questions

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
Règles du forum
Cette partie du forum traite d''ontologie c'est-à-dire des questions fondamentales sur la nature de l'être ou tout ce qui existe. Si votre question ou remarque porte sur un autre sujet merci de poster dans le bon forum. Merci aussi de traiter une question à la fois et d'éviter les digressions.
Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 01 févr. 2013, 14:33

à Vanleers

sur 18/2 dem


Misrahi traduit causa par "en raison du fait " .
Roland Caillois par "parce que"
Appuhn par " par ce motif que "
Pautrat par " la cause en est que"
Elwess dit 'because "
Stern dit 'weil "

Une compréhension dualiste des attributs incite à nier toute causalité efficiente entre le corps et l'esprit d'où le parallélisme.

Si cette dualité nest qu'une manière de penser alors une interprétaion moniste pourra estimer qu' en réalité le corps et l'esprit
1) sont unis
2) plus que cela, ils sont substantiellement identiques, seule l'intellection que nous en avons les fait différer en notre esprit.

Je vous ai dit que j' opinais (ie c 'est ma philosophie personnelle ) pour la seconde solution mais que je ne savais pas précisément ce que Spinoza pensait .
..........................................
Macheray doit parler "avant "des « liaisons rationnelles que l’intellect effectue activement entre les choses » La distinction est judicieuse.

Les spinozistes ont a peu près tous pensé en termes de parallélisme strict donc de dualisme ontologique. Difficile pour eux d'expliquer les idées non sensibles , celles qui n'ont aucun répondant actuel dans l'étendue actuelle, les faits de mémoire (par exemple) ce qui nous fait tomber d' une pensée dans une autres sans qu'aucun événement dans l' étendue corporelle n'existe. Ainsi s' exprimeraient "parallèlement" dans l'étendue certaines idées et d'autres non. J' aurais l' idée vraie de Pierre même s'il n'est pas en ma présence et puis une idée éventuellement moins vraie de Pierre alors qu'il est en ma présence .
Le mystère reste entier.

A moins que pour la mémoire des mouvement du corps n'existent "parallèlement" mais :
"l' esprit humain ne connait pas le corps humain".
Disons que le corps humain est un peu mieux connu que du temps de Spinoza et que parallèlement si j' ose dire, les faits de mémoires sont corrélés à des faits neurophysiologiques.
Ce qui ne résout pas la question de la causalité.
Mais voir la question sous l 'aspect du dualisme et du parallélisme strict oblitère d' emblée toute évolution de la compréhension...
...................................................................................
Le texte de Sévérac est très clairement du parallélisme strict .
Il existe donc une relation entre modalités d’attributs différents : s’il ne peut y avoir de rapport de causalité entre les idées et les choses qui en sont les objets, il doit y avoir néanmoins un rapport d’identité entre l’enchaînement des idées et l’enchaînement de leurs objets. En effet, alors que le rapport de causalité est interdit par la distinction réelle des attributs divins, le rapport d’identité entre les logiques parcourant chaque attribut est rendu nécessaire par l’union des attributs en Dieu : l’ordre et la connexion des modalités sont nécessairement les mêmes en chaque attribut, puisque tous expriment l’unique nécessité de la productivité divine. »


La distinction réelle des attributs divins!!! Mais passons.

Qu' on ne sorte pas des idées pour expliquer des idées ... évidemment , car expliquer ça se fait par des idées . Encore qu' expliquer que j' ai fain en montrant mon estomac puisse se concevoir. Je ne sais s'il y a alors identité des logiques entre la grammaire française de" jai faim "et ma gestuelle?
Mon problème est que l 'explication invoquée par Spinoza ( et Sévérac dans une large mesure y est conforme ) n' explique rien.
Ce rapport d’identité entre les logiques parcourant chaque attribut est une idée très théorique et très confuse . Ou bien de l'idéalisme pur et simple .

Sauf si cette explication on la tient pour une explication et seulement cela .Dans ce cas une explication qui serait moins frustre que celle de la glande pinéale et moins dualiste que le parallélisme pourrait être envisagée.
........................................................................
Le chat se présente dans la pièce : je le perçois . Là est le premier problème.
Je sais que je le perçois là est le deuxième problème ..
Eventuellement un troisième problème est : je sais que je sais que je le perçois .

Avatar du membre
Vanleers
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1485
Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00

Messagepar Vanleers » 01 févr. 2013, 17:25

A Hokousai
A propos de la citation du texte sur le problème de la vérité, je dirai ceci.
Nous avons déjà discuté de la question à propos de E II 8.
La proposition vise, à mon sens, les choses singulières qui n’existent pas en acte dans la durée au moment où, dans la durée, nous énonçons la proposition. Cela sous-entend qu’il s’agit de choses singulières qui ont existé auparavant ou qui existeront plus tard dans la durée.
Ce que dit l’auteur de la citation va au-delà. Comment démontre-t-il sa thèse ? De plus je n’en vois pas vraiment l’utilité.

Bien à vous

Avatar du membre
Vanleers
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1485
Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00

Messagepar Vanleers » 01 févr. 2013, 20:20

A Hokousai
1) Vous écrivez :
« Une compréhension dualiste des attributs incite à nier toute causalité efficiente entre le corps et l'esprit d'où le parallélisme. »

Je ne parlerai pas d’une compréhension dualiste, comme si nous avions le choix entre cette compréhension et une compréhension moniste.
Il est clair, en effet, que, dans la philosophie de Spinoza, il y a une distinction réelle entre les attributs, compte tenu de la définition de l’attribut (« Ce que l’intellect perçoit … ») et de la définition de la distinction réelle (différente de la distinction modale et de la distinction de raison) et nous en avons déjà discuté.

2) Vous écrivez :
« seule l'intellection que nous en avons [des attributs] les fait différer en notre esprit. »

Je ne comprends pas le sens de votre remarque puisque, par définition (E I déf 4), un attribut est précisément « ce que l’intellect perçoit d’une substance comme constituant son essence ».
On peut toujours opiner comme on le voudra ; la question est de savoir si l’on reste où non dans le cadre du spinozisme.

3) Vous écrivez :
« Les spinozistes ont a peu près tous pensé en termes de parallélisme strict donc de dualisme ontologique. Difficile pour eux d'expliquer les idées non sensibles , celles qui n'ont aucun répondant actuel dans l'étendue actuelle […] »

Les propositions E II 17 et 18 ne répondent-elles pas à la question ?

4) Vous écrivez :
« Qu’on ne sorte pas des idées pour expliquer des idées ... évidemment , car expliquer ça se fait par des idées. »

Oui, mais ce qui est beaucoup plus intéressant, c’est de remarquer qu’on ne sort pas des corps pour expliquer des corps : c’est le sens de la définition de la cause que Spinoza donne en E III déf 1.

Bien à vous

Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 02 févr. 2013, 01:18

On peut toujours opiner comme on le voudra ; la question est de savoir si l’on reste où non dans le cadre du spinozisme.

Qu 'est-ce que vous entendez par rester dans le cadre du spinozisme ? Je comprends que votre souci essentiel soit de bien comprendre Spinoza, j'estime pour ma part qu'un minimum d'esprit critique est indispensable.
Après tout chacun des commentateurs se combattant les uns les autres serait assez avisé de présenter sa thèse sous le signe de l'opinion (voire de l'opinion évolutive).

De mon point de vue Spinoza estime que les attributs en réalité ne sont qu 'un . Notre intellect les distingue.
Suite à cette différence d' interprétation on ne peut trouver d'accord .
.......................................
Oui, mais ce qui est beaucoup plus intéressant, c’est de remarquer qu’on ne sort pas des corps pour expliquer des corps : c’est le sens de la définition de la cause que Spinoza donne en E III déf 1
Voulez- vous me faire saisir que ce que nous comprenons comme "cause" est une intellection ?
L'effet peut se percevoir par la cause! Bien des gens vous dirons que clairement et distinctement il perçoive le chat comme cause de l'idée du chat . Qu'ils ne perçoivent pas clairement et distinctement que l'idée du chat relève de l'idée de" chose en général" . Peut être de celle de la présence d’organes sensoriels en eux mais pas de que ce qui existe à l’extérieur d’une idée, ce n’est pas un corps, c’est une autre idée. Mais ces gens là ne sont pas philosophes .

Maxime Rovère a cette formulation assez osée dans le champ du spinozisme :
Rovere a écrit :" c'est seulement à concevoir notre existence sous la pensée que nous la concevons en terme d' idée. Cela signifie qu'en réalité nous ne pensons pas des idées. Nous ne faisons que que penser que nous pensons des idées mais nous n'épuisons pas par là la vie de l' esprit
( page 103)

Avatar du membre
Vanleers
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1485
Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00

Messagepar Vanleers » 02 févr. 2013, 15:20

A Hokousai
Je pense que nous devons comprendre que le spinozisme est d’abord un rationalisme avant d’être un réalisme.
D’où la primauté du conceptuel, que l’on constate, par exemple, en examinant les définitions de l’attribut, de la cause ou de l’essence : il s’agit à chaque fois de concevoir ou de comprendre. Remarquons aussi que pour Spinoza une vraie définition est une définition générique.
Tombons-nous alors dans l’idéalisme ? « Non, répond Sévérac, puisqu’en vertu de l’union substantielle des attributs, la réalité qui se donne selon la pensée se donne aussi selon d’autres attributs, notamment l’étendue. »
La démarche de Spinoza est très différente, en ses aspects théoriques, de la démarche des sciences, beaucoup plus proche du sens commun que ne l’est le spinozisme.
Spinoza écrit à un moment où Descartes s’est proposé de construire une science sur le modèle d’une épistémè, modèle radicalement différent de celui des sciences d’aujourd’hui qui, si l’on suit Popper, se présentent comme un savoir conjectural, susceptible d’être remis en question par des découvertes nouvelles : une doxa.
Spinoza construit son système philosophique sur le modèle de la science cartésienne, aujourd’hui abandonné, mais qui, à mon point de vue, garde sa validité car il s’agit d’un système pour l’essentiel métaphysique. Il est vrai qu’il se réfère parfois à l’expérience (je pense, notamment, à sa « Petite physique ») et nous pouvons, à ce sujet, nous demander légitiment si les découvertes des sciences, au cas où elles infirmeraient ces quelques références à l’expérience, rendraient caduques certaines des affirmations métaphysiques. A ma connaissance, il n’en est rien.
Le système de Spinoza est, pour l’essentiel, constitué de propositions non falsifiables et une première attitude critique est de nous demander, avec Popper, quels problèmes le système résout-il, les résout-il mieux que d’autres, est-il cohérent, fécond ?
Une deuxième attitude critique serait d’analyser l’ensemble de l’œuvre et, constatant que, du T.R.E. et du Court Traité à l’Éthique, la pensée de Spinoza a évolué sur certains points, nous demander si cette dernière peut être considérée comme un texte définitif. Mais cela me paraît bien hasardeux.
A mon point de vue, c’est une troisième attitude critique qui est la bonne. L’Éthique ayant été conçue par Spinoza comme une doctrine de salut (E II préface), je dirai une « éthique ontologique », il s’agit de constater si, oui ou non, sa lecture remplit ses promesses et nous rend, « sinon heureux, tout du moins plus heureux » (Pautrat).
Mais cela demande un certain temps car « Tout ce qui est remarquable est difficile autant que rare. »

Bien à vous

Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 02 févr. 2013, 18:36

à Vanleers

Je serais bien d'accord avec votre "troisième critique " si nous avions les moyens d'évaluer les causes de la béatitude.
Est -ce la lecture et la compréhension de l' Ethique qui est cause de joie ou bien une heureuse disposition de l'esprit et du corps qui nous la lui font attribuer un effet salutaire ?

Mais je pense que nous traitions d' une question plus précise ... à savoir de l'idée du chat. Je mantiens que la thèse du parallélisme strict bloque toute compréhension de l'union du corps et de l'esprit .

Vygotsky a écrit :Les interprètes idéalistes de Spinoza se contentent habituellement de constater un parallélisme… mais cette approche est insuffisante. S 'en tenir au parallélisme signifie ne pas comprendre totalement Spinoza. Sous l'apparent,ce de la théorie du parallélisme Spinoza développe une conception matérialiste du monde.
Si Spinoza s' était limité au parallélisme, il n'y aurait eu pour lui aucun obstacle principiel à ce que la connaissance de l' âme et de tous les états qui la caractérise se fasse uniquement au moyenne la pensée, en considérant,t le lien des états mentaux comme totalement indépendant de celui des états corporels .
Alors Spinoza aurait pu construire sa psychologie comme une phénoménologie des liens purs de la conscience, même sans recourir à l'analyse des processus corporels.
Il est peu probable que l'on puisse imaginer quelque chose de plus étranger à l'esprit du spinozisme"

Lev Vygotsky

Avatar du membre
Shub-Niggurath
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 197
Enregistré le : 31 août 2010, 00:00

Messagepar Shub-Niggurath » 02 févr. 2013, 20:41

La vraie vie, comme le dit Deleuze, est la vie de l'esprit. L'attribut étendu peut certes être compris comme faisant partie de Dieu, il n'en reste pas moins qu'il n'est constitué que de modifications transitoires et impermanentes, contrairement à la pensée, qui consiste à la fois en modifications éternelles (les intellects ou entendements) et en modifications impermanentes (les idées du corps et les idées de tous les autres attributs).

Le monde des corps pourrait donc tout à fait être compris comme le monde des morts, alors que le monde des intellects serait celui des seuls vivants.

Nous sommes, humains, à la fois composés de corps morts, ou du moins temporairement vivants, ce qui revient au même, et d'intellects éternels, vivants éternellement.

C'est cette double composition, à la fois de corps morts et d'idées éternelles, qui fait nôtre singularité, bien que Dieu soit la Vie, et que donc tous ses attributs possèdent l'existence, qui est la vie.

Nous ne sommes pas vraiment vivants, ni pas vraiment des morts, mais nous participons en même temps de ces deux dimensions de l'Être.

Existe-t-il un attribut de Dieu qui soit vraiment vivant au même titre que la pensée ? Les corps condamnés à mourir et à être anéantis sont-ils vraiment déjà morts ? La Vie de Dieu est-elle condamnée à n'offrir que des passages éternels entre la vie et la mort ? Entre des naissances infiniment renouvelées et des morts éternellement recommencées ?

Que savons-nous réellement de la Vie de Dieu dans l'éternité ? L'amour infini dont Dieu s'aime lui-même peut-il nous conduire à un état permanent de parfaite félicitée ? Les attributs sont-ils comme dans les religions des enfers ou des paradis transitoires par lesquels il nous faut passer continuellement pour parvenir enfin à un état de jouissance éternelle et infinie ?

Toutes ces questions demeurent sans réponse pour l'instant, Spinoza étant mort trop jeune pour avoir répondu à toutes les interrogations que nos pauvres esprits peuvent se poser.

Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 02 févr. 2013, 22:34

La vraie vie, comme le dit Deleuze, est la vie de l'esprit.


J'ignorais que Deleuze donna dans la prêtrise .(excusez l'ironie mais je trouve un peu contradictoire le deleuzisme et votre profonde "religiosité ")

Avatar du membre
Shub-Niggurath
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 197
Enregistré le : 31 août 2010, 00:00

Messagepar Shub-Niggurath » 03 févr. 2013, 09:25

hokousai a écrit :J'ignorais que Deleuze donna dans la prêtrise .(excusez l'ironie mais je trouve un peu contradictoire le deleuzisme et votre profonde "religiosité ")


"Il n'y a qu'un terme, la vie qui comprend la pensée, mais inversement aussi qui n'est compris que par la pensée. [...] seul le penseur a une vie puissante et sans culpabilité ni haine, seule la vie explique le penseur."

Deleuze, Spinoza philosophie pratique, vie de Spinoza.

Cela ne me semble pas tellement éloigné de ce que je disais.

Mais il est vrai que je me sens très éloigné de l'interprétation Deleuzienne de Spinoza, quand il dit que Spinoza est athée et matérialiste, rien ne me semble plus faux.

Avatar du membre
Vanleers
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1485
Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00

Messagepar Vanleers » 03 févr. 2013, 11:55

A Hokousai
Spinoza : ni idéaliste, ni matérialiste, ni « paralléliste » (à la Leibniz).
Si nécessaire, lisez ou relisez l’excellent « L’unité du corps et de l’esprit », de Chantal Jaquet, en particulier le paragraphe « Pour en finir avec le parallélisme ».

Bien à vous


Retourner vers « L'ontologie spinoziste »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 36 invités