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Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 06 févr. 2013, 00:10

à Vanleers


Pour moi la prop 41/5 exprime ceci " quant même nous ne suivrions pas la raison alors …."

Le "mystique" est un rapport à Dieu qui n'est pas de l'ordre de la raison . C'est un rapport d' amour.
Pour reprendre ce que dit Spinoza de l 'amour comme la satisfaction qui est dans l' amant à cause de la chose aimée et qui renforce la joie de l' amant ou du moins l' alimente , tout est dans l 'amant et même les qualités de la chose aimée laquelle après tout doit être aimable aux yeux de l' amant.

Spinoza aime Dieu et l'a en sa présence, c' est incontestable. Mais s 'il allègue comme cause de son amour que Dieu l'aime c' est là un problème. Car en raison Dieu n' éprouve ni haine ni amour . Je ne dirais pas que la relation d' amour réciproque est fantasmée, je dirais qu'elle est mystique. Elle est établie au delà et contre bien des affirmations selon lesquelles Dieu ne peut éprouver de l'amour au sens propre.
Si elle n'est pas mystique la fin de l' Ethique est à tout le moins religieuse.

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Shub-Niggurath
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Messagepar Shub-Niggurath » 06 févr. 2013, 09:34

Il n'y a rien de mystique là dedans, ni de contradictoire avec le fait que Dieu, en tant qu'il est infini, n'aime personne ni ne hait personne. Ce que veut dire Spinoza, c'est que lorsque une partie de Dieu s'aime elle-même, ou bien aime une autre partie de Dieu, alors Dieu s'aime lui-même.

Il suffit de distinguer, comme le fait Spinoza, "Dieu en tant qu'il est infini" et "Dieu en tant qu'il s'explique par l'essence de l'esprit humain, considéré sous l'aspect de l'éternité".

Car puisque tout est en Dieu, toutes les essences sont des parties de l'essence de Dieu. Et lorsque nous aimons d'un amour intellectuel, non-passionnel, une autre partie de Dieu, alors on peut dire que Dieu s'aime lui-même, sans pour cela tomber dans le mysticisme vague et confus.

A vrai dire l'immanence des modes et de Dieu est la seule façon de justifier l'amour nécessaire que les humains doivent avoir les uns pour les autres, sans tomber dans un "commandement" comme dans le christianisme. C'est simplement parce que nous sommes tous de même nature, nous faisons tous partie du même être infini, que nous devons nous aimer les uns les autres, et non parce qu'un législateur transcendant l'aurait ordonné d'en haut.

Tout cela est parfaitement rationnel du début à la fin. Le chemin vers la joie que montre Spinoza, et donc vers l'amour, n'a jamais besoin du secours d'autre chose que de l'intellect pur, qui affirme l'union immanente des modes et de Dieu, des vivants et de la Nature.

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Messagepar Vanleers » 06 févr. 2013, 12:21

A Hokousai
J’essaierai d’analyser l’exemple d’un précédent message : « une abeille pique Pierre au bras ». Que se passe-t-il dans l’esprit de Pierre ? Je dirai : deux choses.

1) La piqûre au bras est une affection du corps de Pierre et son corrélat, dans l’esprit de Pierre, un certain mode de pensée.
Disons, avec Deleuze (cours du 24/01/1978), que ce mode de pensée ne représente rien. Si l’on veut suivre Spinoza (E III déf. 3) qui parle d’idée de l’affection corporelle, il faudra préciser qu’il s’agit d’un type particulier d’idée : une « idée-affect » non représentative.
Il s’agit simplement du sentiment de douleur qu’éprouve Pierre, piqué par l’abeille.

2) En vertu de l’axiome 3 de la Partie II, cette idée-affect s’accompagne nécessairement, dans l’esprit de Pierre, d’une idée représentative de la situation qu’il est en train de vivre, une connaissance de l’événement : rencontre de son corps avec le corps de l’abeille.

Comment expliquer ce qui se passe dans l’esprit de Pierre ?

Considérons d’abord l’idée représentative de la situation puisque nous en avons déjà parlé dans les précédents messages. Cette idée s’explique, non pas par la rencontre de deux corps mais par d’autres idées et il faut faire appel au corollaire de E II 11 et à son « Deus quatenus » pour le comprendre, ce que nous avons déjà vu.

Pour ce qui est de l’idée-affect, je suivrai ici Chantal Jaquet qui cherche à différencier les affects en fonction de leur rapport au corps et à l’esprit et qui distingue les affects corporels, mentaux et psychophysiques.
Il est clair pour elle que mélancolie, allégresse, chatouillement et douleur (cf. E III 11 sc.) font partie des affects corporels au sujet desquels elle écrit (L’unité du corps et de l’esprit p. 125) :
« Quoique l’esprit en ait nécessairement l’idée, ces quatre affects sont indéniablement des affects du corps, car ils concernent des modifications qui touchent à la structure de mouvement et de repos qui le définit, et expriment un rapport d’équilibre ou de déséquilibre entre ses parties, selon qu’elles sont affectées à égalité ou non. Ils se constituent donc au niveau de l’étendue, trouvent leur principe dans cet attribut et traduisent les variations de la puissance d’agir du corps. »

A la différence de l’idée représentative qui l’accompagne, le sentiment de douleur s’explique par la rencontre de deux corps, ceux de Pierre et de l’abeille. En référence à la définition de la cause (E III déf. 1), je dirai que cette rencontre est la cause du sentiment de douleur de Pierre.

Bien à vous

Vous écrivez :
« Pour moi la prop 41/5 exprime ceci " quant même nous ne suivrions pas la raison alors …."

Bien entendu, Spinoza dit exactement le contraire.

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Messagepar hokousai » 06 févr. 2013, 15:21

à Shub

Ce que veut dire Spinoza, c'est que lorsque une partie de Dieu s'aime elle-même, ou bien aime une autre partie de Dieu, alors Dieu s'aime lui-même.


Alors là !! Excusez moi ( à nouveau) mais c'est une interprétation des plus singulières qui soit .
C'est ( peut -être ) ce qu'il veut dire mais ce n'est pas ce qu' il dit.
Et je doute que c'est ce qu'il veuille dire.
La prop 35/5 ne va pas du tout dans le sens que vous dîtes. Pour Spinoza l' amour intellectuel infini est ontologiquement antérieure à l' amour intellectuel de l'esprit envers Dieu .
Sans cet amour intelectule infini il n'y a pas d' explication rationnelle de l 'amour intellectuel de l'esprit envers Dieu .
Et je conteste que soit rationnellement démontrée l'idée d amour intellectuel infini de Dieu c'est à dire le contentement d'une infinie perfection. Cette idée qui attribut un propre à Dieu, l' amour de lui même, est mystique.

Moi qui ne suis pas mystique, j 'ai beaucoup de difficulté avec cette idée de l'amour infini de Dieu pour lui même.
Mais vous, très religieux sur le fond , la défendez contre vous même. C'est vous qui avez le plus de défiance à l'égard de la mystique.

Et pourquoi le mystique "tomberait- il dans le vague et le confus" ?
Il ne m'apparait pas que Blaise Pascal ait chuté , cela à tout le moins ne lui apparaissait pas.
Modifié en dernier par hokousai le 06 févr. 2013, 18:02, modifié 1 fois.

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Messagepar Vanleers » 06 févr. 2013, 15:34

A Shub-Niggurath (et Hokousai)
Je partage votre analyse.
Nous devons comprendre pourquoi Spinoza écrit en E V 17 cor. : « Dieu, à proprement parler, n’aime personne et ne hait personne. » et, en E V 36 cor., : « De là suit que Dieu, en tant qu’il s’aime lui-même, aime les hommes ».
A mon point de vue, votre explication du corollaire de E V 36 est claire et convaincante.

Je ferai toutefois une remarque.
Par deux fois, vous utilisez la notion de devoir :
« l'amour nécessaire que les humains doivent avoir les uns pour les autres »
« nous devons nous aimer les uns les autres »

Dans le T.R.E., Spinoza écrit que le vrai bien, c’est « la connaissance de l’union qu’a l’esprit avec la Nature tout entière »
Il ne s’agit pas de s’unir à la Nature tout entière, car cette union existe déjà, mais de la connaître (ou la reconnaître).
De même, il ne s’agit pas, me semble-t-il, de s’efforcer d’aimer les autres mais de reconnaître, ici aussi, que cet amour est déjà là.

Bien à vous

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Messagepar hokousai » 06 févr. 2013, 19:02

à Vanleers

Pour moi Shub inverse le raisonnement quand il dit
Ce que veut dire Spinoza, c'est que lorsque une partie de Dieu s'aime elle-même, ou bien aime une autre partie de Dieu, alors Dieu s'aime lui-même.

Spinoza attribue un propre à Dieu comme le fait Thomas d 'Aquin: il faudrait comparer avec ce qu'en dit Thomas . Les raisons invoquées sont différentes .
voir "somme contre les gentils "
http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Stthomas/Gentils/gentils.htm#_Toc79336673
................................

sur le chat je suis globalement d'accord avec Chantal Jaquet
.................................


Vous écrivez :
« Pour moi la prop 41/5 exprime ceci " quant même nous ne suivrions pas la raison alors …."

Bien entendu, Spinoza dit exactement le contraire.


Spinoza dit que quand même nous ne saurions pas que l' esprit est éternel (ce qui relève de la raison, me semble -t- il )
Je ne nie pas que piété et religion soient comprises par Spinoza comme rapportées à la raison.( scolie prop 37/4) de même que générosité et fermeté.
J' ai commenté peut -être hasardeusement mais après tout je l'ai fait de manière interrogative ) en pensant à cet étrange allusion à l'Esprit du christ (scolie prop 68/4)

Maintenant l' amour chez Spinoza !
"les âmes cependant ne se vainquent pas par les armes mais par l 'amour et par la générosité » L' amour et la raison ... disons que Spinoza tente de les faire coîncider. Chacun est libre de le juger convaincant, ou moins, ou pas du tout.

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Messagepar Shub-Niggurath » 06 févr. 2013, 20:15

hokousai a écrit :Spinoza attribue un propre à Dieu comme le fait Thomas d 'Aquin


Je pense que vous vous méprenez sur ce point, car il est clair, d'après ce que dit Spinoza dans la proposition 17 partie 5, et son corollaire, que Dieu, en tant qu'il est infini, ne peut éprouver ni amour ni haine. Par suite la seule solution à ce problème est bien celle que j'ai mentionné plus haut, à savoir que cet amour infini est composé de l'infinité des amours intellectuels que les modes éprouvent pour eux-mêmes et pour les autres.

C'est le même problème que celui de l'intellect de Dieu, dont j'ai longuement débattu avec Sescho ailleurs. A savoir que Dieu, en tant qu'il est infini, n'a ni intellect ni volonté, mais que l'ensemble infini de tous les intellects singuliers constitue l'intellect éternel et infini de Dieu.

Sinon nous retombons dans la confusion entre Dieu et les modes, à savoir que nous attribuons à Dieu un intellect, une volonté, des amours et des haines, en somme nous confondons Dieu avec un mode, nous anthropomorphisons Dieu.

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Messagepar Vanleers » 06 févr. 2013, 20:27

A Hokousai
Je vous signale le remarquable commentaire de Pierre Macherey des propositions 35 et 36 de la partie V (Introduction à … V). Il explique, notamment, l’articulation entre les deux propositions.

2) J’ai cru qu’il y avait une erreur de ponctuation dans un texte d’Ariel Suhamy que j’ai cité récemment. A la relecture, il n’en est rien et je rétablis le texte :

Cela ne veut donc pas dire qu’il n’existe [le corps] que comme objet d’un sentiment, mais pour autant qu’il est senti : il est l’objet de l’idée qu’est l’esprit, et le scolie qui suit dit qu’il doit faire l’objet d’une connaissance, qui ne se réduit donc pas au sentiment qu’on en a immédiatement.

au lieu de :

Cela ne veut donc pas dire qu’il n’existe [le corps] que comme objet d’un sentiment, mais, pour autant qu’il est senti, il est l’objet de l’idée qu’est l’esprit, et le scolie qui suit dit qu’il doit faire l’objet d’une connaissance, qui ne se réduit donc pas au sentiment qu’on en a immédiatement.

Bien à vous

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Messagepar Vanleers » 06 févr. 2013, 21:17

A Shub-Niggurath
Vous rejoignez Pascal Sévérac qui soutient que le « mode médiat, éternel et infini, de l’attribut de la pensée », c’est « l’amour que Dieu se porte à lui-même » (Spinoza Union et Désunion p. 67). Il poursuit :
« La dernière partie de l’Éthique nous apprend en effet que Dieu, parce qu’il jouit de son infinie perfection, et que cette jouissance est accompagnée de l’idée de soi, s’aime lui-même d’un amour intellectuel infini (E V 35 et dém.) : cet amour est intellectuel, car il naît de l’idée qu’a Dieu de lui-même, c’est-à-dire de son entendement ; il est éternel et infini, car cet entendement l’est aussi. »

Il parle aussi (p. 76) des :
« modes éternels qui sont des parties constitutives de ces modes infinis : par exemple notre esprit en tant qu’il participe de l’idée infinie de Dieu (c’est-à-dire notre entendement, partie de l’entendement divin) ; ou notre amour intellectuel, en tant que partie de l’amour divin »

Tout cela a des conséquences éthiques fortes et il écrit (p. 67) :
« Quoiqu’il en soit, en faisant de la volonté et de l’entendement divins un mode, le même mode, et non des attributs de la substance, et en faisant de l’amour intellectuel infini un autre mode qui en dérive, Spinoza, à travers ce qui peut apparaître pourtant, au premier abord, comme de simples ratiocinations métaphysiques, ouvre une double perspective de salut.

- La perspective de l’immanence, puisque le salut ne saurait s’accomplir que dans l’horizon d’une nécessité absolue, sans transcendance ni finalité, sans aucune béance entre une puissance créatrice et une puissance créée (on en finit avec le schéma créationniste d’une volonté divine faisant exister des possibles d’abord conçus).

- Et la perspective de la joie (entendue comme jouissance de sa propre perfection), puisque le salut, qui est union à Dieu, se comprendrait comme la participation à un amour intellectuel qui est une modalité nécessaire de son action infinie (le mode éternel et infini médiat de la pensée)."

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Messagepar hokousai » 07 févr. 2013, 10:47

cher Shub

vous écrivez
Je pense que vous vous méprenez sur ce point, car il est clair, d'après ce que dit Spinoza dans la proposition 17 partie 5, et son corollaire, que Dieu, en tant qu'il est infini, ne peut éprouver ni amour ni haine. Par suite la seule solution à ce problème est bien celle que j'ai mentionné plus haut, à savoir que cet amour infini est composé de l'infinité des amours intellectuels que les modes éprouvent pour eux-mêmes et pour les autres.


Je vous dis que vous inversez l'ordre des causes .
Si on vous suit lorsque qu'une partie de Dieu se hait elle-même, ou bien hait une autre partie de Dieu, alors Dieu se hait lui-même. Ce que vous ne diriez pas et ce parce que Dieu ne se hait pas lui même, il s aime.
Et mon problème est dans l amour de Dieu pour lui même et pas dans l' amour de l'esprit envers Dieu .
L' amour de dieu pour lui même ne me semble pas être causé par l'amour de l' homme envers lui .
Je dis que l'attribution d'un propre à Dieu en l'occurrence l' amour de Dieu pour lui même ) est de l'ordre de la religion ou de la théologie .

Je veux bien qu'il ne soit pas mystique d'attribuer à la natrure la même jouissance que j 'éprouve à la contempler ( et même intellectuellement ) mais c'est à tout le moins une posture religieuse.

Vous me disiez que pour vous Spinoza n est pas athée, je suis bien d'accord.
Mais il ne suffit pas de dire comme les rationalises que le Dieu de Spinoza est tout différent du Dieu de la religion, car la conscience qu'il a de son contentement le fait fort ressembler au Dieu de la religion.


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