Peut-on être un spinoziste modéré, ou spinoziste athée ?

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar Int » 04 sept. 2012, 17:07

Merci pour vos réponses, une fois de plus. Je me pencherai sur Nicolas de Cuses, cité par Deleuze dans ses cours si je me rappelle bien.

Je pense être convaincu par ce que dit Shub concernant la pensée de Spinoza. Mais du coup, je ne suis plus convaincu par Spinoza et j'en reviens à ce qui me posait problème dans mes premiers messages de ce topic : le caractère arbitraire de la déf. 6. Tout repose sur la démonstration d'une substance absolument infinie. S'il appartient bien à la nature de la substance d'exister (j'accorde cela), déterminer la nature de cette substance comme absolument infinie me semble relever de l'arbitraire. Rien ne nous oblige de poser dans les définitions une substance constituée d'une infinité d'attributs pour comprendre le réel, et le réel n'est déterminé comme étant cet Être que si on pose arbitrairement cet Être comme définition ayant une valeur ontologique à la base de l'étude (en l'occurrence, l'Ethique 1). Mais l'évidence n'impose pas le recours à cet Être, au contraire des défs de la substance, de l'attribut, de la cause de soi, du fini, etc.

De plus, concernant le problème des attributs, si Dieu a une infinité d'attributs, il y a donc une infinité de choses dans la nature qui ne relèvent pas de la pensée et de l'étendue. Comme pour la chose en soi kantienne, la vraisemblance censure cette thèse, en ce qui me concerne. Je crois qu'il n'y a que du connaissable et de l'intelligible ; mais c'est une croyance, je referme donc la question.

Puisqu'on m'a donné un excellent lien en début de page ( http://www.spinozaetnous.org/ftopic-120 ... asc-0.html ) où vous traitez de ces questions, je me permets de faire appel à deux posts, concernant la démonstration de l'existence divine.

Le premier est de Hokusai, dans lequel vous dites :

à libr617

Le problème voyez- vous est que la démonstration de la prop 11/1 ne demontre pas que Dieu est constitué d'une infinité d'attribut.
Les scolies et les "autrement" de la prop 11/1 ne parlent d 'ailleurs pas plus de l'infinité du nombre d attribut.
La prop 11/1 démontre que Dieu existe.

Ce qui démontre l' infinité des attributs est dans le scolie de la prop 10/1


Le scolie de l'E1P10 ne démontre que la nécessité de lier le concept d'une infinité d'attributs au concept d'une substance absolument infinie, mais elle ne démontre pas que cette prédication ait une valeur ontologique, c'est-à-dire que Dieu soit effectivement composé d'une absolue infinité d'attributs, puisqu'on ne sait pas encore si Dieu existe. De plus, comme Henrique le dit à plusieurs reprises dans le topic que je cite ci-dessus, la démonstration de l'existence de Dieu s'appuie uniquement sur le caractère substantiel de Dieu, indépendamment de la question de l'infinité de ses attributs ; mais cette question ne peut absolument pas être mise de côté puisque l'absolue infinité de Dieu est sa définition même, et non une simple propriété. La démonstration de l'existence de Dieu, si on coupe Dieu de son infinité d'attributs, revient donc à dire "une substance existe nécessairement, donc une substance existe". On ne démontre pas l'existence de Dieu, on fait une tautologie.
J'en conclu que c'est seulement en présupposant que la déf. 6 énonce une attribution logique qui a en même temps une valeur ontologique que la démonstration de l'existence de Dieu est valide ; mais cette présupposition est arbitraire.

Ce qui m'amène à citer libr617 avec qui vous avez discuté. Il a laissé ce message sans avoir reçu de réponse, je me demande comment vous lui répondriez.

La démonstration de l'existence d'un objet A dont on pose qu'il est inclus dans un autre objet B ne permet pas de conclure à l'existence de ce dernier (alors que la réciproque, en revanche, est vraie).

Je prends un exemple :
1. Henrique existe.
2. Or, Henrique fait partie de l'association dite des "adorateurs du soleil".
3. Donc, l'"association des adorateurs du soleil" existe.

Ce raisonnement, sur les plans matériel et formel, est évidemment faux. Supposer le contraire reviendrait à faire exister n'importe quoi.

S'il s'agit de démontrer qu'une substance dotée d'une infinité d'attributs existe c'est-à-dire possède un ancrage dans le réel et pas uniquement dans la pensée, il faut adopter un autre type de raisonnement.

A la place de Dieu, j'aurais proposé la Substance, l'Univers, le Tout, la Réalité. Les expressions ne manquent pas. A mon sens, il est vraiment dommage que Spinoza soit tombé dans cet écueil. Je ne fais pas de Spinoza un être hors de son temps. Je suppose que cet écueil était inévitable. Et je ne doute pas être moi-même sujet à pareilles bévues.


Je m'accorde avec ce message : substituer un concept indéterminé de la réalité (et l'appeler justement "Réalité" ou "Tout") au concept déterminé de Dieu. Garder le rationalisme, mais un rationalisme conscient de ses limites.

Je comprendrais que vous ne souhaitiez pas répondre si vous êtes lassés de cette discussion sur l'existence divine, ou si le temps ne vous le permet pas. D'autant plus que la discussion à laquelle je vous renvoie ne s'est pas bien terminée, ce que je ne souhaite aucunement.
Modifié en dernier par Int le 05 sept. 2012, 21:41, modifié 1 fois.

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Messagepar hokousai » 05 sept. 2012, 00:01

à Int

Décidément le mot <b>Dieu</b> continue d'avoir un fort potentiel d' explosivité.
Spinoza le garde ( et fait plus, il l'affirme comme concept fondamental ) parce qu' il croit que la nature <b>pense </b>infiniment .
C' est une conviction profonde chez lui.
.....................................................
Maintenant sur la nature de Dieu . (questions des attributs) (lire le scolie de laprop 10/1.Mon explication est un peu différente )

Dieu n'est pas seulement un être pensant (fusse infiniment) c'est un être étendu.
Voila <b>deux</b> attributs discernables.
Et ce n'est pas seulement deux, c' est plus que 2 parce que Dieu ne peut être privé de ce qui serait plus que 2. Au delà de 2 c'est un plus de réalité possible.
Or l'étant absolument infini ne peut être privé de réalité.

Il n' y aurait qu'1 attribut ( soit la pensée comme dans l'idéalisme de Berkeley) la question de l'infinité des attributs ne se poserait pas . Mais il y en a 2 . A partir de là on entre dans une série quantitative où le troisième constitue une privation s' il n'existe pas.

Un attribut (comme la pensée ) remplirait tout comme on le voit dans l'unicité de la substance ( UNE elle remplit tout ) mais à partir de 2 le tout est constitué de la suite infinie des nombres. Prétendre qu'il n ' y a pas de considérations relatives à la quantité dans cette affaire des attributs est de mon point de vue une erreur.

La phrase " plus il y a de réalité ou d être plus il y a d attributs "relève de la <b>quantité</b>

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Messagepar Int » 05 sept. 2012, 10:49

Aucun problème avec le mot "Dieu" pour ma part. C'est le contenu du concept qui me pose problème, et surtout l'infinité des attributs. Mais navré en tout cas de rouvrir discussion que vous avez déjà sans doute faite de nombreuses fois.

Je pense que vous et Shub avez tout à fait raison quant à la question du nombre nécessairement infini d'attributs. Je n'étais de toute façon pas convaincu par ma lecture (je voulais voir Dieu comme un Tout indéterminé de la réalité sans qu'il soit dit quoi que ce soit de plus sur lui). Mais que pensez-vous, si vous avez du temps à m'accorder, du caractère arbitraire que je crois voir dans la déf. 6 ? Je pense d'abord qu'on ne peut mettre de côté, dans la démonstration de l'existence de Dieu, la question du nombre des attributs, car si on ne démontre pas qu'une substance absolument infinie existe, on ne démontre pas que Dieu existe, mais simplement qu'une substance en général existe nécessairement, ce que j'accorde selon la prop. 7. Selon moi (et je crois que c'est aussi la lecture de PF Moreau, même si je ne voudrais pas mêler sa pensée avec mes possibles contresens) la première démonstration ne démontre pas l'existence de Dieu dans la spécificité de l'essence divine, et il faut attendre la quatrième démonstration pour avoir véritablement la démonstration d'une substance absolument infinie, et pas simplement d'une substance. Seule la quatrième démonstration s'appuie sur la réalité infinie de Dieu, et sur la proportionnalité énoncée dans l'E1P9. Le problème est que si on prend en compte l'infinité des attributs de Dieu dans la démonstration de cet Être, comme on doit nécessairement le faire, alors on se fonde sur la prédication énoncée dans la déf. 6 et on suppose qu'à cette définition correspond quelque chose de réel. On fait une pétition de principe. "Dieu a une infinité de forces pour exister car il est l'Être absolument infini" ; ce à quoi je réponds que Dieu "n'est" rien et "n'est" pas l'Être absolument infini, sauf conceptuellement, tant que son existence n'est pas démontrée. La copule "est" est ce qu'on met en question, on ne peut donc pas s'appuyer sur "Dieu est ceci" pour prouver que Dieu existe, puisqu'on ne sait pas s'il est quoi que ce soit. Et, de nouveau, si on ne s'appuie pas sur la réalité infinie supposée de Dieu, on ne démontre pas que Dieu existe, seulement qu'une substance indéterminée est nécessairement.

Pour schématiser :

1. Soit on ne prend pas en compte, dans la démonstration de l'existence de Dieu, l'infinité des attributs de la substance dont on veut prouver l'existence, et dans ce cas on démontre qu'une substance existe nécessairement parce qu'une substance existe nécessairement. Tautologie, qui correspond, je crois, aux trois premières démonstrations de l'existence de Dieu.
2. Soit on s'appuie sur l'infinité des attributs pour prouver l'existence de Dieu dans sa spécificité divine (être une substance constituée d'une infinité d'attributs) et dans ce cas on suppose que la déf. 6 énonce une réalité, autrement dit on suppose que Dieu existe pour prouver que Dieu existe. Pétition de principe, que je pense voir dans la quatrième démonstration, celle du scolie de la prop. 11.

Je bloque sur le même point que Libr dans votre discussion avec lui : la démonstration de l'existence d'une substance absolument infinie. La différence c'est que je ne reconnais aucune erreur logique à Spinoza dans le raisonnement de la prop. 11 si l'on considère que la déf. 6 est une définition qui porte sur un objet réel ; mais de ce fait je crois voir une pétition de principe. Le statut des définitions pose problème, puisque la déf. 6 prétend porter sur un objet réellement existant alors qu'il s'agit justement de démontrer l'existence de cet objet. Les démonstrations de l'existence de Dieu ne valent que si Dieu est réellement une substance absolument infinie.

Cette lecture du statut des définitions est aussi celle de Macherey, si j'en crois ce rapide commentaire : http://spinoza.fr/de-deo-lecture-definitions-axiomes/

En espérant ne pas ennuyer avec des problèmes qui ne méritent pas d'être posés.

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Messagepar hokousai » 05 sept. 2012, 18:57

à Int

ce à quoi je réponds que Dieu "n'est" rien et "n'est" pas l'Être absolument infini, sauf conceptuellement, tant que son existence n'est pas démontrée.


Pensez-vous ( au sens fort ) que l' Etre absolument infini existe ? Oui ou non ?
Si c'est Oui, apparemment, pour vous, seule l' existence et l'infinité lui appartiennent.
Le problème pour Spinoza que s'il y a Etre infini il n y a <b>que</b> l 'Etre infini et pas une réalité finie ou infinie en dehors de lui .
Comme la Nature se donne à voir et comprendre comme <b>étendue et pensée</b> et de plus ce qui n'est pas rien, <b>déterminée</b> Spinoza ne peut en rester à <b>un Tout indéterminé de la réalité sans qu'il soit dit quoi que ce soit de plus sur lui</b>.
Donc la def 6 n'est pas arbitraire.

Pour moi les démonstrations valent ce qu'elles valent et ne valent pas les idées adéquates qu 'on a de la nature. Si vous n'avez pas d idées adequates de l' étendue ou et de la pensée aucune démonstration ne vous les donnera . Idem de l'infinité et de l' éternité, voire de la causalité. Comment voulez vous démontrer que la causalité existe dans la nature? Comme dit Wittgenstein ça ne se démontre pas, ça se montre.
.......................................
Les démonstrations de l'existence de Dieu ne valent que si Dieu est réellement une substance absolument infinie.


Ou bien une substance absolument infinie n' existe pas ou bien elle existe et alors on peut l 'appeller Dieu sachant qu il faut bien rendre compte de ce qu 'on sait de la nature.

J 'en reviens à <b> étendue et pensée</b>. Si vous n"avez pas d' idée adequate de ce que Spinoza appelle des attributs alors vous en restez à la substance <b>informe</b>.

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Messagepar Int » 05 sept. 2012, 21:40

hokousai a écrit :Pensez-vous ( au sens fort ) que l' Etre absolument infini existe ? Oui ou non ? Si c'est Oui, apparemment, pour vous, seule l' existence et l'infinité lui appartiennent.


Navré pour le manque de clarté de mes posts. Si l'Être absolument infini existe, il va de soi que l'absolue infinité des attributs existe, comme je vous l'ai concédé sans résistance à vous et à Shub après avoir mis cette thèse en question dans des posts que je n'assume plus. Je ne traite plus de cette question d'interprétation, je n'avance plus qu'un nombre limité d'attributs est compatible avec l'infinité divine (thèse qui n'est pas si absurde si on considère qu'infinité=Tout, ce qui est faux pour Spinoza comme vous me l'avez bien fait comprendre), je rentre maintenant dans une critique (modeste) de la démonstration de l'existence de Dieu, ou en tout cas dans une tentative de compréhension de cette démonstration. Je vous accorde donc que si un Être absolument infini existe, il a une infinité d'attributs, mais la question est justement de savoir si l'Être absolument infini existe.

Ou bien une substance absolument infinie n' existe pas ou bien elle existe et alors on peut l 'appeller Dieu sachant qu il faut bien rendre compte de ce qu 'on sait de la nature.


Entièrement d'accord avec vous. Reste à prouver l'existence de la substance absolument infinie. Or, comme dit dans mes deux posts précédents, les démonstrations de l'existence de cette substance reposent sur une définition qui énonce qu'il y a effectivement un Être qui est cette substance absolument infinie. Autrement dit on démontre l'existence de la substance absolument infinie en renvoyant à une définition qui énonce l'existence de la substance absolument infinie. En cela, je continue malheureusement de voir un arbitraire dans la déf. 6, voire une pétition de principe.

Vous dites que la nature se donne à travers l'étendue et la pensée. On pourrait très bien dire que l'étendue et la pensée sont des substances, et pas des attributs d'une substance unique. Pourquoi Spinoza ne le fait pas ? Parce qu'il pose la déf. 6. qui l'oblige à démontrer l'existence d'un Être absolument infini. Pourquoi pose-t-il la déf. 6 ? Voilà mon problème. Cette déf. 6 n'est pas utile pour comprendre le réel, sauf si l'on tient absolument à adopter la position moniste, auquel cas on place des définitions arbitraires qui conduisent aux conclusions que l'on veut. De l'étendue et de la pensée, on pourrait conclure au dualisme cartésien, si Spinoza ne s'accorde pas avec le dualisme, c'est parce qu'il pose la déf. 6. Pourquoi pose-t-il cette définition ?

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Messagepar hokousai » 06 sept. 2012, 01:04

à INt


Je vous accorde donc que si un Être absolument infini existe, il a une infinité d'attributs, mais la question est justement de savoir si l'Être absolument infini existe.

S 'agit il d' UN être ? Spinoza dans la lettre 50 nous dit que<b> nous ne pouvons pas dire que Dieu est seul et unique</b> .Ce serait pouvoir comparer.
.............................
On peut formuler autrement la question: ce qui existe n' est pas borné par quoi que ce soit de même nature, c' est à dire par quelque chose d' existant. A fortiori pas borné par le néant qui lui n' existe pas.

Il ne s'agit pas de l'existence d'UN être parmi d'autres et qui serait Dieu mais de l'existence tout court .
Savoir donc s'il existe quelque chose ou pas .
S il y a de l'existence , cette existence est infinie/ éternelle. Ce n'est pas l'existence d 'UN être mais l'existence tout court .
Mais, dirait Spinoza, pas l' existence de quelque chose qui n 'existe pas. Ce qui est donné à l'entendement c'est l'existence déterminée. L' existence n'est pas informelle. La substance a une essence, elle est quelque chose d 'intelligible, l' intellect perçoit des idées et des corps. L'intellect à une idée adéquate de la pensée et de l' étendue . D' où les attributs et leur expression.

Dieu pour Spinoza c' est cà. Ce nest un être suprême.
Spinoza ne demande pas de croire à l'existence d' un être suprême ( comme Descartes ou d'autres le demandent ou tentent de le démontrer ) . Spinoza constate l 'existence (cela se montre) et il n 'y a rien qui soit autre que l'existence .
C'est pourquoi essence et existence c' est la même chose pour Dieu ( ou la nature si vous voulez ).
Dieu n'est QUE son existence et pout tout dire ce qui existe ce n 'est QUE Dieu. Il n 'y a rien qui puisse exister et qui ne soit pas Dieu.

En revanche ( il me semble) que ce qui distingue Spinoza des autres naturalismes, c'est que la nature <b>pense et pense infiniment</b>. D' où le maintien du mot et de l'idée de DIEU.

C 'est sur ce dernier point qu' on peut le critiquer et que les matérialistes peuvent le critiquer. Si la nature ne pense qu' aléatoirement alors le mot <b>Dieu </b>peut être remplacé par celui de <b>Nature</b> .
...............................

On pourrait très bien dire que l'étendue et la pensée sont des substances, et pas des attributs d'une substance unique. Pourquoi Spinoza ne le fait pas ?

Remarque judicieuse. Mais alors il y aurait DEUX substances ( voir Descartes ).
Ce nest pas parce qu'il a posé la def 6 que Spinoza pense qu' il n' y a qu 'une seule substance.

bien à vous
Hokousai

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Messagepar sescho » 09 sept. 2012, 11:22

Bon, j’ai pris plusieurs tours de retard... Mais je reviens quand-même dans le sujet, sur quelques points qui m’apparaissent dominants depuis mon dernier post :

gnayoke a écrit :- Sagesse et science de l'esprit ne sont pas incompatibles avec les sciences physiques par exemple: Il y a l'outil, mais il y a aussi la personne qui l'utilise. La sagesse d'une personne peut être mise à profit dans un science particulière ( sociale, physique ou autres)

- Dans votre esprit vous semblez également rendre incompatible les sciences physiques de la "spiritualité". Je peux vivre de manière "spirituelle" et faire de la science physique. Le choix du terme "empoisonnée" pour qualifier l'Occident (scientifique), donne une valeur fortement dépréciative à l'égard de l'Occident et à l'égard de la Science. Alors que la "spiritualité" est partout. Il n'y a pas de lieu géographique de la "spiritualité".

Bien sûr, qu’il n’y a pas d’incompatibilité (et que des qualités spirituelles ne contredisent pas l’exercice de la Physique ; au contraire même, comme pour tout.) Cela ne veut pas dire pour autant que l’une peut se substituer à l’autre (c’est même le contraire qui ressort du sens commun, et encore une fois les grands physiciens n’ont jamais déifié la Physique, et ont souvent développé en parallèle une démarche philosophique ou spirituelle.) La Physique s’occupe du mouvement dans la matière, pas dans la psyché, et il y a eu dans l’histoire des sages parfaitement accomplis qui ne connaissaient fichtre rien à la Physique, preuve qu’il ne s’agit pas du tout du même domaine.

S’agissant de l’Occident (en moyenne), ce n’est pas au niveau des Sciences et Techniques mêmes que l’erreur a été développée - elles sont neutres, et peuvent en outre aider sur le confort matériel et corporel, ce qui est bon à prendre même si ce n’est pas essentiel -, mais dans la « philosophie » qui a accompagné le mouvement, en perdant en même temps le sens spirituel (qui est l’erreur la plus grave possible.) Cela ne veut pas dire que c’était le cas de tous, ni que l’Orient a au contraire baigné intégralement dans la sagesse infinie. Une telle généralisation serait évidemment grotesque (et puis, dans tous les cas, il s’agit d’hommes.)

gnayoke a écrit :N'oublions pas qu'à l'échelle de l'évolution, l'être humain n'est qu'un bébé qui vient tout juste de prendre conscience de son existence, qui vient tout juste de pratiquer la pensée. Elle est encore balbutiante. Toutes nos représentations du monde ne sont que le reflet de ces balbutiements.

Je ne vois pas du tout les choses comme cela. L’évolution vers la conscience parfaite et absolue est imaginaire, selon moi, de même que l’évolution continue (sans modifications majeures d’ordre génétique), de même - c’est le plus net de mon point de vue - que le progrès continu en matière d’esprit, qui est l’essentiel. Certes on peut imaginer (sans réellement pouvoir l’imaginer, puisqu’on ne peut pas sortir de notre état de fait) une intelligence plus grande que la nôtre à l’avenir, mais là-aussi je vois que la distanciation sujet-objet que constitue la conscience implique à proportion la capacité à l’erreur.

gnayoke a écrit :Les voies qui sont "ailleurs" ( pour reprendre tes mots) restent toujours des voies intéressantes, car ils me permettent de me rendre compte de là où se trouve la bonne voies. Et même une voie qui est "ailleurs" pour certains peut être "la bonne" pour d'autres. (=> adequation chemin vs personne)

Là je trouve qu’il y a un côté surréaliste à la discussion : pour savoir si une voie mérite d’être appelée ainsi, il faudrait être déjà arrivé au port après l’avoir parcourue...

Maintenant, effectivement, il est impossible de généraliser autrement qu’en tendance moyenne en matière de « voie » ; si le bien-être (réel pas autoproclamé), le degré d’action bien posée, la disparition des réactions et des émotions, le calme et la paix dans l’action, la bonté, etc. progressent sensiblement, c’est une définition sinon d’une voie, du moins d’un bon pas.

gnayoke a écrit :...je suis satisfait dès la mesure où l'équation suivante est acceptée: Dieu = Nature universelle.

C’est le cas chez Spinoza. On peut écrire « Dieu-Nature » pour respecter à la fois Spinoza et l’expression plus actuelle.

gnayoke a écrit :Ce n'est effectivement pas la même chose si ...la Matière et les lois qui la régissent ne suffisent pas à définir la Nature. Je ne comprends pas pourquoi le mot matérialisme est chargé d'une valeur négative dans l'esprit de beaucoup.

Ce qui ne convient (éventuellement) pas dans le matérialisme, c’est la croyance : 1) que ce que nous nommons « matière » est une vision absolue de la réalité ; 2) qu’elle peut se substituer à ce que nous nommons « pensée » ; qu’en conséquence la Physique est la seule science qui mérite d’être pensée, et contient donc tout ce qui vaut, en particulier l’essentiel, savoir le spirituel. 3) Qu’enfin la Physique se substitue à toute vision métaphysique de la Nature.

Ce qui équivaut à la déchéance spirituelle, la plus grave affection de l’homme.

Alors que :

1) Ce que nous nommons « matière » n’est qu’une vision partielle - une pensée - de la réalité. 2) Que jamais, étant partielle, elle ne pourra se substituer à la science de l’esprit, et qu’elle est de fait cantonnée à la prédiction approximative d’évènements pris dans cette pensée partielle de la réalité que constitue le monde matériel. 3) Qu’en aucun cas elle ne génère de vision de la Nature universelle (mais cette vision peut-être préexistante à elle, et même sa condition, consciente ou inconsciente ; voir plus bas.)

gnayoke a écrit :Si on en vient à concevoir un être qui n'est soumis ni à la matière, ni à ses lois, alors on rentre tout simplement dans un cadre religieux, ou qui s'y ressemble beaucoup.
Je ne juge pas négativement cette conception mais je montrerai ultérieurement son caractère inutile.

Dieu selon Spinoza EST la Matière même, puis Mouvement dans la Matière, et donc ses lois, qui sont sa nature même. Il n’est soumis à rien : il EST (mais / et ne peut changer de nature.) Mais il est aussi, selon ce qu’on a appelé après lui « parallélisme », autrement dit identiquement, en miroir, Pensée même, puis Entendement infini dans la Pensée. C’est la meilleure façon qu’a trouvée Spinoza pour résoudre le problème de la dualité Pensée-Matière. Cette option pose effectivement de gros problèmes (voir par exemple ici), assez évidents, mais malgré cela elle apparaît supérieure sur l’essentiel aux deux contraires (qui s’associent comme le positif et le négatif d’une photographie) que sont le spiritualisme et le matérialisme... Et il n’y a rien d’autre de bien établi (mais très certainement des travaux très utiles postérieurs) à ma connaissance. Du beau pain sur la planche... Mais la vérité (qui inclut le Mystère quand il y a limite absolue) est déjà dans l’extrême simplicité de la vision millénaire et hautement spirituelle : ce qui est EST, et est relié en un tout nommé Dieu-Nature (mais dont le nom le plus naturel est « Ce-qui-est »), qui existe sans cause (et est parfait, éternel, etc.) Je suis (pensant), les choses (matérielles) sont, Dieu-Nature EST.

La Nature naturante est pour Spinoza ce qui existe sans cause (ce qui est et dont on ne demande pas pourquoi il est - « il est, c’est tout » -, et qui étant sans cause ne peut changer de nature, etc.), et qui est donc en amont de tout du point de vue de la conception. L’explication donnée dans E1P29S est claire sur ce point. Cela comprend donc uniquement les attributs (par exemple, la Matière), qui sont sans forme du point de vue de la conception ; pour autant cela n’exclue pas de la nature de Dieu-Nature les manières d’être, ou modes, de ces attributs. La Nature naturée est tout le reste, qui ne se conçoit que dans un attribut à la base. In fine Dieu-Nature est tout ce qui est : attributs et - donc - manières d’être de ces attributs.

L’important (très) là-dedans est que jamais une conception vraie de l’univers n’occulte l’unité dans laquelle tout est. C’est même l’essentiel, et c’est le sens de « Nature naturante. » La Nature n’est pas une collection d’objets, elle est cet unique Ce-qui-est dans lequel ce que nous appelons « objets » se trouvent.

C’est pourquoi Hokousai avait haute raison - outre de commencer par respecter l’esprit de Spinoza que nous commentons - de bien distinguer cela (Nature naturante) de l’observation de phénomènes (Nature naturée), surtout s’agissant d’avancer la Physique comme une « voie » spirituelle, ou de connaissance ultime.

Maintenant, si vous admettez effectivement pleinement à la base la « Nature universelle » - étant entendu donc par-là « une unité » qui existe sans cause et « contient » tout ce qui est - alors le reste est permis. Par exemple, le Mouvement et ses lois (qui sont la nature même de Dieu-Nature ; il n’y est donc pas « soumis, » et ce alors même qu’il ne peut changer de nature ; ce qui, en passant, - étant juste une imagination humaine - ne le limite en rien) sont de toute éternité dans la Matière. On peut envisager sérieusement aujourd’hui d’assimiler la Matière et le Mouvement, et cela ne fait pas de différence avec Spinoza, en fait. Il n’y a donc aucun scandale à assimiler le Mouvement et donc ses lois à la Nature naturante. Vous semblez même conserver la Matière en amont, donc Matière + Lois de mouvement comme nature naturante est a fortiori très compatible - sur le fond sinon sur la forme - avec Spinoza... sous la condition initiale (qui est normalement incluse dans ces conceptions, qui ne descendent de toute façon pas dans la collection d’objets séparés, qui est une erreur.)

Maintenant, la Physique ouvre-t-elle cette conception, ou en fait est-elle dépendante de cette conception (consciente ou non) ? Comme déjà dit, l’idée de Hume selon laquelle ce que nous appelons « lois » découlerait naturellement de la simple mémoire de la répétition des observations à conditions « égales » a été réfutée (à l’occasion, je ferai un tour de ce qui a été opposé de sérieux à Hume sur ce sujet.) Quoiqu’il en soit, qu’est-ce qui me dit que ces lois - déjà incertaines, tant dans leur nature que dans la précision des prédictions qu’elles permettent de produire, outre de comprendre de fait des coefficients inversement issus de l’expérimentation - ne vont pas changer demain, ou dans un milliardième de seconde ? Qu’est-ce qui me dit aussi que ces lois s’appliquent à tout (dans leur domaine) ?

En fait la Physique ne fait rien que décrire des phénomènes se produisant dans ce que nous appelons « Matière », vision partielle, nécessairement pensée, de la réalité. C’est intéressant et enrichissant, certes, mais pas essentiel. L’essentiel, lui, n’est pas une conséquence de la Physique, mais au contraire sa cause, et qui reste sans elle : la Nature universelle - autrement dit Dieu selon Spinoza - est, omniprésente et ne pouvant changer de nature, étant sans cause.

Si la pratique de la Physique permet de revenir à la pleine conscience, directe et non intellectuelle donc, de sa cause paradigmatique, tant mieux ! Mais ce n’est clairement pas un passage obligé, ni à conseiller en tendance moyenne, la science de l’esprit étant naturellement celle s’appliquant en la matière.


(Comme c’est déjà trop long, je m’arrête là pour l’instant.)


Cordialement


Serge
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Messagepar sescho » 09 sept. 2012, 16:41

Je voudrais pondérer mon propos précédent en ajoutant un mot au sujet "du matérialisme" (il y en a plusieurs variantes de ce que j'ai pu constater) : le principal problème ne vient pas tant des principes affichés que de ce que les matérialistes sont dans la quasi-totalité des cas en contradiction performative - ce qui montre qu'il s'agit plus de posture, ou d'intellectualisme, que de vision.

En effet, admettons que tout ce qui est soit réductible à ce que nous percevons et étiquetons sous le label "matière," étant régi par les lois éternelles du Mouvement, et soyons conséquents :

- Les lois du Mouvement se posent-là en toute perfection : elles existent sans cause, en elles-mêmes ; elles sont donc immuables, éternelles, ni bien ni mal (neutres de ce point de vue), etc.

- La matière et le mouvement étant donnés, "tout le reste" (il n'y a rien d'autre en fait) en découle "à l'intérieur", et n'est donc qu'une manière d'être de cette matière en mouvement.

- Autant les manières d'être sont d'infinie variété, et impossible à saisir en détail, autant "matière en mouvement" (ou "énergie cosmique", etc.) est simple à concevoir. Nous conservons donc le plus simple : fondamentalement il n'existe que Matière-en-mouvement, et elle est éternelle.

- Matière-en-mouvement est tout, parfaite en tout, et ne peut être autrement. Il n'y a donc en pleine conscience de cela aucune place pour le refus de ce qui est, le reproche, l'angoisse, le remord, la colère, la haine, etc. Juste l'expression de la perfection de ce qui est simplement parce qu'il est, quel qu'il soit.

- Matière-en-mouvement est seule concevable en soi ; il n'y a donc aucune entité stable et indépendante en dehors de matière-en-mouvement prise globalement. Un moi séparé et constant ne peut pas exister à l'intérieur de matière-en-mouvement.

- De même, il ne peut pas y avoir de créateur de quoi que ce soit, même pas Matière-en-mouvement, qui se manifeste juste comme elle est éternellement. C'est dire si a fortiori une simple manière d'être impermanente, qui n'est déjà pas concevable en soi mais uniquement en Matière-en-mouvement, ne crée rien du tout, n'est pas auteur de ses actes, et n'a aucun libre-arbitre ; bref n'est pas une entité autonome, juste un phénomène.

Finalement, vu comme cela, le matérialisme mène directement à la sagesse suprême... ou plutôt y mènerait s'il était vu dans toutes ses conséquences, la sagesse étant rarissime de fait...

Note : bon, en fait, ceci est une simple reprise de Spinoza en occultant l'attribut Pensée (ou en le ramenant à "perception de Matière-en-mouvement", pris comme fait, sans lui chercher de cause). Par ailleurs, la Physique proprement dite n'est nullement engagée là, en fait, mais seulement le principe antérieur à la Physique, laquelle pour sa part se préoccupe du détail de la nature de Matière-en-mouvement, qui n'est pas nécessaire.
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Messagepar LeComedian » 10 sept. 2012, 16:44

Bonjour à tous,

J'arrive un petit peu tard dans une (plusieurs en réalité) discussion(s) que je trouve pourtant passionnante(s). Arrivant tard, je ne vais pas me permettre de relancer les débats mais je jugeais bon de vous faire part de mes positions afin peut-être de le confronter avec d'autres approches du Spinozisme. :)

(au passage merci à gnagoke pour le mot de bienvenue)

Sur Dieu.
Il me semble que Spinoza n'est pas appelé le prince des philosophes par Deleuze pour rien. Deleuze définissait la philosophie comme l'art de créer et jouer avec des concepts. C'est exactement ce que fait Spinoza. Il crée des concepts qu'il définit puis désigne avec de mots. "Dieu" n'est qu'un mot utilisé par Spinoza pour désigner "un substance constituée par une infinité d'attributs, chacun d'eux exprimant une essence éternelle et infine".

Cependant, le choix de ce mot pose effectivement question. Connaissant sa pensée au sujet des superstitions et religions, je pense qu'il a tout simplement extrait ce concept du cadre religieux pour le vider d'une partie de son sens (la partie anthropomorphique). Le fait qu'il autorise le lecteur à le remplacer par nature révèle également cela à mon sens.

Comme le dit Cess, Dieu est un mot trop lourdement chargé. Un athée (moi par exemple) aura une vision bien différente qu'un chrétien, musulman, juif ou bouddhiste. Chacun y voit ce qu'il y veut puisque le signifiant de Dieu n'est pas universel (malgré sa définition) mais bien propre à chaque homme. Cess a raison, on en vient vite à tourner en rond lorsqu'on parle de Dieu, et c'est un problème car il n'y a pas d'accord sur la définition même de ce terme.

Ce que j'apprécie chez Spinoza c'est cette volonté de clarté. Il définit les concepts qu'il utilise pour sa démonstration et nous protège ainsi de tout malentendu. La question de l'atheisme ou pas de Spinoza est une question assez peu intéressante au final il me semble. Mais pour y répondre, encore faudrait-il définir Dieu (définition de Spinoza), religion (?), athéisme (?) et échanger à partir de cela.

Maintenant pour être honnête, il ne s'agit pas de la partie que je maîtrise le mieux chez Spinoza, je m'abstiendrai donc d'en dire davantage... mais il me semble que Spinoza contente aussi bien les athées (puisqu'il critique les superstitions et donc les religions telles qu'on les connait aujourd'hui) que les éventuels panthéistes ou religieux qui en retiennent la spiritualité de l'émerveillement, de l'instant présent, de la contemplation de la réalité.

Sur "les sciences".
On retrouve souvent cette idée dans l'opinion commune: "la science est une nouvelle religion" ou alors "la science ne pas peut tout expliquer". Je trouve que ces idées sont relativement faibles. De même, la position "la science nous apporte du bien mais aussi du mal" n'est pas satisfaisante. Il ne s'agit pas de la science en tant que tel, mais bien de la démarche scientifique qui nous permet grâce à la confrontation constante avec le réel de s'extirper du premier niveau de la connaissance pour atteindre le second.

Retournons un instant en enfance. Nous sommes chez nos grands parents pour la première fois et nous nous rendons compte qu'une plante à grandi d'un jour à l'autre. La où la terre était "vierge" la veille, nous voyons désormais une petite pousse. Que s'est il passé? A ce moment là, nous sommes au premier stade de connaissance... nous voyons les effets et ne pouvons qu'imaginer les causes... peut-être que grand mère à poser cette pousse dans la terre... peut-être qu'un être tout puissant la poser là... Imaginons que nous ayons l'esprit curieux et que nous commençons dès lors à expérimenter. Nous nous rendons compte que la plante à besoin d'eau, de minéraux et de soleil... L'expérimentation nous pousse alors à comprendre le mécanisme de la photosynthèse... ainsi de suite. Plus tard, nous verrons un autre végétal que nous est totalement inconnu et penserons intuitivement à ce mécanisme qu'est la photosynthèse.

Bref, il me semble que la démarche scientifique est bien la voie à suivre pour nous rapprocher du monde des essences et nous éloigner du monde de l'imagination. Peut-on tout connaître grâce à cette démarche? Peut-être que oui, peut-être que non... mais en fin de journée, au pire des cas, nous ne prétendrons pas savoir ce que nous n'avons pu démontrer, et nous ne nous laisserons pas diriger par notre imagination débordante.

Il me semble que Spinoza est une philosophie de l'instant, de la réalité. Il s'agit de ne pas regarder le monde en y posant le filtre de ce que nous aimerions qu'il soit, mais bien de se contenter de ce qu'il est, autrement de sa réalité vraie des choses. La démarche scientifique me parait un outil magnifique, ce n'est pas pour rien que Spinoza écrit l'Ethique sous forme de démonstration géométrique.

Sur le monisme dans les sciences actuelles.
Je ne suis pas un expert en la matière mais suis assez passionné par ces questions toutefois (astrophysique, évolution...). J'ai commencé à m'intéresser à Darwin et à la génétique récemment et suis absolument fasciné par les points de convergence entre Spinoza et les découvertes récentes. Nous savons désormais que toutes les formes de vie que nous connaissons a l'heure actuelle est non seulement basée sur l'ADN mais également issu d'un organisme premier nommé LUCA à partir duquel toutes les formes de vies ont évoluées. Si c'est pas du monisme ça!

D'autre part, la physique (et l'astrophysique) nous apprend que tout ce que nous connaissons aujourd'hui est composé des atomes listés dans la table périodique des éléments. Que ce soit les êtres vivants, les planètes... bref tout. Ces éléments sont eux même formés de particules subatomiques et nous avons trouvé récemment l'élément qui fait en sorte que ces particules entrent en rapport les unes avec les autres (cela ne vous rappelle rien?) et crée la masse: il s'agit du fameux boson de Higgs.

Ces particules subatomiques sont elles celles de Spinoza? Le conatus correspond il la force poussant nos cellules à s'adapter à l'environnement et à conserver leurs rapports? Je ne sais pas et n'oserai pas aller sur ce terrain tant mes connaissances sont limitées sur le sujet. Ce serait par ailleurs peut-être laisser place à mon imagination. Quoiqu'il en soit, les deux perspectives me semblent compatibles et j'adorerai trouver plus de livre tels que celui d'Antonia Damasio faisant le lien entre neuroscience et philosophie de Spinoza.

Cordialement,

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Messagepar sescho » 13 sept. 2012, 15:51

Je poursuis sur la base des contributions de Int, cette fois :

Int a écrit :Si on ne conçoit pas Dieu comme un Tout, alors cette conception de l'infini en acte qui n'est pas l'infini potentiel m'est inintelligible. Première question : peut-on concevoir Dieu comme un Tout de la réalité ?

Toute conception qui place les choses singulières avant Dieu-Nature est erronée, ou disons critiquable. Donc Dieu n’est pas « ce en quoi est tout ce qui est », mais « ce qui est. » Pour la même raison, la notion de « Tout » est biaisée (même « Un, » même si c’est mieux, car le un sous-entend quelque part le deux, etc.) On peut dire par contre que tout ce qui est est en Dieu, est « du Dieu. »

La question de l’existence vient de ce que pour les choses particulières, l’essence se distingue de l’existence : ce qu’une chose est (et qui fait donc partie de la nature de la Nature) se distingue du fait qu’elle existe présentement en acte ou non. C’est pourquoi l’existence ne peut faire partie de son essence, car elle devrait alors exister nécessairement, son être même impliquant l’existence. Donc l’existence relève d’autre chose, d’une chose dont l’essence implique l’existence. Par ailleurs une définition ne porte que sur l’essence, pas sur l’existence. L’existence nécessaire ne peut donc que se déduire de la définition de cette même chose. Ce type de chose ne peut faire appel à une autre dans sa définition, car alors cette autre serait antérieure en nature, et il serait par conséquent exclu que la première puisse exister par sa seule nature. Il n’y a alors qu’une seule définition possible : ce qui est conçu par soi (cela est, point) et (donc, une fois admis que toute idée claire et distincte est par là-même vraie, à l’encontre de quoi d’ailleurs il est vain de discuter de quoi que ce soit) qui est en soi. Une fois affirmée cette essence, l’existence en découle cependant immédiatement (E1P7.)

Sinon, tout ce qui exprime une essence est en Dieu, et hors de cela il n’y a rien. Pour les attributs, voir le lien donné ci-dessus.

Int a écrit :Je pense être convaincu par ce que dit Shub concernant la pensée de Spinoza. Mais du coup, je ne suis plus convaincu par Spinoza et j'en reviens à ce qui me posait problème dans mes premiers messages de ce topic : le caractère arbitraire de la déf. 6. Tout repose sur la démonstration d'une substance absolument infinie. S'il appartient bien à la nature de la substance d'exister (j'accorde cela), déterminer la nature de cette substance comme absolument infinie me semble relever de l'arbitraire.

Pour le cas des attributs (voir le lien ci-dessus, à nouveau), il reste que Spinoza dit bien en substance « une infinité d’attributs dont nous ne connaissons que deux, » et que cela introduit (par le « deux, » sans aucune rectification concernant le niveau propre à Dieu-Nature) un infini dénombrable au niveau divin, sans aucun doute possible. La confusion d’un infini indénombrable et d’un infini dénombrable est bien que ce Spinoza fait, mais cela reste critiquable (« n’importe quel nombre » signifie « infini dénombrable ») de fait, et est une pierre d’achoppement, entre autres, dans cette approche par les attributs (mais pas de l’absolue infinité - ou de l’infinité en l’absence d’attribut - qui lui est antérieure.)

La définition 6 est équivalente à un axiome, autrement dit une affirmation acceptée d’emblée (donc sans démonstration, par nature, étant au contraire en amont de toute démonstration), et ce, s’agissant de Spinoza, comme étant réelle (une essence réelle est affirmée par-là.) Soit on l’accepte, soit on ne l’accepte pas, mais il n’y a aucun droit de la juger, sauf à montrer qu’une affirmation est antérieure en nature, et/ou qu’il y a contradiction, etc.

Int a écrit :Rien ne nous oblige de poser dans les définitions une substance constituée d'une infinité d'attributs pour comprendre le réel, et le réel n'est déterminé comme étant cet Être que si on pose arbitrairement cet Être comme définition ayant une valeur ontologique à la base de l'étude (en l'occurrence, l'Ethique 1). Mais l'évidence n'impose pas le recours à cet Être, au contraire des défs de la substance, de l'attribut, de la cause de soi, du fini, etc.

L’intuition première (c’est-à-dire non polluée par les imaginations, émotions, désirs passifs, etc., etc.) impose l’être infini. Infinité d’attributs ou pas, c’est secondaire.

Int a écrit :E1P11 démontre que Dieu existe nécessairement. A partir du moment où Dieu est défini comme une substance, il existe nécessairement ; ceci ne prouve pas spécifiquement que les autres propriétés de Dieu existent.

Je prends un exemple :
1. Henrique existe.
2. Or, Henrique fait partie de l'association dite des "adorateurs du soleil".
3. Donc, l'"association des adorateurs du soleil" existe.

Ce raisonnement, sur les plans matériel et formel, est évidemment faux. Supposer le contraire reviendrait à faire exister n'importe quoi.

Non. Si la 3 est fausse, alors la 2, qui est une prémisse, l’est aussi. Plus généralement, de ce que j’ai pu voir jusqu’à présent, il faut beaucoup se méfier de ces pseudo-réfutations par procès en fausse logique, alors que de fait on torture et biaise l’expression pour laisser paraître ce que l’on veut.

Autre exemple ; si je dis :

- Toute perfection est en Dieu (« qui est l’être absolument parfait » est équivalent.)

- Or, exister est une perfection.

- Donc, exister est en Dieu.

Je ne vois pas bien où est le problème...

Donc, l’existence nécessaire résulte de ce seul point que Dieu est défini (par Spinoza, ce qui équivaut à : affirmé comme essence réelle) comme substance. Tout le reste est affirmé d’emblée par E1D6, qui dans ce cas suffit donc à tout le reste. Il est clair néanmoins que si dans ce « tout le reste » il y avait référence à quelque chose d’autre, et donc antérieur, nous aurions contradiction avec la notion même de substance, qui ne supporte rien d’antérieur. Mais comme les attributs sont la substance même, vue sous un certain angle...

Int a écrit :Mais que pensez-vous, si vous avez du temps à m'accorder, du caractère arbitraire que je crois voir dans la déf. 6 ?

« Arbitraire » est un terme péjoratif en l’occurrence. Vous n’êtes pas convaincu de la réalité de cette affirmation ab initio. Soit, mais ne faites pas à Spinoza le procès de n’avoir pas vu, lui, clairement (et sans démonstration puisqu’il s’agit d’une notion commune de la raison ; et il n’y a pas de démonstration possible sans notions communes antérieures) ce qu’il exposait.

Spinoza affirme la réalité d’une essence - ou nature, ou forme (eidos) - (que vous l’acceptiez ou non, c’est un autre problème) et du fait qu’il s’agit d’une substance elle existe nécessairement, et du fait qu’elle est absolument infinie, elle seule peut exister. C’est très simple. Il n’y a rien à chercher du côté de la logique : vous acceptez la notion commune ou vous ne l’acceptez pas, c’est tout. Il n’y a aucune tautologie, pétition de principe, etc. (à partir du moment où on a compris que Spinoza ne fait pas de définition hypothétique, mais affirme au contraire la réalité d’une essence lorsqu’il en pose la définition.)

Int a écrit :... je ne reconnais aucune erreur logique à Spinoza dans le raisonnement de la prop. 11 si l'on considère que la déf. 6 est une définition qui porte sur un objet réel ; mais de ce fait je crois voir une pétition de principe. Le statut des définitions pose problème, puisque la déf. 6 prétend porter sur un objet réellement existant alors qu'il s'agit justement de démontrer l'existence de cet objet. Les démonstrations de l'existence de Dieu ne valent que si Dieu est réellement une substance absolument infinie.

Voir ci-dessus. Une essence seule se définit ; l’existence se constate uniquement... sauf dans le cas très particulier où l’existence se déduit de l’essence. Spinoza affirme l’essence de Dieu, et en déduit son existence (c’est le seul et unique cas particulier en question) ; voilà tout.

Int a écrit :... je n'avance plus qu'un nombre limité d'attributs est compatible avec l'infinité divine (thèse qui n'est pas si absurde si on considère qu'infinité=Tout, ce qui est faux pour Spinoza comme vous me l'avez bien fait comprendre)

De fait, pour Spinoza, absolue infinité = rien en dehors = tout ce qui est, et c’est la chose qui vient en tout premier, avant les attributs. Comme cela est déjà contenu dans E1D6 même, l’histoire de l’infinité d’attributs n’est qu’une conséquence de ce qu’on a posé préalablement et par ailleurs la notion d’attribut (qui, elle, pose problème, comme déjà répété.)

L’introduction des attributs est le principal obstacle à la compréhension de la définition de Dieu : une chose qui est conçue par soi, est donc en soi et « cause de soi », et qui est Ce qui est.

Int a écrit :De l'étendue et de la pensée, on pourrait conclure au dualisme cartésien, si Spinoza ne s'accorde pas avec le dualisme, c'est parce qu'il pose la déf. 6. Pourquoi pose-t-il cette définition ?

Je dirais d’emblée que le plus évident est qu’il y a manifestement un lien entre la Pensée et l’Étendue, ce qui exclut que ce puissent être des substances - lesquelles, concevable en elles-mêmes séparément, ne peuvent donc se concevoir l’une par l’autre (sauf à être la même)...

En revanche, je dis que l’introduction des attributs, quoique plus saine en regard de l’essentiel (cette unité en particulier) est néanmoins défectueuse (en ce que précisément elle tend à conserver le caractère de substance aux attributs, en ne les réunissant que par E1D6, et par le parallélisme (E2P7 reporté sur E1A4.) )

Mais ce qu’il faut retenir d’abord, comme l’a bien dit en substance Hokousai, est que Dieu est Ce-qui-est (donc : limité en rien ; en dehors duquel il n’y a rien ; tout ce qui est est en lui, etc.), autrement dit absolument infini. Dieu est ce qui se conçoit par soi et est l’Être absolu, qui est tout être. L’unique première question est donc : est-ce que vous sentez cela, l’unité de l’Univers en dehors duquel il n’y a rien, ou non ?

Les attributs, c’est une complication secondaire (comme l'indique le "c'est-à-dire" suivi de l'explication de E1D6 même...)
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