Peut-on être un spinoziste modéré, ou spinoziste athée ?

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar Int » 03 sept. 2012, 19:18

Merci aux intervenants pour leurs réponses. Le lien de Cess en première page est en effet très enrichissant et m'a fait prendre conscience que je rejetais un peu rapidement la conception de Dieu de Spinoza, et la validité de ses démonstrations/définitions. Je pense que toutes ces questions sont rendues très ardues par le contexte scientifique du 17è, et notamment mathématique, qui n'est plus du tout le nôtre (sur la question de l'infini, par ex).

Deux choses me posent encore problème. Si l'on conçoit Dieu, c'est-à-dire l'absolument infini en acte, comme un Tout de la réalité, comme un Être dans lequel il y a tout ce qui est, alors il ne me semble pas possible de rejeter l'E1D6. Cette définition bien comprise (ainsi que celle de substance) permettrait même de comprendre l'existence de Dieu dès les définitions, en désamorçant la question finalement absurde de l'existence de Dieu : il n'y a pas à poser la question de cette existence, puisque Dieu est défini comme ce en quoi est tout ce qui est. Je pense que l'idée d'infini actuel permet cette interprétation de Dieu comme Grand Tout. Si on ne conçoit pas Dieu comme un Tout, alors cette conception de l'infini en acte qui n'est pas l'infini potentiel m'est inintelligible. Première question : peut-on concevoir Dieu comme un Tout de la réalité ?

Je précise un peu cette question. Spinoza définit le "fini" comme ce qui est limité par autre chose de même nature. L'emploi du terme "fini" ou "limite" pour l'Être absolument infini n'a donc aucun sens. Mais si l'on conçoit Dieu comme un Tout, on peut, par analogie, dire que Dieu est fini, sauf qu'il n'est fini par rien d'existant, mais simplement par l'évanouissement de sa puissance d'être (cf l'exemple de Deleuze sur la puissance : une forêt n'est pas définie par sa forme, mais par sa tendance vers une limite). Cela ne le limite pas absolument parlant (contrairement à la forêt), puisqu'en dehors de la puissance divine, il n'y a rien. Il n'empêche qu'elle s'évanouit à un certain moment/certain lieu. Cette conception de l'infini ne fait pas de lui un être "s'étendant" au loin sans qu'on puisse jamais rattraper le lieu/le moment où il s'arrête, comme dans le cas de l'infini potentiel. Je propose donc une conception de l'infini qui admet un certain finitisme, défini comme l'évanouissement de la puissance divine, en dehors de laquelle il n'y a toutefois strictement rien.

Second problème : les attributs.

Si l'infinité de Dieu est simplement un Tout, alors l'absolue infinité de ses attributs n'a pas à être conçue numériquement, auquel cas on tombe dans un infini potentiel. Cela, je pense que tout le monde me l'accordera. Mais dès lors je ne comprends pas pourquoi on devrait nécessairement poser des attributs en dehors de la pensée et de l'étendue. S'il suffit que Dieu soit tout ce qui est pour être parfait, alors il est inutile de lui prêter des propriétés qu'il n'a pas pour augmenter artificiellement sa perfection. Il n'y a rien à redire sur sa perfection, puisqu'il est tout ce qui est et tout ce qui peut être. On peut dès lors dire que Dieu a une infinité d'attributs, et plus précisément, qu'il en a deux. Si on m'oppose qu'on pourrait en concevoir un troisième, que ce troisième attribut serait nié de Dieu, et que dès lors celui-ci ne serait plus une substance constituée d'une infinité d'attributs, ce qui est absurde selon la Déf. 6, je réponds qu'on pourrait aussi concevoir la présence de modes non-réels, comme des triangles ronds (dans une géométrie euclidienne), que l'on nierait de Dieu et qui viendraient limiter sa perfection. Seulement, ces modes n'étant que des fictions de l'imagination, ils ne limitent aucunement l'Être dans lequel il y a tout. De même pour les prétendus attributs excédants l'étendue et la pensée. On en finit ainsi définitivement avec les arrières-mondes. Ma seconde question est donc : pourquoi l'infinité non-numérique des attributs impose-t-elle la nécessité d'autres attributs que les deux attributs que nous connaissons ? J'ai du mal à comprendre l'idée d'un infini en acte dont la puissance ne s'évanouit jamais, comme l'infini potentiel.

Ce second point est bien sûr un corollaire du premier.

Désolé d'ouvrir un nouvel objet de discussion, qui n'a rien à voir avec les précédents, et qui a peut-être déjà été traité.

Merci pour votre patience

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Messagepar cess » 03 sept. 2012, 20:02

a gnayoke
"A l'échelle de l'histoire évolutive de l'univers, l'homme n'est qu'un tout petit bébé, qui vient juste de prendre conscience qu'il existe, qui vient juste de prendre conscience de sa pensée, qui vient juste d'avoir appris à organiser sa pensée en idée d'une relative cohérence. Il vient juste de créer un langage (encore balbutiant, car ne représentant pas efficacement sa pensée, elle aussi toujours balbutiante).
L'une des premières idées qu'il formule en langage est celle liée à son existence. Qui suis-je? Qui sommes-nous? D'ou venons-nous?. La réponse à ces questions est obscure, paraît complexe. Il tente d'y répondre en créant le concept de Dieu :Dieu est la solution à toutes ces incertitudes.


Jusqu'ici je vous suis: là,ici maintenant respirant, éprouvant et pensant, pourquoi sommes nous sur cette terre entrain de pianoter frénétiquement sur nos claviers?
Le concept de Dieu nait de cette stupéfaction, de cette subite prise conscience de notre existence, c'est un état de fait, il suffit de regarder autour de sois et de se poser cette question.
A cette prise de conscience, je dirais par contre contrairement à vous que 2 réponses se sont élevées:ce fut celle des théologiens et celle des philosophes, la frontière est souvent mince entre les deux..mais elle figure quand même sur cette crête étroite de la raison, des principes et dans la manière d'accepter ce qui est.
Le problème est que les premiers ont souvent eu plus d'écho que les seconds, le mot Dieu en est chargé de superstition.
dans ce que vous écrivez par la suite:



Dieu exauce ses voeux, apaise sa peur face aux incertitudes de la vie et face à l’imminence de la mort.

L'homme crée Dieu à son image. Puis il enrichit et complexifie la notion de Dieu.Lui attribuant des affects humains.Il se crée une vision manichéiste de la vie, se crée des règles, se crée des endroits idylliques et infernaux pour ceux qui suivront ces règles... Il est d'abord le dieu d'un peuple, puis le dieu de tous les peuples....
Puis petit à petit, l'homme se rend compte que pour comprendre les phénomènes de la Nature, il est de moins en moins nécessaire d'évoquer ou d'utiliser le concept de Dieu. Jusqu'à ce qu'on le réduisent en un concept n'ayant peu ou pas d’interaction avec le vivant."



Vous décrivez l'homme qui lève la tête , prie et s'agenouille, celui qui cherche effectivement sa sécurisation psychique face à l'absurde, à la mort en s'en remettant à une figure transcendantale sur laquelle il projette ses propres affects : celui qui trouve sa réponse dans la théologie révélée.
Et si tout simplement Dieu n'était que rationnellement cette énergie nous traversant , nous animant : nous modes finis médiats pris dans l'évidence de la vie ne pouvant alors que rendre humblement une sorte d'hommage silencieux à notre éternité, à ce schéma de notre naissance, de notre vie et de notre mort qui se répète depuis la nuit des temps.
Et si Dieu prenait la forme de cette rue dans laquelle on marche tous les jours et qu'on voit un beau matin pour la première fois.
Si on tente de penser ainsi guidés par notre raison et le simple regard , la simple écoute de ce qui est en nous, autour de nous jusque dans l'infini de l'univers sur un plan d'immanence, alors il y a de fortes chances pour qu'une joie profonde advienne.

Cela ne me dérange pour ma part d'appeler cette prise de conscience "Dieu", c'est un mot qui pour moi est synonyme d'une magnifique interrogation et d'une vertigineuse inconnue...en attendant peut-être que la science physique trouve une réponse limpide.
D'autre part, si Dieu est la vie,ce qui est, nous, la Nature je veux bien alors admettre que la vie est précieuse et donc sacrée (autre terme de la théologie). Savoir cela, c'est connaître et repousser l'ignorance , le crime, le mauvais pour chacun d'entre nous.

Enfin, dans tous les cas même si j'ai distingué deux réactions face au pourquoi de notre existence sur cette planète et même si l'attitude du philosophe vise à l'autonomie de l'humanité par la raison , la seconde n'est pas pour autant condamnable loin s'en faut
Les deux sont profondément humaines et (allez je l'écris!)-bouleversantes- :elles existent et se doivent d'être respectées .

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Messagepar hokousai » 03 sept. 2012, 20:42

à gnayoke

Je n' ai pas réagi sur
Maintenant je vais tenter de montrer l'inutilité de la notion de Dieu telle que tu sembles la définir.
parce qu' il ne s'agit justement pas de Dieu tel que Spinoza le pense.

Pour le dire crûment, je ne vois pas en quoi la physique de Newton et puis la relativité, enfin la physique quantique auraient quelque rapport avec la sagesse. Le physicien ( ou le connaisseur de ces théories ) peut être un sage, être devenu sage, mais ce serait par d' autres voies.
Pensez- vous que nos physiciens soient plus sage que Socrate l' était ?

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Messagepar hokousai » 03 sept. 2012, 23:47

à int

je réponds qu'on pourrait aussi concevoir la présence de modes non-réels, comme des triangles ronds (dans une géométrie euclidienne), que l'on nierait de Dieu et qui viendraient limiter sa perfection.


Ce qui ne peut pas exister( par exemple un cercle carré ) ne limite pas la perfection de Dieu . Ce qui ne peut pas exister n" existant pas ne peut limiter quoi que ce soit.
..........................................
Sur <b>l'évanouissement </b> de la puissance divine j 'ai bien du mal à comprendre cette expérience de pensée.
Imaginons pour Dieu un affaiblissement de sa puissance, cet affaiblissement sera <b>infini </b>SI rien <b>d' extérieur</b> ne peut le limiter ( en poser le terme ).
Si la contrainte vient de<b> l 'intérieur</b> alors c'est que Dieu est à la fois infini et fini ( en lui réside une fin de son évanouissement )

Cela ne le limite pas absolument parlant (contrairement à la forêt), puisqu'en dehors de la puissance divine, il n'y a rien.

S il y a évanouissement de l'étendue ( par exemple ) cela limite l' attribut donc limite Dieu.
Et même s' il n' y a rien à l'extérieur ! Intrinsèquement Dieu est limité par cet évanouissement.
Je ne pense pas voyez -vous qu' il faille penser la puissance de Dieu en terme de petit et de grand ( la quantité ).

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Messagepar gnayoke » 03 sept. 2012, 23:49

Hokusaï a écrit :Je n' ai pas réagi sur....
parce qu' il ne s'agit justement pas de Dieu tel que Spinoza le pense.


La démarche de mon explication est "évolutive" dans le sens où le concept de Dieu chez Spinoza est la suite logique des précédents.


Hokusaï a écrit :Pour le dire crûment, je ne vois pas en quoi la physique de Newton et puis la relativité, enfin la physique quantique auraient quelque rapport avec la sagesse. Le physicien ( ou le connaisseur de ces théories ) peut être un sage, être devenu sage, mais ce serait par d' autres voies.


Encore une fois, toutes les voies sont bonnes, la philosophie y compris. L'émerveillement, on peut l'avoir en observant un caillou, une plante, ... tout ou n’importe quoi. Cet émerveillement est un état d'esprit. Peu importe l'objet de cet émerveillement.


Hokusaï a écrit :Pensez- vous que nos physiciens soient plus sage que Socrate l' était ?


Pourquoi chercher à comparer?
Une pomme est-elle plus bonne qu'une banane? "Oui", me diront certains,"Non" me diront d'autres. Qui devrais-je croire? la langue des uns ou celle des autres?

Ma réponse est qu'une pomme a sa "qualité" de pomme, la banane aussi a sa "qualité" de banane.

Que celui qui a des capacités gustatives qui lui permettrait de déceler toutes les notes savoureuse d'une pomme, eh bien qu'il s'en délecte. Idem pour ceux dont les papilles ont plus d'affinités avec les notes harmonieuses d'une banane.

La Nature est une, mais nous offre de multiples voies. explorons les toutes

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Messagepar hokousai » 04 sept. 2012, 00:27

à gnayoke

Sur la comparaison, je pensais à ce que vous aviez écrit:

"""Pour moi , le philosophe d'aujourd'hui ne peut s'empêcher d'avoir une bonne culture scientifique, voire d'être scientifique, sinon, il s'empêchera de découvrir des objets d'une profondeur insoupçonnée qui lui permettront de mieux comprendre la Nature."""Posté le: 01/03/2012 12:30


La démarche de mon explication est "évolutive" dans le sens où le concept de Dieu chez Spinoza est la suite logique des précédents.


Il faudrait m 'expliquer ça, parce que l' idée que Spinoza se fait de Dieu est notablement différente de l 'idée de Dieu des monothéistes qu'il connaissait. A cet effet on l' a taxé d'<b> athéisme</b>.

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Messagepar gnayoke » 04 sept. 2012, 09:27

Pour moi , le philosophe d'aujourd'hui ne peut s'empêcher d'avoir une bonne culture scientifique, voire d'être scientifique, sinon, il s'empêchera de découvrir des objets d'une profondeur insoupçonnée qui lui permettront de mieux comprendre la Nature


C'est justement pour ça qu'il ne faut rien négliger. Chaque voie donne un petit pas vers une approche plus globale, plus moniste de la Nature. Négliger une voie c'est s'empêcher de comprendre certains aspects de la Nature.

Il faudrait m 'expliquer ça, parce que l' idée que Spinoza se fait de Dieu est notablement différente de l 'idée de Dieu des monothéistes qu'il connaissait. A cet effet on l' a taxé d' athéisme.


Notablement différente, bien sûr, : cela n'empêche pas que son concept en soit une suite logique dans l'évolution du concept de Dieu. Le Dieu spinoziste perd une partie du coté anthropomorphique que lui octroie les monothéistes, il prend un caractère plus universel, plus général, le substituant même à la Nature. C'est en cela que je parle de suite logique. Une transformation du concept de Dieu.

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Messagepar Int » 04 sept. 2012, 10:53

hokousai a écrit :à int

je réponds qu'on pourrait aussi concevoir la présence de modes non-réels, comme des triangles ronds (dans une géométrie euclidienne), que l'on nierait de Dieu et qui viendraient limiter sa perfection.


Ce qui ne peut pas exister( par exemple un cercle carré ) ne limite pas la perfection de Dieu . Ce qui ne peut pas exister n" existant pas ne peut limiter quoi que ce soit.


Oui, tout à fait d'accord. C'est bien pour ça que je rapproche les "autres" attributs (ceux que nous ne connaissons pas) de cette absurdité mathématique, et que je conclus que si Dieu n'avait que deux attributs, cela ne limiterait pas sa puissance d'exister. Si seules la pensée et l'étendue peuvent exister, il est déraisonnable de poser la nécessité de l'existence d'autres attributs, de même qu'il est absurde de critiquer la perfection divine en posant l'inexistence de choses qui ne peuvent pas exister.

Sur <b>l'évanouissement </b> de la puissance divine j 'ai bien du mal à comprendre cette expérience de pensée. Imaginons pour Dieu un affaiblissement de sa puissance, cet affaiblissement sera <b>infini </b>SI rien <b>d' extérieur</b> ne peut le limiter ( en poser le terme ).
Si la contrainte vient de<b> l 'intérieur</b> alors c'est que Dieu est à la fois infini et fini ( en lui réside une fin de son évanouissement )

[...]

S'il y a évanouissement de l'étendue ( par exemple ) cela limite l' attribut donc limite Dieu.
Et même s' il n' y a rien à l'extérieur ! Intrinsèquement Dieu est limité par cet évanouissement.
Je ne pense pas voyez -vous qu' il faille penser la puissance de Dieu en terme de petit et de grand ( la quantité ).


C'est bien l'idée d'une limite intrinsèque que je pose. Cette limite serait une "cessation d'exister" à un lieu donné. Une tendance vers une limite. Ce que je me demande, c'est si cette limitation intrinsèque n'est pas compatible avec l'idée d'absolue infinité, puisque n'est dite finie une chose que si elle est limitée par une autre chose de même nature.

Si l'on concevait un être fini, moi, par exemple, en dehors duquel il n'y a rien, je serais l'Être absolument infini, la substance unique. Il n'y aurait dès lors pas d'absurdité à dire que je suis fini et infini : fini en tant que ma puissance s'évanouit, infini en tant que je ne suis limité par rien et que tous les attributs pouvant exister existent effectivement en moi. N'en va-t-il pas de même pour Dieu ? Un Tout peut admettre des limites. Si l'absolue infinité est égale au Tout, alors l'absolue infinité admet des limites intrinsèques.

Si cette compréhension de l'infinité n'est pas juste, alors je ne comprends pas en quoi l'infinité de Dieu n'est pas un infini potentiel : la puissance divine s'étendrait sans jamais cesser, on pourrait toujours aller plus loin dans son estimation, et on ferait d'elle quelque chose de numérique.

Je préfère ne pas faire appel à la physique de notre époque pour ne pas relancer une discussion déjà faite.

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Messagepar Shub-Niggurath » 04 sept. 2012, 15:32

Int, votre conception est tout sauf spinoziste. Pour Spinoza en effet l'être ne peut être limité ou borné que par autre chose auquel appartient également l'être, donc qui est de même nature. Dire qu'une chose est limitée par rien, c'est dire qu'elle est infinie. Une chose, dans le spinozisme, ne peut être à la fois limitée et illimitée, finie et infinie. C'est soit l'un soit l'autre. Or Spinoza affirme bien que le rien, ou le néant, ne peut avoir aucun effet, et donc ne peut limiter l'être. Je le répète donc : dire qu'une chose est limitée par le rien, et dire qu'elle est infinie, c'est dire exactement la même chose.

D'autre part vous vous fourvoyez également en pensant que seuls deux attributs, pour Spinoza, appartiennent à la nature divine. Dieu possède une infinité d'attributs, et cet infini n'est pas mesurable ni divisible. La nature divine possédant une infinité d'attributs, elle ne peut pas en posséder seulement un certain nombre, comme deux, ou cent, ou n'importe quel nombre que vous voudrez. L'infini échappe par nature à tout calcul.

Si vous voulez bien considérer ces points, je pense que vous finirez par affirmer que Spinoza a bien évidemment conçu son Dieu comme un être illimité par nature, possédant une infinité de modes dans une infinité d'attributs différents. C'est une question de puissance d'être. Dieu possédant une puissance absolument infinie, cet être ne peut laisser la place ni au nombre ni au néant dans sa définition. Le nombre et le néant ne sont que des imaginations, et non des réalités.

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Messagepar hokousai » 04 sept. 2012, 16:05

à Int

Votre explication me fait penser à Nicolas de Cuses . Dans la docte ignorance il parle de maximum en grand comme en petit .

Je le cite


""""J'appelle <b>maximum</b> une chose telle qu'il ne puisse pas y en avoir de plus grande. Or, la plénitude convient à un seul être ; c'est pourquoi l'unité coïncide avec la maximité et elle est aussi entité. Or, si une telle unité est absolue d'une façon universelle, hors de tout rapport et de toute restriction, il est manifeste, puisqu'elle est la maximité absolue, que<b> rien ne lui est opposé</b>. C'est pourquoi le maximum absolu est une chose unique qui est tout, en qui tout est, parce qu'il est le maximum. Comme rien ne lui est opposé, avec lui, en même temps, coïncide le <b>minimum</b> ; c'est pourquoi il est ainsi dans tout.....


Le maximum simple et absolu qui est ce qu'il peut y avoir de plus grand, parce qu'il est trop grand pour pouvoir être saisi par nous puisqu'il est la vérité infinie, est atteint par nous sans que nous puissions le saisir. En effet, comme il n'est pas de nature à admettre un excédent et un excès, il est au-dessus de tout ce qui peut être conçu par nous ;
Or, le <b>minimum</b> est une chose telle qu'il ne puisse y en avoir de plus petite. Et, comme le maximum est ainsi, il est évident que le minimum coïncide avec le maximum. Pour que cela soit plus clair, que l'on restreigne le maximum et le minimum à la quantité : la quantité maxima est grande au maximum ; la quantité minima est petite au maximum. Que l'on purifie de la quantité le maximum et le minimum en enlevant par l'intelligence le grand et le petit et l'on voit clairement que le maximum et le minimum coïncident. Ainsi en effet le maximum est un superlatif, comme le minimum un superlatif. Donc la quantité absolue n'est pas maxima plutôt que minima, puisqu'en elle le minimum et le maximum coïncident."""""

Je cite des fragment du début de la "docte ignorance", vous remarquerez que de Cuses parle à travers la catégorie de la <b>quantité </b>ce que Spinoza réprouve. Spinoza de plus ne semble pas avoir cette intuition des contraires ( ou opposés ) propre à la pensée renaissante.

Je concède que l' analyse et la comparaison entre les deux approches demandent un peu plus de travail.


J 'ai lu quelque chose qui est dans votre thème là
http://noellecombet.blogspot.fr/2011_02_01_archive.html


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