Peut-on être un spinoziste modéré, ou spinoziste athée ?

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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cess
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Messagepar cess » 08 oct. 2012, 18:15

Je ne connaissais pas cette table d'Emeraude, ce n'est pas par là que j'ai eu vent de cette lecture de la Nature que sont ces analogies entre macroscosme-microcosme. C'était plutôt en assistant aux conférences d'un anthropologue universitaire passionné par De Architectura de Vitruve si vous connaissez.
Mais si vous êtes hermétique à cette grille hermétique et qu'elle en réfère à cette dernière, cela va être compliqué de vous convaincre...:-)

A quoi faites-vous allusion lorsque vous mentionnez analogie du chien céleste?

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hokousai
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Messagepar hokousai » 08 oct. 2012, 19:44

A quoi faites-vous allusion lorsque vous mentionnez analogie du chien céleste?
prop 17.1 scolie

Pour dire ici un mot de l'intelligence et de la volonté que nous attribuons communément à Dieu, je soutiens que, si l'intelligence et la volonté appartiennent à l'essence éternelle de Dieu, il faut alors entendre par chacun de ces attributs tout autre chose que ce que les hommes entendent d'ordinaire, car l'intelligence et la volonté qui, dans cette hypothèse, constitueraient l'essence de Dieu, devraient différer de tout point de notre intelligence et de notre volonté, et ne pourraient leur ressembler que d'une façon toute nominale, absolument comme se ressemblent entre eux le chien, signe céleste, et le chien, animal aboyant. """"

Dans l 'hermétisme la ressemblance est réelle pas nominale.
Je ne vois pas chez Spinoza de coloration hermétique. Alors que chez Leibnitz oui.
Vous aviez ouvert un fil sur la cabale !
Comprenez que je n'ai rien contre l'intérêt porté à l hermétisme ( ou à l'alchimie ). J' ai personnellement de l' affection pour Jung . La puissance du monde visuel de l'alchimie (ses représentations graphiques) me questionnent vivement.
Mais je ne vois pas Spinoza dans cette manière de penser .

http://www.spinozaetnous.org/ftopic-838-200-days0-orderasc-.html page 21

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Messagepar cess » 09 oct. 2012, 19:26

"Spinoza est parmi les premiers des modernes, mais aussi les derniers des anciens...."

De quoi fait-il la synthèse? Car je crois que le terme "d'influences" ne lui convient guère et cette question me passionne car j'en fais une sorte de chemin d'étude de la philosophie étant donné que je la connais trop peu..

Est-ce que la Kabbale aurait eu un impact sur lui?? Si j'avais eu une réponse positive, j'aurais essayé de mieux la comprendre..Mais je crois aujourd'hui qu'il en était très.....très.... loin.


et pourriez-vous m'expliquer : ressemblance réelle , non nominale, svp, que mettez-vous derrière ces mots? merci

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Messagepar hokousai » 09 oct. 2012, 23:12

et pourriez-vous m'expliquer : ressemblance réelle, non nominale, svp, que mettez-vous derrière ces mots?
Je ne peux pas en deux lignes vous expliquer la querelle des universaux .
voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Universaux

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Messagepar Vanleers » 26 sept. 2013, 16:06

A Int

Je découvre, beaucoup trop tard (un an après que le fil se soit interrompu), les questions que vous vous posiez et qui étaient les miennes, l’an dernier.
Ces dernières furent l’objet d’échanges sur un fil qui vous avait été conseillé et que vous avez lu, avant que je m’inscrive au site spinozaetnous :

http://www.spinozaetnous.org/ftopict-1209.html

1) Les espaces de Riemann peuvent être des espaces finis et pourtant sans bornes, ce qui pourrait nous aider à concevoir un Dieu fini et non borné. Dire, avec Spinoza, que Dieu est infini signifierait que Dieu n’est borné par rien, ce qui était votre propos initial, si je vous ai bien compris

2) Dans la définition 6 d’E I, Spinoza parle, à propos de Dieu, d’« une infinité d’attributs » (traduction Pautrat), expression qu’il reprend dans l’explication qui suit la définition.
Je pense qu’il faut comprendre cette expression, non pas comme « des attributs en nombre infini » mais par « tous les attributs possibles ». Cela évite de faire appel à la notion de nombre (auxiliaire de l’imagination) et puis Spinoza écrit, au début de la démonstration d’E I 14, que, de Dieu » « nul attribut exprimant l’essence de la substance ne peut être nié ».
Nous, les hommes, nous connaissons deux attributs : l’Etendue et la Pensée et rien, à mon point de vue, ne nous empêche de penser qu’il pourrait s’agir là de « tous les attributs possibles », ce qui, me semble-t-il, était également votre propos au départ.

Je ne souhaite nullement reprendre ce débat car mes préoccupations, aujourd’hui, sont ailleurs.
Je voulais simplement vous dire que j’ai été très intéressé par votre façon d’aborder ces questions et de poser les problèmes.

Bien à vous

Enegoid
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Messagepar Enegoid » 26 oct. 2013, 10:59

Bonjour

Je reprends contact avec le site après 4 ans d’interruption, et je suis heureusement surpris de constater qu’il persévère décidément dans son être, en se bonifiant, me semble-t-il, du point de vue de la qualité et de la tenue des échanges : courtoisie de bon aloi (mais je n’ai pas tout lu !) et distinction assumée entre l’histoire de la philosophie (compréhension de Spinoza) et la réflexion éventuellement critique sur sa pensée.

Je salue ceux avec qui j’ai pu échanger à l’époque (s’ils se souviennent de moi !), toujours fidèles au poste : Henrique, bien sûr, Hokusaï, Seischo , Miam, Bardamu, …où est passée Louisa ?

Merci d’être indulgent avec le texte ci-dessous que je case ici dans un fil en sommeil, ce qui me permet d’être un peu décalé sans changer totalement de sujet. Il ne mérite pas le qualificatif de « philosophique » parce qu’il n’est pas assez conceptuel, mais il résume ma compréhension et mes difficultés avec les concepts de Eth I. De plus, c’est, depuis 4 ans, la première fois que je retrempe un pied dans la piscine du forum pour voir si l’eau y est bonne.
Merci de tout commentaire

Donc voici :
1. Ce que je comprends : L’être est cause de soi car sa définition implique son existence (être = ce qui existe).

2. Ce que je comprends : L’être est infini absolument puisque rien de ce qui est ne peut le limiter. Il n’est limité par (le) rien (rien = néant) : il y a une équivalence entre « non limité » et limité par « rien ».

3. J’ai un problème avec la définition de l’attribut : « j’entends par attribut ce que l’entendement perçoit d’une substance comme constituant son essence » :
Spinoza ne dit pas « j’entends par attribut ce qui constitue l’essence… ». Il introduit l’entendement comme une sorte de point de vue via le couple « entendement /perception » qui fonctionne comme une paire de lunettes ou plutôt une œillère incapable de percevoir les autres attributs qui seront évoqués plus tard.
(Un vertige d’esprit me prend, là, parce qu’on imagine mal une conception de quoi que ce soit faite par autre chose que l’entendement. Par exemple : « j’entends par cause de soi…. » signifie bien « l’entendement de Spinoza entend… »)
On peut en déduire, il me semble, que l’entendement introduit une distorsion entre l’être et la perception de l’être : derrière la paire de lunette de l’entendement constitué de verres polarisés, l’œil gauche voit l’étendue et l’œil droit la pensée.

4. J’ai un problème avec la notion d’essence (pour aboutir au sentiment qu’il s’agit d’un concept fortement élastique permettant beaucoup d’approximations):
a. L’exemple emblématique de cette notion est la célèbre montagne et sa vallée :
i. On peut se demander où notre philosophe, vivant dans le plat pays hollandais, est allé chercher cet exemple de la montagne : il aurait pu prendre l’exemple d’une rivière (ou d’un canal !) qui a une vallée et dont l’existence est aussi, sinon plus, impliquée par la vallée que la montagne.
ii. Concernant la montagne : pourquoi une vallée, et pourquoi pas le sommet ?
iii. J’en déduis qu’une essence peut avoir plusieurs définitions (vallée, sommet pour la montagne) et qu’une définition peut impliquer plusieurs essences (montagne, rivière, pour la vallée)
b. L’essence de l’homme est constituée par les rapports de mouvements et de repos qui constituent son corps( Et4). Spinoza se pose la question de savoir si un homme peut changer d’essence : si l’essence de l’homme est la même que celle de l’enfant, par exemple. Il ne sait pas, ou plutôt il préfère ne pas en parler pour « ne pas alimenter la superstition ». Qu’est-ce à dire ?
c. Mais aussi : L’essence de l’homme est son désir (mais lequel ?) ce qui frôle la tautologie.

5. J’ai un problème avec la Proposition 10/1
a. Je ne comprends pas la phrase « par suite il doit être conçu par soi ». L’attribut n’est pas conçu par soi mais nécessite le concept de substance (me semble-t-il)
b. Si l’attribut constitue l’essence de la substance (si l’entendement ne se trompe pas !) alors un problème se pose par rapport à la définition d’une essence (def2 , II) : si je pose seulement un attribut, c’est-à-dire que j’ôte tous les autres, je n’ai pas la substance , car « il suffit que [ce qui appartient] à l’essence d’une chose soit ôté pour que la chose soit ôtée » .
Pour finir en restant sur le thème du fil :
1. Pour moi, un athée refuse tout simplement le concept de « cause de soi ».
2. La valeur ajoutée du mot « Dieu » (ou D.I.E.U. si on veut) par rapport à l’Etre tient simplement au lien qu’il crée avec le Dieu des religions monothéistes. Car dans le Dieu des monothéismes, il y a aussi quelque chose à conserver qui touche à l’Etre.
3. L’idée d’une comparaison entre la problématique du dénombrement des attributs et celle du dénombrement des dimensions en géométrie est tentante (adéquate ?)
4. Si, depuis Spinoza, la question des attributs reste ouverte malgré le nombre de grands esprits qui se sont penchés sur elle, c’est qu’elle est insoluble.
Dieu modifié en Allemands a tué Dieu modifié en dix mille Turcs...

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Messagepar Vanleers » 26 oct. 2013, 18:04

A Enegoid

Avant d’étudier plus à fond vos questions, je rappelle quelques définitions, clairement exposées par Pascal Sévérac (Spinoza Union et Désunion. p. 46) :

« […] il y a entre A et B une distinction réelle si on peut concevoir de façon claire et distincte A sans penser à B, et si inversement nous pouvons concevoir de façon claire et distincte B sans penser à A ; qu’il y a en revanche entre A et B une distinction modale si on peut concevoir de façon claire et distincte B sans penser à A, mais qu’on ne peut concevoir de façon claire et distincte A sans penser à B ; et enfin qu’il y a entre A et B seulement une distinction de raison si on ne peut pas concevoir de façon claire et distincte l’un sans l’autre »


Compte tenu de ces définitions, s’il y a bien entre les attributs des distinctions réelles, il n’y a, entre la substance et ses attributs qu’une distinction de raison.

De même, il n’y a entre une chose et l’essence de cette chose qu’une distinction de raison.

Ces premiers éléments commencent-ils à vous éclairer ?

Bien à vous

Enegoid
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Messagepar Enegoid » 26 oct. 2013, 20:17

A Vanleers

Merci pour vos remarques.
Un peu de temps de réflexion pour répondre...
Dieu modifié en Allemands a tué Dieu modifié en dix mille Turcs...

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Messagepar Vanleers » 27 oct. 2013, 10:43

A Enegoid

J’essaie de répondre à votre question concernant E I 10

Il est clair que, compte tenu de la définition de l’attribut (E I déf. 4), il n’y a qu’une distinction de raison entre la substance et l’attribut.
En effet je ne puis pas concevoir de façon claire et distincte l’un sans l’autre.

La démonstration d’E I 10 est alors évidente : puisqu’il n’y a qu’une distinction de raison entre la substance et l’attribut et que la substance se conçoit par soi (E I déf. 3), l’attribut se conçoit également par soi.

Avec Spinoza, on ne parle d’attributs différents que s’il s’agit d’attributs réellement distincts (on conçoit l’un sans recourir à l’autre, précise le début du scolie)

En effet, d’une part, il serait absurde d’envisager des distinctions modales entre attributs.
D’autre part, quel serait l’intérêt d’attributs différents qui ne se distingueraient que par une distinction de raison ?

En ce début de l’Ethique, Spinoza est en train de se fabriquer les instruments intellectuels nécessaires afin de « pousser la recherche plus avant » (cf. TRE § 30 et 31).

Bien à vous

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Messagepar Vanleers » 27 oct. 2013, 17:52

A Enegoid

Vous écrivez :

« La valeur ajoutée du mot « Dieu » (ou D.I.E.U. si on veut) par rapport à l’Etre tient simplement au lien qu’il crée avec le Dieu des religions monothéistes. Car dans le Dieu des monothéismes, il y a aussi quelque chose à conserver qui touche à l’Etre. »

La question du « Deus sive Natura » a déjà fait l’objet d’innombrables analyses et commentaires et je me contenterai de quelques remarques qui ne prétendent d’ailleurs rien apporter de nouveau.

L’expression « Deus sive Natura » apparaît trois fois dans l’Ethique : dans la Préface de la partie IV et, deux fois, dans la démonstration d’E IV 4.

Rappelons d’abord ceci :

1) Dieu fait l’objet de la définition 6 de la partie I et Spinoza démontre en E I 34 que :
« La puissance de Dieu est son essence même »
2) Spinoza a démontré dans la partie I que Dieu, c’est la Substance et qu’elle est unique.
3) Il a défini l’attribut comme « ce que l’intellect perçoit d’une substance comme constituant son essence » (E I déf. 4)
4) Dans le scolie d’E I 29, Spinoza écrit que :
« […] par Nature naturante, il nous faut entendre ce qui est en soi et se conçoit par soi, autrement dit tels attributs de la substance qui expriment une essence éternelle et infinie […] »
5) Nous en concluons que la « Natura » de l’expression « Deus sive Natura » c’est la Nature naturante, c’est-à-dire la puissance de Dieu.

On retrouve cela dans les deux occurrences du « Deus sive Natura » de la démonstration d’E IV 4 :

« La puissance par laquelle les choses singulières et par conséquent l’homme conserve son être, est la puissance même de Dieu, autrement dit de la Nature […] »

« Et donc la puissance de l’homme, en tant qu’elle s’explique par son essence actuelle, est une partie de l’infinie puissance de Dieu, autrement dit de la Nature, c’est-à-dire (par E I 34) de son essence. »

Et, bien entendu, la Nature naturante, c’est-à-dire la puissance de Dieu, nous ne pouvons pas l’imaginer (cf. E II 47 sc.) mais le comprendre.

Revenant maintenant plus précisément à votre question sur le lien qu’aurait créé Spinoza avec le Dieu des religions monothéistes, je m’interroge sur la façon que nous aurions de comprendre la proposition E V 36, corollaire et scolie compris, si Spinoza n’avait pas posé le « Deus sive Natura »

Dans cette proposition où, à mon point de vue, culmine l’éthique de Spinoza, il est démontré que l’amour intellectuel de l’esprit envers Dieu n’est autre que l’amour même de Dieu dont Dieu s’aime lui-même et, indiqué dans le corollaire, que Dieu, en tant qu’il s’aime lui-même, aime les hommes.

Comment pourrions-nous le comprendre (au sens fort et existentiel du mot) sans cette équivalence du "Deus sive Natura" alors que c’est là que se joue notre salut comme l’indique le début du scolie ?

Bien à vous


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