questions

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
Règles du forum
Cette partie du forum traite d''ontologie c'est-à-dire des questions fondamentales sur la nature de l'être ou tout ce qui existe. Si votre question ou remarque porte sur un autre sujet merci de poster dans le bon forum. Merci aussi de traiter une question à la fois et d'éviter les digressions.
Avatar du membre
Vanleers
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1485
Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00

Messagepar Vanleers » 26 janv. 2013, 15:55

A Hokousai
Avant de répondre à votre dernier message, j’apporterai les précisions suivantes.
J’ai écrit, à propos de E II 8 que :
« La proposition vise, à mon sens, les choses singulières qui n’existent pas en acte dans la durée au moment où, dans la durée, nous énonçons la proposition. Cela sous-entend qu’il s’agit de choses singulières qui ont existé auparavant ou qui existeront plus tard dans la durée. »
S’agit-il d’une restriction de la proposition à une certaine catégorie de choses singulières ? D’autant plus que vous avez écrit :

« Les manières qui n'existent pas ce pourrait aussi être les fictions (idée des fictions... idée de cheval ailé ) et pourquoi pas?
Il faut bien les loger quelque part ces idées-là qui n'auront jamais de corporéité (formelle) »

En E II 8, Spinoza vise des « idées de choses singulières » et il faut entendre, à mon point de vue qu’il s’agit de « vraies idées ». Qu’est-ce qu’une « vraie idée » ?
Ferdinand Alquié, en commentant le TRE, écrit (Le rationalisme de Spinoza n. 5 p. 49) :
« A vrai dire, idées fausses et fictions ne sont pas, pour Spinoza, de véritables idées. La méthode consiste donc à distinguer d’une part les idées (qui représentent les choses réelles, car toute vraie idée est par là même une idée vraie) et d’autre part les états qui se donnent pour des idées sans être vraiment des idées : ces états; qui ne représentent rien d’existant hors d’eux, sont de simples modes de pensée : modi cogitandi. Tels sont les états affectifs, les êtres de raison, etc. »

Par ailleurs, Laurent Bove écrit,dans un texte que l’on trouve sur le site en :
http://www.spinozaetnous.org/article16.html

« Toute pensée véritable (comme vraie idée) est production de réalité et non représentation : le vrai n’est pas un discours sur l’être mais le réel lui-même dans son affirmation « absolue » et  « parfaite ». Seule l’idée adéquate est donc une vraie pensée c’est-à-dire le mouvement réel et absolu de production de la réalité idéelle : production simultanée et identique au mouvement réel de production du Réel dans l’infinité infinie des autres attributs constituant la substance. »

Il me semble que ces deux citations viennent en appui à mon hypothèse mais j’en viens maintenant à votre dernier message.

1) Vous vous posez la question de comprendre ce que signifie cet « en tant qu'il existe une idée infinie de Dieu », sachant que dans la démonstration de E I 28, Spinoza écrit :
« Or ce qui est fini et a une existence déterminée n’a pu être produit par la nature absolue d’un certain attribut de Dieu »
Je comprends les choses comme suit.
En E I 28, Spinoza considère la production des choses finies dans la durée. Mais, en E II 8, il vise la production de ces mêmes choses finies dans l’éternité. Je suivrai donc Pascal Sévérac lorsqu’il écrit (op. cit. p. 73) :
« Par conséquent, quelle que soit la manière dont on conçoive l’existence, qu’on la conçoive comme déterminée dans le temps (c’est-à-dire comme extérieurement déterminée par une autre chose temporelle) ou comme déterminée dans l’éternité (c’est-à-dire comme intérieurement produite par Dieu), l’expression « existence déterminée » peut qualifier aussi bien les choses temporelles qu’éternelles qui donc, dès lors qu’elles sont conçues comme finies, demeurent bel et bien des choses singulières »

Les idées des choses singulières éternelles sont des modes éternels finis compris dans l’intellect infini et éternel de Dieu (et cet intellect, bien entendu, ne comprend rien de latent)

2) Vous écrivez :
« Comprendre le "sinon en tant que le cercle existe" tel qu'il [Sévérac] le comprend signifie que tous les rectangles possibles existent virtuellement ou en puissance. »

Je reconnais qu’au début de la citation que vous reproduisez, on peut se demander s’il ne faut pas comprendre Sévérac comme vous le dites. Mais tout est clair ensuite : les modes éternels des rectangles existent dans l’éternité distinctement, non pas dans l’attribut comme l’écrit Sévérac, mais, à mon sens, dans ce que j’appellerai l’attribut directement modalisé, c’est-à-dire dans le mode infini immédiat de l’attribut considéré.

Bien à vous

Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 26 janv. 2013, 18:50

à Vanleers

Il me semble que ces deux citations viennent en appui à mon hypothèse
je passe sur mon hypothèse , je n'y croyais pas vraiment .Encore que le satut existentiel (objectif et formel )des idées confuses et des fictions demandrait à être cerné.( cest un autre problème)
................................
sur E8/2

Le texte de prop 8/2 n'est pas clair ni en latin ni en français .
si je prends la traduction de Misrahi on a :
" les idées des choses singulières , autrement dit des modes ,( je comprends les choses singulières sont de modes ), non existants,(je comprends que ces modes là n' existent pas )sont comprises dans l'idée infinie de Dieu de la même manière que les essences formelles des choses singulières sont contenue dans les attributs de Dieu."

Or par la prop 28/1 les essences formelles sont des modifications qui n'ont pas pu suivre de l'attribut modifié par une modification infinie et éternelle.

Donc "les idées des choses singulières qui n'existent pas" sont comprises de la même manière dans l' idée infinie de Dieu que dans l' attribut.
C'est à dire comme modification précise et déterminée..
Ce qui veut dire que les idées des rectangles ( du scolie) rectangles qui sont des modes qui n'existent pas , ces idées sont comprise dans l'idée infinie de Dieu comme n' importe quelle essence formelle l' est dans l' attribut( celle d'un corps par exemple ) .
Cela veut dire que l'existence dans la durée est obligée pour ces idées.

Ce qui permet à Spinoza de dire dans le corollaire de la prop E8 :"aussi longtemps que les chose n existent pas ... leurs idée n'existent pas"

Le "sinon entant qu'il existe une idée infinie de Diue" est la cause nécéssaire et non pas un contenant .
..........................................

Décidément Séverac ne me convient pas puisque je suis à nouveau en désaccord avec lui:

Séverac a écrit :« Par conséquent, quelle que soit la manière dont on conçoive l’existence, qu’on la conçoive comme déterminée dans le temps (c’est-à-dire comme extérieurement déterminée par une autre chose temporelle) ou comme déterminée dans l’éternité (c’est-à-dire comme intérieurement produite par Dieu), l’expression « existence déterminée » peut qualifier aussi bien les choses temporelles qu’éternelles qui donc, dès lors qu’elles sont conçues comme finies, demeurent bel et bien des choses singulières »


C'est une forme d' éternalisme que je refuse et qu' à mon avis Spinoza refuse aussi . Je ne m'accorde avec Severac que pour les manières qui existent nécessairement comme infinie (prop 23/1)

Avatar du membre
Vanleers
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1485
Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00

Messagepar Vanleers » 26 janv. 2013, 21:55

A Hokousai
Vous écrivez :
« Or par la prop 28/1 les essences formelles sont des modifications qui n'ont pas pu suivre de l'attribut modifié par une modification infinie et éternelle. »

Je ne pense pas que cette proposition vise les essences formelles. Je suis désolé mais je vais encore citer Sévérac qui me paraît, ici aussi, convaincant :
« D’abord, revenons au scolie de la proposition 28, dont nous proposons la lecture suivante : les « choses immédiatement produites » par Dieu y désignent tous les modes infinis (l’idée de Dieu, son amour infini [c’est ainsi que Sévérac désigne le mode infini médiat de l’attribut Pensée], le mouvement et le repos, la figure de tout l’univers…) ; les choses produites par lui en vertu de la médiation de ces premières renvoient aux choses singulières, c’est-à-dire, étant donné le contexte de la proposition 28 : les choses qui sont finies et ont une existence (c’est-à-dire une durée) déterminée, au sens de limitée. Comment comprendre cette médiation ? Par quoi opère-t-elle ? Par les modes éternels (non infinis), qui sont les parties constituantes des modes éternels et infinis. Les modes éternels et infinis sont comme la médiation entre Dieu et les choses singulières (temporelles et finies), en tant qu’ils sont eux-mêmes composés de modes éternels. » (op. cit. p. 76)

J’ajoute que ces modes éternels sont les essences formelles des choses singulières, essences qui ne sont donc pas produites par la série des causes décrite en E I 28 mais directement par Dieu, ce qui a des conséquences éthiques fortes, comme l’écrit Chantal Jaquet :
« L’objectif du scolie [de E I 28] est fondamentalement centré autour d’une distinction entre ce qui, dans les choses relève d’une causalité proche, suit de la nature absolue de Dieu et entre ce qui met en œuvre une causalité éloignée, impliquant la série infinie des causes finies. Cette distinction est capitale pour les modes finis, car ils sont les seuls à dépendre à la fois de l’ordre commun de la nature et de l’essence absolue de Dieu. Il importe pour leur salut qu’ils se rapprochent de Dieu et s’efforcent le plus possible d’être déterminés de l’intérieur et non de l’extérieur. » (Sub specie aeternitatis p. 196)
Comme :
« Dieu n’est pas seulement cause efficiente de l’existence des choses, mais aussi de leur essence » (E I 25)
il est nécessaire, à mon point de vue, de comprendre cette double dépendance des choses finies vis-à-vis de Dieu, en distinguant la production immédiate de l’essence éternelle de la chose par Dieu et la production, impliquant la série infinie des causes finies, de la chose elle-même qui existe dans la durée.

Bien à vous

Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 26 janv. 2013, 23:50

à Vanleers

Excusez -moi je ne vous comprends pas du tout ou bien je rêve ...car la prop 28 de la partie 1 traite des singuliers, choses finies qui ont une existence déterminée. Qu 'entendez vous alors par essence formelle? Mais après tout puisqu'il ne parle pas d 'essence formelle dans cette proposition ... bref sur le sujet .
.................................................................

Le texte de Sévérac si vous le comprenez expliquez- le moi, car moi je ne le comprends pas ( sinon avec les mêmes réserves sur ces mêmes points ie l 'éternité des choses singulières et les attributs ou les modes infinis immédiats ou médiats comme contenant . On a chez Sévérac une substantialisation des modes / les modes figurent comme parties éternelles ... me semble -t- il ) j' ai déjà du mal à comprendre Spinoza, maintenant après Deleuze, Sevérac!

Sévérac a écrit :« D’abord, revenons au scolie de la proposition 28, dont nous proposons la lecture suivante : les « choses immédiatement produites » par Dieu y désignent tous les modes infinis (l’idée de Dieu, son amour infini [c’est ainsi que Sévérac désigne le mode infini médiat de l’attribut Pensée], le mouvement et le repos, la figure de tout l’univers…) ; les choses produites par lui en vertu de la médiation de ces premières renvoient aux choses singulières, c’est-à-dire, étant donné le contexte de la proposition 28 : les choses qui sont finies et ont une existence (c’est-à-dire une durée) déterminée, au sens de limitée. Comment comprendre cette médiation ? Par quoi opère-t-elle ? Par les modes éternels (non infinis), qui sont les parties constituantes des modes éternels et infinis. Les modes éternels et infinis sont comme la médiation entre Dieu et les choses singulières (temporelles et finies), en tant qu’ils sont eux-mêmes composés de modes éternels. » (op. cit. p. 76)

Spinoza ne parle pas de médiation.Où parle- t-il de médiation? Bien au contraire dans la prop 22/1 il coupe les ponts . Et il les recoupe dans le scolie de prop 28/1. A partir des choses particulières ( corol prop25/1) on est dans la détermination par une autre qui est aussi finie .. et ainsi à l infini.(prop 28/1)

De plus
Je voudrais savoir ce que Sévérac désigne par "mode éternel non infini"? et l' ayant compris savoir où Spinoza laisse à penser que " les modes éternels (non infinis) sont les parties constituantes des modes éternels et infinis?

Avatar du membre
Vanleers
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1485
Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00

Messagepar Vanleers » 27 janv. 2013, 14:40

A Hokousai
Avant d’essayer de répondre à vos questions, je voudrais résumer ce que je pense avoir compris de la dépendance des choses singulières à l’égard de Dieu.
Les choses singulières sont doublement dépendantes à l’égard de Dieu.
(a) D’une part, Dieu produit (cause) leur essence formelle éternelle immédiatement.
(b) D’autre part, Dieu produit (cause) leur existence temporelle médiatement par une série infinie de causes finies.

1) Vous écrivez :
« la prop 28 de la partie 1 traite des singuliers, choses finies qui ont une existence déterminée. »

Oui, en ce sens que cette proposition traite du point (b) ci-dessus, c’est-à-dire de l’existence dans la durée des choses singulières. Mais la proposition, à mon sens, ne traite pas du point (a).

2) Vous écrivez :
« Spinoza ne parle pas de médiation. »

Dans le scolie d’E I 28, Spinoza parle des choses produites « moyennant ces premières ». Il me paraît tout à fait équivalent de dire « par la médiation de ces premières ».
Il est vrai, comme vous le dites, que Spinoza « coupe les ponts » entre les modes infinis et les choses finies : l’infini ne produit pas le fini. C’est pour cela que les choses finies sont produites dans la durée par une suite infinie de causes finies.
Comment comprendre alors le « moyennant ces premières », si l’on considère, avec Pascal Sévérac, que ces premières choses, produites directement par Dieu, sont les modes infinis ?
La solution de Sévérac est de considérer que les modes infinis immédiats éternels sont constitués de modes finis nécessairement éternels, eux aussi, et qu’il s’agit des essences éternelles des choses singulières.
L’idée qu’un mode infini immédiat est constitué de modes finis peut s’appuyer sur le scolie d’E V 40 dans lequel Spinoza expose que l’entendement infini de Dieu, c’est-à-dire le mode infini immédiat de l’attribut Pensée est constitué d’entendements finis. A noter que, dans ce scolie, Spinoza se réfère à E I 21 qui concerne tout ce qui suit de la nature absolue de Dieu.
Nous pouvons également nous appuyer sur E II 8 et son corollaire pour dire que les essences formelles des choses singulières, qu’elles existent ou non dans la durée, sont contenues dans les attributs de Dieu. S’agissant de réalités modales, je soutiens que nous devons préciser : dans les attributs modalisés, c’est-à-dire dans les modes infinis immédiats.

Bien à vous

Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 27 janv. 2013, 23:51

à vanleers

Oui, en ce sens que cette proposition traite du point (b) ci-dessus, c’est-à-dire de l’existence dans la durée des choses singulières. Mais la proposition, à mon sens, ne traite pas du point (a).

j' ai compris maintenant ce que vous vouliez dire par 28/1 ne traite pas des essences formelles.
C'est bien le concept d'essence formelle éternelle qui me pose problème . Essence formelle c'est la chose singulière déterminée. Et c'est en ce qu'elle est déterminée qu'elle est éternelle .
Or pour moi elle n'est déterminée que si elle existe (en acte ) elle n'est dpnc éternelle que si elle elle passe à l'existence. Son éternité est ordonnée sous son existence.
Pour le dire simplement une chose qui n 'existe pas ou n'a pas existé ou n'existera ne peut être déterminée donc ne peut être éternelle.

La finitude est obligée parce que c' est UN état du monde précis et déterminé et non pas tous les possibles ou une infinité qui passa à l' existence dans la durée. Existence qui n'est pas du tout illusoire ou fictionnelle .
Si peu illusoire qu'elle en est l' 'acte de Dieu. Dieu en acte .
Dieu n'est pas retranché en sa nature naturante transcendante pas plus d 'ailleurs qu' il n'en sort pour créer la naturée. Il ne crée pas la naturée puiqu'il est la nature naturée.
Que Dieu ne soit pas essentiellement en acte c'est à dire expression donc qu'il y ait de la transcendance chez Spinoza, certains semblent y accorder du crédit au vu de certaines formulations. Pas moi.

..................................
L’idée qu’un mode infini immédiat est constitué de modes finis peut s’appuyer sur le scolie d’E V 40 dans lequel Spinoza expose que l’entendement infini de Dieu, c’est-à-dire le mode infini immédiat de l’attribut Pensée est constitué d’entendements finis.


La référence à 40/5 est bonne.(cité par Shub) Tout est dans le constitue et je dois avouer que chez vous comme chez Sévérac ce "constituer" ne m'est pas très compréhensible.
Le mode infini immédiat constitué de modes finis!
On peut le comprendre d 'une manière qui est l'inversion du scolie de la prop 8/2 .
Que l'on pourrait rédiger ainsi :"et pourtant le cercle ne peut être dit exister sinon en tant qu'une infinité des rectangles existent (ou même seulement selon que certains rectangles précis sont passés à l'existence ... et l'idée du cercle ne peut exister sinon en tant qu' elle est comprise dans l'idée de ces rectangles ".

Et comme je ne le comprends pas ainsi , j' en conclus que la constitution ( de l'esprit éternel et infini) ne peut être par accumulation de finis . (tel que dit dans scolie 40/5 il s'agit bien de manières de pensées éternelles déterminées les unes par les autres ).

D 'autre part je relève (sans en avoir fait le tour complet des occurrences mais du moins dans la partie 1), que intellect fini et infini est en acte .

rectificatif "intellect en puissance" est dit deux fois puisque dans le scolie 2 de 33/1 aussi )
Modifié en dernier par hokousai le 28 janv. 2013, 22:06, modifié 2 fois.

Avatar du membre
Vanleers
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1485
Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00

Messagepar Vanleers » 28 janv. 2013, 15:31

A Hokousai
Je suis d’accord avec ce que vous dites dans votre dernier message, ce qui m’amène à préciser et même à rectifier ce que j’ai écrit antérieurement.

Le début de mon précédent message peut laisser croire qu’une chose singulière est réellement distincte de son essence et que l’existence de la chose singulière dans la durée est réellement distincte de son existence dans l’éternité.
Il n’en est rien.
Tout d’abord et dit brutalement : une chose singulière et l’essence de cette chose singulière, c’est la même chose. On nuancera en disant qu’entre cette chose et son essence, il n’y a pas de distinction réelle mais seulement une distinction de raison. Ceci ressort de la définition de l’essence selon Spinoza (E II déf. 2)
Ensuite, nous devons dire, en nous référant à E V 29 sc., que l’existence actuelle d’une chose, nous la concevons de deux façons : sous l’aspect de la durée ou sous l’aspect de l’éternité. Et, préciserai-je, il s’agit de la même existence conçue sous deux aspects différents.

Ceci m’amène à comprendre E I 28 d’une autre façon.
C’est une proposition de la partie I, or Spinoza ne définira la durée que dans la partie II (E II déf 5) et, à la réflexion, rien, ne me semble-t-il, n’indique que dans E I 28, Spinoza vise seulement les choses singulières existant en acte dans la durée.
Je dirai donc, contrairement à Pascal Sévérac et Chantal Jaquet, que E I 28 concerne les choses singulières, qu’on les conçoive sous l’aspect de la durée ou sous l’aspect de l’éternité. C’est-à-dire, et simultanément, les choses singulières existant en acte dans la durée et les essences formelles de ces choses singulières existant en acte dans l’éternité.

Les choses singulières se déterminent entre elles, qu’on les conçoive sous l’aspect de la durée ou sous l’aspect de l’éternité. Vous avez raison de rappeler qu’en E V 40 sc., Spinoza écrit que les entendements finis sont déterminés entre eux (Pautrat traduit par « bornés » qui me paraît moins clair).
Comment comprendre que ces entendements finis « constituent » l’entendement infini de Dieu ?
J’effectuerai un rapprochement avec ce que dit Spinoza de la constitution de l’univers dans la lettre 32. Je cite d’abord un passage de l’un de mes messages adressés à Explorer :
Dans la lettre 32 à Oldenburg, Spinoza donne des précisions importantes sur la façon dont, selon lui, les corps existent et opèrent. Il le fait en s’appuyant sur l’hypothèse d’un ver, petit et intelligent (démon de Maxwell avant l’heure), qui circule dans le sang en distinguant les particules de lymphe et de chyle qui, à l’époque, étaient censées être les composants du sang. Spinoza écrit :
« Tous les corps en effet sont encerclés par d’autres, et les uns par les autres sont déterminés à exister et opérer selon un rapport précis et déterminé, toujours conservant tous ensemble en toutes choses, c’est-à-dire dans tout l’univers, le même rapport de mouvement et de repos. Il s’ensuit que tout corps existant, en tant qu’il est modifié d’une certaine manière, doit être considéré comme une partie de l’univers tout entier, doit convenir avec son tout et doit s’ajuster aux autres parties. Et puisque la nature de l’univers n’est pas, comme la nature du sang, limitée, mais est absolument infinie, il en résulte que par la nature de cette puissance infinie ses parties sont réglées d’une infinité de manières, et contraintes de pâtir d’une infinité de variations ».
Pascal Sévérac commente cette lettre et écrit (op. cit. p.26) :
« Le tout impose une loi de liaison aux parties, et partant établit entre leurs mouvements un rapport précis (certa ratio) par lequel elles s’ajustent les unes aux autres pour le constituer. On décèle ici comme une circularité du tout aux parties qui, s’accommodant en lui obéissant, le réalisent : les parties sont contraintes par la loi du tout (coguntur), et elles sont amenées ainsi à consentir (consentiant) les unes aux autres, c’est-à-dire à collaborer et conspirer ensemble à la constitution du tout qui les organise ».

Je pense que nous pouvons transposer ce que dit Spinoza à propos de l’univers à l’entendement infini de Dieu. C’est le tout, c’est-à-dire le mode infini immédiat de la Pensée qui règle les rapports des parties, c’est-à-dire des entendements finis.
Dieu, ici conçu sous l’attribut Pensée, est cause immanente de ce qu’il produit car Dieu est cause de soi et donc s’autoproduit à travers ce qu’il produit.
Et, bien entendu et comme vous le dites, l’entendement infini de Dieu est en acte car cet entendement infini est une autoproduction de Dieu.

Bien à vous

Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 29 janv. 2013, 00:03

à Vanleers


Vous avez raison de rappeler qu’en E V 40 sc., Spinoza écrit que les entendements finis sont déterminés entre eux (Pautrat traduit par « bornés » qui me paraît moins clair).


Spinoza n'y parle pas d' entendement fini mais de l'esprit en tant qu'il comprend. En tant qu'il comprend il est une manière de penser éternelle.
Ce n'est pas "manière de penser" qui pose vraiment problème mais "éternelle".

Négativement éternelle est ce qui s oppose à la durée ou ce qui n'en a pas . Ce qui n 'a ni avant ni après .

Positivement c'est quoi ?
La question est plus difficile qu'il n 'y parait car elle est contre intuitive . L'intuition recourt à une définition négative .
L éternité ( du "sous une espèce d'éternité ") ne semble pas renvoyer à la négation de la durée parce que quel que soit le regard que l' on porte sur les choses ce regard ne peut évacuer (annihiler) une réalité, celle de la durée. On reste donc en demeure de penser des étants précis dont la durée est indéfinie.

L éternité renvoie à la nécessité.
Car Il est de la nature de la raison de percevoir les choses vraiment à savoir ( (par ax 6 /1) comme elles sont en soi, c'est à dire(par prop 29/1) non comme contingente mais comme nécéssaires.(dem prop 44/2)

Comprise sous une espèce d' éternité les choses sont toujours vues comme des modes dans un enchainement précis . Mais suivant de la nécessité éternelle. Les choses vues comme des étants réels en tant qu'elles enveloppent par l'essence de Dieu l' existence. En ce sens l'enchainement précis vu comme enveloppant l' existence par l'essence de Dieu peut être considéré comme éternel.

De mon point de vue
Les manières de pensée du scolie de la prop 40/5 sont des étants réels , éternels en tant qu'il enveloppent l 'existence.
Non par une référence à la durée mais par une référence à la nécessité éternelle.

L'idée est éternelle si elle affirme absolument sa nécessité d' exister, pas sa présence (dans la durée ) mais sa nécessité d' exister. D' où l'accompagnement de Dieu comme cause. Parce que là l' esprit est en accord avec l 'essence de Dieu comme affirmation absolue de l'existence (ou positivité absolue )

Dans ma compréhension ( sans doute criticable) il n'est plus question de virtuel ou de latent ou de contenant, mais d'acte .
...........................................................
Je suis plus que réservé sur l' interprétations de Sévérac de la lettre 32

Comment passe -t -il de Spinoza qui dit : "ses parties sont réglées d’une infinité de manières, et contraintes de pâtir d’une infinité de variations ».
à: Le tout impose une loi de liaison aux parties,... les parties sont contraintes par la loi du tout (coguntur)

L' idée de Spinoza et qui suit directement votre texte est : MAIS je conçois l'unité de la substance comme établissant un liaison encore plus étroite de chacune des parties avec son tout .
Il y a d'abord le "MAIS" .
Et puis il n'y a pas de loi . Il y a une liaison ce qui est très différent.
La substance établit de par sa nature infinie une liaison, elle ni ne décrète ni ne suit de loi .
Ce n'est pas un détail . L' idée de LOI induit une distinction quasi politique entre l' état de fait ( l'état naturel ) et l' état légal . Introduire là le concept de loic'est de l'anthropomorphisme.

au plaisir de vous lire

Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 29 janv. 2013, 13:31

cher Vanleers

Je dirai donc, contrairement à Pascal Sévérac et Chantal Jaquet, que E I 28 concerne les choses singulières, qu’on les conçoive sous l’aspect de la durée ou sous l’aspect de l’éternité.


Je ne suis pas persuadé que la constitution soit la même

Quand vous dîtes
" C’est le tout, c’est-à-dire le mode infini immédiat de la Pensée qui règle les rapports des parties, c’est-à-dire des entendements finis. "
Le tout là c'est le mode infini médiat ( facies totius universi) C' est bien ce qui me gêne.
Cette figure totale de lunivers renvoie à la durée, à des états du monde précis et déterminés donc à une certaine finitude. Un état succède à un autre état .
La considération de ce tout , ensemble, hors de la durée annihile le jeu des causes et des effets, l' enchaînement et la détermination. Il n'y a plus de finitude.
Si nous considérons encore la finitude
Qu' est ce qui lui reste et qui relève de l'éternité ?

Avatar du membre
Vanleers
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1485
Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00

Messagepar Vanleers » 29 janv. 2013, 15:59

A Hokousai
Vous écrivez :
« Spinoza n'y parle pas d'entendement fini mais de l'esprit en tant qu'il comprend »

A mon point de vue, le corollaire qui précède le scolie d’E V 40 apporte la précision nécessaire : « la part éternelle de l’Esprit est l’intellect ».
L’esprit en tant qu’il comprend, c’est l’esprit en tant qu’il a des idées adéquates et se pose le problème de l’articulation entre E V 40 sc. et E II 11 cor.
En effet, le corollaire d’E II 11 commence par :
« Il suit de là que l’Esprit humain est une partie de l’entendement infini de Dieu »
L’entendement infini de Dieu étant éternel, l’Esprit humain, qui en est une partie, n’est-il pas éternel ?
Mais, dans le corollaire d’E V 40, Spinoza, après avoir dit que la part éternelle de l’Esprit est l’intellect, rappelle que « celle dont nous avons montré qu’elle périt est l’imagination même »
Comment comprendre cela ? Pascal Sévérac, qui commente ce corollaire, écrit (op. cit. p. 98) :

« Or être une « partie » de l’entendement divin a deux sens.
- Cela veut dire d’abord entrer dans un rapport « interne » avec Dieu, puisque être une partie de l’entendement divin, c’est être une idée de Dieu : non pas l’idée infinie de Dieu (son entendement), mais une idée qu’a Dieu (parmi d’autres), une certaine idée par laquelle il perçoit quelque chose. Dieu, en un sens, perçoit à travers mon esprit.
- Mais cela veut dire aussi entrer dans un rapport « externe » avec d’autres idées, puisqu’une partie est nécessairement en relation avec les autres parties du tout auquel elle appartient : ces autres parties sont elles-mêmes des idées, celles par exemple que Dieu a lorsque, percevant quelque chose, il constitue l’essence de mon esprit alors que celui-ci perçoit cette chose inadéquatement.
Voici donc, lorsque je perçois le chat sur mes genoux, par quelles idées, extérieures à lui, mon esprit est déterminé : par les idées qui, dans l’entendement divin, complètent la perception tronquée, partielle, inadéquate que j’ai du chat - si on veut bien admettre que je ne perçois pas en totalité la nature de ce chat, mais seulement en partie, sous le rapport de l’effet que ce félin produit en mon corps. »

Il écrit également (p. 100)

« Une idée est adéquate en mon esprit lorsqu’il est nécessaire, mais aussi suffisant, de prendre en compte la seule modalité de la pensée divine qu’est mon esprit pour comprendre cette idée.
Que l’esprit pense de façon adéquate ou inadéquate, il pense donc toujours selon une certaine nécessité, qui est celle de la pensée même. Cette nécessité s’explique par le seul esprit lorsque celui-ci pense adéquatement, c’est-à-dire rationnellement. Lorsqu’il pense inadéquatement, cette nécessité ne se comprend plus par lui seul, par ses propres lois, mais également par d’autres modalités de la pensée, et donc par d’autres lois. La nécessité à laquelle obéit un esprit qui imagine n’est pas seulement la nécessité de cet esprit, mais aussi celle d’idées qu’il n’a pas : c’est la nécessité de Dieu en tant qu’il a, en même temps que cet esprit, d’autres idées. La nécessité de la raison est en revanche celle de la pensée divine en tant qu’elle constitue l’essence du seul esprit : l’esprit est donc rationnel lorsqu’il pense à travers des lois qu’il comprend, au double sens de lois qui sont les siennes et qu’il saisit clairement et distinctement. L’esprit pense adéquatement lorsqu’il pense selon une nécessité interne, qu’il suit en toute connaissance de cause. »

L’entendement, c’est l’esprit en tant qu’il comprend, c’est-à-dire qui a des idées adéquates. L’entendement est une partie de l’intellect divin qui n’est pas déterminée par des idées extérieures mais par une nécessité qui s’explique par ce seul entendement.

Ces considérations pourraient rendre plus claire la question de l’articulation entre E V 40 sc. et E II 11 cor.
Je continue à réfléchir au reste de votre message.

Bien à vous


Retourner vers « L'ontologie spinoziste »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 75 invités