Peut-on être un spinoziste modéré, ou spinoziste athée ?

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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sescho
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Messagepar sescho » 13 sept. 2012, 16:55

LeComedian a écrit :Sur Dieu.
Il me semble que Spinoza n'est pas appelé le prince des philosophes par Deleuze pour rien. Deleuze définissait la philosophie comme l'art de créer et jouer avec des concepts. C'est exactement ce que fait Spinoza. Il crée des concepts qu'il définit puis désigne avec de mots. "Dieu" n'est qu'un mot utilisé par Spinoza pour désigner "un substance constituée par une infinité d'attributs, chacun d'eux exprimant une essence éternelle et infinie".

Pas du tout : c'est l'exact contraire du fond de Spinoza selon moi. D'abord Deleuze, c'est Deleuze, pas Spinoza. Donc rien de ce qu'a dit Deleuze ne peut être attribué à Spinoza sans discussion du fond sur ce qu'a signifié Spinoza lui-même (c'est valable pour tout autre que Spinoza en général.) Je ne sais pas quel était le propos exact de Deleuze, la phrase étant bien placée dans son contexte, mais si l'on prend cette phrase seule, elle s'oppose radicalement à Spinoza : 1) Celui-ci a dit explicitement qu'il ne savait pas s'il avait exposé la meilleure philosophie, mais qu'il était certain d'avoir exposé la vraie. 2) Il applique drastiquement, voire exagérément, "le principe d'économie, qui est économie de principes", ou rasoir d'Occam. Pas un concept chez Spinoza qui ne soit nécessaire à la vérité universelle, et donc nécessairement imposé par l'intuition et la logique, dans l'ordre requis. Tout le contraire d'un jeu intellectuel, et de parler pour ne rien dire de vrai (cela dit, il n'est pas forcément vain de varier les approches pour tester la solidité du résultat.)

LeComedian a écrit :Cependant, le choix de ce mot pose effectivement question. Connaissant sa pensée au sujet des superstitions et religions, je pense qu'il a tout simplement extrait ce concept du cadre religieux pour le vider d'une partie de son sens (la partie anthropomorphique). Le fait qu'il autorise le lecteur à le remplacer par nature révèle également cela à mon sens.

Pour moi, non : il a simplement rétabli le sens millénaire profond (celui ressenti, vécu, par les sages) associé au mot Dieu ; mais oui, il s'opposait alors à la majorité, dominée par les croyances superstitieuses, et surtout aux théologiens, du moins ceux qui n'avaient pas sacrifié le pouvoir temporel au pouvoir spirituel...

LeComedian a écrit :Comme le dit Cess, Dieu est un mot trop lourdement chargé. Un athée (moi par exemple) aura une vision bien différente qu'un chrétien, musulman, juif ou bouddhiste.

Il n'y a pas de Dieu dans le Bouddhisme (et même dans le cas particulier du Vajrayana, où les divinités tantriques symbolisent plutôt des qualités humaines ; du moins, c'est ce que j'en ai compris) ; ceci mis à part le Non-né, à l'extrême limite (et encore cela n'est-il pas accepté par toutes les écoles du Bouddhisme.) Au niveau des contemplatifs, il y a harmonie totale entre chrétiens, soufis, védantins... et par conséquent bouddhistes.

LeComedian a écrit :La question de l'atheisme ou pas de Spinoza est une question assez peu intéressante au final il me semble.

De Spinoza, sans doute, qui est comme il est ; mais certainement pas en général de mon point de vue (après chacun voit les choses comme il les voit, et cela n'empêche pas la Terre de tourner :-) ), car il est très important, comme déjà dit, de distinguer entre l'athéisme qui se limite à rejeter le Dieu anthropomorphique de la superstition (qui n'est pas la pire, en passant) mais qui par ailleurs reconnait pleinement le panthéisme de Spinoza (compatible avec le mysticisme précédent, au langage près éventuellement), et l'athéisme régressif et décadent, qui ne voit rien de la Nature universelle, et se résume donc à la banalisation.

LeComedian a écrit :Maintenant pour être honnête, il ne s'agit pas de la partie que je maîtrise le mieux chez Spinoza, je m'abstiendrai donc d'en dire davantage... mais il me semble que Spinoza contente aussi bien les athées (puisqu'il critique les superstitions et donc les religions telles qu'on les connait aujourd'hui) que les éventuels panthéistes ou religieux qui en retiennent la spiritualité de l'émerveillement, de l'instant présent, de la contemplation de la réalité.

C'est cela, mais ne coule pas de source pour tout le monde.

LeComedian a écrit :Sur "les sciences".
On retrouve souvent cette idée dans l'opinion commune: "la science est une nouvelle religion" ou alors "la science ne pas peut tout expliquer". Je trouve que ces idées sont relativement faibles. De même, la position "la science nous apporte du bien mais aussi du mal" n'est pas satisfaisante. Il ne s'agit pas de la science en tant que tel, mais bien de la démarche scientifique qui nous permet grâce à la confrontation constante avec le réel de s'extirper du premier niveau de la connaissance pour atteindre le second.

Vous démarrez encore une fois en critiquant négativement pour finalement dire la même chose... Il n'a jamais été question de critiquer la science en général (et je suis moi-même de formation scientifique supérieure Math-Physique-Chimie) ; ce serait idiot. La science c'est d'abord l'art de bien conduire son esprit, quelle qu'en soit l'application ; cela se rapproche du mental supérieur, ou buddhi et cela s'applique à tout. Il y a une science de l'esprit, le bon sens pratique est aussi une sorte de science, etc. La question discutée n'était pas celle-là, mais celle du bien fondé de prendre la Physique (science des mouvements dans la matière) comme guide vers la béatitude spinozienne.

Même si Spinoza se fend de quelques développements sur les corps en verrue après E2P13, il est clair et manifeste que la Physique n'est pour rien dans la béatitude spinozienne telle qu'abordée dans l'Éthique. Celle-ci vient avec les notions communes dont la principale, par dessus tout et avant tout, est Dieu-Nature, qui est la communauté d'être qui transparaît entre les modes d'un même attribut, et qui est cet attribut même (la Matière, par exemple, qui se conçoit par soi et est donc en soi, etc.), et qui est si immédiate à la sensation qu'on peut presque la dire innée.
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Messagepar Int » 18 sept. 2012, 20:43

Merci pour vos réponses et pour votre patience à propos de ces sujets que vous avez déjà discutés avec d'autres.

A Hokusai >>>

hokousai a écrit : S 'agit il d' UN être ? Spinoza dans la lettre 50 nous dit que<b> nous ne pouvons pas dire que Dieu est seul et unique</b> .Ce serait pouvoir comparer.
.............................
On peut formuler autrement la question: ce qui existe n' est pas borné par quoi que ce soit de même nature, c' est à dire par quelque chose d' existant. A fortiori pas borné par le néant qui lui n' existe pas.


Je suis d'accord avec le fait que la formule "Un être" doit être équivalente à "l'Être" pour être juste.

Pour ce que vous dites ensuite, on pourrait rester en accord avec ce que vous dites en affirmant que la pensée et l'étendue, appartenant à une même substance, sont infinis, mais qu'il n'y a rien en dehors d'eux. S'il est impossible pour les autres attributs que la pensée et l'étendue d'exister, alors ces autres attributs, ne pouvant exister, ne limitent pas le "ce-qui-est", et on construit une ontologie non-spinoziste en conformité avec ce que vous dites : l'être (c'est-à-dire la pensée et l'étendue, rien d'autre) n'est limité ni par l'être (la pensée et l'étendue), ni par le néant (ce qui est autre que la pensée et l'étendue, ce qui n'est pas). L'objection d'un spinoziste sera, je crois, que la substance à laquelle on aboutira n'est plus absolument infinie, et que l'être absolument infini ne peut être privé d'une infinité d'attributs. Mais pourquoi la substance devrait-elle être absolument infinie ? Rien ne prouve qu'il y a un être absolument infini, rien ne prouve qu'il y a une infinité d'attributs, toutes ces affirmations sont posées en axiome. Si je nie que faire appel à cette définition de Dieu, qui met tous les hommes du 17è d'accord, a une pertinence pour fonder une ontologie (contrairement au concept de substance qui par exemple se justifie pour comprendre le devenir et pour répondre au problème posé par les Eléates), qu'est ce que Spinoza me répondrait ? Quel problème philosophique justifie de poser la définition 6 ? Si j'ai bien compris la réponse de Sescho, il n'y a pas à justifier cette définition parce qu'elle a la valeur d'un axiome. Mais Spinoza pose en axiome quelque chose qui est loin d'être garanti par l'évidence, comme le sont les autres définitions et axiomes. J'en rediscuterai plus bas dans ce post.

Par ailleurs, ce que vous dites sur le fait que Dieu est "l'existence tout court" et que cette existence n'est pas informelle me semble très éclairant pour saisir la pensée de Spinoza, je vous en remercie, comme pour tout le reste. Je ne suis pas convaincu mais je pense mieux saisir la pensée de l'auteur.

Vous dites au sujet de cette existence qui n'est pas informelle qu'elle "se constate", qu'elle se "montre". Mais elle se montre sous l'attribut étendue et l'attribut pensée. Si on fait appel à l'intuition et à l'évidence, rien ne nous oblige à poser que "l'existence" comprend autre chose que la pensée et l'étendue, qui, elles, de fait, se montrent bel et bien. Que l'existence se montre permet de faire appel au concept de substance mais ne permet pas de "sauter" à l'infinité des attributs pour cette substanc, et de poser la déf. 6. Par ailleurs je reconnais que si on admet la déf. 6, tout se tient, il n'y a aucun manque de cohérence, ou en tout cas je n'en vois pas.


Remarque judicieuse. Mais alors il y aurait DEUX substances ( voir Descartes ).
Ce nest pas parce qu'il a posé la def 6 que Spinoza pense qu' il n' y a qu 'une seule substance.


J'aimerais beaucoup que vous développiez ce point, si vous le voulez bien. Dans le détail du texte, qu'est-ce qui prouve l'unicité de la substance en dehors du concept de Dieu ?

A Sescho >>>

Je m'accorde avec vos deux premiers §. Merci pour la correction concernant Dieu comme Tout, et tout à fait d'accord avec l'E1P7.

Ce que vous dites plus loin confirme mon problème :

La définition 6 est équivalente à un axiome, autrement dit une affirmation acceptée d’emblée (donc sans démonstration, par nature, étant au contraire en amont de toute démonstration), et ce, s’agissant de Spinoza, comme étant réelle (une essence réelle est affirmée par-là.) Soit on l’accepte, soit on ne l’accepte pas, mais il n’y a aucun droit de la juger, sauf à montrer qu’une affirmation est antérieure en nature, et/ou qu’il y a contradiction, etc.


Ma question est dès lors : pourquoi cette définition plutôt qu'une autre ? Quelle bonne raison pour accepter cette définition ? On peut montrer une bonne raison pour toutes les autres : les définitions de la cause de soi, du mode et de l'attribut sont nécessaires pour rendre plus tard cohérents le concept de substance, qu'il est nécessaire de poser pour comprendre le devenir et la réalité. Les axiomes et définitions se justifient tous pour la plupart par leur grande évidence (l'homme pense, tout ce qui est est ou bien en soi ou bien en autre chose, etc). Mais la déf. 6 se pose comme un axiome qui n'a rien d'évident. Ce n'est que si la déf. 6 énonce une essence réelle que la démonstration de l'existence de Dieu a une valeur... sauf que cette démonstration devient inutile, puisqu'on a déjà énoncé l'existence de Dieu dans cette définition axiomatique. La P11 n'apporte en fait rien par rapport à la déf. 6 : l'existence d'une absolue infinité d'attributs infinis composant une substance (et pas seulement l'existence de "ce qui est", auquel cas il aurait suffit de dire "par existence j'entends ce qui existe") est un axiome non-évident.

L’intuition première (c’est-à-dire non polluée par les imaginations, émotions, désirs passifs, etc., etc.) impose l’être infini. Infinité d’attributs ou pas, c’est secondaire.


Je ne vous comprends pas quand vous dites que l'infinité des attributs est secondaire. Elle me semble primordiale, puisque l'infinité des attributs n'est rien d'autre que l'absolue infinité de Dieu. Ou alors on nie la pertinence des attributs pour comprendre le réel, ce que, je crois, vous faites dans le lien que vous me donnez (peu de temps pour tout lire, navré...). Mais alors on sort du spinozisme. Pour ma part, l'être infini ne me pose pas de problème si son infinité s'exprime (et ne s'exprime que) dans l'infinité de l'attribut pensée et de l'attribut étendue.

Quant à ceci :

Toute perfection est en Dieu
Or exister est une perfection
Donc l'existence est en Dieu

Le problème, c'est que les prémisses doivent être mieux connues que les conclusions qu'on en tire. Or, vous affirmez l'existence de Dieu dès la première prémisse en énonçant une prédication que vous jugez réelle : toute perfection n'est en Dieu que si Dieu existe. Le raisonnement n'est ainsi valide que s'il est affirmé implicitement que Dieu existe dès la première prémisse, et celle-ci n'est ainsi nullement mieux connue que la conclusion. Elle n'est pas connue du tout. Prouver une existence suppose que les termes mis en relation renvoient à une réalité, alors que cette réalité est ce qui est mis en question. La conclusion est ici implicitement supposée dans les prémisses. Dès qu'on dit "Dieu est ... x" dans une prémisse, on affirme que Dieu existe, il est inutile de poursuivre la démonstration. Il y a donc un problème : qu'est-ce qui justifie les prémisses ? En tout cas pas l'expérience, et pas l'évidence.

Cette question appelle cette autre question : qu'est-ce qui justifie l'affirmation de l'essence de la déf. 6 ? Rien me répondrez vous peut-être, puisqu'il s'agit d'un axiome. Mais dans ce cas la discussion est close : vous l'acceptez, moi non. Mais pourquoi l'acceptez vous ? Pour ma part, je ne l'accepte pas parce qu'elle me semble affirmer une essence qui dépasse de loin ce qui nous est strictement nécessaire de poser pour comprendre le réel. J'ai conscience de pouvoir me tromper, bien entendu.

Donc, l’existence nécessaire résulte de ce seul point que Dieu est défini (par Spinoza, ce qui équivaut à : affirmé comme essence réelle) comme substance. [...] Spinoza affirme la réalité d’une essence - ou nature, ou forme (eidos) - (que vous l’acceptiez ou non, c’est un autre problème) et du fait qu’il s’agit d’une substance elle existe nécessairement, et du fait qu’elle est absolument infinie, elle seule peut exister. C’est très simple. Il n’y a rien à chercher du côté de la logique : vous acceptez la notion commune ou vous ne l’acceptez pas, c’est tout. Il n’y a aucune tautologie, pétition de principe, etc. (à partir du moment où on a compris que Spinoza ne fait pas de définition hypothétique, mais affirme au contraire la réalité d’une essence lorsqu’il en pose la définition.)


Tout cela est très éclairant. Mais pourquoi accepter cette notion commune, qui n'a pas grand chose d'une notion commune (qu'y a-t-il d'évident et d'axiomatique à poser l'existence d'une infinité d'attributs tous inconnaissables sauf deux ?) ? C'est précisément dans ce "acceptez la définition et tout fonctionne" que je vois de l'arbitraire.

Je pense cela dit avoir compris, grâce aux réponses des intervenants et grâce à quelques autres topics, la cohérence de Spinoza, que je n'ai de toute façon jamais niée. Mais pour ma part, si j'admets qu'il n'y a pas d'auto-contradiction dans sa pensée, j'ai besoin d'une raison pour accepter l'usage de cette déf dans ma pensée personnelle. La raison des autres axiomes/définitions, c'est pour moi l'évidence, même lorsque celle-ci résulte d'une réflexion philosophique (par exemple, le problème posé par les Eléates appelant le concept de substance pour comprendre le réel).

L’unique première question est donc : est-ce que vous sentez cela, l’unité de l’Univers en dehors duquel il n’y a rien, ou non ?


Je sens l'unité d'un Univers composé de l'attribut pensée et l'attribut étendue en dehors duquel (et desquels) il n'y a rien. Je sens une vraisemblance qui veut que l'entendement humain a accès à ce qui constitue l'essence de l'être, et je sens qu'il n'y a pas une infinité d'arrières-mondes qui dépassent ce que l'entendement humain connaît. Je pense pouvoir répondre oui à votre question.

Je suis navré si mes objections ne feront rien d'autre que témoigner mon incompréhension des problèmes et des thèses que nous abordons, et je comprendrais si vous souhaitez en finir avec la question. J'espère aussi n'irriter personne, comme cela arrive parfois dans les discussions. Pour ma part je vous remercie pour vos réponses.

Cordialement,

Int

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Messagepar hokousai » 18 sept. 2012, 23:56

à Int


Dans le détail du texte, qu'est-ce qui prouve l'unicité de la substance en dehors du concept de Dieu ?

Ce dont le concept n' a pas besoin du concept d'autre chose d' où il faille le former est unique parce que par définition tout autre chose n' est justement pas d' un concept tel qu'il n' ait pas besoin d'autre chose.
La Substance est unique parce que c'est ce qui n'est sérialisable (ou duplicable ).
S' il y avait deux choses( 2 substances en l' occurrence) qui n' avaient pas besoin d' autres choses d' où il faille tirer leur concept , ce serait la <b>même</b> chose. Les deux(ou plus) supposées substances ne seraient pas distinguables.
voir prop 5/1 et 6/1 ( autrement )

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Messagepar sescho » 20 sept. 2012, 20:48

Int a écrit :... pourquoi cette définition plutôt qu'une autre ? Quelle bonne raison pour accepter cette définition ? On peut montrer une bonne raison pour toutes les autres : les définitions de la cause de soi, du mode et de l'attribut sont nécessaires pour rendre plus tard cohérents le concept de substance, qu'il est nécessaire de poser pour comprendre le devenir et la réalité. Les axiomes et définitions se justifient tous pour la plupart par leur grande évidence (l'homme pense, tout ce qui est est ou bien en soi ou bien en autre chose, etc). Mais la déf. 6 se pose comme un axiome qui n'a rien d'évident. Ce n'est que si la déf. 6 énonce une essence réelle que la démonstration de l'existence de Dieu a une valeur... sauf que cette démonstration devient inutile, puisqu'on a déjà énoncé l'existence de Dieu dans cette définition axiomatique. La P11 n'apporte en fait rien par rapport à la déf. 6 : l'existence d'une absolue infinité d'attributs infinis composant une substance (et pas seulement l'existence de "ce qui est", auquel cas il aurait suffit de dire "par existence j'entends ce qui existe") est un axiome non-évident.

- Déjà, il me semble plus correct de dire "la définition E1D6 ne ME semble pas évidente", car en la matière la science ultime est rarissime et donc l'erreur a contrario universellement répandue. MAIS je suis d'accord qu'elle pose un problème. Si vous vous reportez au lien que j'ai mentionné ci-dessus au sujet des attributs et du parallélisme, vous comprendrez pourquoi.

- Encore une fois, une définition dit ce que la chose est, seulement cela, et ne porte pas sur l'existence, qui n'est pas de son ordre (sauf comme généralité de l'étant, à titre hypothétique et de simple concept, bien sûr : définition de la chose singulière, etc.) Donc l'existence ne peut que, soit se constater, soit se déduire de la définition d'une chose éternelle, donc d'une chose qui existe en soi, donc d'une substance. Toute affirmation de substance implique par déduction l'existence. MAIS je suis d'accord qu'on peut juger la démonstration superfétatoire, puisque la conception adéquate d'une substance inclut l'existence nécessaire (ce que Spinoza dit lui-même.) Mais ce n'est certes pas un point dur de mon point de vue. La question est bien au niveau de E1D6.

Int a écrit :
L’intuition première (c’est-à-dire non polluée par les imaginations, émotions, désirs passifs, etc., etc.) impose l’être infini. Infinité d’attributs ou pas, c’est secondaire.

Je ne vous comprends pas quand vous dites que l'infinité des attributs est secondaire. Elle me semble primordiale, puisque l'infinité des attributs n'est rien d'autre que l'absolue infinité de Dieu. Ou alors on nie la pertinence des attributs pour comprendre le réel, ce que, je crois, vous faites dans le lien que vous me donnez (peu de temps pour tout lire, navré...). Mais alors on sort du spinozisme. Pour ma part, l'être infini ne me pose pas de problème si son infinité s'exprime (et ne s'exprime que) dans l'infinité de l'attribut pensée et de l'attribut étendue.

Il ne s'agit pas de l'infinité des attributs (personne ne la conteste), mais de l'infinité d'attributs. Il s'agit d'un infini dénombrable (ce que vous contestez vous-même d'un autre côté.)

Par ailleurs la structure même de E1D6 montre que Spinoza affirme d'abord l'absolue infinité de Dieu (le terme "absolue" distingue précisément Dieu des attributs, qui ne sont infinis qu'en leur genre ; mais bon, comme un attribut c'est Dieu même vu suivant une dimension particulière de l'être...) et ce n'est qu'ensuite seulement qu'il passe à l'infinité d'attributs.

Oui je conteste - et je ne suis pas le seul - la pertinence de la notion d'attribut, et donc l'infinité d'attributs et le parallélisme qui va avec. Cela semble beaucoup vis-à-vis de Spinoza, mais pour moi c'est très peu eu égards au reste, outre d'obliger à se poser de très bonnes questions, car Spinoza ne s'est pas lancé là-dedans sans de très solides raisons.

Rappelons que l'attribut a toutes les propriétés d'une substance (à ceci près qu'il est défini comme dimension d'une substance "chapeau" posée avant lui - E1D6) : il doit être conçu par soi, à l'exclusion de toute référence à un autre attribut.

Rien que dire cela montre qu'il y a un gros problème d'entrée : comment l'attribut Pensée pourrait-il jamais penser l'attribut Étendue dans ces conditions ?

Int a écrit :Quant à ceci :

Toute perfection est en Dieu
Or exister est une perfection
Donc l'existence est en Dieu

Le problème, c'est que les prémisses doivent être mieux connues que les conclusions qu'on en tire. Or, vous affirmez l'existence de Dieu dès la première prémisse en énonçant une prédication que vous jugez réelle : toute perfection n'est en Dieu que si Dieu existe. Le raisonnement n'est ainsi valide que s'il est affirmé implicitement que Dieu existe dès la première prémisse, et celle-ci n'est ainsi nullement mieux connue que la conclusion. Elle n'est pas connue du tout. Prouver une existence suppose que les termes mis en relation renvoient à une réalité, alors que cette réalité est ce qui est mis en question. La conclusion est ici implicitement supposée dans les prémisses. Dès qu'on dit "Dieu est ... x" dans une prémisse, on affirme que Dieu existe, il est inutile de poursuivre la démonstration. Il y a donc un problème : qu'est-ce qui justifie les prémisses ? En tout cas pas l'expérience, et pas l'évidence.

Encore une fois, lorsqu'on dit "Dieu" on affirme là avant tout une idée, claire et distincte, une essence ; pas directement une existence à proprement parler (Spinoza dit que l'existence de Dieu est moins évidente que les notions communes.) C'est de là que partent certaines démonstrations de l'existence de Dieu : elles prennent acte - axiome ; notion commune - de l'universalité chez les hommes (c'était plus évident du temps de Spinoza qu’aujourd’hui...) de l'idée de l'Être absolument parfait, autrement dit de Dieu (donc toute perfection est en Dieu) : l'Homme a une idée claire et distincte - et donc vraie - de l'essence de Dieu... mais il peut néanmoins se poser la question de son existence (ce qui suppose cependant que la vision n'est pas si claire et distincte que cela, comme nous l'avons déjà dit pour la substance en général au sujet de E1D6, E1P7, E1P11, etc.)

Int a écrit :Cette question appelle cette autre question : qu'est-ce qui justifie l'affirmation de l'essence de la déf. 6 ? Rien me répondrez vous peut-être, puisqu'il s'agit d'un axiome. Mais dans ce cas la discussion est close : vous l'acceptez, moi non. Mais pourquoi l'acceptez vous ? Pour ma part, je ne l'accepte pas parce qu'elle me semble affirmer une essence qui dépasse de loin ce qui nous est strictement nécessaire de poser pour comprendre le réel. J'ai conscience de pouvoir me tromper, bien entendu.

Je n'accepte pas la notion d'attribut, et c'est elle qui met un peu le bazar dans la définition de Dieu (parce que c'est très clair pour moi : la notion d'attribut est une élaboration - tout-à-fait originale à Spinoza, sauf erreur - pré-fabriquée et destinée à réduire la "dualité Pensée-Matière.")

Int a écrit :... pourquoi accepter cette notion commune, qui n'a pas grand chose d'une notion commune (qu'y a-t-il d'évident et d'axiomatique à poser l'existence d'une infinité d'attributs tous inconnaissables sauf deux ?) ? C'est précisément dans ce "acceptez la définition et tout fonctionne" que je vois de l'arbitraire.

Personne n'est sommé de prendre une notion commune... Soit elle est vue clairement, soit non (bon, pour être un peu plus pragmatique et donc moins manichéen : on peut l'admettre comme hypothèse, et voir où cela conduit...)

Mais encore une fois, ce qui pose problème au seul niveau de E1D6, ce sont les attributs (la notion d'attribut même, car à ce stade nous ne savons pas bien de quoi il s'agit - même si l'essence de la substance doit beaucoup ressembler à la substance... -, ni qu'on n'en connaît que deux, etc.) La définition de Dieu à la base reste la bonne : encore une fois, il y a en fait deux temps dans E1D6 : un premier sans attributs (sauf peut-être le "absolument") qui dit l'unité substantielle de tout ce-qui-est, et un second qui traduit cela (de façon abusive selon moi et d'autres) en une "infinité d'attributs." A noter que Spinoza veut dire en fait simplement "tout attribut est nécessairement en Dieu" - "(absolument) infini" voulant dire "non limité" - et c'est comme cela qu'il l'utilise (E1P14 ; mais c'est contestable à partir d'un infini dénombrable.) Donc le "une infinité d'attributs dont nous ne connaissons que deux" est relativement secondaire dans cette orientation (c'est l'aspect numérique qui pose problème.)

Après on peut en revenir à l'impertinence d'attribuer "2" à Dieu. Le sujet a en particulier été bien développé ici. Mais le simple fait que cela soit numérique est déjà choquant, même si je ne sais pas forcément bien dire pourquoi.

Int a écrit :Je sens l'unité d'un Univers composé de l'attribut pensée et l'attribut étendue en dehors duquel (et desquels) il n'y a rien. Je sens une vraisemblance qui veut que l'entendement humain a accès à ce qui constitue l'essence de l'être, et je sens qu'il n'y a pas une infinité d'arrières-mondes qui dépassent ce que l'entendement humain connaît. Je pense pouvoir répondre oui à votre question.

C'est l'essentiel. Maintenant vous reprenez à votre compte la notion d'attribut (qui se place au niveau de Dieu naturant chez Spinoza, c'est-à-dire au plus haut niveau) :

Spinoza a écrit :E1P10S : On voit par là que deux attributs, quoiqu’ils soient conçus comme réellement distincts, c’est-à-dire l’un sans le secours de l’autre, ne constituent pas cependant deux êtres ou deux substances diverses. Il est en effet de la nature de la substance que chacun de ses attributs se conçoive par soi ; et tous cependant ont toujours été en elle, et l’un n’a pu être produit par l’autre ; mais chacun exprime la réalité ou l’être de la substance. Il s’en faut beaucoup, par conséquent, qu’il y ait de l’absurdité à rapporter plusieurs attributs à une seule substance. N’est-ce pas, au contraire, la chose la plus claire du monde que tout être se doit concevoir sous un attribut déterminé, et que, plus il a de réalité ou d’être, plus il a d’attributs qui expriment la nécessité ou l’éternité et l’infinité de sa nature ? Et, par conséquent, n’est-ce pas aussi une chose très-claire que l’on doit définir l’être absolument infini (comme on l’a fait dans la Déf. 6). Savoir : l’être à qui appartiennent une infinité d’attributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie ? ...

E2P6 : Les modes d’un attribut, quel qu’il soit, ont Dieu pour cause, en tant que Dieu est considéré sous le point de vue de ce même attribut dont ils sont les modes, et non sous aucun autre point de vue.

Démonstration : Tout attribut, en effet, est conçu par soi indépendamment des autres attributs (par la Propos. 10, partie 1). Par conséquent, les modes de tout attribut enveloppent le concept de cet attribut et non d’aucun autre ; d’où il suit (par l’Axiome 4, partie 1) qu’ils ont pour cause Dieu, en tant qu’on le considère sous le point de vue de ce même attribut dont ils sont les modes et non sous aucun autre point de vue. C. Q. F. D.

E2P7S : ... la substance pensante et la substance étendue ne font qu’une seule et même substance, laquelle est conçue tantôt sous l’un de ses attributs et tantôt sous l’autre. De même, un mode de l’étendue et l’idée de ce mode ne font qu’une seule et même chose exprimée de deux manières. ...

... si vous considérez les choses comme modes de la pensée, vous devez expliquer l’ordre de toute la nature ou la connexion des causes par le seul attribut de la pensée ; et si vous les considérez comme modes de l’étendue, par le seul attribut de l’étendue, et de même pour tous les autres attributs. ...

Mais il y a derrière cette notion d'attribut une élaboration, car l'unité se voit d'emblée, sans distinguer la pensée de l'étendue, surtout au niveau de l'univers même : il y a pensée-de-l'étendue dans un seul et même mouvement, une seule et même unité.
Connais-toi toi-même.

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Messagepar hokousai » 20 sept. 2012, 23:52

cher Serge

cher serge

vous citez Spinoza fort à propos

Spinoza dit donc:" si vous considérez les choses comme modes de la pensée, vous devez <b>expliquer</b> l’ordre de toute la nature ou la connexion des causes par le seul attribut de la pensée ; et si vous les considérez comme modes de l’étendue, par le seul attribut de l’étendue, et de même pour tous les autres attributs." ...

La substance est conçue comme une jouissance infinie de l'existence ou de l être mais <b>pas les modes</b> .
Il faut bien expliquer les modes. Expliquer signifiant les renvoyer à une cause .

Comment expliquer l' ordre de toute la nature seulement par la connexion des idées ( ou des corps )? Accumuler à l'infini des choses durables ne fait pas sortir de la durée. De plus les modes n' ont pas l'existence nécessaire et l'accumulation d' une infinité de modes ne produisent pas la nécessité. La cause des modes ce ne sont pas les modes ou pour le dire autrement: la durée n' explique pas l'éternité ( ou n'est pas cause de l'éternité ).

exemple : L' entendement infini peut être compris comme une somme d ' idées s' enchainant ( nature naturée ) mais pas la<b> pensée</b>. Pas la <b>pensée telle que Spinoza la conçoit c'est à dire comme attribut de la substance </b>. D ' où le grand service que procure l 'idée d attribut .

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Messagepar sescho » 21 sept. 2012, 09:37

A Hokousai,


L'entendement infini - chez Spinoza - est le mode infini et éternel de la Pensée. Il est immuable, et il n'y a pas de mouvement en lui (après, lorsque les corps apparaissent (en acte), les idées de ces corps apparaissent simultanément en acte, etc.) Je ne saurais dire à quoi il ressemble (le chien aboyant n'atteignant pas la constellation céleste... ;-) ), mais il doit être pour l'essentiel la traduction de la nature du Mouvement et de des Lois ; ou alternativement, mais dans une vision nettement moins pertinente qui part des choses particulières, du lieu et du temps : l'idée de tout corps, de tout mouvement de corps, de toute déformation - affection - de corps par d'autres corps, ... "possible" (qui viendra à l'existence à un moment ou un autre, ou plutôt une infinité de fois, dans la sempiternité.)

Ce qui est important c'est la notion de substance : ce qui est en soi, cause de soi, éternel (et donc immuable, si l'on se réfère encore une fois au temps), etc. Encore une fois, la notion d'attribut (qui est la notion de substance même, mais rapportée à une "substance chapeau") n'a pas la moindre justification s'il n'y en a pas plusieurs. Une "substance à un attribut" n'a pas de sens en fait (même si on peut éventuellement se comprendre quand-même avec cette grosse "approximation") : il ne reste alors que la substance (celle précise qu'on a défini, pas le concept général de substance : "Dieu est une substance (absolument) infinie.")

Tant que l'on saisit l'unité de ce-qui-est dans un seul mouvement, on en reste à la substance. Dès que l'on sépare la pensée de l'étendue, on a un problème, qui se traduit chez Spinoza par la notion d'attribut. Les stoïciens considéraient l'âme comme un corps. Les védantins (et bouddhistes dans une très large mesure) posent d'emblée une sorte de superposition dans un tout unique : corps grossier (matériel), corps subtil (émotions), corps causal (pensées), outre la conscience pure qui saisit l'unité et l'éternité de tout : le Soi (le Non-né, la nature de Bouddha,...)

Je rappelle l'enjeu de la question : il ne s'agit pas de nier (mais on peut quand-même le discuter par rapport à la saisie globale) que la réalité de l'homme lui fasse concevoir deux dimensions primordiales de l'être, mais seulement qu'il soit légitime de placer cette distinction au niveau même de la substance unique réellement primordiale, au lieu de la laisser au mode humain, forcément limité en tant que partie finie de la Nature. Et à l'examen, le parallélisme (qui est une conséquence logique directe de la pose des attributs, et donc ceci s'étend au concept même d'attribut) ne tient pas la route.
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Messagepar hokousai » 21 sept. 2012, 12:50

à serge

L'entendement infini - chez Spinoza - est le mode infini et éternel de la Pensée. Il est immuable, et il n'y a pas de mouvement en lui (après,....
Entendement ou intellect les deux mots traduisent "intellectus",, c'est selon les traducteurs.

L' intellect infini est immuable, certes, mais immuablement <b>actif</b>. Qu'en est -il de son activité? Si "les idées de ces corps apparaissent simultanément en acte," Qu' en est- il de l'apparition ? C' est à dire en fait de la nature naturée et en fait de la production d' une nature telle que nous la percevons.

Je ne pense pas que soit imaginaire ( pour Spinoza ) la distinction entre Dieu et les choses pour lesquelles l 'essence ne coincide pas avec l'existence ?
Ce qui fait le lien entre la naturante et la naturée ce sont les attributs .
ET je ne pense pas, contrairement à Wolfson que j 'admire par ailleurs que Spinoza pense les attributs comme seulement nominaux/une manière de déccrire. Pour le dire vite pour Spinoza les attributs ont une <b>réalité objective</b>.

"""Une "substance à un attribut" n'a pas de sens en fait"""
D 'accord, mais une substance à 2 commence à avoir du sens . Sauf qu' à partir de deux on est dans la limitation et que pour retrouver l'infinité il faut une infinité d attribut.

Pour être moins technique je vous dis que votre <b>substance</b> ressemble autant au NEANT qu 'à l être. Pour qu'elle ait de l'être il faut être nolens volens <b>monothéiste</b> au sens des religions du livre .( je oense entre autre à Maimonide)
Modifié en dernier par hokousai le 21 sept. 2012, 13:03, modifié 1 fois.

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Messagepar hokousai » 21 sept. 2012, 13:03

Je vous recopie des passages d'un texte de Emile Saisset ( et oui !) illustrant la référence à Maimonide.

Le texte est long mais traite de la question des attributs



""À ce compte, l’auteur de l’Éthique ne serait plus qu’un fils tardif du vieil Akhiba, un kabbaliste déguisé en cartésien, ou simplement peut-être un disciple hardi de Maïmo-nide, de Moïse de Narbonne, de Léon Hébreu, tout enfin, excepté un fils de Descartes. Et voilà Descartes débarrassé d’un disciple si compromettant, et voilà du même coup la philosophie française à l’abri de ce poids énorme que le nom de Spinoza semblait faire peser sur son repos et ses destinées.
Assurément la question est grave, elle mérite d’être discutée à fond, et si on n’avait pas d’ailleurs toute sorte de bonnes raisons pour lire le grand ouvrage de Maïnionide, ce seul problème vaudrait la peine de s’y arrêter.

.........
Si Maïmonide se bornait à opposer aux symboles de l’imagination l’idée d’un Dieu immatériel et infini, il n’y aurait rien là de très original ; mais il a d’autres vues. Il prétend nous amener à reconnaître que Dieu est un, d’une unité absolue et indécomposable, ce qu’il exprime en déclarant que <b>Dieu n’a point d’attributs</b>. La portée de cette doctrine est considérable. Que Dieu soit infini et par suite indéfinissable, que sa nature immense ne puisse être resserrée dans les limites d’une détermination précisé, que toute énumération de ses attributs reste infiniment au-dessous de ses perfections innombrables, ce sont là des opinions très philosophiques, et dont Maïmonide fait ressortir à merveille la vérité par un récit ingénieux tiré du Talmud
.........

<b>Le Dieu de Spinoza a donc des attributs, non pas ces attributs purement négatifs que lui laisse le mysticisme, mais des attributs positifs,</b> et bien que nous ne puissions en saisir que deux, nous savons de science certaine qu’il en a une infinité, car il est de l’essence de la substance infinie de se développer par une série infinie d’attributs [53]. Quoi de plus contraire, je le demande, à toute la théodicée de Maïnionide et de ses successeurs, expressément fondée sur la négation des attributs de Dieu ?"""

http://fr.wikisource.org/wiki/La_Philosophie_des_Juifs_%E2%80%93_Ma%C3%AFmonide_et_Spinoza

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Messagepar sescho » 21 sept. 2012, 14:38

hokousai a écrit :L' intellect infini est immuable, certes, mais immuablement <b>actif</b>. Qu'en est -il de son activité? Si "les idées de ces corps apparaissent simultanément en acte," Qu' en est- il de l'apparition ? C' est à dire en fait de la nature naturée et en fait de la production d' une nature telle que nous la percevons.

L'apparition est une simple manifestation du Mouvement éternel, sa nature éternelle même, mais il n'y a pas vraiment d'"apparition", il n'y a que le Mouvement (dans l’Étendue.) Mais j'admets néanmoins que puisqu'il y a "apparition", selon Spinoza, d'idées simultanément aux corps, un certain dynamisme doit être inclus dans l'Entendement infini.

hokousai a écrit :Je ne pense pas que soit imaginaire ( pour Spinoza ) la distinction entre Dieu et les choses pour lesquelles l 'essence ne coincide pas avec l'existence ?

C'est incontestable, et c'est le problème qui "plane" dans l'acceptation du "panthéisme" (ce que la mystique chrétienne, par exemple, accepterait pleinement si précisément il ne traînait pas un doute sur ce sujet précis, me semble-t-il.) Dieu est à la fois immanent et transcendant. Toutes choses sont en lui, mais il n'est pas réductible à "toutes choses" pour autant ; il est cette unité de l'être qui préside et est antérieure en esprit à toute forme déterminée d'être, est éternelle, etc.

hokousai a écrit :Ce qui fait le lien entre la naturante et la naturée ce sont les attributs .
ET je ne pense pas, contrairement à Wolfson que j 'admire par ailleurs que Spinoza pense les attributs comme seulement nominaux/une manière de déccrire. Pour le dire vite pour Spinoza les attributs ont une <b>réalité objective</b>.

"""Une "substance à un attribut" n'a pas de sens en fait"""
D 'accord, mais une substance à 2 commence à avoir du sens . Sauf qu' à partir de deux on est dans la limitation et que pour retrouver l'infinité il faut une infinité d attribut.

Pour être moins technique je vous dis que votre <b>substance</b> ressemble autant au NEANT qu 'à l être. Pour qu'elle ait de l'être il faut être nolens volens <b>monothéiste</b> au sens des religions du livre .( je oense entre autre à Maimonide)

Non. Vous voyez la substance comme un concept, et il vous faut donc des déterminations concrètes pour avoir l'impression qu'on sort de l'abstraction. Mais si j'appelle "Pensée-Matière" - ou "Matière" - la substance unique dont je parle (qui est déterminée), est-ce que cela vous convient mieux ?

Les attributs SONT des substances, en fait (mais rattachées à une "substance-chapeau" par E1D6.) Donc, la seule différence avec ce que je dis est de passer de 1 à 2.

Le problème vient d'ailleurs : si les idées claires et distinctes sont vraies et qu'il est bien clair et distinct qu'il y a deux dimensions de l'être : l'être-étendu et l'être-pensé, alors je dois poser les attributs comme Spinoza, et le parallélisme ensuite, du fait du lien évident entre l'âme et le corps.

Mais à l'examen cela ne tient pas la route...

Donc soit la distinction de deux dimensions de l'être n'est pas si claire que cela, soit elle est bien claire, et alors il faut alors traiter des limites intrinsèques de l'homme, du mystère qui accompagne forcément cette limitation, etc.
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Messagepar hokousai » 21 sept. 2012, 17:13

Les attributs SONT des substances, en fait

non , non ce sont des actes . C 'est à dire des affirmations d' une essence éternelle et infinie ( une ,deux et une infinité).
L'essence éternelle infinie , si elle est affirmée ( exprimée) alors nous avons l'essence et l'attribut qui l 'exprime.


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