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Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Shub-Niggurath
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Messagepar Shub-Niggurath » 11 févr. 2013, 09:02

Ce que dit Spinoza est pourtant simple, Il suffit de relire le texte. Dieu s'aime lui-même d'un amour intellectuel. Cet amour ne peut donc naître que de l'intellect. Or Dieu, en tant qu'il est infini, n'a pas d'intellect. Donc ?...

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hokousai
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Messagepar hokousai » 11 févr. 2013, 13:21

à Shub

Donc Dieu en tant qu'il est infini ne peut pas s' aimer.

On pourrait penser que l' amour soit sans objet ( pour Dieu à tout le moins)
Que Dieu aime ( éternellement et infiniment) ne me poserait pas de problèmes. C' est la réflexivité de la relation qui m' en pose.

Pour moi si Dieu s' aime ce n'est pas qu'il se pense s'aimer . C' est à dire qu'il n 'y a pas de réflexivité. Si vous aimez il nest pas nécéssaire de savoir que vous aimez ni même que c'est vous même qui aimez. Ça se comprend et vous n'êtes pas Dieu, ça peut donc se comprendre encore mieux pour Dieu lequel théoriquemnt n'est pas un individu, n 'a pas d Ego.( théoriquement Dieu n'est pas une personne chez Spinoza ).

Sauf que Spinoza Au lieu de dire "Dieu aime infiniment" Spinoza a dit "Dieu s' aime lui même".
Ce qui introduit un doute sur le comment il comprenait cet amour.

Je ne suis pas le premier à estimer que le texte de prop 35/5 n' est pas facile et qu'il y a là comme quelque chose qui cloche.

hokousai

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Vanleers
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Messagepar Vanleers » 11 févr. 2013, 15:20

A Hokousai
1) Vous écrivez :
« Il est évident que par ailleurs Spinoza et Malebranche diffèrent profondément. »

Ce qui est évident à mes yeux, c’est que les conceptions que Malebranche expose dans les citations que vous donnez, diffèrent profondément de celles de Spinoza.
En effet, Malebranche conçoit l’amour propre divin comme de nature substantielle.
Or, j’ai déjà indiqué que, selon Spinoza, l’entendement, la volonté et l’amour de Dieu relèvent de la nature naturée et non de la nature naturante.
C’est la grande différence entre le Dieu de Spinoza et le Dieu des chrétiens, la révolution « théologique » qu’accomplit Spinoza.

Je redonne une citation de Sévérac :
« Dieu n’est pas un être qui d’abord conçoit ce qui est possible, pour ensuite choisir ce qui est à créer ; Dieu n’agit pas pour faire passer à l’existence ce que la volonté, parmi les possibilités que l’entendement lui a représentées, a décidé de créer. »

A comparer, par exemple, à ce que dit Malebranche :
« Si Dieu agit, son acte sera inspiré par cet amour qu' il se porte à lui même. »

2) Vous donnez un extrait de la lettre 12 :
« Sous la durée nous ne pouvons concevoir que l'existence des modes, tandis que celle de la substance est conçue comme Éternité, c'est à dire comme une jouissance infinie de l’existence ou de l'être. »

A) A la lumière de ce qu’a écrit Spinoza juste avant, je comprends le terme « jouissance » au sens juridique et non pas au sens de réjouissance (c’est une hypothèse car je n’ai pas le texte latin) : la substance jouit, comme d’un bien, d’une existence éternelle.

B) Dans cette phrase, Spinoza n’interdit pas de concevoir des modes éternels.

C) En admettant qu’il faille comprendre « jouissance » au sens de « réjouissance », cela n’entraîne pas que cette jouissance soit l’amour intellectuel infini dont Dieu s’aime lui-même dont parle E V 35.

3) Voulez-vous dire que « l’amour infini dont Dieu s’aime lui-même » constitue le mode infini immédiat de l’attribut Pensée, c’est-à-dire l’entendement de Dieu ? Si oui, comment le justifiez-vous ?

4) Ariel Suhamy n’en reste pas au constat que vous citez et il conviendrait d’analyser la suite du chapitre (Une « espèce » singulière d’amour : la gloire)

Bien à vous

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Vanleers
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Messagepar Vanleers » 11 févr. 2013, 17:48

A Hokousai
Je reviens encore à E V 35 : « Dieu s’aime lui-même d’un amour intellectuel infini ».
L’amour intellectuel a été défini au corollaire de E V 32.
Il s’agit (1) d’une joie (2) qu’accompagne l’idée de Dieu (3) comme cause, (4) en tant que nous comprenons que Dieu est éternel.

Cette définition a été établie de façon explicite pour les hommes. Or, dans la proposition E V 35, Spinoza l’applique à Dieu. Examinons les quatre points répertoriés ci-dessus.

1) Une joie
Spinoza écrit que la nature de Dieu jouit d’une infinie perfection.
Il s’appuie sur la définition de Dieu (E I déf. 6) et sur E II déf. 6 : « Par réalité et perfection, j’entends la même chose ».
Le mot « jouit » traduisant le latin gaudet, je vois mal pourquoi le rapprochement de ces deux définitions permet à Spinoza d’écrire que « la nature de Dieu jouit d’une infinie perfection »

2) qu’accompagne l’idée de Dieu
Spinoza se réfère ici à E II 3 : « En Dieu il y a nécessairement une idée tant de son essence que de tout ce qui suit nécessairement de son essence ».
Cette idée de son essence étant nécessairement en Dieu, elle accompagne la joie du point 1.

3) comme cause
Spinoza se réfère à la définition de la cause de soi (E I déf. 1) et à E I 11 : « Dieu […] existe nécessairement »
Dieu existe nécessairement car il est cause de lui-même. Donc, viser « Dieu » ou « Dieu comme cause », c’est viser la même chose et le point 3 est établi.

4) en tant que nous comprenons que Dieu est éternel.
S’agissant de Dieu, ce point 4 n’a pas besoin d’être examiné.

Seul le point 1 ne me paraît pas évident.
Ajoutons que Spinoza a défini la joie comme passage et l’amour comme joie accompagnée de l’idée d’une cause extérieure, définitions qui ne s’appliquent pas à Dieu.

Toutefois, la proposition suivante, en démontrant que l’amour intellectuel de l’esprit envers Dieu est une partie de l’amour intellectuel de Dieu, éclaire E V 35.

Bien à vous

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Messagepar hokousai » 11 févr. 2013, 23:34

à Vanleers

Je n'ai pas sur le Web le texte complet de Suhamy
Il affronte des questions de traductions ( externe / interne ) et Suhamy dit qu'il faut dans le scolie prop 30/3 penser "cause intérieure"… comme Appuhn et d'autres
…bref
J' en reste à la traduction de Pautrat

La prop 30/3 traite de l' homme qui sera affecté de joie avec la conscience de lui même comme cause et , certes, il semble ne pas y avoir de cause extérieure .

Pourquoi Spinoza ramène-t-il l' amour dans cette affaire ( amour joie accompagée d' une cause extérieure).Il y a deux causes c est pourquoi la gloire est une espèce d amour.
La cause extérieure est ici ce qu' il imagine l' affecter de joie ( fin du scolie ) .
Spinoza distingue donc le couple Gloire / Honte(cause extérieure et intérieure)
du couple satisfaction /repentir( accompagné d'une cause intérieure)

De toute façon Spinoza met tout le monde d'accord dans le scolie de la prop 36/5 satisfaction de l'âme laquelle en vérité ne se distingue pas de la gloire

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Messagepar hokousai » 12 févr. 2013, 00:21

3) Voulez-vous dire que « l’amour infini dont Dieu s’aime lui-même » constitue le mode infini immédiat de l’attribut Pensée, c’est-à-dire l’entendement de Dieu ? Si oui, comment le justifiez-vous ?

Je vous accorde seulement et du bout des lèvres que l'amour intellectuel de Dieu accompagné de l'idée de sa cause puisse relever de la pensée... donc, à la limite, je verrais un mode infini immédiat de la pensée et pas un mode médiat.
Ce que je pense c'est que pour Spinoza la contemplation de Dieu qui est une auto contemplation de même que la conscience que Dieu à de lui même est antérieure à l'expression.
Bien évidemment si on en fait un mode de la pensée alors il n' y a plus de problèmes. La solution est théoriquement viable mais spirituellement insuffisante.
Voila et je le dis comme je le pense. Cette solution n'est pas à la hauteur.

Personnellement ( si je puis opiner) je ne vois pas Dieu ( la Nature ) se contempler lui même par nature naturante, mais encore moins se contempler lui même comme mode médiat de la pensée.
Je pense que l'imagination de Spinoza va au delà de son intellection. Qu'i y a donc une ouverture sur de l'indicible et que le système sans cet ouverture est clos/ fini et inopérant.

hokousai

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Messagepar Vanleers » 13 févr. 2013, 08:59

A Hokousai
Parvenus à cette proposition 36 de la cinquième partie de l’Éthique, nous comprenons que notre amour intellectuel de Dieu, c’est-à-dire la joie qu’accompagne l’idée de Dieu comme cause, en tant que nous comprenons que Dieu est éternel, que cet amour donc, est une partie de l’amour infini dont Dieu s’aime lui-même.
Autrement dit, nous éprouvons un sentiment d’union joyeuse au Dieu-Nature.
Vous parliez de « communion des saints ».
C’est tout à fait ça.
Que dire de plus ?

Bien à vous


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