Le « parallélisme » : une erreur de Spinoza ?

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar sescho » 02 juil. 2012, 18:50

hokousai a écrit :cher Serge
Le terme de <b>représentation</b> implique que nous ne percevons pas la chose mais une image de la chose . Sans preuve que cette supposée image soit ressemblante beaucoup , un peu ou pas du tout .
On est dans l' impossibilité de prouver un accès à quelque réalité du monde .

Cette question quelque part suppose à la base ce qu'elle met en cause, je crois... En effet, nous ne pouvons absolument pas sortir de notre psyché, pour connaître à quel degré elle est représentative de ce qui lui est extérieur. Donc, si notre psyché était tout ce que nous connaissons (en passant, on sent bien que cette phrase comporte un problème) nous ne nous poserions simplement aucun problème au sujet de sa véracité : elle serait vraie per se ; elle serait tout court, d'ailleurs, et rien d'autre à part elle.

On voit bien que tout cela ne tient pas la route : il y a pensée seulement parce qu'il y a distinction sujet-objet et donc relation sujet-objet, et le sujet est bien perçu comme sujet, et l'objet comme objet dans cette relation.

Note : mais il y a encore autre chose, qui est le seul fond spirituel, et qui fonde l’éthique : le commun sujet-objet inclus aussi dans la relation (qui s'établit entre modes d'une même substance et non entre substances : ce ne sont donc pas des "attributs de la substance", qui ont en fait toutes les propriétés d'une substance), qui surclasse la distinction sujet-objet par sa puissance. C'est pourquoi on peut dire que la réalisation du niveau spirituel (bien réel lui-aussi) est au-dessus de la distinction sujet-objet : l'affirmation indubitable de l'être par lui-même en tant que conscience, dans la relation même, la perception même, mais tout à la fois au-delà du relatif et du perceptif, et ce de façon (évidemment) impersonnelle et atemporelle (donc éternelle.)

hokousai a écrit :
qu'est-ce qui me permet de poser que les choses peuvent être autrement que je me les représente (sans en rester à ce que l'aspect microscopique ne m'est pas accessible, etc.) ?


Une cerise vue rouge là sur la table est une chose ? Si vous la goûtez elle est une autre chose .
Là c'est la cerise vue, là c 'est une cerise goûtée . <b>Est ce la même ?</b>
Si on pose que c'est la même effectivement on peut se demander s'il n' y a pas une cerise en soi .

Oui, mais toutefois je cherchais quelque chose de plus fort que le fait que les sens sont divers, ou que nous ne voyons pas les formes de façon infiniment précise, etc. (mais ce sont des indications très valables de la relativité de la perception de mon point de vue, quoique n'ayant pas l'impact de "démonstrations" estampillées...) Je crois que l'altérité même contenue dans la perception, et même précisément la distinction pensée-matière qui y est indissociable à la base, nous indique directement que nous ne sommes pas la Nature mais seulement une partie, tout en nous donnant pourtant l’idée de la Nature même en tant que substance, par la communauté indiquée ci-dessus.

hokousai a écrit :Mais Spinoza pose- t- il le problème ainsi ?
<b>Le corps existe tel que nous le sentons .</b> Que peut bien signifier une telle formulation? Laquelle nest pas dite au hasard et sans raison .

Au moment où Spinoza le dit (E2P13), où nous sommes en plein parallélisme, cela semble assez évident. Après E2P19Dm et E2P29S, ce serait déjà plus difficile à placer... Il ne l'utilise que dans un scholie (E2P17S) pour dire que nous ne devons pas douter de la véracité de postulats mécaniques tirés de l'expérience ("... mes postulats ne contiennent guère que des faits établis par l’expérience. Or, il ne peut plus nous être permis de mettre l’expérience en doute, du moment que nous avons montré que le corps humain existe tel que nous le sentons (voir le Corollaire de la Propos. 13, partie 2).") C'est plutôt léger comme emploi, et dans un exposé inhabituellement - et à bon escient... - précautionneux, qui lui sert à argumenter de la véracité des lois de la mécanique... qu'il cherchait à appliquer à la mémoire.

Je crois que de toute façon il n'y a aucune raison de douter en général de la vérité de ce que nous sentons ; cela n'a même pas de sens : nous ne sentirons pas mieux que le sentir... , mais uniquement de sentir la qualité du sentir particulier dans le sentir en général...
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Messagepar hokousai » 02 juil. 2012, 22:46

En effet, nous ne pouvons absolument pas sortir de notre psyché, pour connaître à quel degré elle est représentative de ce qui lui est extérieur. Donc, si notre psyché était tout ce que nous connaissons (en passant, on sent bien que cette phrase comporte un problème) nous ne nous poserions simplement aucun problème au sujet de sa véracité : elle serait vraie per se ; elle serait tout court, d'ailleurs, et rien d'autre à part elle.

Mais vous posez là la psyché comme un monde autonome et comme un monde de représentations. Or si nous pouvons en sortir comme vous dîtes c est ( de mon point de vue ) qu' elle nest pas un monde clos hetérogène du monde censé représenté.
Spinoza distingue assez justement deux enchainements d' idées. ( scolie prop 18/2)
Ce qui nous occupe est le premier ( le plus mondain ).
Ce n'est pas parce que nous imaginons la clôture de la psyché qu' elle est toujours clôturée.
Si Spinoza parle d' union de l'esprit et du corps c' est qu'il ne pense pas à une dualité sujet /objet mais à une <b>union</b>. Et je dirais bien que c'est le corps et les corps qui dirigent la manoeuvre. <b>Donc l' étendue. </b>(scolie prop 13 /2 qui suit la formule:<b> le corps existe tel que nous le sentons )</b>.
Il me semble là que vous êtes à l' opposé de ce que dit Spinoza car s' il y a dilution de la relation sujet /objet c'est dans la perception du monde ( dit extérieur ) et non dans le retranchement dans la conscience de soi.
........................................................

je pense ( mais c'est à débattre ) que Spinoza pense le parallélisme ( sans que le mot soit dit ) au sujet de la perception du monde.
D une part il connaît la pensée, celle qui est seulement pensée en notre for intérieur( les idées sans matérialité ) d'autre part il perçoit le monde et en ayant conscience il ne peut pas ne pas attribuer à la pensée cet accès au monde .
OUI mais pas seulement .
Comme il refuse qu' une idée soit cause d' un corps et inversement, il est obligé de poser des enchainements parallèles.

Pourquoi refuse t- il cette causalité entre idées et corps et inversement ?
Peut être parce qu' il n y a pas pour lui deux substances interagissantes.

Certes, mais pourquoi pas une substance qui ne soit que pensée ( idées ) comme dans l'idéalisme ou matière comme dans le matérialisme ?

1) parce qu' il connait des idées non sensibles et les distingue des corps qui eux sont sensibles .
2) parce qu'il a une conception et des idées et des corps qui n'est pas la conception des autres philosophes. Ce qui nest pas facile à comprendre probablement . Les idées et les corps sont des actes . je dirais bien que les idées quand elles arrivent se fichent de ce dont elles sont l' objet. Néanmoins elles apparaissent simultanément à leur objet . Les idées que j' ai du monde extérieur apparaissent sans ma volonté.
Je ne décide pas volontairement et de l'arbre que je vois et du fait de le voir. Idem de mes sensations corporelles. Je ne décide pas volontairement de prendre conscience, par exemple .
mais bref ...

Si on ne distingue pas deux attributs ( disons les deux qui nous préoccupent ) on tombe soit dans l'idéalisme soit dans le matérialisme , avec des problème pires que ceux soulévés par le parallélisme de Spinoza
.

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Messagepar sescho » 03 juil. 2012, 14:24

hokousai a écrit :vous posez là la psyché comme un monde autonome et comme un monde de représentations. Or si nous pouvons en sortir comme vous dîtes c est ( de mon point de vue ) qu' elle nest pas un monde clos hetérogène du monde censé représenté.

Déjà, je me positionnais là de manière générale dans une hypothèse que je finissais par dire inacceptable. Sur le point particulier de l'affirmation que nous ne pouvons pas sortir de notre psyché, elle me semble évidente (E2P11 : "Ce qui constitue l’essence de l’homme (par le Corollaire de la Propos. précédente), ce sont certains modes des attributs de Dieu, savoir (par l’Axiome 2, partie 2) des modes de la pensée.") C'est en fait le parallélisme dont nous discutons qui fait absolument, directement et explicitement (E2P7S), de la pensée un monde en soi (un attribut a toutes les propriétés d'une substance.) Et sur le fond je suis bien d'accord avec vous : cela n'est pas recevable...

Maintenant on peut très bien ne pas pouvoir sortir de la psyché (qui est une notion générale : il n'y a que des idées / pensées, des émotions et des volitions individuelles ; bref on se réfère surtout par-là à l'être-pensé, donc à l'équivalent de l'attribut Pensée chez Spinoza), et ne pas pour autant la considérer comme étant un monde en soi, mais en relation avec "autre chose" et n'existant pas sans cette relation, cet "autre chose" appartenant comme elle à un même et unique monde (ce qui est contenu dans la relation prise en elle-même.)

L'orientation qui me semble présider au modèle de Kant est assez simple à comprendre sur le plan de la Physique : il y a d'un côté un arsenal sensitif / perceptif / cognitif inné (temps, espace, causalité, entendement, raison, volonté, ...) - comme une batterie de capteurs reliés à un programme sur ordinateur -, et de l'autre ce qui stimule cet arsenal (avec la mémoire en intermédiaire) de manière analogique : le monde dit "extérieur." Maintenant est-ce que, par exemple, un œil est véritablement un œil dans le noir total (par hypothèse) - j'entends que nous ne faisons pas référence indirectement à un monde éclairé par ailleurs. Non : un système optique sans lumière n'est pas un système optique : "optique" n'a pas de sens. Donc la fonction "œil" ne se révèle que dans l'interaction avec le monde "extérieur", qui révèle en même temps ce monde "extérieur." Les deux ensemble et par la même opération. Je conteste donc en même temps qu'on ne voie que notre œil ; c'est même le contraire : la seule chose qu'on est certain de ne jamais voir c'est l’œil même : l'instrument ne peut être l'objet de la mesure par lui-même. La vision n'est pas l’œil.

On admet cependant aussi que la vision soit dépendante de (et donc limitée par ?) la nature particulière de l’œil, et c'est alors qu'on parle de représentation, versus réalité nouménale (mais c'est là qu'un point dur doit être traité, ainsi que déjà abordé plus haut : par quelle intuition pouvons-nous connaître l'existence de quelque chose que nous ne pouvons pas connaître... ?)

Pour moi, Spinoza ne conteste pas cela ; il ne juge pas nécessaire de développer ce point, c'est tout ; même le parallélisme n'y contredit pas, au moins directement : que l'idée soit assimilée à un phénomène physique, ou au miroir exact d'un phénomène physique, ne fait aucune différence.

Par ailleurs, il affirme lui-même tout ce qui précède, quoique d'une autre manière, dans E2P19-31 : la base empirique est totale (toute connaissance passe par les sensations, et celles-ci prises en elles-mêmes sont inadéquates à tout point de vue), parallélisme initial ou pas : Spinoza n'a rien sacrifié du tout au parallélisme (mais de mon point de vue, il a sacrifié implicitement et dans un deuxième temps le parallélisme lui-même pour en venir là...)

Le parallélisme est destiné à une seule chose, qui en elle-même est incontestablement de la plus haute importance : l'unicité de Dieu-Nature et de tout en Dieu-Nature. Le problème est que nous percevons clairement et distinctement deux dimensions de l'être : l'être-étendu et l'être-pensé (du moins le pensons-nous ; est-ce si clair et distinct que cela pour la pensée prise en elle-même, par exemple ? C'est-à-dire, comme vous le disiez : est-il si légitime, intuitif, de la considérer en elle-même ?)

hokousai a écrit :Si Spinoza parle d' union de l'esprit et du corps c' est qu'il ne pense pas à une dualité sujet /objet mais à une <b>union</b>.

Le problème est qu'il manie les deux en même temps : par le parallélisme, il dit qu’Étendue et Pensée n'ont rien à voir l'une avec l'autre, mais aussi que les modes de chacune ont tout à voir l'un avec l'autre. Quant à l'union du corps et de l'âme ce n'est pas une déduction, mais un a priori (E2A4), une notion commune donc : tout le monde sait qu'il y a en quelque part union du corps et de l'âme. Spinoza la justifie (dans un scholie, E2P13S, et pas vraiment dans la chaîne démonstrative) a posteriori par le parallélisme (ce qui pris en soi apparaît donc inacceptable par ailleurs, en particulier parce qu'un attribut ne peut pas en voir un autre par leur définition générale.)

hokousai a écrit :Et je dirais bien que c'est le corps et les corps qui dirigent la manoeuvre. <b>Donc l' étendue. </b>(scolie prop 13 /2 qui suit la formule:<b> le corps existe tel que nous le sentons )</b>.
Il me semble là que vous êtes à l' opposé de ce que dit Spinoza car s' il y a dilution de la relation sujet /objet c'est dans la perception du monde ( dit extérieur ) et non dans le retranchement dans la conscience de soi.

Oui, il semble bien que ce soit la conscience de l’étendue qui donne l'idée de Dieu uniquement, et apparaît partout (maintenant, la pensée n'est pas ressentie comme étendue, et n'est (donc) pas du tout supposée devoir être distribuée spatialement...) Sinon, il ne s'agit pas de la conscience de soi, mais de la Conscience, point. Elle n'exclut pas l’être-étendu mais au contraire lui est concomitante. En fait elle "perçoit l'être", point, et il n'y a plus dans ce cadre de distinction entre percevant et perçu : il n'y a que perception qui affirme l’être (et donc affirme la « réalité du réel. ») Note : c'est là que Schopenhauer dit, si j’ai bien compris, que la connaissance ne pouvant se connaître elle-même per se, c'est-à-dire hors de la relation, le sens de soi pur ne peut venir que de la connaissance d’autre chose, qui est en l'occurrence la volonté...

hokousai a écrit :je pense ( mais c'est à débattre ) que Spinoza pense le parallélisme ( sans que le mot soit dit ) au sujet de la perception du monde.
D une part il connaît la pensée, celle qui est seulement pensée en notre for intérieur( les idées sans matérialité ) d'autre part il perçoit le monde et en ayant conscience il ne peut pas ne pas attribuer à la pensée cet accès au monde .
OUI mais pas seulement .
Comme il refuse qu' une idée soit cause d' un corps et inversement, il est obligé de poser des enchainements parallèles.

Ce qui le guide en cela est bien l’immédiate nécessité, me semble-t-il : l’intuition perçoit deux dimensions de l’être (réputées) parfaitement distinctes : l’être-étendu et l’être-pensé. Comme par ailleurs le critère de la vérité ne peut être autre que la clarté et la distinction de l’idée même, cette dualité étant (réputée) claire, elle doit nécessairement être posée comme fondement ; et comme il s’agit de dimensions mêmes de l’être, qui est unique, ce ne peut être que de nature substantielle ; et puisqu’il y a deux, forcément attribut de l’unique substance qui est l’Être unique ...

Mais le parallélisme des attributs ne tient pas l’examen... Donc de deux choses l’une, ou bien la distinction étendue / pensée n’est pas si claire et distincte que cela, ou bien on est bien embêtés... ;-)

Je me demande s’il ne faut pas trier plus dans ce que nous appelons « pensée. » La pensée discursive (2ème genre) a quand-même quelque parenté avec le mot, l’imagination, et donc la mémoire (1er genre.) Il faut revenir sans faillir aux évidences (intuitives, donc) les plus amonts qui soient. C’est bien la démarche logique, et bien celle de Spinoza, quelque option qu'il ait prise dans le détail.

La pensée pourrait être vue simplement comme ce qui nous révèle l’étendue, l’être, et c’est tout : une pure saisie de l’être, qui n’accepte pas de décomposition entre la perception et l’être, la perception et l’étendue (qu’elle soit une représentation « partielle » - déterminée dans sa forme par rapport au sans forme qu’elle est - n’est alors qu’un sujet secondaire, malgré son immédiateté supposée...)

hokousai a écrit :Si on ne distingue pas deux attributs ( disons les deux qui nous préoccupent ) on tombe soit dans l'idéalisme soit dans le matérialisme , avec des problème pires que ceux soulevés par le parallélisme de Spinoza .

J’ai bien conscience, et je l’ai dit, que Spinoza n’avait pas du tout pris cette option sans raison ; bien au contraire : il y a d’excellentes raisons pour la prendre. Mais elle ne soutient pas l’examen... Il faut donc trouver autre chose... Quelque chose qui n’est ni le spiritualisme, ni le matérialisme (le manichéisme est faux d’un côté comme de l’autre), mais "entre les deux", ou "les deux à la fois... "
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Messagepar hokousai » 04 juil. 2012, 00:12

cher Serge

je disais
Or si nous pouvons en sortir comme vous dîtes c est ( de mon point de vue ) qu' elle nest pas un monde clos hetérogène du monde censé représenté.

Spinoza dit :"<b> toutes les manières dont un corps est affecté suivent de la nature du corps affecté et en même temps de la nature du corps qui l 'affecte </b>.(axiome 1/du lemme 3 partie 2))
Or les perceptions du monde extérieur sont une suite d' idées des affections du corps mais ( à mon avis ) Spinoza pense que pas seulement du corps humain mais aussi suivent de la nature des corps perçus .
Ce nest pas que nous sortons de la psyché c'est la psyché qui sort de sa supposée clôture . Car si la perception dépend des affections du corps propre elle depend aussi de la nature du corps extérieur perçu.
Je ne vois pas un arbre seulement parce que ma rétine puis mon cerveau sont exilés mais parce l' arbre est visible ( par nature ).
Conclusion les manières de la psyché suivent de la nature du corps affecté et en même temps de la nature du corps qui l'affecte .
...........................
Pour moi le parallélisme tient très bien la route . Maintenant il faudrait que je trouve des exemples pour vous le montrer.

Quand vous voyez et quand vous touchez . Le visible et le tangible . La distinction éclairante n'est pas chez Spinoza, elle est chez Berkeley. Berkeley dit«<b> Quant à la lumière et à ses divers modes, tous les penseurs conviennent qu’ils sont des idées particulières à la vue seule ; qu’ils ne sont pas communs au toucher, ni du même genre que les idées qui sont perçues par ce sens.</b>
Les deux accès au monde sont hétérogènes. Héterogène aussi avec la conscience de voir et de toucher. (ça c'est de moi pas de Berkeley ). Les trois peuvent se faire en même temps sur un objet extérieur , sans que le visuel soit cause du touché ni cause de la conscience de l' objet. Tout cela se fait en parallèle .
....................................
Sur l 'étendue .
Ce que fait Spinoza c' est de regrouper visible, tangible ... les accès sensoriels hétérogènes sous un seul attribut. Il délaisse d'ailleurs le sensoriel pour pointer sur le mouvement pour définir les corps . Enfin bref il distingue ce qui affecte le corps humain ( les affects ) et il le distingue de la pensée laquelle n' affecte pas le corps humain. Sauf que les affects c' est aussi les idées de ces affections. Car Spinoza distingue aussi deux enchainements des idées.( scolie prop 18/2)
D' où l' étendue.
La distinction est parfaitement recevable et même canonique.

On est pas obligé d être si systématique dans le partage mais à la différence de l'idéalisme j' aurais tendance à multiplier les attributs plutôt qu' à les réduire à un seul à savoir les idées (la pensée ). J' aurais tendance à faire du visible, puis du tangible etc ...puis de la pensée, des attributs différents de l' expression de la nature.

opinion personnelle ...mais c'est un autre problème, ce n'est pas celui du parallélisme

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Messagepar sescho » 04 juil. 2012, 13:02

hokousai a écrit :je disais
Or si nous pouvons en sortir comme vous dîtes c est ( de mon point de vue ) qu' elle nest pas un monde clos hetérogène du monde censé représenté.

Spinoza dit :"<b> toutes les manières dont un corps est affecté suivent de la nature du corps affecté et en même temps de la nature du corps qui l 'affecte </b>.(axiome 1/du lemme 3 partie 2))
Or les perceptions du monde extérieur sont une suite d' idées des affections du corps mais ( à mon avis ) Spinoza pense que pas seulement du corps humain mais aussi suivent de la nature des corps perçus .

Je n'ai aucun problème avec cela, mais cela ne justifie pas le parallélisme (qui n'est conçu tel à la base, rappelons-le, qu'au niveau de la substance substrat - nature naturante - même) ; au contraire, de mon point de vue.

Encore une fois, selon moi, de fait, Spinoza, ne déduit pas cela du parallélisme, mais inversement triture le parallélisme - qu'il lui a fallu poser d'emblée pour rétablir l'unité de l'unique substance, et pour aucune autre raison - pour en venir là, la conclusion étant pré-établie (ce n'est "pas bien" de dire cela, mais je le pense...)

Spinoza est très bien resitué arrivé à E2P31 (bon, après, il va revenir au parallélisme pour consolider la notion de vérité en invoquant l'entendement de Dieu même - mais c'est finalement assez trivial de mon point de vue -, poser E3P2, etc.) Note : E3P2 n'est utilisée que dans E5P1, juste pour établir une réciproque esprit => corps. E5P1 n'est elle-même "utilisée" que dans E5P39 et ce marginalement (elle est plutôt simplement répétée puisque E5P14 a sa propre démonstration qui n'en fait pas usage ; c'est donc une branche démonstrative faible de mon point de vue), mais son contenu est néanmoins intéressant pour notre sujet.

hokousai a écrit :Ce nest pas que nous sortons de la psyché c'est la psyché qui sort de sa supposée clôture . Car si la perception dépend des affections du corps propre elle depend aussi de la nature du corps extérieur perçu.
Je ne vois pas un arbre seulement parce que ma rétine puis mon cerveau sont exilés mais parce l' arbre est visible ( par nature ).
Conclusion les manières de la psyché suivent de la nature du corps affecté et en même temps de la nature du corps qui l'affecte .

C'est cela : les deux ; mais en l’occurrence en interaction, non en parallèle.

Néanmoins on est en droit de dire que l'on ne peut pas sortir de la psyché... sans pour autant dire que la psyché se conçoit par soi...

Supposons que je visualise par le truchement d'un instrument un phénomène physique qui "par lui-même" ne stimule aucun des sens humains. Par exemple, des ondes radios. On peut prendre encore plus simple, d'ailleurs : un bête poste radio qui stimule non la vue mais l'ouïe.

- Je peux dire là que je ne sors pas de l'instrument : c'est toujours au travers de l'instrument que je perçois le phénomène.

- Pour autant, s'il n'y a pas de signal, l'instrument n'est pas un instrument : il ne produit rien. Est-ce que je peux dire qu'il émet des sons quand il n'y a pas de signal ? Non.

- Mais d'un autre côté, il entre quand-même dans sa nature de produire des sons... pourvu qu'il y ait un signal.

- Par ailleurs, le signal lui-même est-il un son, est-il audible per se ? Non, il ne l'est que lorsqu'il y a un poste radio.

Donc ni le poste radio ni le signal radio ne sont sonores, et il n'y a rien d'autre dans l'affaire... Et pourtant les deux réunis font le sonore / l'audible (ce n'est qu'un exemple ; il faut imaginer le poste radio "comme partie de notre tête" pour mieux en saisir la signification.)

hokousai a écrit :Pour moi le parallélisme tient très bien la route . Maintenant il faudrait que je trouve des exemples pour vous le montrer.

Ne cherchez pas : ce n'est pas possible. Je répète que le parallélisme est conçu au niveau de la nature naturante même, et que cela ne tient pas l'examen. Je l'ai montré plus haut, mais vous ne semblez pas vouloir traiter de mes démonstrations.

Par exemple, la lettre 66 dit très clairement qu'il y a deux classes d'attributs ("formels", "objectifs") qui s'apparient. Cet appariement est déjà une négation de la notion générale d'attribut, et détruit la nécessité de multiplier infiniment les paires, qui deviennent alors des unités, dont nous possédons déjà la seule connue... Qu'un attribut puisse en percevoir un autre est contraire au parallélisme même. Ce qui se compte ne peut pas être divin, l'équivalence contenue dans E1D6 est fausse, etc.

hokousai a écrit :Les deux accès au monde sont hétérogènes. Héterogène aussi avec la conscience de voir et de toucher. (ça c'est de moi pas de Berkeley ). Les trois peuvent se faire en même temps sur un objet extérieur , sans que le visuel soit cause du touché ni cause de la conscience de l' objet. Tout cela se fait en parallèle .

Parallèles ou simultanés ? Séparer le voir et le toucher alors qu'ils relèvent tous deux de l’Étendue selon Spinoza, comme vous le faites bien remarquer ensuite, c'est plutôt contredire le parallélisme (au niveau de la substance), non ?

Spinoza n'a pas spécialement de problème avec toutes ces considérations assez évidentes, mais ce n'est pas le parallélisme de Spinoza.

hokousai a écrit :La distinction est parfaitement recevable et même canonique.

On est pas obligé d être si systématique dans le partage mais à la différence de l'idéalisme j' aurais tendance à multiplier les attributs plutôt qu' à les réduire à un seul à savoir les idées (la pensée ). J' aurais tendance à faire du visible, puis du tangible etc ...puis de la pensée, des attributs différents de l' expression de la nature.

opinion personnelle ...mais c'est un autre problème, ce n'est pas celui du parallélisme

Je crois que de toute façon s'il y avait un fin mot quelqu'un aurait forcément déjà mis le doigt dessus. Ce que j'ai déjà eu l'occasion de dire reste : jamais nous ne relierons l'être-pensé et l'être-étendu en les considérant séparément : c'est impossible. Nous sommes dans la Nature, pas à l'extérieur (et il n'y a pas d'extérieur.) Nous ne pouvons pas l'objectiver, ni l'égaler, juste la sentir. Le Mystère incontournable à qui n'est pas la Nature même, mais mode de cette Nature est là (entre autres ?)

Il ne reste "plus" qu'à laisser au Mystère la place qui lui revient ; toute sa place ; rien que sa place, et à poser le reste avec la même pertinence... La solution n'est ni le spiritualisme (je pense que vous devriez vous méfier d' "idéalisme", qui est plus général et divers, et englobe des positions où la matière a une réalité objective), ni le matérialisme, ni le parallélisme...

Amicalement
Modifié en dernier par sescho le 04 juil. 2012, 14:15, modifié 1 fois.
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Messagepar hokousai » 04 juil. 2012, 13:30

Pour le moment Je vais me cantonner à une de vos remarques :
C'est cela : les deux ; mais en l’occurrence en interaction, non en parallèle.


Nul doute que les corps interagissent pour Spinoza . Oui mais là ( dans la perception du monde dit extérieur ) on a pour lui des corps<b> et des idées des affections du corps</b> .
Les corps interagissent et les idées d' autres part interagissent.
S'il y a une idée de l'arbre dans la nature , elle interagit avec une<b> idée</b> de l' affection du corps voyant l'arbre .

Ce n'est pas l'idée de l'arbre, idée que Dieu a , qui
fait exister l' arbre comme corps étendu.
L'idée que j' ai de l'arbre NE fait exister ni l'arbre ni l 'excitation de ma rétine et du cerveau. Une idée formée d' un arbre ne me le fait pas voir . Je ne décrète pas à volonté ce que je vois dans le monde .
D 'où le parallélisme.

Sinon on a
soit que des corps ( matérialisme )
soit que des idées ( idéalisme)
soit deux substances ,une étendue et une spirituelle qu 'il faut relier par (par exemple) la glande pinéale .

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Messagepar hokousai » 04 juil. 2012, 14:08

- Mais d'un autre côté, il entre quand-même dans sa nature de produire des sons... pourvu qu'il y ait un signal.


Sa nature c'est son <b>actualité</b> . S'il ne produit pas actuellement de son alors sa nature est de ne pas en produire .

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Messagepar sescho » 04 juil. 2012, 19:39

hokousai a écrit :Les corps interagissent et les idées d' autres part interagissent.
S'il y a une idée de l'arbre dans la nature , elle interagit avec une<b> idée</b> de l' affection du corps voyant l'arbre .

Cela me semble plus complexe chez Spinoza : les corps interagissent, mais par exemple une idée de choc de deux corps n'est pas le "choc" des deux idées des deux corps. En fait, l'entendement divin, actualisé par les idées singulières parallèles aux corps singuliers à un instant donné, actualise dans la Pensée (facies totius universi idéelle) la totalité du canevas corporel dans l’Étendue (facies totius universi corporelle), interactions comprises (E2P7, E2P9, ...). L'idée cause englobe les deux corps en interaction (et idem à toute échelle : tout est en interaction au sein de l’Étendue.) C'est d'ailleurs pourquoi Spinoza doit faire preuve de beaucoup d'ingéniosité ("Tout ce qui arrive dans l’objet particulier d’une idée quelconque, Dieu en a la connaissance, en tant seulement qu’il a l’idée de cet objet", E2P9C, par exemple) pour passer de là à la sensation "ressentie subjectivement par un mode particulier". C'est aussi pourquoi l'idée que nous avons dans ce cas, n'étant qu'un bout de l'interaction, comme un bout du bâton sans l'autre, comme "comprendre la queue d'un chien", ... est inadéquate.

hokousai a écrit :on a
soit que des corps ( matérialisme )
soit que des idées ( idéalisme)
soit deux substances ,une étendue et une spirituelle qu 'il faut relier par (par exemple) la glande pinéale .

Non. On peut très bien avoir là un effet d'interaction entre modes sans pour autant faire remonter la subjectivité / objectivité à la nature naturante. Et d'ailleurs, Spinoza avec E2P19 à E2P31 est parfaitement en ligne sur ce point, et ce non pas grâce au parallélisme, mais malgré le parallélisme, posé a priori pour rétablir l'intégrité divine / naturelle.
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Messagepar sescho » 04 juil. 2012, 20:06

hokousai a écrit :
- Mais d'un autre côté, il entre quand-même dans sa nature de produire des sons... pourvu qu'il y ait un signal.


Sa nature c'est son <b>actualité</b> . S'il ne produit pas actuellement de son alors sa nature est de ne pas en produire .

Donc un corps dans l'obscurité complète n'étant pas lumineux, il n'est pas dans sa nature d'être lumineux, et en particulier coloré. Si en outre on le prend en soi indépendamment des conditions extérieures (oui, non ?) alors il n'est pas du tout dans sa nature d'être lumineux et coloré.

Dans les deux cas (particulier ou général), il n'est donc pas dans sa nature d'être visible...

Encore moins, en fait, puisque qu'à cela s'ajoute encore la nécessité d'un récepteur (et une conscience derrière) de la lumière qu'il réfléchit quand elle l'éclaire... Ou faut-il dire que le récepteur fait alors là partie de sa nature ? Si oui, quelle pertinence reste-t-il à le considérer en propre ?
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Messagepar hokousai » 04 juil. 2012, 20:44

Donc un corps dans l'obscurité complète n'étant pas lumineux, il n'est pas dans sa nature d'être lumineux, et en particulier coloré

ça me parait évident .

Si en outre on le prend en soi indépendamment des conditions extérieures (oui, non ?)


Je n' envisage pas de prendre un corps indépendamment des conditions extérieures à ce corps .

Ou faut-il dire que le récepteur fait alors là partie de sa nature ? Si oui, quelle pertinence reste-t-il à le considérer en propre ?


oui et il ny a pas de pertinence à le considérer en propre .


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