LeComedian a écrit :Sur Dieu.
Il me semble que Spinoza n'est pas appelé le prince des philosophes par Deleuze pour rien. Deleuze définissait la philosophie comme l'art de créer et jouer avec des concepts. C'est exactement ce que fait Spinoza. Il crée des concepts qu'il définit puis désigne avec de mots. "Dieu" n'est qu'un mot utilisé par Spinoza pour désigner "un substance constituée par une infinité d'attributs, chacun d'eux exprimant une essence éternelle et infinie".
Pas du tout : c'est l'exact contraire du fond de Spinoza selon moi. D'abord Deleuze, c'est Deleuze, pas Spinoza. Donc rien de ce qu'a dit Deleuze ne peut être attribué à Spinoza sans discussion du fond sur ce qu'a signifié Spinoza lui-même (c'est valable pour tout autre que Spinoza en général.) Je ne sais pas quel était le propos exact de Deleuze, la phrase étant bien placée dans son contexte, mais si l'on prend cette phrase seule, elle s'oppose radicalement à Spinoza : 1) Celui-ci a dit explicitement qu'il ne savait pas s'il avait exposé la meilleure philosophie, mais qu'il était certain d'avoir exposé la vraie. 2) Il applique drastiquement, voire exagérément, "le principe d'économie, qui est économie de principes", ou rasoir d'Occam. Pas un concept chez Spinoza qui ne soit nécessaire à la vérité universelle, et donc nécessairement imposé par l'intuition et la logique, dans l'ordre requis. Tout le contraire d'un jeu intellectuel, et de parler pour ne rien dire de vrai (cela dit, il n'est pas forcément vain de varier les approches pour tester la solidité du résultat.)
LeComedian a écrit :Cependant, le choix de ce mot pose effectivement question. Connaissant sa pensée au sujet des superstitions et religions, je pense qu'il a tout simplement extrait ce concept du cadre religieux pour le vider d'une partie de son sens (la partie anthropomorphique). Le fait qu'il autorise le lecteur à le remplacer par nature révèle également cela à mon sens.
Pour moi, non : il a simplement rétabli le sens millénaire profond (celui ressenti, vécu, par les sages) associé au mot Dieu ; mais oui, il s'opposait alors à la majorité, dominée par les croyances superstitieuses, et surtout aux théologiens, du moins ceux qui n'avaient pas sacrifié le pouvoir temporel au pouvoir spirituel...
LeComedian a écrit :Comme le dit Cess, Dieu est un mot trop lourdement chargé. Un athée (moi par exemple) aura une vision bien différente qu'un chrétien, musulman, juif ou bouddhiste.
Il n'y a pas de Dieu dans le Bouddhisme (et même dans le cas particulier du Vajrayana, où les divinités tantriques symbolisent plutôt des qualités humaines ; du moins, c'est ce que j'en ai compris) ; ceci mis à part le Non-né, à l'extrême limite (et encore cela n'est-il pas accepté par toutes les écoles du Bouddhisme.) Au niveau des contemplatifs, il y a harmonie totale entre chrétiens, soufis, védantins... et par conséquent bouddhistes.
LeComedian a écrit :La question de l'atheisme ou pas de Spinoza est une question assez peu intéressante au final il me semble.
De Spinoza, sans doute, qui est comme il est ; mais certainement pas en général de mon point de vue (après chacun voit les choses comme il les voit, et cela n'empêche pas la Terre de tourner ), car il est très important, comme déjà dit, de distinguer entre l'athéisme qui se limite à rejeter le Dieu anthropomorphique de la superstition (qui n'est pas la pire, en passant) mais qui par ailleurs reconnait pleinement le panthéisme de Spinoza (compatible avec le mysticisme précédent, au langage près éventuellement), et l'athéisme régressif et décadent, qui ne voit rien de la Nature universelle, et se résume donc à la banalisation.
LeComedian a écrit :Maintenant pour être honnête, il ne s'agit pas de la partie que je maîtrise le mieux chez Spinoza, je m'abstiendrai donc d'en dire davantage... mais il me semble que Spinoza contente aussi bien les athées (puisqu'il critique les superstitions et donc les religions telles qu'on les connait aujourd'hui) que les éventuels panthéistes ou religieux qui en retiennent la spiritualité de l'émerveillement, de l'instant présent, de la contemplation de la réalité.
C'est cela, mais ne coule pas de source pour tout le monde.
LeComedian a écrit :Sur "les sciences".
On retrouve souvent cette idée dans l'opinion commune: "la science est une nouvelle religion" ou alors "la science ne pas peut tout expliquer". Je trouve que ces idées sont relativement faibles. De même, la position "la science nous apporte du bien mais aussi du mal" n'est pas satisfaisante. Il ne s'agit pas de la science en tant que tel, mais bien de la démarche scientifique qui nous permet grâce à la confrontation constante avec le réel de s'extirper du premier niveau de la connaissance pour atteindre le second.
Vous démarrez encore une fois en critiquant négativement pour finalement dire la même chose... Il n'a jamais été question de critiquer la science en général (et je suis moi-même de formation scientifique supérieure Math-Physique-Chimie) ; ce serait idiot. La science c'est d'abord l'art de bien conduire son esprit, quelle qu'en soit l'application ; cela se rapproche du mental supérieur, ou buddhi et cela s'applique à tout. Il y a une science de l'esprit, le bon sens pratique est aussi une sorte de science, etc. La question discutée n'était pas celle-là, mais celle du bien fondé de prendre la Physique (science des mouvements dans la matière) comme guide vers la béatitude spinozienne.
Même si Spinoza se fend de quelques développements sur les corps en verrue après E2P13, il est clair et manifeste que la Physique n'est pour rien dans la béatitude spinozienne telle qu'abordée dans l'Éthique. Celle-ci vient avec les notions communes dont la principale, par dessus tout et avant tout, est Dieu-Nature, qui est la communauté d'être qui transparaît entre les modes d'un même attribut, et qui est cet attribut même (la Matière, par exemple, qui se conçoit par soi et est donc en soi, etc.), et qui est si immédiate à la sensation qu'on peut presque la dire innée.