la réponse de Spinoza à Tschirnhaus dans la lettre 66, et vous conviendrez je pense que Spinoza lui-même y dit que les attributs sont appariés.

3) Le problème tel que je le pose n’est pas solvable directement en faisant référence à l’âme humaine, mais seulement en partant des attributs de la substance. Et là je dis que les attributs n’ayant rien en commun, il n’est pas possible d’avoir idée de l’Étendue dans la Pensée selon cette théorie. Ceci se voit en particulier lorsqu’on pose le parallélisme aux deux attributs connus mêmes : l’idée de l’attribut Étendue est nécessairement la Pensée elle-même, or la Pensée est pensée et pas étendue : la Pensée peut peut-être se réfléchir elle-même, mais certainement pas être l’Étendue. Et ceci s’étend par conséquent nécessairement aux modes ; donc le parallélisme même interdit théoriquement ce qu’il est sensé expliquer, savoir l’union de l’âme et du corps, et comme l’option choisie par Spinoza est la plus satisfaisante qui puisse être (unicité de l’Être) une fois que l’on a substantialisé la dualité pensée - matière, cette substantialisation même est donc fausse (et Descartes avait déjà extrêmement peiné avec...)

hokousai a écrit :Certains philosophes vous diraient que la pensée ne peut se reconnaitre comme pensée que parce que justement elle pense ce qui n'est pas elle ( à savoir les corps étendus )

Cela me convient très bien (« pensée-de-l’étendue »). Avez-vous des références précises ?

Mais cela ne valide en rien la théorie des attributs, au contraire.
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Messagepar hokousai » 21 juin 2012, 14:53

à Serge

Et là je dis que les attributs n’ayant rien en commun, il n’est pas possible d’avoir idée de l’Étendue dans la Pensée selon cette théorie.
Il est possible à la pensée d'avoir des idées qui n'ont pas comme objet des idées. Si on n'admet pas ça on est <b>idéaliste</b> .
Ce faisant on ne rend pas compte de la différenciation entre idées de choses non sensibles ( ie non étendues ) et idées des corps.
On ne rend pas compte de la différenciation entre l' idée abstraite du cercle et l' idée d 'un cercle tracé sur le sol.
Quand je vois et touche une pomme c'est tout différent de quand je pense à cette pomme. Et c est sur cette différence que ce joue la distinction des attributs.

Votre raisonnement est abstrait . Du fait que quand je pense je pense le monde est 'une idée. Comme une idée c est non étendue le monde nest pas étendu et l étendue n'est qu' une manière de penser ( la substance est idée comme dit Borrell...mais Borrell ne dit pas comme Spinoza )
Je reviendrai plus tard sur les objections ; ma réponse était de fait un peu trop courte. Mais, dans la lettre 66, il n y a appariement que dans la cas de l' âme humaine ... et de quelle autre pourrrions nous parler ?

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Messagepar sescho » 21 juin 2012, 17:26

hokousai a écrit :Il est possible à la pensée d'avoir des idées qui n'ont pas comme objet des idées. Si on n'admet pas ça on est <b>idéaliste</b> .
Ce faisant on ne rend pas compte de la différenciation entre idées de choses non sensibles ( ie non étendues ) et idées des corps.
On ne rend pas compte de la différenciation entre l' idée abstraite du cercle et l' idée d 'un cercle tracé sur le sol.
Quand je vois et touche une pomme c'est tout différent de quand je pense à cette pomme. Et c est sur cette différence que ce joue la distinction des attributs.

Certes, mais encore une fois ce n'est pas là que le problème que je pose se situe, mais dans la possibilité de faire de pensée et étendue des attributs de la substance même. Autrement dit : est-il légitime d'attribuer la dualité pensée-matière à la substance (même en l'unifiant a priori, d'où découle le paradoxe d'une chose unique se révélant d'elle-même sous les "aspects" de différents attributs qui n'ont pas de rapport entre eux), ou faut-il l'attribuer uniquement aux "modes pensants", comme la faim, la soif, etc. ? Je dis que c'est la seconde alternative qui s'impose, et que si c'était la première, c'est là précisément qu'il ne pourrait pas y avoir d'idée de l'étendue. Des parallèles ne se rencontrent jamais.

hokousai a écrit :Je reviendrai plus tard sur les objections ; ma réponse était de fait un peu trop courte. Mais, dans la lettre 66, il n y a appariement que dans la cas de l' âme humaine ... et de quelle autre pourrrions nous parler ?

Qu'il y ait un seul appariement constitue déjà le problème. Qu'il soit alors généralisé par Spinoza est logique, et c'est bien ce qu'il fait :

La question / objection de Tschirnhaus est : "Pourquoi l’âme, qui représente une certaine modification, laquelle n’est pas seulement exprimée dans l’étendue, mais d’une infinité d’autres façons, pourquoi, dis-je, l’âme ne perçoit-elle que l’expression de cette modification dans l’étendue, c’est-à-dire le corps humain, et pourquoi n’en perçoit-elle pas l’expression dans d’autres attributs de Dieu ?"

Donc c'est très clair : la question / objection de Tschirnhaus est : pourquoi n'avons-nous pas l'idée des attributs (ou modes des) autres que l'étendue ?

Spinoza répond : "... il est impossible, bien que chaque chose particulière soit exprimée d’une infinité de façons dans l’entendement de Dieu, que toutes ces idées en nombre infini qui l’y représentent ne constituent qu’une seule et même âme, savoir, l’âme de cette chose particulière : elles doivent constituer une infinité d’âmes ..."

Donc c'est clair aussi, Spinoza répond à la question que c'est parce que les idées des modes exprimés selon l'infinité des attributs que nous ne connaissons pas entrent elles-aussi dans une infinité d'attributs simili-Pensée, distincts de la Pensée que nous connaissons. Donc à chaque attribut non-simili-Pensée correspond un attribut simili-Pensée assorti. En dehors de cet assortiment il n'y a pas de croisement (entre parallèles...)

En même temps, et logiquement compte tenu de ce qui précède, Spinoza accorde à Dieu un entendement infini qui comprend non seulement tous les modes de la Pensée, mais tous les modes de l'infinité des attributs simili-Pensée. En passant, ceci interdit à son tour de considérer l'entendement infini comme mode infini de la seule Pensée (que nous connaissons), mais il doit être pris comme mode infini à la fois de la Pensée et de tous les attributs simili-Pensée... (ce qui, en passant, pourrait - sous toute réserve d'examen complémentaire - justifier une nuance entre Entendement infini et Idée de Dieu, imposée dans la Pensée que nous connaissons par E1P21Dm, ce qui voudrait dire à son tour que Spinoza avait bien anticipé le problème sur cet aspect particulier, et qu'il ne s'agit donc pas d'une réponse ad hoc sous le coup de la surprise.)
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Messagepar hokousai » 21 juin 2012, 18:41

Je dis que c'est la seconde alternative qui s'impose,


Vous allez à contre courant du matérialisme ambiant lequel ferait plutôt de l' étendue l' attribut substantiel par excellence et puis la pensée un attribut occasionnel , n apparaissant que de ci de là dans la nature .
Spinoza tient les deux attributs à égalité ( et puis une infinité ).
Il estime qu' il existe une puissance de penser éternelle et puis une étendue éternelle qui est l' objet de la pensée .

Qu'il y ait un seul appariement constitue déjà le problème.
Il n' y en a Qu' un de connaissable par le philosophe .( c'est l' union de l'esprit humain et du corps humain)

Donc c'est clair aussi, Spinoza répond à la question que c'est parce que les idées des modes exprimés selon l'infinité des attributs que nous ne connaissons pas entrent elles-aussi dans une infinité d'attributs simili-Pensée, distincts de la Pensée que nous connaissons. Donc à chaque attribut non-simili-Pensée correspond un attribut simili-Pensée assorti. En dehors de cet assortiment il n'y a pas de croisement (entre parallèles...)

Ce n'est plus très clair avec cette "simili pensée" !
Pour moi toutes les idées de l'entendement infini ont un objet qui n'est pas une modification de la pensée , ces idées ont une essence formelle qui n'est pas seulement un corps ( elles peuvent être les idées ayant pour objet les modes d'autres attributs que nous ne connaissons pas ).L' appariement se fait infiniment avec toute modification de n' importe quel attribut. L' appariement c'est : d'une idée à son objet .

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Messagepar hokousai » 21 juin 2012, 22:58

PS
ceci interdit à son tour de considérer l' entendement infini comme mode infini de la seule Pensée (que nous connaissons), mais il doit être pris comme mode infini à la fois de la Pensée et de tous les attributs simili-Pensée...

Non je crois que l'entendement infini est un mode infini (immédiat) de l'attribut <b>pensée</b> et pas d' un autre .

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Re: Deuxième « objection » : le croisement des attributs

Messagepar sescho » 22 juin 2012, 10:34

Je vais tenter de détailler (et cette lettre 66, entre autres, qui est une réponse de Spinoza à une objection portant sur l'Ethique même, quoique alors non ouvertement publiée, a autant de valeur que ce qui se trouve dans l'ouvrage lui-même) :

Spinoza écrit d'abord :

Spinoza a écrit :Lettre 66 : … chaque chose particulière [est] exprimée d’une infinité de façons dans l’entendement de Dieu...

La phrase est tellement explicite qu'il est difficile de la rendre mieux : pour une chose particulière, il y a une infinité de "représentations" dans l'entendement de Dieu. Ces "représentations", ces "âmes" ou "idées" en nombre infini, correspondent à autant d'attributs différents.

Spinoza a écrit :Lettre 66 : … chacune de ces idées en nombre infini n’a aucune connexion avec les autres, ainsi que je l’ai expliqué dans le Scholie déjà cité de la Propos. VII, p. 2, et qu’on le peut déduire d’ailleurs de la Propos. X, p. 2.

Donc, déjà, l'entendement de Dieu s’exprime lui-même dans une infinité d'attributs, et non un seul comme la Pensée que nous connaissons (et c'est précisément la réponse de Spinoza à la question / objection posée.) Sur ce passage il est donc déjà exclu de faire de l'entendement de Dieu le mode infini de la seule Pensée (ce qui pourrait mieux convenir sur ce point précis, ne faisant aucune différence par ailleurs, à l'Idée de Dieu.)

Par ailleurs, comme l'indiquent les termes "entendement", "idée" et "âme", et le fait que Spinoza réponde à une question précise qui demande pourquoi nous ne voyons pas les attributs autres que l’Étendue : l'infinité d'attributs dans lesquels s'exprime l'entendement de Dieu ne représente qu'une partie (la moitié...) des attributs de Dieu, que nous pouvons dire "objectifs" par opposition à "formels". C'est pourquoi j'ai appelé "simili-Pensée" l'infinité de ceux qui ne sont pas la Pensée même dans cette catégorie. L'autre moitié est constituée de l'infinité des attributs "formels" dont nous ne connaissons que l’Étendue, appariée à la Pensée comme tout attribut "formel" est apparié à un attribut "objectif", et inversement.

Spinoza a écrit :Lettre 66 : … ces idées en nombre infini ... doivent constituer une infinité d’âmes...

Donc il reste dans ce cadre, à l'intérieur de l'infinité des attributs, deux catégories distinctes (qui correspondent à, et perpétuent, la dualité pensée / matière) : les attributs "formels" et les attributs "objectifs", qui sont mutuellement appariés. L'entendement de Dieu s'exprime dans tous les attributs "objectifs" et seulement dans ceux-ci (je considère évident que l’Étendue ne porte pas, en tant qu'attribut particulier, l'entendement de Dieu. Par ailleurs, la question de Tschirnhaus à laquelle Spinoza répond porte sur les attributs autres que l’Étendue, et implicitement "formels" puisque opposés à l'âme en tant que les percevant.)

Pour resituer la réponse par rapport à la question :

"Pourquoi l’âme, qui représente une certaine modification, laquelle n’est pas seulement exprimée dans l’étendue, mais d’une infinité d’autres façons, pourquoi, dis-je, l’âme ne perçoit-elle que l’expression de cette modification dans l’étendue, c’est-à-dire le corps humain, et pourquoi n’en perçoit-elle pas l’expression dans d’autres attributs de Dieu ?"

Réponse :

Parce qu'il n'y a pas qu'une seule âme pour une modification, mais une infinité (toutes entrant dans l'entendement de Dieu), et que ces différentes âmes n'ont aucune connexion entre elles comme l'indique E2P7S (qui est appuyé sur l'incommunicabilité entre attributs, chaque âme différente impliquant donc un attribut "de type Pensée" - "objectif" - différent.)

Il est évidemment implicite par là - et déjà dès l'origine par l'acceptation de la question telle que formulée - qu'il n'y a pas que l’Étendue comme attribut "non de type Pensée" ou "de type Étendue" ("formel") en regard de cette infinité d'attributs "de type Pensée" ("objectifs"), mais qu'à chaque attribut "de type Pensée" correspond un attribut "de type Étendue." Notre âme dans la Pensée ne voit que les modes dans l’Étendue, parce que les âmes miroir des modes des autres attributs "de type Étendue" sont dans d'autres attributs "de type Pensée" que la Pensée que nous connaissons...
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Messagepar hokousai » 22 juin 2012, 14:07

Sur ce passage il est donc déjà exclu de faire de l'entendement de Dieu le mode infini de la seule Pensée

Je ne suis pas d'accord avec votre lecture , ce n'est pas le point de vue de Spinoza.

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Messagepar sescho » 22 juin 2012, 14:53

hokousai a écrit :Vous allez à contre courant du matérialisme ambiant lequel ferait plutôt de l' étendue l' attribut substantiel par excellence et puis la pensée un attribut occasionnel , n apparaissant que de ci de là dans la nature .

Pas vraiment... J'ai aussi tendance à voir la substance plutôt dans l’Étendue ; plus exactement, je la vois dans l’Énergie universelle. C'est pourquoi en rapport à Spinoza je privilégie l'approche Étendue-Mouvement, et ne mentionne souvent Pensée-Idée de Dieu (ou Entendement infini, vu selon la Pensée seule) qu'au titre de parallèle ajouté chez Spinoza.

MAIS, TOUT EN MÊME TEMPS, je considère que ceux qui prétendent expliquer la Pensée par la Matière ont la tête dans la vase, que c'est le comble de l'inanité et de la prétention, et qu'il est heureux pour eux qu'ils soient surtout en contradiction performative en permanence. Imaginez quelqu'un qui baserait tout comportement psychique, à commencer par le sien, sur la description du champ électromagnétique dans le cerveau... C'est déjà grotesque rien qu'en le disant : la description du champ magnétique dans le cerveau est elle-même une idée devant elle-même être réduite, etc. En plus, une telle description, outre qu'elle n'existe pas de fait, n'est pas la matière même comme il est évident (c'est irréductible), et ne dit rien non plus de ce que c'est de ressentir par la pensée (c'est pourquoi il faut forcément demander au cobaye à quoi il pensait pour établir la corrélation, et pour la faire a priori ensuite), donc finalement ne dit rien de la pensée... Et si la pensée peut représenter la matière exactement, alors que toute représentation est de l'ordre de la pensée même, il faut nécessairement dire qu’alternativement la matière pense puisqu'on dit par-là qu'elles équivalent absolument... (Pour le coup le parallélisme n'est pas loin, mais si il y a parallélisme il n'y a pas que la matière...) Et penser cela c'est aussi se prendre pour Dieu même, puisque tout ce qui existe serait ainsi couvert par une propriété particulière aux êtres pensants ; non pas même aux êtres pensants en général d'ailleurs, puisque nous n'accordons pas aux autres animaux la puissance de penser de l'homme, mais seulement à l'homme, qui par miracle est l'aboutissement ultime et absolu de l'évolution (ce qui est déjà contradictoire dans les termes ; "vu que c'est lui qui juge" ajouterait peut-être Coluche paraphrasant Descartes...) En somme, le sujet dit que l'objet l'explique lui-même (en tant que sujet...)

Tout cela est débile.

Il n'y a qu'une solution : je dirais approximativement que ce que nous appelons "matière" est une pensée sur une MATHIAIRE (ou PENMAT) que nous ne connaissons pas in extenso, mais seulement partiellement par ce que nous appelons précisément "matière" au travers de la pensée. Et j'en déduis que nous ne connaitrons - par la pensée - jamais absolument PENMAT par la matière, ni donc la matière seule en tant que complète : nous devons aboutir sur le Mystère là-aussi (dont l'indétermination quantique ? l'empirisme omniprésent en Physique derrière les sacro-saintes équations ?), car ni la matière ni la pensée qui lui est corrélative ne sont PENMAT in extenso, outre qu'aucun mode, humain ou surhumain, ne sera jamais la Nature in extenso.

POUR AUTANT, il n'est pas juste de basculer automatiquement de cela à : donc la matière n'existe pas et il n'y a que de la pensée ; dans le spiritualisme, donc. Cela aussi est une erreur, la même en fait, qui consiste à absolutiser la dualité pensée / matière. Nous ne pouvons pas nous en sortir en restant dans ce tout ou rien, dans ces bascules du tout à rien. Et ce n'est pas incontournable : il y a un moyen terme selon moi (il n'y a que PenMat et tout est PenMat.) C'est pourquoi ces catégorisations tranchées en "ismes" (avec un doute sur le sens profond de "idéalisme" ; je vais vérifier) que vous avancez ne me conviennent jamais : elles m'apparaissent en dehors de la solution d'emblée.

Je dirais qu'à la base il y a à l'intérieur même de PenMat une relation établie entre une chose singulière pensante - perçue originellement comme pensante uniquement - vis-à-vis de choses singulières perçues originellement comme corps seulement. Ceci n'est pas original (mais la question de la pertinence de "chose singulière" en tant que pensante uniquement n'est déjà pas aisée à trancher, entre autres points...) Cette relation contient une affirmation claire et distincte à la fois du percevant et du perçu (objectivement, donc.) C'est l'affirmation qu'il y a quelque chose et non pas rien dans ce contexte de relation percevant-perçu même. Cette relation inclut aussi la communauté d'être percevant-perçu chez le percevant, et cela est la base de l'idée de Dieu-Nature unique, l'être et non rien étant déjà affirmé, et affirmé en tant qu'évidence intemporelle : ce-qui-est EST. Etc (ce n'est qu'une vague esquisse de ce que je sens, et mon objet n'est pas encore de développer cela ici...)
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Messagepar sescho » 22 juin 2012, 16:26

J'ai fait un bref tour sur "idéalisme" sur wikipedia, et il m'apparaît que c'est une dénomination plutôt générale, qui inclut le spiritualisme mais aussi d'autres approches moins radicales, le commun étant simplement une part irréductible, mais le plus souvent une part seulement, de subjectivité liée à la pensée / conscience même.

Je ne peux pas parler de "hasard", mais je ne l'ai approché dans le passé que brièvement au travers de "digests" et autres résumés et pas par une lecture directe (sauf le traité de dialectique éristique) - ce qui m'a néanmoins suffit pour postuler qu'il était très probablement des plus éminents philosophes - : une fois de plus c'est le nom de Schopenhauer qui vient en tête de liste en rapport avec ce que je viens d'écrire (et en plus, d'après ce que je viens de lire, l'auteur de la trilogie Matrix que j'ai citée plus haut se serait dit directement inspiré de lui...)

Donc idéaliste - toute proportion gardée - à la manière de Schopenhauer, c'est possible...
Connais-toi toi-même.


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