Peut-on être un spinoziste modéré, ou spinoziste athée ?

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Enegoid
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Messagepar Enegoid » 12 nov. 2013, 18:32

A Hokusai

Sans vouloir chipoter sur les termes, quand vous dites « la substance et ses modifications », vous considérez que les attributs font partie de LA substance ou de ses modifications ? (pour moi ils font partie de LA substance).


« On ne sait pas si Spinoza estimait cette distinction comme dans l’entendement humain ou hors de l’entendement humain » :
Il a écrit une fois, en citant Descartes « Il n’y a rien dans la nature des choses en dehors des substances et de leurs modes… » Pensées métaphysiques. Je comprends qu'il pensait à une distinction hors de l'entendement humain. Il a pu aussi avoir écrit d’autres choses
(Mais comme vous avez déjà lu tout Spinoza au moins une dizaine de fois vous en savez plus que moi !)

Concernant l’équation mathématique :
1. Pas d’attribut ou un seul. Oui, merci de me le faire remarquer, ce n’était pas volontaire. Est-ce grave, docteur ?
2. Je n’ai jamais biens su où mettre les lois de la nature de Dieu dans le système spinoziste. Mais il doit y avoir des choses là-dessus sur ce site. Il faut que j’aille voir…

L’acte et la puissance
Oui, et … ?

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Messagepar Miam » 12 nov. 2013, 19:03

La question de la dénombrabilité des attributs dont traite notamment Ramond est un faux problème. Les attributs ne sont pas dénombrables. Il ne s'agit pas d'un infini dénombrable. Spinoza n'est pas Cantor. D'autant que, comme l'a bien remarqué Deleuze, les deux propositions complémentaires qui synthétisent le début de l'Ethique de la proposition 1 à la proposition 11 est "Aucune distinction réelle est numérique" (pour les propositions 1 à 7) et "Aucune distinction numérique est réelle" (pour les propositions 9 à 11).

Le raisonnement de Spinoza est une hénologie infinitiste issue de Bruno, De Cues ou des anciens Juifs, comme on voudra.

Du reste, elle est précisément énoncée dans le Court Traité, partie 1, chapitre 1, note 3 :

"Après avoir réfléchi sur la Nature, nous n'avons pu trouver en elle que deux attributs qui appartinssent à cet être souverainement parfait. et ces attributs ne sont pas suffisants pour nous contenter : loin que nous les jugions les seuls dans lesquels doive consister cet être parfait, au contraire, nous trouvons en nous quelque chose qui nous révèle clairement l'existence non seulement d'un plus grand nombre d'attributs, mais encore une infinité d'attributs parfaits devant appartenir à cet être parfait avant qu'il ne puisse être dit parfait."

Autrement dit :
1° Nous percevons au moins un attribut (cf. définition 4 de l'Ethique)
2° Donc il y a au moins deux attributs : la pensée (percevante) et l'étendue (perçue). - cela avant même toute considération de la réflexivité de la pensée.
3° Donc il y en a une infinité car il n'y en a qu'un (ce qui n'est pas le cas) ou il y en a une infinité.

Telle est l'hénologie de l'UN/Infini spinozien.

L'interprétation de Ramond (in Spinoza et la modernité) est basée sur une lecture de "une infinité" comme un distributif. Il s'agit là non seulement d'une interprétation issue d'une conception moderne d'un infini dénombrable mais surtout d'une interprétation grammaticale à partir du français, c'est à dire d'une interprétation non philosophique mais linguistique qu'infirme le texte du Court traité cité ci-dessus.

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Messagepar aldum » 12 nov. 2013, 20:03

Miam,

Votre démonstration est claire, mais ce qui persiste à troubler mon esprit simple, c'est que Spinoza, de fait, par l'affirmation de la nécessaire infinité des attributs, même non numérique, me semble réintroduire l'idée de « choses cachées » dans une philosophie qui affirme précisément son opposition à toute forme de mystère ; ce qui est inaccessible, pour lui, selon ma compréhension, ne l'est que pour des raisons pratiques (p.ex. ce que peut un corps) qui pourraient, en théorie du moins, être surmontées ; l'impossible accès à un attribut au-delà de deux est, lui, d'une nature absolue ; Peut-on sortir de cette difficulté ? Je veux dire « comprendre » la nature de cette impossibilité, pour ensuite « intelliger » la seule démonstration logique, l'accepter comme telle et renoncer à se défaire de la frustration qu'elle suscite ?
Modifié en dernier par aldum le 12 nov. 2013, 21:04, modifié 1 fois.

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Messagepar Vanleers » 12 nov. 2013, 20:39

A Enegoid

Je lis le tout début de votre nouvelle définition 4 et je suis déjà arrêté.

En effet, comment se démontre la proposition E I 2 ?

Dans la démonstration actuelle :
Si les attributs d’une substance sont différents des attributs d’une autre substance, les attributs de la première n’enveloppent pas ceux de la seconde.
Donc (cf. déf. 4 de Spinoza), le concept de la première n’enveloppe pas celui de la seconde.
Donc (cf. déf. 3), les substances n’ont rien de commun.

Avec votre nouvelle définition de l’attribut, la proposition E I 2 n’est plus démontrable.

Je ne suis pas allé plus loin.

Avez-vous essayé de redémontrer les autres propositions de la partie I après vos redéfinitions ?

Bien à vous

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Messagepar Miam » 12 nov. 2013, 21:59

Aldum,

Je ne comprends pas trop votre question ni ce qui vous frustre. Pour Spinoza (et contrairement à Descartes pour lequel il est une "nature simple"), le nombre, de même que la figure, est un produit de l'imagination quoiqu'il puisse servir d'auxiliaire pour l'entendement.

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Messagepar hokousai » 13 nov. 2013, 00:40

à Enegoid
Sans vouloir chipoter sur les termes, quand vous dites « la substance et ses modifications », vous considérez que les attributs font partie de LA substance ou de ses modifications ? (pour moi ils font partie de LA substance).


Pour moi( c'est personnel) ils sont la substance .

Je n’ai jamais biens su où mettre les lois de la nature de Dieu dans le système spinoziste.
Moi non plus je ne sais pas trop où les mettre.

Je comprends qu'il pensait à une distinction hors de l'entendement humain. Il a pu aussi avoir écrit d’autres choses
(Mais comme vous avez déjà lu tout Spinoza au moins une dizaine de fois vous en savez plus que moi !)


Si c'était clair on n' en discuterait pas indéfiniment . Or ce n'est pas clair du tout . Il me semble que Spinoza à un pied dans Aristote et l'autre hors d Aristote . Et c'est bancal ça.

Cette question n'est pas celle de l'infinité des attributs. Moi j'ai déjà un problème avec deux ... alors avec une infinité c'est pire. Spinoza dit qu'il est loin d 'être absurde d' en penser une infinité .....bon.

Mais notre question ( les attributs distincts ou pas de la substance , hors ou pas de l'entendement ) serait simplifiée s'il n y avait qu'un seul attribut . Alors il serait bien plus facile de le faire coïncider avec la substance.
C' est à partir de deux que les questions se posent.

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Messagepar Vanleers » 13 nov. 2013, 10:19

A aldum

La proposition E I 14 ayant démontré que la substance est unique, tous les genres d’être (attributs) lui appartiennent nécessairement. Cette substance, c’est Dieu, dont il a été démontré qu’il existe (E I 11).

Je comprends l’expression « une infinité d’attributs » de la définition 6 de Dieu par « tous les attributs ». Une infinité, c’est-à-dire tous.

Nous en connaissons deux.
Non seulement, nous n’en connaissons pas d’autres mais nous ne savons pas s’il y en a d’autres.

En effet, « tous les attributs » ce peut être, logiquement, les deux seuls que nous connaissons.

Cette ignorance (nous ne savons pas s’il y a d’autres attributs) est-elle définitive ?
A ma connaissance, Spinoza ne le démontre pas et je ne vois pas qu’il puisse le faire.

Bien à vous

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Messagepar aldum » 13 nov. 2013, 13:41

La distinction des attributs est une distinction réelle, qu'il s'agisse des deux auxquels nous avons accès, ou de l'infinité de ceux qui nous sont inaccessibles ; mais la distinction réelle fonde la possibilité du nombre , et même, pour nous, sa nécessité ; tout ce qui se distingue, par le fait même, crée implicitement l'idée de nombre ; Miam nous rappelle que pour Spinoza le nombre n'est qu'un auxiliaire de l'imagination ; Spinoza nous contraint donc par là-même, et dans un même mouvement, à conserver l'idée de distinction réelle tout en renonçant à celle de nombre ; cette exigence se paie, pour moi, au prix de devoir renoncer à toute idée claire sur cette question, et me force à accepter cette quasi antinomie d'une façon purement verbale ; il y a là, à mes yeux, un de ces problèmes qui, bien que logiquement résolus, laissent quelque chose d'inachevé, comme si la question ne pouvait jamais qu'excéder toute réponse possible ;( mais j'admets que nul ne peut concevoir une vérité à notre place)

L'hypothèse de Vanleers excluant de penser l'infinité des attributs hors des deux qui nous sont accessibles me paraît révolutionnaire et riche de perspectives ; elle m'impose une réflexion approfondie, autant qu'il m'est possible...

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Messagepar Vanleers » 13 nov. 2013, 15:02

A Enegoid

J’ai continué à réfléchir à vos difficultés de compréhension du début de l’Ethique.
Je pense que vous n’en sortirez pas si vous imaginez qu’il y a un sujet, désigné par Enegoid, qui cherche à comprendre un livre écrit au XVII° siècle par un certain Spinoza.

Il n’y a pas de sujet Enegoid.

Il y a Dieu, « non en tant qu’il est infini mais en tant qu’il s’explique par la nature de l’esprit [d’un humain désigné par Enegoid] » (E II 11 sc.) qui ne cherche pas du tout à comprendre l’Ethique mais qui « assiste à l’autoproduction du réel dans l’affirmation absolue de lui-même ».

Je vous envoie un extrait de « Spinoza et la médecine » de Bernard Vandewalle (L’Harmattan 2011) :

« La pensée et la connaissance ne sont donc en rien l’œuvre d’un sujet, comme si elles étaient de nature subjective, mais elles coïncident avec un processus immanent au réel lui-même. Et c’est ce processus de production du réel dans la productivité infinie de la substance que décrit la première partie de l’Ethique. Il n’y a ni fondement subjectif, ni sujet de la connaissance, puisque l’entendement n’est pas le pouvoir d’un sujet mais la propriété de la Pensée comme attribut infini de la substance ou bien comme mode infini de l’entendement de Dieu. Les premières propositions de l’Ethique font assister à l’autoproduction du réel dans l’affirmation absolue de la substance infinie. »

Bien à vous

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Messagepar Vanleers » 13 nov. 2013, 17:59

A aldum

En complément à mon précédent post qui parle de « tous les attributs », il y aurait sans doute lieu de relier le concept de « totalité » à celui de « substance ».
Parler de "totalité des attributs" au lieu de "tous les attributs".
Pour le moment, je ne vois pas comment précisément.

Bien à vous


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